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La Revue Trakt, ”brute et singulière”, le n°11
Une revue qui tend à se consacrer au champ de l'autodidacte singulier (plus que véritablement brut, à moins qu'on ne considère ce dernier qualificatif comme synonyme de "brute"...), intitulée Trakt, est apparue ces derniers temps, apparemment originaire de Tours et des bords de Loire (Saint-Cyr-sur-Loire). Ils en sont déjà à leur n°11. Un collectif d'artistes se cache derrière, la réalisation et la rédaction en chef étant quant à elles plutôt le fait de Sébastien Russo.
La couverture de la Revue Trakt n°11 (avec des coquetteries typographiques pas toujours évidentes, notamment sur le nombre 11...; à signaler également l'absence d'ours ou de colophon).
Lorsque je l'ai découverte (à la librairie de la Halle Saint-Pierre où Pascal Hecker me l'avait chaudement recommandée), je m'étais dit que se revendiquer du brut et du singulier, c'était enfin une chose qui aurait dû se faire depuis longtemps : depuis 1989 exactement, où j'avais tenté de rassembler quelques individus autour de la question (las! Chacun n'avait eu de cesse de se tirer dans les pattes, le projet de départ qui aurait dû embrasser tous les champs de la création artistique non professionnelle, spontanée, naïve, brute, singulière, populaire, n'accoucha en définitive que de la seule revue Création Franche qui se recentrait sur les collections et les acquisitions du musée du même nom à Bègles : cette dernière publication existe toujours, comme chacun le sait sur ce blog, où j'en parle régulièrement – un n°52 venant même de sortir en juillet).
Sommaire du n°11 de la Revue Trakt n°11.
Or, la revue Trakt ne paraît traiter que fort peu de l'art brut au sens strict du terme. C'est avant tout l'art singulier, dans toutes ses acceptions contemporaines – avec sa forte propension à se laisser contaminer par l'influence des divers néo-expressionnismes contemporains, ou du soi-disant "surréalisme pop" en faveur dans la revue Hey! –, qui envahit ses colonnes.
Portrait du Dr. Jean-Claude Caire, Nice, 2008, ph. Bruno Montpied.
Dans ce dernier numéro 11, on a beau recourir à une interview de Jean-Claude Caire par Jeanine Rivais (datée de 1995 ; on y retiendra une belle évocation d'Ozenda par Caire), ou à un rappel de l'activité de l'Atelier Jacob d'Alain Bourbonnais par Jean-François Veillard (au passage: pourquoi n'est-il rien dit de l'activité actuelle des héritiers de la Fabuloserie, en particulier dans leur galerie parisienne située toujours au même endroit, en face de l'ancien local de l'Atelier Jacob, dans la rue du même nom?), on sent bien que le balancier des goûts et inclinations du collectif d'artistes et animateurs de la revue continue de pencher du côté d'un néo-expressionnisme brouillon et d'un certain art (très peu) singulier.
Une page de l'article de B.M., "Le Musée des bouteilles décorées des époux Beynet".
Invité par Jean-François Veillard et Sébastien Russo à participer à la revue, je me suis donc dit qu'il serait peut-être de mise de proposer quelque chose qui fasse osciller le fameux balancier un peu plus du côté naïf et populaire insolite. J'ai donc proposé dans ce n°11 un article sur Le Musée des bouteilles décorées des époux Beynet, dont j'avais déjà eu l'occasion de parler ailleurs.
Dans ce même numéro, également, on peut retrouver un autre article causant aussi d'art populaire contemporain, ou de sculpture naïve, à savoir une courte (trop courte) évocation par Jean-François Veillard du sculpteur cultivateur d'asperges et éleveur de lapins Bernard Javoy, né en 1925 et disparu, je pense, en 2010 – en tout cas pas en 2000 comme il est indiqué dans l'article de Veillard.
2000, c'est plutôt l'article que j'avais commis dans le n°19 de la revue Création Franche, comme de juste (datant précisément de décembre 2000). Un article que, peut-être, M. Veillard aura vu? En tout cas, un article qu'aura bien lu le rédacteur d'un autre blog, L'Internationale Intersticielle, pas toujours au point avec ses sources (notamment à propos du "Carillon de Vendôme").
Bernard Javoy, couple sous un proche d'église, vers 2000, ph. et coll. B.M.
Bernard Javoy, une servante et le garde-chasse (appariés par moi...), vers 2000, ph. et coll. B.M.
