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Mme Zka est partie en Catalogne (espagnole) dans un magnifique et stimulant musée du Jouet
Madame Zka, dont ce n'était pas le nom et "qui n'était pas absolument folle", selon les dires de Guy Selz dans la revue La Brèche n°2, (sous-titrée "Action surréaliste", et datée de mai 1962 ; son texte sur elle s'intitule "Les doigts de la mémoire"), a échappé aux collections d'art brut où elle n'aurait pas détonné¹. Sans doute parce que celui qui possédait ses "poupées" pas comme les autres les aura protégées d'un tel transfert... Simple supposition, car je ne sais pas grand-chose de la collection de Guy Selz (frère de Jean Selz et de Jacqueline Selz – elle-même, en compagnie d'Yvon Taillandier, collectionneuse d'art populaire essentiellement méditerranéen² –, et père de Dorothée et Philippe Selz, Dorothée étant connue comme artiste créatrice d'œuvres en sucre). On sait seulement qu'il fut une connaissance proche d'André Breton, qui lui demanda un article sur Mme Zka pour le n°2, en mai 1962, de la revue La Brèche qu'il dirigeait.
Une des illustrations de l'article de Guy Selz dans La Brèche, montrant les poupées peu communes de Mme Zka.
Les poupées possédaient sous les vêtements, particularité insolite, des visages aux yeux, bouches et autres pommettes, cousus de fils ; ici c'est un détail de la figure 7 reproduite ci-dessus et empruntée à la revue La Brèche.
Les poupées de Mme Zka, telles qu'elle étaient présentées à l'expo "Poupées" à la Halle Saint-Pierre en 2004 ; à noter que le catalogue ne les reproduisit pas, car elles furent prêtées inopinément à l'exposition, après que le catalogue avait été lancé ; du coup tout élément biographique ne put être donné dans l'ouvrage à leur sujet³ ; photo Bruno Montpied, 2004.
Ces poupées de Mme Zka ont aussi, autre particularité, le don d'exhiber des membres virils qui sortent des pantalons, comme oubliés... ; photos B.M., 2004.
Cette collection Selz vient – en partie? En entier? On ne le précise pas – d'entrer dans le remarquable et vivant Muséu del Joguet de Catalunya à Figueres (le Musée du Jouet de Catalogne), suite à une donation, précisément, de ses enfants, Philippe et Dorothée. Voici le laïus de ce musée au sujet de Guy Selz :
"Guy Selz (Paris, 1901-1975), designer graphique et journaliste, a été membre de l’équipe fondatrice de la revue Elle et chargé des chroniques culturelles du magazine. Collectionneur avide, il s’est intéressé à la créativité et à l’art populaire. Cela l’a conduit à collectionner des objets insolites, surprenants ou fascinants, sans hiérarchie ni frontières entre les genres et les arts. Et il est parvenu à rassembler plus de 30 000 pièces qu’il conservait chez lui, exposées et regroupées suivant son propre sens de l’esthétique. Cet espace abrite la plupart des fonds de la collection dont ses enfants, Philippe et Dorothée Selz, ont fait don au musée, tout en recréant l’aspect qu’elle avait lorsqu’elle était exposée chez lui. En 1974 la collection fit l’objet d’une exposition, qui connut un grand succès, au musée des arts décoratifs de Paris dont le commissaire était le conservateur en chef, François Mathey (à noter cependant que cette exposition était consacrée à plusieurs collections, et que celle de Françoise et Guy Selz, si elle était particulièrement bien représentée en effet dans l'expo, n'en était qu'une parmi beaucoup d'autres ; voir ci-dessous une page du catalogue de 1974).
Une des pages consacrée à la collection Françoise et Guy Selz dans le catalogue de l'exposition "Ils collectionnent..." du musée des Arts Décoratifs en 1974.
L’intérêt de Selz pour l’art populaire dans sa collection se manifeste, entre autres, sur la série de siurells (figurines en céramique, intégrant un sifflet, typiques des Baléares), compte tenu qu’entre 1933 et 1936, il tenait un bar sur l’île d’Ibiza."
