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Jean-Christophe Philippi à Sainte-Anne
Y en a qui prennent des risques, ils vont se faire enfermer volontairement à Sainte-Anne. Heureusement, cela reste symbolique. Ce ne seront que des tableaux et des dessins de Philippi, une centaine m'a-t-on dit, qui iront en l'occurrence faire un séjour au musée Singer-Polignac, dans une collaboration entre le Centre d'Etude de l'Expression et le peintre qui veut que l'on confronte son travail –tout à fait impressionnant– aux oeuvres que conserve le Centre d'Etude. On se souviendra également qu'il avait aussi organisé récemment, en compagnie d'Antoine Gentil, une exposition collective, Qui est aveugle?, présentant de façon éclectique divers créateurs de l'art singulier côte à côte avec des œuvres de pensionnaires d'asile, des peintres de l'art naïf atypiques et d'autres grands isolés de l'art.
Jean-Christophe Philippi, sans titre, 80x130 cm, 2009
Les travaux de Philippi, que l'on devine investi à corps perdu dans sa peinture, emploient des techniques variées, craie, pastel gras, encre de Chine, acrylique, stylo, crayon sur tous les formats. Peignant depuis sa jeunesse (aimant alors les travaux du groupe COBRA, comme cela m'est arrivé à moi également), il a déjà eu l'occasion, trés tôt, d'exposer dans diverses galeries, en France et à l'étranger. Il est présent dans plusieurs collections. et à la différence de tant d'autres peintres égocentriques, il ne se contente pas de son propre travail, il entretient un dialogue permanent avec d'autres formes d'expression, ce qui le nourrit en retour, sans affecter son originalité, probablement en raison d'un caractère entier et d'une sensibilité exacerbée qui le garantissent du mimétisme. Cette posture de créateur dialoguant avec les autres créations, sans exclusive, sans discrimination entre "grandes" et "petites" œuvres, je ne peux que m'en sentir proche, comme le démontre, je crois, assez le Poignard Subtil tout au long de ses notes.
Jean-Christophe Philippi, sans titre, 75x110 cm, 2012 (il y a ici une parenté graphique avec les dessins de Swen, que présente Claude Brabant du côté de la galerie l'Usine, je trouve)
Exposition ouverte du 13 avril (vernissage le 12 avril à partir de 18h) au 17 juin 2012, musée Singer-Polignac (Centre Hospitalier Ste-Anne, 1,rue Cabanis, Paris 14e ardt), tous les jours (sauf mardi) de 14h à 19h, entrée libre.
29/03/2012 | Lien permanent | Commentaires (2)
Le plein pays de Jean-Marie M., nouvelle projection parisienne
22/03/2010 | Lien permanent | Commentaires (1)
Jean-Louis Cerisier bientôt au Musée de la Création Franche
J'annonce cette exposition longtemps à l'avance pour le cas où l'on voudrait faire le voyage en réservant un billet à tarif réduit. L'inauguration aura lieu en effet le samedi 5 février, un samedi pour les voyageurs qui viendraient de beaucoup plus loin que Bègles, merci aux organisateurs du musée qui ont eu cette délicate attention.