La revue Trakt est disponible à Paris à la librairie de la Halle Saint-Pierre ; sinon, on peut aussi les contacter via leur site web https://www.revue-trakt.com/
09/08/2020 | Lien permanent
La chasse à l'objet du désir, Liaison Surréaliste à Montréal
Du 5 juin au 17 juin se tiendra à Montréal, au Canada (à la Galerie Espace, 4844, boulevard Saint-Laurent, heures d’ouverture : 13h à 20h.), une exposition collective internationale présentée par le groupe "Liaison surréaliste" animé entre autres par Enrique Lechuga. Ils sont forts, nos surréalistes contemporains, n'est-ce pas? Ils sont capables d'organiser, de façon "indépendante, sans l’appui d’aucune galerie d’art ni institution gouvernementale ou privée", une manifestation regroupant environ 75 créateurs ou groupes dans un local situé en plein centre ville.
Jean-Claude Charbonel, La nuit elfique, 2005
Kenneth Cox, Jambe trouvée (Found leg), 1999
On pourra rapprocher, sans qu'il y ait je crois de lien plus formel que cela, cette exposition de celle qui avait été montée à Prague l'année dernière (cela s'appelait Another air et je l'avais chroniquée sur ce blog). Ils sont très forts, vous dis-je, en plus de cela, ils se transportent à travers l'espace en se jouant des frontières, sans qu'on arrive à déterminer où se tient la tête de ce serpent de mer surréaliste.
Jacques Desbiens, Branches, 2005
Affiche de l'expo
Le catalogue
En plus, il est annoncé, comme à Prague, un catalogue avec diverses interventions des uns et des autres (on m'avait demandé de leur décrire l'objet désirable de mes chasses perso, je me suis exécuté), une improvisation sonore, une lecture de poèmes, une table ronde, le troisième numéro d'une revue intitulée A Phala devant publier par ailleurs "des documents inédits de l'exposition". Durant toute la durée de l'expo seront également projetés les films suivants: Corps Alchimique de Ludwig Zeller, Vaterland, A Hungry Diary, de David Jarab, Tiny Gifts, de Songs Of The New Erotics (S.O.T.N.E.), Delirios, de Iñaki Muñoz, Alergia, d'Enrique Lechuga, Merzkopf, de S.O.T.N.E., The Antichild, de S.O.T.N.E., Electric Whispers, de Kathleen Fox, Conspirateurs of pleasure (les Conspirateurs du Plaisir), de Jan Svankmajer, La Rue K, de Pierre-André Sauvageot, Ni d'Ève ni d'Adam, de Michel Zimbacca.
Avec des moyens plus que limités, ce groupe québécois semble avoir réalisé là un exploit hors du commun qui devrait stimuler d'autres groupes internationaux (quid des Français, dont plusieurs créateurs sont présents dans cette manifestation, citons en vrac Joël Gayraud, Claude-Lucien Cauet, Mireille Cangardel, Suzel Ania, Elise Arue, l'incontournable Ody Saban, Michel Zimbacca, Guy Cabanel, Jean-Claude Charbonel, Jean-Pierre Paraggio, Guy Girard, Michaël Löwy, Thomas Mordant, Georges-Henri Morin, Dominique Paul, Pierre-André Sauvageot, Bertrand Schmitt, Ludovic Tac, Virginia Tentindo, et mézigue). Je leur ai prêté en effet deux dessins de création récente (L'Œil dans la bouche, 2008 et La Sorcière au travail, également de 2008, tous deux faisant 29,7x21 cm), en voici un ci-dessous.
Bruno Montpied, La Sorcière au travail, 29,7x21 cm, 2008
A propos de Michaël Löwy que je citais plus haut, je ne suis pas sûr que l'on connaisse bien la production graphique quelque peu automatique qu'il lui arrive de pratiquer à côté de ses travaux d'essayiste. Je profite de l'occasion de cette note pour mettre en ligne un de ses dessins (qui ne préjuge en rien de ce qu'il va exposer à Montréal).
Michaël Löwy, Démon de l'écriture ou Dialectique de la volupté II, entre 2005 et 2009
18/05/2014 | Lien permanent | Commentaires (2)
En passant par la Lorraine... Mais où était cette folle maison?
Cette note comporte une mise à jour du dimanche 30 juin
En 1980, on publia chez Chêne/Hachette un gros livre de photographies de Michaël Schuyt et Joost Elffers, avec des notices de George R.Collins, Les Bâtisseurs du Rêve.
Un certain nombre d'environnements spontanés populaires français y étaient mentionnés dans un contexte plus généralement consacré à l'architecture fantastique de l'époque. Au détour de ses pages que je re-feuilletais récemment je suis retombé sur une image d'un site, une façade de "maison en Lorraine" – il n'y avait pas d'autre indication – que j'avais oubliée.
Photo extraite des Bâtisseurs du Rêve
A n'en pas douter, il s'agit d'une réalisation exécutée par un rocailleur, et une réalisation étonnamment poussée, avec ses troncs d'arbres très bien imités, dégagés des murs, ses fausses mousses, ses stalactites au dernier étage, les pierres jointes à la diable dans sa maçonnerie.