J'ajouterai que ces sifflets en céramique originaires de Majorque furent très importants pour le peintre surréaliste catalan Joan Miro (qui en possédait, comme celui ci-contre, qui appartient au musée catalan). Ce musée du jouet de Figueres est remarquable, disais-je, par sa façon extrêmement vivante de présenter ses collections classées par départements aux thématiques insolites, surprenantes et ludiques, où diverses activités liées au jeu sont proposées en lien avec différents thèmes où l'esprit de curiosité règne en maître : le jeu dans l'antiquité, les jouets animaliers, les théâtres miniatures et les marionnettes, les illusions d'optique, la magie et l'illusionnisme, les soldats de plomb, une évocation de l'enfance et la jeunesse de Salvador Dali, les jeux de papier, les jouets mécaniques (avec une section consacrée en particulier aux jouets japonais), les jouets d'éducation sexuelle (les figures japonaises Kar Kar - la fille - et Tac Tac - le garçon -...), les figurines de la guerre civile espagnole, les jouets liés à la thématique spatiale avec des robots, des soucoupes volantes, les déguisements, les jouets bricolés par les enfants du Sahara, les jouets sonores, les jeux pour non-voyants, les casse-têtes, les instruments-jouets de Pascal Comelade, les figurines créées par José Antonio Heredia Navarrete, un autodidacte populaire (dont j'ai bien l'impression d'avoir un jour, il y a fort longtemps acheté l'une d'entre elles, une sirène, pour l'offrir à ma muse Christine Bruces ; voir ci-contre une de ces sirènes par Navarrete), les œuvres d'art inspirées par les jouets, etc., etc. Une maquette de réseau ferroviaire est présente également dans ce musée due à Andreu Costa Pedro (1926-2013) qui la réalisa durant dix-huit ans. Mention spéciale aussi doit être faite à des représentation de "caganers", c'est-à-dire des figurines de chieurs... Sortes de santons d'un genre spécial que l'on cachait dans les crèches (Catalogne, région de Valence, Baléares) pour soi-disant attirer la chance et la richesse (on sait que le caca est selon Freud la première monnaie d'échange, et donc l'origine de l'argent... ; dans une crèche, la défécation est censée fertiliser le sol de la crèche... argument qui sent bon - si j'ose dire - la justification). Il existe des caganers de toutes sortes (comme on le devine...), notamment actuellement, "des politiciens, des sportifs et des personnages célèbres ou médiatiques"...
Les caganers du musée du Jouet de Figueres...
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¹ Bizarrement, une notice du musée du Jouet de Figueres signale que les poupées en question parvinrent entre les mains de Guy Selz grâce à Jean Dubuffet. Si cette information a un fondement quelconque, on se demande alors pourquoi l'inventeur de l'Art Brut n'en a pas gardé pour lui dans sa prestigieuse collection? En tapant les mots-clés "Mme Zka" sur la base de données du musée lausannois, on ne rencontre que "0 résultat"...
² Jacqueline Selz et Yvon Taillandier qui eux-mêmes ont fait donation de leur collection d'art populaire personnelle au musée départemental de Noyer-sur-Serein dans l'Yonne.
³ On n'a en guise d'éléments biographiques sur Mme Zka que quelques lignes extraites du n° de La Brèche par Guy Selz: "Sans doute d'origine polonaise, Mme Zka fut chanteuse lyrique, et fit probablement aussi du théâtre et du music-hall (...) Elle a vécu en Russie, en Italie, en Egypte, en Roumanie et peut-être dans d'autres pays où "ses tournées" et ses 4 ou 5 maris la conduisirent (...) Deux choses se remarquent aussitôt : un talent extraordinaire de couturière, et un bon lot de poupées figurant des officiers de l'ancienne armée polonaise..." Si le lecteur veut en apprendre plus, il se référera à l'article entier ici en PDF...
23/11/2019 | Lien permanent | Commentaires (3)
Un dessin séditieux bonapartiste... Vraiment? Paranoïa-critique ou image réellement double?