Jean-Louis Cerisier, Mythologie, 2009
Jean-Louis Cerisier, cela faisait longtemps que je n'avais plus parlé de ses travaux. J'avais même cru à un moment qu'il allait laisser tomber la peinture. Et puis voici que pas du tout il est reparti la fleur au fusil, ou plutôt qu'il n'a jamais cessé de créer sous roche, continuant à produire des tableaux, des travaux graphiques avec une belle opiniâtreté. Peut-être n'était-ce qu'une stratégie pour pouvoir continuer sur d'autres voies plus inédites, tranquillement, en se procurant le calme nécessaire. Je l'ai un peu enfermé au début dans l'art naïf, tant je continue de croire que dans ce domaine, on peut rencontrer d'aussi poétiques trouvailles qu'ailleurs (et Jean-Louis me faisait l'effet d'une de ces trouvailles). Naïf n'est pas forcément synonyme de mièvre et de peinture cu-cul. Lui-même paraissait s'enfermer dans un système, tout en cherchant à casser les limites qu'il s'assignait inconsciemment. Plusieurs de ses peintures, à un moment, attestent de ce besoin de rupture, par des jeux de décadrement. A une époque, comme le rappelle Françoise Limouzy dans le texte qui présentera Jean-Louis sur le carton d'invitation à l'exposition, ce dernier allait même jusqu'à scier ses anciens tableaux, cherchant de nouveaux cadrages, déboîtant, recomposant ses images comme un photographe ou un joueur de casse-tête genre Rubik's cube. Certains portraits masqués représentait un homme se cachant derrière un masque tatoué de cases, de grilles, de labyrinthes vaguement inquiétants. Aujourd'hui, il semble vouloir dépasser cette période. Une de ses dernières peintures, Mythologie (voir notre première illustration), montre ainsi un trio, au sein duquel on peut imaginer un personnage bras en croix comme une projection de l'auteur, enfin sorti avec ses compagnes d'un jardin fermé de grilles, à la végétation envahissante, quelque peu étouffante, s'échappant avec satisfaction semble-t-il de la toile d'araignée de fils blanchâtres qui occupe la composition par-dessus le jardin et le voile noir qui bouche une partie du cadre.
Jean-Louis Cerisier, Les soeurs jumelles, 2010
26/12/2010 | Lien permanent | Commentaires (2)
Sur les traces de Jean Smilowski à la Ferme d'en-Haut
(Cette note comporte une mise à jour)
J'ai évoqué brièvement l'exposition-parcours Smilowski qui s'est tenue à Lille en octobre dernier, ainsi que ce que m'écrivait Mme Bénédicte Lefebvre (voir la note en bas de l'article "Devenir de l'art brut" du 13 décembre), qui défend avec ses amis de l'Association La Poterne la mémoire et la sauvegarde de l'oeuvre, et de l'environnement, de Jean Smilowski, ce monsieur qui vécut pendant quarante ans (de 1943 à 1985) dans une cabane qu'il appelait "Mon Ranch" au pied des fortifications de Vauban dans le Vieux-Lille. On trouve sur la toile quelques renseignements et vidéos épars à son sujet (notamment sur le site de l'INA). Clovis Prévost prépare depuis quelques années un film sur Smilowski, dont on a pu voir ici ou là quelques "pré-maquettes". Il fait partie des documents qui sont évoqués dans le programme qui annonce un "diaporama et un montage de films" dans le cadre de la nouvelle exposition qui lui est consacrée du 16 janvier au 14 mars prochains à La Ferme d'en-Haut (268, rue Jules Guesde, 59650 Villeneuve-d'Ascq). Son projet - et sa caméra aussi bien! - tournent autour des malles peintes par le créateur (dessus, dessous, sur toutes leurs faces) dans une lente giration filmique chargée de faire surgir comme d'une boîte de Pandore les motifs de l'imaginaire smilowskien: Ramona, encore et toujours (la grande obsession de Jean Smilowski), Sitting Bull, Mao, Sainte Rita (la patronne des causes désespérées), Clark Gable, De Gaulle, John Wayne, Napoléon, Charlie Chaplin.
Cette exposition correspond semble-t-il plus adéquatement aux désirs des adhérents et des animateurs de l'Association la Poterne qui souhaitent évoquer la figure de Smilowski dans son environnement original au plus prés de ce dernier, dans la totalité de sa création, et non pas fragmentairement, dispersée au gré des cimaises d'un musée, serait-ce même aux cimaises du futur musée d'art brut de Villeneuve-d'Ascq (qui possède, via les collections de l'Aracine, une quarantaine d'oeuvres de Smilowski). Elle rassemblera ainsi peintures, dessins, livres illustrés sans doute aussi, ainsi que malles et objets peints. L'univers intérieur de la cabane elle-même sera reconstituée dans la salle d'exposition.
Voici un descriptif complet de l'exposition qui vient de m'être envoyé par l'Association La Poterne (l'accrochage étant fin prêt):
"Le rez-de-chaussée expose les toiles, de petits recto-verso représentant des animaux et quatre vitrines d'objets (cavaliers, animaux, boites et trousses fabriquées et peintes, broderies), deux meubles peints, et une photo agrandie sur bâche représentant Smilowski dans sa cour devant sa fresque "Sitting Bull et Ramona".