Mais à quel endroit cette maison pouvait-elle bien se dresser? Dans quelle ville de Lorraine? Nancy? Eh bien non, ce n'étais pas dans cette capitale de l'art nouveau. Le Poignard Subtil a mené l'enquête et dans son omniscience n'hésite pas à compléter le bouquin du Chêne trente-trois ans plus tard. C'était à Gondrexange en Moselle qu'elle se dressait, cette maison étonnante. On va aller vérifier cet été si elle s'y dresse toujours.
Post-Scriptum:
Je dois à Jean-Michel Chesné, émérite animateur de blog, artiste et chercheur de cartes postales, braqué un peu comme moi sur les environnements et autres sites insolites, l'information complémentaire capitale suivante: il exista des cartes postales anciennes montrant cette maison, tout spécialement sous un angle qui permet de constater qu'il y avait une autre façade perpendiculaire à celle ci-dessus, et tout aussi spectaculaire. Jean-Michel Chesné a eu l'amabilité de m'envoyer une de ces cartes:
"Gunderchingen" signifie en allemand "Gondrexange" (la Lorraine étant allemande entre 1871 et 1918); cette maison ainsi ornée donne furieusement l'impression d'être enserrée dans une racine prédatrice géante sur le point de l'étouffer ; à signaler que Michel Racine, au nom prédestinant, auteur de livres sur les rocailleurs, ne paraît pas avoir eu vent de ce site tout à fait remarquable pourtant (probablement parce que le site a disparu?)
Comme on le voit, la maison est nommée "Villa Ch. Masson". Probablement le nom de Charles Masson, un entrepreneur spécialisé peut-être dans l'art de la rocaille¹? Tant et si bien que cette maison lui servait peut-être de gigantesque enseigne chargée de montrer au public et aux commanditaires éventuels, de la façon la plus évidente et massive possible, toute l'étendue de ses talents...
A noter aussi que des tableaux paraissent accrochés ou incrustés sur les murs de la maison. Enfin, dernière réflexion, si cette maison date du début du siècle (comme semble l'indiquer l'âge de la carte postale), il apparaît qu'il y a de fortes chances qu'un siècle plus tard on ne trouve plus grand vestige d'icelle à Gondrexange... Wait and see, gardons espoir...
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¹Voir cependant le commentaire de Jean-Michel Chesné ci-dessous...
29/06/2013 | Lien permanent | Commentaires (4)
Qui est aveugle?
That is the question, en effet. Posée par le Centre d'Etude de l'Expression dans les caves voûtées du musée Singer-Polignac, situé dans l'enceinte de l'Hôpital Sainte-Anne (on peut y entrer et en sortir, pas d'inquiétude...). Et ce du 17 septembre prochain jusqu'au 20 novembre (début de l'expo pour la journée du patrimoine le jeudi 15). C'est visiblement une expo de confrontations entre diverses appellations plus ou moins contrôlées.
Fresque de Le Gouïc, escalier d'accès au musée Singer-Polignac, ph.Bruno Montpied, 2009
Voici la liste des créateurs ou artistes (on répartira ces deux termes en fonction du degré de professionalisation de chacun) exposés à cette occasion:
Albino Braz, Noëlle Defages, Madeleine Dujardin, Even, Anna Hackel, André Le Hien, Alexandre Nelidoff, Neveu, Fernando Pau, Nicholas Sarley, Charles Schley, Joseph Barbiero, Aristide Cailliaud, Patrick Chapelière, Jill Gallieni, Vincent Germani, Charles Lanert, Frédéric Léglise, Michel Nedjar, Jean-Christophe Philippi, Abdelkader Rifi ; ainsi que les artistes du Créative Growth (USA) : Dwight Mackintosh, Donald Mitchell, William Tyler, Aurie Ramirez.
Albino Braz, brésilien, j'admire ses femmes nues aux chevelures hirsutes, aux corps striés comme si c'était des femmes velues et sauvages. Beaucoup d'autres noms de cette liste ne m'évoquent rien par contre. Charles Schley figure dans les créateurs mentionnés par Anne-Marie Dubois dans ses livres sur la collection du Centre d'Etude de l'Expression (Braz aussi). Joseph Barbiero, j'en ai causé il n'y a pas longtemps ici. Aristide Caillaud est connu depuis des lustres comme un artiste original parfois rangé dans les Naïfs (épithète non infâmante pour moi), ou parmi les singuliers naïfs... Patrick Chapelière, je viens de le mentionner comme vu récemment au musée des Arts Buissonniers en Aveyron, son oeuvre hésite entre naïvisme et poésie brute, quoique je pencherai plutôt pour la première catégorie (ci-dessous une repro d'un œuvre alliant évocations d'éléphant et de poignard, coll. privée). Charles Lanert (1902-1995) est un cas curieux d'artiste qui n'a jamais réussi à se faire connaître. Ancien radiologue au service de l'armée de terre (ça me rappelle Gabritschewsky qui avait été biologiste), il produisit beaucoup de peintures qui ressemblent à des réminiscences de vues microscopiques genre cellulaires.