Un correspondant, collectionneur à ses heures, M. Jean-Christophe Millet (oui, le même nom que celui du peintre de l'Angélus, de Millet comme on dit usuellement... Tableau sur lequel on sait que Dali a constitué tout un dossier d'interprétations exemplaires de sa méthode dite paranoïa-critique), ce correspondant donc m'a récemment fait parvenir un dessin qu'il qualifie de "dessin séditieux" dans le genre de ces images à double entente qui servirent à une époque au XIXe siècle de propagande bonapartiste. Comme celle ci-dessous, qui figure dans un ouvrage L'Œil s'amuse paru aux éditions Autrement en 1999 et que j'ai déjà utilisée pour illustrer une note sur ce blog à propos de la merveilleuse exposition du Grand Palais en 2009, "Une image peut en cacher une autre".
Gravure populaire anglaise, vers 1830, extraite de l'ouvrage L'oeil s'amuse, éd. Autrement, 1999 ; on notera que la silhouette de Napoléon entre les deux arbres est parfaitement nette
Présentons le fameux dessin retrouvé par notre collectionneur à la suite, auquel j'ajoute en guise de légende (au double sens du mot) la description interprétative que m'en dressa mon honorable épistolier électronique (les reproductions avec les détails agrandis sont légendés par moi).
Coll. J-C. Millet
"…j'avais immédiatement repéré l'arbre aux branches minutieusement réalisées qui devaient cacher bien des choses et surtout le profil napoléonien à gauche du tronc avec le bicorne... mais également le chien apeuré au milieu du cimetière, symbole de dévouement et de fidélité.
Dans ce détail agrandi, on pourrait apercevoir, quelque peu fantomatique, aux limites du mirage, la silhouette, seulement esquissée, contre le tronc à gauche, sous une branche, d'un Napoléon...
J'ai curieusement, c'était trop gros pour le voir, mis un peu de temps, en repérant l'ombre du chien qui n'avait rien de canin, à voir le célèbre bicorne !
Le masque mortuaire de Napoléon (dit masque de François Antommarchi), tête-bêche dans la partie droite de l'arbre, popularisé à partir de 1833 avec l'ouverture d'une souscription par Antommarchi pour la vente de moulages, devait suivre.
Voici le masque mortuaire qu'évoque J-C. Millet et qu'il a lui-même placé en vis à vis du profil qu'il croit voir dans les zigzags des branchettes de l'arbre nu
Il y avait donc sans doute à trouver L'Aiglon et Marie-Louise comme dans les célèbres gravures.
A la cime de l'arbre à gauche, se trouve à mon avis, le long du liseré une tête belliqueuse de Napoléon, l'air mauvais en vis à vis du portrait du vainqueur de Waterloo, le Duc de Wellington avec le large col de son uniforme (que l'on trouve sur tous ses portraits), son nez fin et pointu et ses rouflaquettes.
Napoléon et Wellington?
Un buste de personnage, tourné à gauche, semble également se trouver dans la partie droite de l'arbre.
Sur le côté gauche du tronc, une fleur (j'ai un temps pensé à la violette, symbole napoléonien)... Il s'agit en fait d'une Légion d'Honneur, ordre créé par Napoléon.
La tour isolée, tombant un peu comme un cheveu sur la soupe dans la composition, a donné beaucoup de fil à retordre. Toutes ses fenêtres (des yeux ?), ces éléments accolés inutiles (le toit triangulaire sur le côté gauche en particulier), le double crénelage, un minuscule toit au centre de la tour perché sur une longue arête verticale, deux petites boules inutiles au niveau du créneau du premier étage de la tour... Il y avait probablement une tête, mais où ? Il suffisait de retourner le dessin pour découvrir une tête de soldat avec un long nez, le petit toit triangulaire formant les narines, les yeux de part et d'autre, les boules... les oreilles, la fenêtre verticale entre les étages pour la bouche, un niveau de barbe matérialisé par la séparation-créneau de l'étage, les trois toits formant un couvre-chef à la « hussard » pendant sur le côté droit.