Le niveau intermédiaire expose le livre de 1600 pages, un cahier, un des ses albums-photos et divers objets, et un diaporama d'une partie des pages du livre (environ 500) que nous venons de réaliser pour cette expo. A ce niveau, on a installé aussi des grands recto-verso, des malles peintes, et les avions, la montgolfière, la fusée, la loco.
Enfin le niveau des combles accueille l'intérieur d'une pièce de sa cabane, avec ses objets perso, ses meubles et malles peints, plus un montage d'extraits de films (Smilo se filmant lui et son environnement, et films de sa filmothèque : Charlot, Laurel et Hardy, cow-boys et indiens...) qui a été réalisé aussi pour l'expo, avec le soutien de La Ferme d'en-Haut, et donc de la ville de Villeneuve-d'Ascq.
La prémaquette de Clovis passera en boucle au rez-de-chaussée sur un écran télé, comme dans l'expo de Lille. Par contre nous ne pourrons pas faire de projections de sa maquette, ni du film de Yohan Laffont (L'ampleur de Smilowski), faute de salle."
Expo visible les samedi et dimanche de 15h à 19h.
12/01/2010 | Lien permanent
Expo-parcours Jean Smilowski à Lille du 10 au 24 octobre
Voici que j'apprends qu'un parcours consacré à la mémoire du créateur inspiré Jean Smilowski se tient depuis le 10 octobre dans le Vieux-Lille, et ce jusqu'au 24. Pressez-vous, si vous avez la disponibilité pour aller chez nos amis lillois. Vous pourrez d'une pierre faire deux coups. Les déviants textiles (voir note du 16 octobre) et Smilowski.
Je ne tenterai pas aujourd'hui de dépeindre tout du long qui était ce curieux bonhomme, que je découvris il y a de nombreuses années dans une expo de l'Aracine en 1992, Art et Bricolage, à Neuilly-sur-Marne, et dont l'oeuvre a été conservée après sa mort (1989) par les fervents admirateurs de l'association La Poterne. Il vivait misérablement dans une sorte de cabane, qu'il appelait "Mon ranch", ou "Mon palais", au pied des fortifications du Vieux-Lille, qu'il avait décorée d'une fresque consacrée à Ramona et à Sitting-Bull (il avait un certain goût pour les Peaux-Rouges), fresque en bas relief que l'on peut admirer aujourd'hui dans l'entrée de la mairie du Vieux-Lille (charmante petite bâtisse). Plusieurs de ses oeuvres, sculptures, assemblages, malles peintes, sont conservées à la fois par l'association La Poterne qui les montre à l'occasion de dates anniversaires comme en ce moment, mais aussi par le musée d'art brut issu de la collection de l'Aracine qui se trouve désormais hébergé à Villeneuve-d'Ascq (une quarantaine d'oeuvres de Smilowski, selon La Poterne, est entrée en 1992 à l'Aracine). Vous aurez beaucoup plus de renseignements au sujet des lieux d'exposition actuels à Lille en cliquant sur le mot parcours.
Jean Smilowski, malle avec effigie de Ramona et maquette d'avion de chasse des années 1940, extraits d'un "coffret-cadeau" édité par l'association La Poterne vers 1993
17/10/2009 | Lien permanent | Commentaires (1)
A la découverte d'Axel Henrichsen avec Jean Painlevé (1956)
J'ai parlé naguère de Jacques Brunius dont la vie et l'oeuvre me fascinent. Dans son film génial sur les créateurs de violons d'Ingres en tous genres, daté de 1939, premier documentaire sur l'art populaire et brut (avant la lettre pour ce dernier terme) en Europe (et on peut bien l'oser: au monde...), apparaissait de façon fugitive un autre cinéaste poétique et tout aussi génial, cousin en esprit de Brunius, j'ai nommé Jean Painlevé.