Son oeuvre qu'on peut découvrir sur le net surtout grâce une vidéo sur Youtube paraît imprégnée de références à divers courants de l'art moderne, et a priori ne ressemblerait pas à quelque chose qu'on peut ranger dans l'art brut, pas plus qu'une œuvre de Michaux, de Wols ou de Gorki en tout cas. Mais elle peut par contre contribuer à propager la confusion des genres, comme c'est la mode actuellement...
© Michel Nedjar, 2001
Jean-Christophe Philippi, coll.privée, ph.BM 2008 (ces deux peintures ne renvoient pas à ce qui est montré à l'expo, elles sont nettement antérieures)
Michel Nedjar se retrouve embarqué dans cette réunion, ainsi que Jean-Christophe Philippi, tous deux excellents artistes singuliers entretenant des rapports esthétiques certains. Abdelkader Rifi est plus rare ici. Car avant tout créateur d'un environnement en mosaïque à Gagny, il a aussi laissé (il est mort en 2005) des oeuvres transportables qu'on ne voit jamais, c'est peut-être ce qui m'intrigue personnellement le plus dans cette expo. Les créateurs du Creative Growth Center sont eux beaucoup moins inconnus, si l'on se souvient, par exemple, des expos montées à Paris dans l'ex-Galerie Impaire de la rue Lancry dans le Xe ardt.
Abdelkader Rifi, composition florale, 59x80cm, œuvre présente à une vente chez Tajan en 2008
15/08/2011 | Lien permanent | Commentaires (3)
Fouré niouses
Cette note comporte une mise à jour
Petit rendez-vous sur les ondes à ne pas manquer si cela vous attire, vendredi soir à 22h30 dans l'émission Muzar de Radio-Libertaire, présentée par Nathalie Mc Grath, Jean-Christophe Belotti accompagné d'un sciapode sautillant, ainsi que de Roger Renaud et Alexandre Pierrepont, viendra faire une causerie autour du numéro 1 de sa revue L'Or aux 13 îles. Cela sera aussi l'occasion de parler de l'abbé Fouré et du dossier sur les bois sculptés inséré dans ce n°1 en compagnie de quelques rares documents sur l'ermitage et ses sculptures évanouies. Hélas, nous ne diffuserons aucun enregistrement de l'abbé, borborygmant à souhait parmi les embruns (sourd, il avait en outre, semble-t-il, quelques difficultés à s'exprimer oralement). Peut-être simplement sera-ce l'occasion de glisser quelques enregistrements de musique traditionnelle bretonne ou quelque ancienne complainte de marin (comme le guide du musée l'évoque à un détour de la visite, une oeuvre campant "un chanteur de complainte")? Contentons-nous pour le moment de cette grimace de l'abbé, qui semble bien une pitrerie destinée à amuser les bourgeois endimanchés qui l'entourent, à côté du "dernier des Rothéneuf" qui "protégeait sa femme" du monstre marin situé en contrebas, tout cela dans les rochers sculptés de la côte de Rothéneuf. On notera sur ce cliché l'état de fraîcheur des peintures qui recouvraient la statue de cette effigie confortablement barbue.
Pour revenir à la revue belottienne, il faut ajouter quelques nouvelles librairies parisiennes à la liste déjà signalée, toutes situées dans le Ve ardt. Elle est désormais également disponible à l'Arbre à lettres, 2 rue Edouard Quenu. Aux Autodidactes, 53 rue du Cardinal Lemoine, à la Galerie La Sorbonne, 52 rue des Ecoles. Et chez Compagnie, 58 rue des Ecoles. On espère pouvoir incessamment la voir déposée en Bretagne, où, me dit-on, quelques amateurs particulièrement bien documentés auraient autre chose à révéler sur le fameux abbé. Lyon, Marseille et Bordeaux l'auraient également en vente dans quelques bonnes adresses. Enfin on la trouve depuis peu à Clermont-Ferrand et à Murat, grâce à l'homme de Recoins, revue amie concoctée par Emmanuel Boussuge, adresses: Bouqui'Disk, rue des petits gras à Clermont, et Aux Belles Pages à Murat (mon rêve enfin réalisé: être distribué dans le Cantal!).
Il faut signaler qu'un documentaire existe sur l'abbé Fouré, de Frédéric Daudier et Olivier Gouix, intitulé "L'Homme de granit, le sculpteur des rochers de Rothéneuf" (co-production Arcanae-TV Breizh-DRC Films). Il dure 52 min et date de 2002.