La tour retournée... Cherchez non pas Hortense (comme Rimbaud) mais le soldat...?
L'église... vaste problème indiquant minuit quarante-cinq (a priori pas de symbole), coiffée d'un curieux clocher allongé dont le côté droit présente au niveau du premier étage une légère inflexion puis au niveau du second étage un mur concave bien entendu volontaire. Je n'ai toujours pas réussi à identifier la forme cachée pourtant visible (espace blanc vertical coincé entre le clocher et le bord du dessin). Le symbole est également peut-être caché dans le clocher.
Idem pour le ciel orageux et ses nuages multiples qui doivent a priori cacher bien des choses ?
Sans doute également d'autres choses dans les branches de l'arbre ?
Je n'ai toujours pas réussi à identifier les trois éléments, en bas à gauche du cimetière, au niveau du mur en arc de cercle (bâton vertical avec un "œil", étoile noire à 4 branches, une urne couchée avec son pied orienté à gauche... peut-être une simple pierre mal dessinée ?
Ce détail à gauche donne l'impression que le dessinateur a voulu représenter une tête de profil grotesque, son œil étant au bout de l'espèce de tige poussant sur le bord de pierre, sa bouche entrouverte étant figurée par cette étrange forme en queue de poisson... Mais tout cela se veut-il allégorique, ou n'est-ce que fantaisie d'un dessinateur visionnaire amateur?
Un dernier point mais cela n'engage que moi... Prenez de la distance et vous apercevrez le visage de l'Empereur :
- le mur en arc de cercle (celui de l'étoile et du bâton) formant l'arrondi du visage
- le tronc de l'arbre formant le nez
- les toits des maisons du village formant les yeux
- le mur maçonné du cimetière le bord droit du bicorne
- le ciel autour de la cime de l'arbre le bicorne
Cela n'engage que moi mais c'est pourtant troublant !... " (J-C. Millet)
Toutes ces interprétations de notre collectionneur sont passionnées, on le voit. Et cela finit par entraîner notre propre désir de voir à sa suite des images cachées dans l'image. Pourtant, en ce qui me concerne, je reste dubitatif. Si ce dessin est effectivement curieux, maladroit du point de vue des perspectives, de l'ombre du chien bizarre, etc., est-il véritablement un dessin de type "séditieux" du genre de celui que j'ai reproduit en tête de cette note, où la silhouette napoléonienne est nettement représentée? Il est tout de même permis de s'interroger et notamment de se demander si on n'aurait pas affaire à un dessin d'amateur naïf que son inconscient (peut-être à orientation bonapartiste prononcée) tarabusterait passablement... Aux lecteurs de cette note de nous en dire plus s'ils ont davantage de lumière que nous sur la question..
08/02/2015 | Lien permanent | Commentaires (6)
Le petit musée de monsieur Costecalde
Cette note contient une mise à jour du 9 octobre
Cela fait déjà quelque temps (quatre ans environ) que j'ai dans mes collections de cartes postales une image qui montre l'intérieur d'une habitation à Lapanouse de Sévérac (Aveyron), à l'est de Rodez, organisé en forme de petit musée privé (on en a déjà rencontré sur ce blog de ces petits musées ultra personnels). Parmi un capharnaüm d'objets et d'œuvres sculptées, on y aperçoit l'auteur – ou le "conservateur", un certain François Costecalde – d'une étonnante collection d'allure hétéroclite.
Lapanouse de Sévérac, le musée ; c.p. A.P., Millau, coll. Bruno Montpied.
Agrandissement où l'on s'aperçoit que le visage de ce monsieur Costecalde, en train de manipuler une canne (semble-t-il) de sa collection, paraît avoir été traité surexposé (à dessein ?).
Cette carte m'avait été signalée par un autre amateur de créations populaires, dijonnais, Julien Gonzalez, par ailleurs grand dénicheur d'autodidactes inconnus présents sur des cartes postales anciennes, ou décrits dans des journaux ou magazines peu repérés. Je reprends dans les renseignements ci-après des citations d'après les mails que m'avait adressés ce chercheur distingué en 2017 puis en 2020, et tout récemment encore en 2021 (tracées en vert)...