Né en 1902 et disparu en 1989 (pour sa biographie, on peut se reporter utilement à cette notice dûe à Brigitte Berg qui anime aujourd'hui les Documents Cinématographiques, garants de la mémoire de Jean Painlevé), ce dernier est surtout connu comme le pionnier d'un cinéma scientifique de vulgarisation, ce dernier terme n'étant bien entendu pas à prendre dans un sens dépréciatif, puisque Painlevé songeait par là à la facilitation de la diffusion du savoir scientifique vers le grand public (pour ne pas dire le public populaire). Pour ce faire, il ne s'interdit jamais d'user de l'humour, de la poésie et de la fantaisie dans ses documentaires concis, où la musique, par exemple le jazz de style "jungle" dans son film Assassins d'eau douce sur la prédation en milieu aquatique, est parfois amenée à jouer un grand rôle créant des décalages amusants. Painlevé ne dédaigne pas non plus d'employer un regard parfois fortement anthropomorphiste, attitude qui après des décennies d'éteignoir sous prétexte de recherche d'objectivité reprend de la faveur ici ou là (par exemple dans la littérature jeunesse documentaire). Elle lui fut reprochée, comme l'a souligné Brigitte Berg (voir lien ci-dessus), mais Painlevé balayait l'argument en disant ceci par exemple: "Tout est matière à l'anthropomorphie la plus saugrenue, tout a été fait pour l'homme et à l'image de l'homme et ne s'explique qu'en fonction de l'homme sinon " ça ne sert à rien " ".
Son oeuvre, qui nous revient aujourd'hui à la faveur de sa réédition sous forme de DVD, grâce aux Documents Cinématographiques (société de production fondée par Jean Painlevé en 1930), n'a pas pris une ride, et a gardé toute sa fraîcheur. A la parcourir, on s'aperçoit aisément qu'elle a influencé des générations de documentaristes spécialisés dans l'évocation de la nature (je pense notamment à l'excellente série sur les "Inventions de la vie" de Jean-Pierre Cuny). Jusqu'à présent, trois DVD sont sortis, contenant bien entendu les documentaires animaliers et scientifiques qui ont fait la renommée de Painlevé (beaucoup étant en rapport avec le monde sous-marin, avant les films de Cousteau), mais aussi certains courts-métrages plus expérimentaux comme Mathusalem (1927), ensemble de cinq séquences (où joue Antonin Artaud)
initialement prévues pour une pièce de théâtre d'Ivan Goll (avec qui Jean Painlevé, entre parenthèses, collabora pour le n°1 de la revue Surréalisme, revendiquant ce vocable inventé par Apollinaire de façon différente de celle revendiquée par les jeunes André Breton, Philippe Soupault, Aragon, etc. ; à noter que Painlevé resta à l'écart du surréalisme bretonien, même s'il entretenait de bons rapports avec certains de ses membres, apparemment selon Brigitte Berg pour des divergences de vue sur l'importance de la musique). On trouve aussi dans ces trois compilations, un film d'animation extraordinaire avec des personnages en pâte à modeler, Barbe-Bleue (adaptation de 1937 du célèbre conte de Perrault), dont la technique devance de très loin les films des studios Aardman (Wallace et Gromit).
Et puis, on y trouve aussi (DVD n°3, édité en 2007, double DVD), un film qui nous regarde davantage, quant à la thématique plus particulière de ce blog, à savoir LE MONDE ETRANGE D'AXEL HENRICHSEN qui date de 1956. Oui, Jean Painlevé s'est aussi intéressé à l'art des autodidactes, et grâce à ce film peut figurer dans ce segment du documentaire artistique qui concerne l'art brut, naïf, populaire, où vient en tête Violons d'Ingres de Jacques Brunius (1939), et où figurent aussi le Palais Idéal d'Ado Kyrou (1958), puis Le Facteur Cheval, "Où le songe devient la réalité" de Claude et Clovis Prévost (1980), films que l'on a eu la chance de voir projetés à Nice dans les programmations de l'Association Hors-Champ (qui projette pour bientôt la publication d'un petit ouvrage sur sa programmation et cette filmographie à part).
J'ai découvert ce film à la fin des années 80 à une rétrospective des films de Painlevé qui avait lieu au cinéma Le République. Painlevé était là et présentait les films. Sur Axel Henrichsen, il se plaignit de ce qu'il n'ait jamais enregistré aucune réaction à son sujet. J'étouffai au fond de mon fauteuil, en moi une voix criait, mais comment donc, votre film est pourtant absolument magnifique, en outre il révèle un créateur que le corpus de l'art brut ou autodidacte n'a jamais retenu. Je m'étais alors juré de trouver un jour un espace où parler de ce film et de ce créateur.