Enfin, signalons un article de Mme Virginie David paru dans Le Pays Malouin du 8 avril dernier qui permet aux lecteurs de la région de St-Malo d'apprendre l'existence de notre revue et de son dossier sur Fouré. Grâces lui soient rendues...
14/04/2010 | Lien permanent | Commentaires (8)
Bruno Montpied bientôt au musée de la Création Franche (lui itou)
Si Jean-Louis expose une centaine de peintures et dessins, je suis resté pour ma part dans des limites plus modestes, une cinquantaine d'oeuvres. Il ne s'agit pas de deux expos en une, mister Jean Granier (merci de votre intérêt), mais plutôt de deux expos personnelles parallèles. Jean-Louis Cerisier est au rez-de-chaussée, et Bruno Montpied, prenant de la hauteur (sans pour autant devenir hautain), est au premier étage du même musée de la Création Franche. Mêmes dates: du 5 février au 20 mars 2011 (inauguration le samedi 5 février).
Bruno Montpied, Inconnu comme le loup blanc, 38 x 46 cm, 2010, technique mixte sur carton entoilé, avec collage de deux moitiés de noyau d'avocat légèrement sculptées
J'exposerai une douzaine de tableaux de format 8 Figure (comme celui que je reproduis ci-dessus), le reste se composant de travaux sur papier, le plus souvent à l'encre et autres techniques mixtes comme on dit. L'ensemble s'efforce d'être varié, les travaux ayant été choisis en fonction de cela et aussi de leurs dates, du plus ancien datant de l'an 2000 jusqu'à cette année, histoire de montrer une partie de ce qui a été produit depuis ma dernière exposition au musée de la Création Franche (en 1998). Les critères de sélection au sein d'une production qui demeure abondante (la plupart du temps en petit format, faute au manque d'espace et de volume de mon logis, et aussi parce que "small is beautiful", qu'en petit on peut plus facilement faire surgir de l'inopiné, alors qu'en grand on se résigne souvent à composer avec l'inspiration, la tuant quelque peu), les critères de sélection sont liés quelquefois au fait que certaines oeuvres qui me satisfont étaient déjà encadrées, et pas assez exhibées à mon gré. Et aussi bien sûr au fait que certaines oeuvres produites plus récemment suscitent mon désir de voir comment les amateurs réagiront devant. Je mets en ligne ci-dessous quelques exemples de ces récentes productions qui seront exposées à Bègles en février-mars prochains:
BM, La fillette au pantin, 35 x 27 cm, 2010, photo de magazine modifiée
BM, La chamane entre en transe par le charleston, 43 x 30, technique mixte sur papier pur chiffon, 2010
BM, Lourd de menaces, 24 x 17 cm, lavis, encre, crayons, et marqueurs sur papier aquarelle, 2010
Régulièrement, je reviens vers les modifications, pour reprendre un terme mis à l'honneur je crois à l'époque des années 1960 par le peintre Asger Jorn, et qui désigne des oeuvres exécutées par-dessus des images trouvées, déjà faites. C'est généralement à des reproductions que je m'attaque, plus rarement à des oeuvres originales (récemment j'ai utilisé des gravures ; il m'est arrivé de repeindre une fois ou deux par-dessus des toiles). Il y aura une catégorie d'oeuvres non représentées dans cette expo ce sont les oeuvres exécutées en collectif, le collectif se limitant le plus souvent au nombre 2. Je ne désespère pas de pouvoir en montrer un jour dans un lieu intéressé par la chose.
28/12/2010 | Lien permanent | Commentaires (4)
Le discernement selon Joe Ryczko
Voici ce qu'écrivait Jean Dubuffet dans Honneur aux valeurs sauvages (conférence de 1951, publiée en 1967 dans Prospectus et tous écrits suivants, tome I):
"(...) l'art n'est passionnant - à mes yeux du moins - que pour autant qu'il livre d'une manière très véridique et immédiate - tout chauds, pourrait-on dire, et tout crus - les mouvements d'humeur de l'auteur. Il faut qu'il soit une projection immédiate de ces humeurs de l'artiste, une projection que rien ne vient fausser."