Ce monsieur Costecalde, ancien menuisier (ce qui doit aider pour tailler du bois), né à Saint-Grégoire, commune de Lavernhe en 1835, est décédé en 1916. "Les enfants de celui-ci prenaient leur père pour [un "foulatras" ( ça sonne comme fou la trace), comme on dit en Aveyron¹]. Ils ont brûlé toutes ses créations peu après sa mort. Ne reste plus que la carte postale que nous avons pu trouver sur internet. Le lieu était très visité au début du XXe siècle, il y avait un restaurant juste à côté et les clients de celui-ci allaient visiter le musée après leur repas. Il avait été baptisé le musée de la sorcellerie."
"...il reste encore une réalisation sauvegardée de cet autodidacte : une armoire avec des scènes et des visages humains sculptés qui a été rachetée par un habitant du village après son décès..."
Après ces informations, Julien m'adressa une reproduction de la même carte que ci-dessus, augmentée de précieuses annotations d'un visiteur anonyme du musée – musée que cet anonyme qualifie de "ridicule" (on ne sait lequel des deux, du visiteur ou du "conservateur" l'était le plus, ridicule, d'autant que ses autres commentaires, comme on le voit ci-après, sont d'une tonalité descriptive assez précise, même si légèrement condescendants par endroits ; on retrouve ici une ambivalence analogue à celle de l'archéologue Léon Coutil lorsqu'il tomba sur les sculptures d'Antoine Rabany à Chambon-sur-Lac, cf. mon enquête sur l'auteur des Barbus Müller).
Voir les annotations du visiteur anonyme (du 20 août 1912) en bas de la carte, et à gauche, celle qui invite à lire "l'explication" au dos de la carte (voir ci-dessous). C.p.collection Julien Gonzalez.
"Ce que l'on voit dans ce ridicule musée...", verso de la c.p. de la coll. Julien Gonzalez ; transcription ci-dessous.
Transcription de la description du musée par le visiteur ci-dessus :
"- Quantité de bonshommes : un évêque, dit de la Martinique ; des guerriers avec pipe ou cigare à la bouche ; bonnes femmes avec seins proéminents - tous avec figures antiques et grotesques sculptées sur bois massif - divers animaux réels ou légendaires assez bien représentés: lions, serpents, hiboux, petits oiseaux, etc, etc.
- Têtes de sangliers ou de cochons - Un mort avec tous ses accessoires - Une superbe canne entourée de reptiles, etc. - Un diable à 6 cornes, etc.
- Divers menus objets, tel un livre de messe creux renfermant un chapelet sans apparence extérieure d'ajustage offrant un travail patient et intelligent.
- Plus sérieux : Trois lits ; deux buffets et divers tables admirablement sculptés, sans placage - A droite de la carte on voit l'Artiste, né en 183(9? ou 5?), vrai phénomène - De caractère très doux et très enthousiasmé de son talent..."
Qui était ce visiteur, écrivant sans faute d'orthographe, passablement outrecuidant (cf. ces soulignements sur ce qui lui paraissait plus sérieux dans la production de Costecalde, à savoir des meubles, donc des objets utilitaires, les objets plus artistiques ne trouvant que mépris aux yeux de ce visiteur instruit, mépris à peine tempéré par la reconnaissance de l'habileté et de "l'intelligence" du sculpteur improvisé...)? On ne peut que deviner un personnage quelque peu dérouté en creux (voire scandalisé...) par l'audace de ce créateur ne s'étant autorisé de personne, hors lui-même, pour confectionner et ouvrir son musée personnel.
Plus récemment, Julien Gonzalez, m'a également envoyé une autre description du "Musée" - datée de novembre 2017 - par une habitante de Lapanouse (tracée ici en violet), propriétaire de l'armoire rescapée de l'imbécile autodafé des héritiers de Costecalde (voir photo ci-après), intéressante parce qu'on peut la recouper avec la description de l'annotation ci-dessus:
"Monsieur, je vous envoie un peu de la vie d'un Musée de mon village Lapanouse où se trouvait ce Musée.