"Une famille près de Copenhague créait par des moyens très personnels des formes du vivant avec des matériaux variés. L'un d'eux, forgeron, utilisait aussi bien du bois que des détritus végétaux ou animaux (il possédait un grand jardin où régnait sa femme avec de magnifiques plantes et fleurs diverses...).
J'en filmais une "actualité" qui, comme quelques autres d'entre elles, n'intéresse personne... C'était en vue de susciter chez les gosses des imitations du même ordre, de fabrication peu coûteuse... (...) Les distributeurs qui connaissaient le genre de mes films, méprisèrent celui-ci en décrétant qu'il n'offrait aucun intérêt. Je l'avais fait en deux jours, un d'été et un d'hiver." (extrait du catalogue "Jean Painlevé" édité en 1991 par Les Documents Cinématographiques).
Axel Henrichsen, comme le dit Painlevé faisait partie d'une famille qui aimait se récréer grâce à divers techniques artistiques. Le film montre au début du reste quelques peintures dûes à ses proches, que l'on trouvera à juste titre assez conventionnelles. C'est Axel qui fabrique des oeuvres vraiment plus originales à partir de racines dans un premier temps (à partir de 1942 semble-t-il, "son pied ayant heurté une racine" -phrase qui fait penser fortement à la première pierre trouvée par Ferdinand Cheval) puis avec des os de boucherie ensuite (os que lui ramènent ses chats et les renards qui rôdent autour de sa maison, on les voit dans le film). Et ces oeuvres pourraient tout à fait à mon sens relever de l'art brut tant elles figurent des personnages grotesques et drôlatiques faisant parfois songer à des diables de cathédrales ou à des extra-terrestres, en tout cas assez peu en référence à la vision convenue de la réalité.
On aimerait fortement savoir ce qu'est devenue l'oeuvre de ce monsieur au Danemark. L'exposition "Gars du nord" organisée en 1988 à la Maison du Danemark, consacrée en partie à l'art populaire du Jutland, ne parlait pas de lui. Google me paraît bien muet aussi sur ce sujet. Alors, si quelque internaute a des lumières sur la question, qu'il n'hésite pas...
17/02/2008 | Lien permanent
Ce n'est pas Jean le Sot...: MASSIF EXCENTRAL (4)
En musardant dans la bonne ville de Clermont-Ferrand, où le tramway affiche quelquefois mon patronyme comme terminus, ce qui m'incline à le prendre pour voir ce que je trouverai au bout, l'autre jour, je tombe sur cette plaque de rue au nom plein de promesses. En voilà un, me dis-je, qui était bien placé.
04/08/2007 | Lien permanent | Commentaires (11)
Jean-Louis Cerisier à la chasse aux muralistes de campagne
C'est un peu tardif si vous aviez l'opportunité d'aller aujourd'hui au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval, mais ce ne l'est pas du point de vue de la stricte information.
"Rendez-vous singulier" ce dimanche à 16h donc, pour assister à une conférence de Jean-Louis Cerisier, peintre singulier et naïf lavallois dont j'ai déjà eu maintes fois l'occasion de parler ici.
En parallèle de son travail de création, nous dit le laïus du musée, "il s’est intéressé dans les années 1900-2000 [sic] aux créations populaires dont est parsemé le territoire : fresques de village, œuvres dans les écoles, cafés décorés, art éphémère, se livrant à une véritable enquête en Mayenne et dans les Pays de la Loire à la recherche de ces créations insolites. Il livre aujourd’hui un aperçu du résultat de ses recherches. Une occasion unique de (re)découvrir le territoire à travers le regard de ses artistes anonymes". Il a d'ailleurs déjà donné l'occasion aux amateurs de se rendre compte de cette création, ici qualifiée un peu vite, il me semble, de "populaire" (ce qui l'assimile de fait à d'autres formes de création populaire comme l'art rustique, ou les environnements spontanés dont je parle souvent et introduit donc une certaine confusion dans l'esprit du public), dans la revue 303 (ancien rédacteur en chef Jacques Cailleteau), voir le n° 43 ( sur le peintre Beyel, un vrai naïf pour le coup, article intitulé "Origné ignoré, sur les traces du peintre Beyel", 1994), le n°57 (article "Mondes insolites et travaux artistiques: la Mayenne à l'œuvre", 1998) et le n°58 ("Mondes insolites et travaux artistiques: la Mayenne à l'oeuvre, seconde partie").