Jean Paulhan, décrivant son voyage de 1945 en Suisse en compagnie de Le Corbusier et de Jean Dubuffet (qu'il appelle Limérique dans le livre), a écrit de son côté:
"Le peintre Limérique porte les cicatrices et le crâne écabossé d'un enfant. Il vit content. Ses colères sont violentes et ses haines durables, mais à tel point privées de motif qu'on perdrait son temps à tâcher de les prévenir. Il est poursuivi de l'idée d'un art immédiat et sans exercice - un art brut, dit-il - dont il pense trouver le rudiment chez les fous et les prisonniers. S'il apprenait qu'en quelque canton, un ours s'est mis à peindre, il y bondirait." (J.P., Guide d'un petit voyage en Suisse, Gallimard, 1947)
Comme on le voit le terme "d'art immédiat" a des cautions que l'on peut s'accorder à juger respectables... Lisons à présent ce qu'un grand penseur libournais a néanmoins jugé opportun de déposer au bas de son blog intitulé si adéquatement Les friches de l'art (en tentant de me remonter les bretelles avec une certaine méchanceté, alliée à la plus mauvaise foi, se moquant de mon patronyme avec une finesse et une légèreté inégalées, me montrant bien par là à quel point j'en manque ; et tout cela à la suite de la note taquine que j'ai récemment consacrée à l'ouverture de son blog):
"Depuis un quart de siècle, l'animateur du blog à l'enseigne de l'unijambiste, un vieux de la vieille des chemins creux et bas côtés, fait des tentatives pathétiques pour imposer l'art immédiat, concept fumeux dont il a fait son mètre-étalon, pour mesurer on se demande bien quoi. " (Joe Ryczko, dans son Billet d'humeur du 2 mars dernier)
Mais mon bon Joseph, ça fait pas un quart de siècle, mais bien plutôt 65 ans, que ce vieux spectre, que tu trouves "fumeux" avec le discernement qui te caractérise, hante les consciences des poètes modernes. Va falloir vraiment remonter tes pendules... (1)
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(1). A noter que l'animateur des friches n'a pas cru bon de laisser passer le commentaire que j'avais tenté d'accoler à la suite de son "billet d'humeur", dans une demande pourtant naturelle de droit de réponse. Il montre bien là son sens profond de la démocratie.
11/05/2010 | Lien permanent
Chave dans l'esprit
Une litanie de noms qui me chantent aux oreilles, et sans doute aussi à nombre de mes lecteurs habitués de l'histoire de la galerie Alphonse Chave à Vence (rue Isnard, 06), du nom de celui qui la fonda après-guerre (1947) dans un esprit bohème et bricoleur, alternant son animation avec celle de la tenue du magasin de jouets et de matériel pour les arts qui la jouxtait. Reste à aider à faire connaître à d'autres amis le parcours et le savoir poétique accumulé au fil du temps par cette galerie.
Certes depuis de nombreuses années (depuis 1975, date de la disparition d'Alphonse Chave), la galerie est animée par son fils Pierre et par Madeleine Chave. Au départ, elle s'appelait la galerie "Les Mages". Amateur d'art contemporain, moderne, de surréalistes indépendants (Max Ernst, Joseph Sima), de vieux dadaïstes dont certain habitait parfois sa région (Ribemont-Dessaignes à St-Jeannet, Man Ray...), mais aussi d'art brut et d'art singulier (la liste en est plus longue, de Chaissac, Philippe Dereux, Ursula B. à Gabritchevsky, Louis Carmeil, Jules Godi ou Marthe Isely), Alphonse Chave croisa la route de Jean Dubuffet venu s'installer à Vence à la fin des années 50 après l'exil de sa collection d'art brut aux USA chez le peintre Ossorio. Puis, semble-t-il, se fâcha avec lui par la suite... Continuant cependant à découvrir sans cesse de nouveaux talents, qu'il exposait sous le sigle du SIC (Séniles, Invendables, Crétins), tout un programme...
A l'activité de défricheur de son père, Pierre Chave a ajouté ses talents d'éditeur, d'imprimeur et de graveur. De magnifiques catalogues, édités avec soin avec tout l'amour de l'artisan, sont systématiquement recherchés par les passionnés de l'activité de cette galerie. Alphonse Chave en particulier a fait connaître au public français le génial aquarelliste visionnaire Eugen Gabritschevsky (il l'exposa hors des milieux psychiatriques dans sa galerie en 1961 sur les conseils de Dubuffet), plusieurs catalogues furent du coup consacrés à ce dernier dont un plus récent que les autres, en 1998, avec une préface d'Annie Le Brun. C'était un créateur parmi tant d'autres. Ils reviennent à partir du 13 juin - demain... - au Château de Villeneuve, à Vence, dans le cadre de la Fondation Emile Hugues (2, place du Frêne, Tél: 04 93 58 15 78), dirigée par M. Zia Mirabdolbaghi (que voilà un beau nom), pour une exposition en quelque sorte rétrospective: "De Dada à demain, L'Esprit Chave". Jusqu'au 1er novembre 2009, on pourra y retrouver donc (en citant ici dans le désordre des noms qui me sont chers et que je n'ai pas encore cités): Aloïse, Jacqueline B., Rose Aubert, Boris Bojnev, Georges Bru, Slavko Kopac (créateur à qui un Dubuffet a fait bien trop d'ombre de façon injuste, alors que le rapport de valeurs devrait être renversé en sa faveur et de loin), Raphaël Lonné, Henri Michaux, Dado, Marcelo Modrego, Georges Demkin, J-F. Ozenda, Francis Palanc, Louis Pons, Paul Duchein, Manou Pouderoux, Juan Ferrer, Réquichot, Gironella, Woldemar Winkler, Isabelle Jarousse (une trouvaille plus récente celle-ci), etc...