Je ne peux vous faire la photocopie du journal dont je vous avais parlé, elle est trop fripée et n'a rien donné. C'était [dans] le journal L'Union catholique (février 1905 ou 1906) : "Ce menuisier ébéniste n'a eu d'autre guide que son imagination, sur la carte postale on aperçoit le général Pélissier avec son sabre, l'évêque de la Martinique, Saint-Roch et son chien, Robespierre à cheval sur une chèvre, etc. (illisible), au second plan : un sanglier, un ânon, un crocodile, une tête de bœuf, un écureuil grignotant une noix, des lapins, des poules, (etc...) Nous ne saurions trop recommander aux touristes sillonnant notre pays, et ils sont nombreux, et à tous les amis du beau qu'une visite dans les ateliers de cet artiste, (etc...), ils trouveront toujours quelque objet digne de leur convoitise".
L'auteur de cet article serait un Dominique de Saint-Léon, écrivain de la région.
A savoir dans une pièce obscure il y avait une chambre mortuaire, 2 cierges, un Christ, un bénitier, un lit, et sur ce lit, un mort en bois bien sûr, les visiteurs qui voulaient bien sûr, devaient faire le signe de la croix et bénir le mort, il paraît que c'était très lugubre, et juste que la lueur des chandelles, ce lit aussi avait une tête de mort à chaque pied de lit, un corbillard, un fossoyeur, mon grand-père l'avait acheté mais ni mon oncle, ni mon père ne voulait y dormir, ils l'ont vendu à un antiquaire de Béziers contre une chambre à coucher (armoire à glace)... Ma grand-mère était fière, car ils avaient fait une affaire.
Des quatre enfants Costecalde, aucun n’est resté au pays et, à son décès, ils vendirent quelques meubles et tout le reste [est parti] au feu... Ils avaient honte que leur père soit un "foudralas" [foulatras, plutôt, non ?], mot patois qui veut dire "dérangé".
Que reste-t-il aujourd'hui ici : deux ou trois armoires et une pierre sculptée mais que l'usure du temps a détériorée".
"Cette dame m'a envoyé joint à son courrier une photo de l'armoire sculptée qu'elle possède encore aujourd'hui." (Julien Gonzalez). Voir ci-après la carte du musée que j'ai enrichie de légendes apposées près des effigies évoquées dans les descriptions, plus la photo de l'armoire évoquée mon correspondant Julien.
Carte avec légendes incrustées sur la photo par B.M.
Magnifique armoire actuellement conservée chez une habitante de Lapanouse, ph. transmise par Julien Gonzalez.
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¹ Ce mot de "foulatras", je ne sais trop d'où il vient. En fouillant sommairement sur Internet, j'ai trouvé, sans être sûr de moi, que le mot était courant dans le parler Gaga de la région de Saint-Etienne, désignant quelqu'un de dérangé, d'anormal, de pas comme tout le monde, etc. Régis Gayraud me propose une dérivation occitane de "folâtre"... Ô, comme nous manquent les conseils avisés de ce distingué occitaniste qu'était Michel Valière...
07/10/2021 | Lien permanent | Commentaires (6)
Info-Miettes (36)
Actualité de Benjamin Péret
Un livre sort, édité par l'Association des amis de Benjamin Péret, intitulé Comme un haricot au clair de lune. Les collections Benjamin Péret de la Bibliothèque municipale de Nantes.
"Les collections Benjamin Péret réunies par la Bibliothèque municipale de Nantes n’ont pas d’équivalent ailleurs en Europe, comme aux États-Unis. Cet ensemble est impressionnant autant par le nombre que par la qualité des documents. L'ouvrage est un complément indispensable à l'exposition La parole est à Péret qui s'ouvre à Nantes en janvier 2021." (Association des Amis de Benjamin Péret). Pour en savoir plus, cliquez sur le lien ci-dessus ("Un livre", ou "L'ouvrage").