A noter aussi, en parallèle, une importante exposition consacrée au créateur de théâtres d'épluchures Philippe Dereux dont l'oeuvre sera mise en confrontation avec celle de Dubuffet pour qui il travailla en lui préparant des ailes de papillon en prévision de ses collages. De là vint ensuite le désir de Dereux de voler de ses propres ailes... Philippe Dereux/Jean Dubuffet, Musée des Beaux-Arts de Lyon, 25 juin - 21septembre 2009.
12/06/2009 | Lien permanent | Commentaires (6)
Damouré Zika, le retour d'un poète naturel
Classer la littérature de Damouré Zika, infirmier, écrivain, acteur et cinéaste, adjoint de Jean Rouch sur plusieurs de ses films (ils ressortent actuellement en DVD aux Editions Montparnasse), dans la "poésie naturelle" pourrait avoir quelque chose de réducteur, si l'on entend par là poésie de grand enfant africain que l'on veut ainsi rejeter loin de soi, par honte au fond de sa propre enfance.
Loin de moi cette intention. Je le range dans cette catégorie sur ce blog avant tout parce qu'il a fait parler de lui en France grâce à l'Anthologie de la Poésie Naturelle de Camille Bryen et Alain Gheerbrant (parue en 1949 chez K éditeur), mais aussi parce que cette poésie naturelle, aux dires de ses auteurs, "peut être considérée comme l'expression d'une conscience immédiate n'ayant d'autre critère que sa propre existence". La "poésie naturelle" selon Bryen et Gheerbrant, très proche de l'art brut de Jean Dubuffet qui apparut à la même époque, ressemble aussi beaucoup à la "poésie involontaire" telle que Paul Eluard l'avait illustrée de nombreux exemples dans son recueil paru en 1942, "Poésie intentionnelle et poésie involontaire" (édité chez Seghers). Il n'y a pas d'intention de faire acte poétique, dans cette conception que présente Eluard. La poésie involontaire survient à l'improviste et à l'insu de l'auteur. Parfois aussi, la projette-t-on sur l'auteur en question. C'est ce qui arrive parfois dans le cas de certains écrivains africains vus par les Occidentaux. Il y a une merveilleuse ingénuité chez Amos Tutuola (écrivain nigérian, anglophone, dont l'extraordinaire, drôle, roman, L'Ivrogne dans la brousse, a été traduit par Raymond Queneau chez Gallimard), ingénuité qui est peut-être avant tout dans le regard que porte le lettré français sur le livre. Ou bien aussi dans cette plaquette de "Bela,Sara", intitulée "Je dis pour toi manières la brousse", éditée la première fois en 1944 à Brazzaville, capitale de l'ex-Congo français, imprimée grâce à une xylographie (gravure sur bois au couteau) qui avait pris en charge aussi bien les images que les lettres des textes, courtes fables faites dans la manière du "blanc lafontaine". Cette édition étonnante est venue jusqu'à moi dans une réédition des éditions du Fourneau en 1993. Cependant, l'ingénuité (imaginaire? Ou nommable autrement? Poésie immédiate?) est admirée, enviée même par le lecteur occidental honnête. De même que lorsque l'on admire les tableaux du douanier Rousseau ou "le palais idéal" du mégalo Cheval (mégalo de cheval bien sûr).
Mais j'en reviens à Damouré Zika. On réédite de lui un "Journal de route", paru primitivement à la Nouvelle Nouvelle Revue Française en 1956, cette fois chez Mille et une nuits, dans une édition établie et postfacée par Eric Dussert (voir dans notre liste de liens son blog, L'Alamblog).
On y trouve des notes de voyage prises durant ses pérégrinations avec Jean Rouch et ses amis le long du fleuve Niger, exprimant parfois des remarques narquoises sur ses compatriotes mais aussi sur les Blancs, ainsi lorsqu'il débarque en France pour un tournage où il a été appelé à figurer et qu'il décrit la manière de se saluer des Blancs: "...les salutations d'usage se font chez les Blancs d'une façon extraordinaire: on dirait un pigeon qui donne à manger à ses petits, la bouche, la bouche sur les joues. Et ils se disent civilisés!". Le côté narquois se tempère à d'autres moments d'une touche plus tendre quoiqu'ambiguë: "Les Somba sont des frères terribles et très sages si on ne se moque pas d'eux. Ils sont tout nus comme des oeufs. (...) La vie des Somba est la plus belle vie, pas de pagne, adieu rouge à lèvres, adieu miroir, adieu robe et vive les feuilles des arbres. Les feuilles des arbres sont les vêtements au pays Somba. Le matin, le père Somba qui veut voir le commandant se lève tranquillement de sa petite case, sans interprète, sans guide, va voir le commandant avec sa queue pointue devant lui et s'explique. Et la femme, au lieu de prendre une belle robe, va dans la brousse, enlève des feuilles fraîches qu'elle met devant sa boîte à sardines et en route (ce n'est pas une honte, c'est la joie de vivre)".