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Sortie de la revue Trakt n°12
Paru en novembre dernier, j'ai oublié de mentionner la sortie de ce numéro où figure un article de mézigue sur la découverte aux Puces de sept peintures d'une artiste réservée, qui exposa rarement, en dépit du charme hors-modes de son univers visionnaire symboliste, Dominique Dalozo, d'origine argentine comme sa compagne Yvonne Bilis-Régnier, dont, d'ailleurs, je ne suis pas sûr que cette dernière ne soit pas l'autrice de quelques-unes des peintures retrouvées dont seules quatre sont signées de Dalozo (dont celle reproduite ci-contre).
La revue nous apprend également, par le truchement de Jeanine Rivais, le décès du docteur Jean-Claude Caire (1933-2020), le passionné qui anima longtemps, en compagnie de sa femme Simone le désormais célèbre Bulletin des amis de François Ozenda. Il était impossible d'aller parler quelque part en leur compagnie chez un autodidacte quelconque sans avoir la surprise de retrouver tous les propos retranscrits dans leur bulletin à la suite d'un enregistrement secret dont personne évidemment n'était prévenu à l'avance. Cela faisait partie du folklore attaché aux pas de l'ineffable docteur.
Pour acquérir la revue ou savoir où on la trouve (la librairie de la Halle St-Pierre) c'est par là.
Jean-Claude Caire, à Nice, ph. Bruno Montpied, 2008.
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Brut, Singulier, Hors-normes, Le Guide de l'Art Buissonnier, un nouvel Hors-série du magazine Artension
Autre parution, celle-ci début décembre 2020, ce Guide, un hors-série du magazine Artension – auquel j'ai collaboré par plus de 60 notices sur divers lieux et sites à travers les quatre régions dont j'avais la charge (Ile-de-France, Pays de la Loire, Nouvelle Aquitaine, Occitanie), plus une liste d'événements, un éditorial que j'ai signé en commun avec la rédactrice en chef du magazine, Françoise Monnin (qui signe parfois quelques notices éparses dans mes régions), un texte aussi sur ma conception des arts spontanés – ce Guide est consacré à la présence de l'art brut, des environnements spontanés (populaires ou alternatifs), à l'art singulier, l'art naïf tels qu'ils se manifestent à travers divers lieux, associations, galeries, musées en France. Une critique cependant ici, l'art singulier tel qu'il est représenté dans ce Guide (pas par moi!), justement, commence à être noyé de plus en plus dans l'art contemporain alternatif de province, perdant peu à peu de sa spécificité qui reposait sur une originalité esthétique, un anarchisme des contenus, une référence en creux à l'art brut, un comportement de ses auteurs en rupture avec les traditions et les hiérarchies dans la diffusion des arts plastiques. Un peu plus de rigueur n'aurait pas été de trop dans la sélection de certaines adresses.
Ce Guide aussi a quelques autres défauts (en plus d'être peut-être un peu cher –19,50€). On n'aperçoit pas assez, par exemple, la distinction entre les pages achetées par des annonceurs et les pages et photos qui relèvent strictement des rédacteurs.
Pages du Guide ouvertes sur la Nouvelle-Aquitaine, avec deux photos et des notices de Bruno Montpied.
Mais en dépit de ces quelques défauts, il représente cependant un outil supplémentaire utile à tous ceux qui cherchent du nouveau et des adresses du côté des arts spontanés et primesautiers en notre joli territoire. Il est trouvable en kiosque et chez les marchands de journaux, maisons de la presse, librairies diffusant habituellement Artension. C'est bien sûr une exhortation à repartir sur les routes buissonnières en espérant retrouver notre liberté et nos cultures alternatives le plus tôt possible (vaccinez-vous dès que vous le pourrez!)...
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Exposition Alain Sanfourche et Jean Dominique à Limoges
Montée à l'initiative de leur principal défenseur, de la même région qu'eux (le Périgord), Jean-Luc Thuillier, cette exposition permet – entre deux confinements et couvre-feux (la barbe)? – de découvrir quelques œuvres de ces deux créateurs, Alain Sanfourche (qu'il ne faut pas confondre avec Jean-Joseph Sanfourche dont la notoriété lui a longtemps fait de l'ombre), naïf et expressionniste visionnaire (voir tableau ci-contre, Paysage imaginaire, 70 x 80 cm, 2007, ph. Bruno Montpied) , et le rural Jean Dominique, plus brut, sculpteur ultra modeste et infiniment touchant (voir ci-dessous la photo de B.M. prise dans la collection permanente du Musée de la Création franche à Bègles). C'est dans la Galerie (d'encadrement) Vincent Pécaud, à Limoges, que cela se passe. Les dates (à vérifier auprès de la galerie, comme toutes les dates d'expo en ces moments troublés où aucune information n'est vraiment stable) sont du 28 novembre 2020 au 30 janvier 2021.
21 rue Elie Berthet 87000 LIMOGES. Tél. : 05 55 34 35 47
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Exposition "Hors les murs" du Musée de la Création Franche
Si on ne sait pas encore exactement, en dépit d'informations ayant filtré sur Sud-Ouest (dont je me suis fait l'écho dans le Guide de l'Art Buissonnier cité ci-dessus) ce que sera l'activité du musée durant la période de travaux assez longue qui s'annonce à partir de la mi janvier, avec fermeture du musée, qui sera le nouveau responsable de la Création Franche (Pascal Rigeade prenant sa retraite, qu'on lui souhaite la meilleure possible bien entendu), et ce que l'on a prévu comme activités – ou non – à l'extérieur du musée, pendant ces deux années, on peut tout de même signaler une expo hors-les-murs d'ores et déjà en place à l'EHPAD Marion Cormier, situé à Bègles, du 15 décembre 2020 au 15 mars 2021. "Hyménée automnal : un chœur de conteurs", c'est son titre. Une sélection d'œuvres du musée est proposée aux résidents, "en résonance" avec trois récits similaires à des contes créés par des personnes "physiquement isolées mais réunies par ce travail d'écriture". Le terme de conte étant probablement envisagé de manière extensive, non relié rigoureusement à la notion de conte de tradition orale, qui lui n'a pas d'auteur précis.
Yvonne Robert, La Noce à Julia, 1977, coll. Musée de la Création Franche.
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La Patatonie de Serge Paillard
Aux éditions Chatoyantes (joli nom!), est sortie en décembre, ultra discrètement, un nouvel ouvrage consacré au monde imaginaire, la Patatonie, inventé par le peintre et dessinateur Serge Paillard qui se blottit bien loin des sunlights de la médiatisation. Aux dessins exécutés d'après des visions déduites de sa contemplation divinatrice de pommes de terre, se sont ajoutées ces dernières années des broderies sur le même thème. Il s'agit d'un livre d'artiste, si l'on en juge par cette description technique: "Couverture rigide avec titre, texte de présentation et propos recueillis. Format 28 cm x 27,5 cm. Tirage prévu 50 exemplaires. Prix 150 €. Exemplaires numérotés et signés par l’auteur. Chemise intérieure Munken pure 400 gr. Contenant 11 doubles pages au format 27 x 54 cm. Impression sur papier aquarelle 190 gr."
On peut acquérir le livre en s'adressant à... :
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Les Amies et Amis de Martine Doytier font des promesses pour 2021
Reçu ces jours-ci la newsletter de cette association, née l'année dernière (et pas repérée par les auteurs des notices sur l'art buissonnier en PACA, voir le Guide mentionné ci-dessus...). Elle propose un court film intitulé "Martine Doytier, l'étrange monsieur Martin" au sujet de l'automate (c'est lui, M. Martin, justement) qu'elle créa vers 1975, et qui sera bientôt restauré. Une exposition se prépare, des peintures sont retrouvées, un site internet est en gestation, bref l'année 2021 sera sans doute l'année de l'éclatante réapparition de Martine Doytier, étrange artiste atypique.
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L'association l'Art Brut en Compagnie présente ses vœux et ses projets pour l'année nouvelle