01/12/2007 | Lien permanent
Une exposition consacrée à Marcel Vinsard dans le cadre de la 7e Biennale Hors les Normes de Lyon
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Exposition de Marcel VINSARD 14 septembre au 20 octobre 2017
Taxis Lyonnais
(où, paraît-il, quelques statues seront présentées dans les bureaux, mais aussi, initiative plus étrange, dans un vieux taxi - qui devrait peut-être circuler dans Lyon??)
Lundi au vendredi : 10h-12h / 14h-18h, 83, Rue Jean Jaurès – 69500 Bron T2- arrêt Bron Hôtel de Ville
Dans le cadre de la 7e Biennale Hors-les-Normes de Lyon (aux dates variées selon les événements dont elle est partenaire), va se tenir une exposition consacrée aux pièces sculptées par Marcel Vinsard, le créateur d'un environnement de mille statues, naguère installé à Pontcharra en Isère, et qui a été démantelé à l'été 2016, après sa mort survenue en juillet de la même année.
Démantélement du site de Marcel Vinsard, ph. Fatimazara Khoubba en août 2016 ; on aperçoit, très abîmé, au centre du cliché un portrait de Gérard Depardieu tout ruiné...
Le même portrait de Depardieu du temps de sa "splendeur"; Marcel Vinsard collait souvent dans un coin de ses compositions des photos de ceux qui lui avaient servi de "modèles", ph.B.M., 2013.
Les animateurs de l'association La Sauce Singulière, Loren, Jean-François Rieux et autres, prévenus par le sculpteur Jean Rosset, qui est de la région, connaissaient comme moi cet environnement, et ont eu le temps de récupérer environ deux cents pièces. De mon côté, j'en ai récupéré quelques-unes aussi, dont certaines sont allées au musée des Arts Buissonniers à Saint-Sever-du-Moustier dans l'Aveyron. D'autres sont chez quelques collectionneurs (qui les ont acquises durant une précédente expo à Lyon, déjà organisée par la BHN en 2015). Personnellement j'en conserve six, dont un de Gaulle que j'avais acquis directement auprès de Marcel Vinsard. J'ai gardé aussi, abîmé, le panneau où Vinsard avait inscrit des jeux de mots près de son chalet.
Marcel Vinsard, de Gaulle, coll. et photo Bruno Montpied, 2013.
Marcel Vinsard, masque vert, polystyrène peint, créé vers 2013, ph. et coll. B.M. (devant la galerie Dettinger), 2016.
Marcel Vinsard, "Coiffeur à la retraite...", panneau en polystyréne peint, années 2000, coll. et ph. B.M., 2016
Marcel Vinsard, j'en ai causé sur ce blog le 3 février 2015, après l'avoir rencontré en juillet 2013 en compagnie d'un camarade, suite à un signalement par Alain Dettinger et Fatimazara Khoubba. C'est le type même de créateur d'œuvres éphémères qui installent leurs artefacts en plein air en négligeant absolument la question de la pérennité de leurs œuvres. Il est probable, en outre, que Vinsard ne se faisait aucune illusion sur la suite que donnerait sa famille à ses excentricités... Mais il reste tout de même emblématique de l'attitude toute empreinte d'immédiateté d'une majorité de ces créateurs autodidactes, étrangers aux milieux artistiques. Leurs environnements vivent aussi longtemps qu'eux. Lorsque ces derniers pensent avoir atteint la fin (de leur art et de leur vie, c'est tout un), tout part en quenouille... Les matériaux qu'employait Vinsard, le polystyrène, les mousses polyuréthanes dans une grande majorité des œuvres (il recourut cependant aussi au bois, au Siporex et au ciment-colle par exemple), n'arrangeaient pas les choses, non plus! Il est donc vain de traiter les familles ou les héritiers de ces sites avec des noms d'oiseaux – comme le font certains sur des sites web que je ne nommerai pas...
Marcel Vinsard, vue des abords de son chalet d'habitation en 2013... Ph. B.M.
...et après le démantèlement, le vide, l'ennui... ph. B.M., 2016.
A signaler que dans l'expo on pourra trouver mon livre paru l'année dernière dans la collection La Petite Brute aux éditions de l'Insomniaque, Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles. Ne pas hésiter à le demander à l'accueil...! Très beau, pas cher... Il contient de nombreuses photos du site prises en 2013, à son apogée quasiment.
07/09/2017 | Lien permanent