Peinture murale de Beyel (1926) dans le café-tabac,alimentation d'Origné (Mayenne), ph. B. Renoux, extraite du n°43 de 303, 1993 ; ce peintre nomade et solitaire peignait, paraît-il en échange du gîte et du couvert
Il compilait à cette occasion peintres naïfs locaux inconnus, auteurs de fresques dans des cafés (Beyel, André Thureau), créateur autodidacte d'un environnement brut (Céneré Hubert), peintres fresquistes régionaux au métier affirmé mais aux sujets un peu insolites (Tribus), fresquistes du dimanche aux limites de la peinture de croûte (Olivacce ; par ailleurs je sais Cerisier amateur de peintres inconnus de dépôts-vente comme un certain A.Labarde qui l'intrigue, à la limite de la peinture kitsch), créateur singulier célèbre (Robert Tatin), et peintre intellectuel mystique adepte de muralisme atypique (Xavier de Langlais). Nul doute cependant que dans ses recherches menées sans trop de discrimination (le tri viendra-t-il plus tard?), Jean-Louis prend tout ce qui vient, dans la mesure où la peinture de campagne l'interpelle, l'intrigue, et peut-être aussi lui rappelle quelqu'un qui ne serait pas si éloigné que cela de ses propres démarche et thématique personnelles... Voir par exemple la fresque ci-dessous qui ne va pas sans évoquer certaines de ses peintures.
Jean-Louis Cerisier, façade à Nozay, Loire-Atlantique
Jean-Louis Cerisier, Le port, 33 x 25 cm, 2010
C'est cependant une excellente idée de sa part de se livrer à cet inventaire – parallèle au mien plus axé sur les créations en plein air d'autodidactes d'origine strictement populaire, non professionnels de l'art – des fresquistes et peintres régionaux dont les décorations sont perdues dans les campagnes de Mayenne et au delà (on pourrait les étendre à toute la France). On obtiendra sans doute à la fin un panorama de la création décorative provinciale qui irait du naïf absolu à l'intellectuel primitivisant, en passant par les artistes publicitaires semi amateurs et les peintres du dimanche imitant de loin les peintres d'église, en les mixant avec les artistes singuliers contre-culturels et alternatifs, quelque créateur brut étant admis au banquet pour que le panel soit complet, dans le désir de Jean-Louis Cerisier tout de même (c'est le sentiment que j'ai) de rassembler toutes ces créations sous la seule bannière de l'art. Ce qui à mon humble avis représente une position restrictive qui ne tient pas compte de l'explosion des barrières socialement admises générée par la reconnaissance des créateurs bruts, œuvrant hors système traditionnel des beaux-arts justement (j'y assimile ici les créateurs d'environnements spontanés). C'est la position seulement réformiste de Jean-Louis Cerisier vis-à-vis de l'art que je pointe là, que je distingue d'une position plus révolutionnaire sur laquelle je campe personnellement.
A. Labarde, sans titre, sans date, coll. Jean-Louis Cerisier, ph. Bruno Montpied, 2009 ; on est ici à la limite de ce que les Américains appellent le Bad Art, tandis qu'en Europe, on parlerait plutôt de peintures de croûte, du type de celles qui végétent au fond des dépôts-vente (Labarde a d'ailleurs été repêché par Cerisier dans ces bric-à-brac), certaines oeuvres recélant cela dit un charme indéfinissable, aux limites du naïf, du raté, et de l'incongru...
14/04/2013 | Lien permanent | Commentaires (4)
René Rigal à la Maison du Tailleu, chez Michelle et Jean Estaque
Exposition René Rigal à la Maison du Tailleu du 1er août au 4 septembre 2016 (La Maison du Tailleu : Place de l'Église, 23000 (la Creuse), Savennes, France)
"Jean et Michelle Estaque seront heureux de vous recevoir pendant la durée de cette exposition tous les week-ends et jours fériés de 15h à 19h et sur rendez-vous au 05 55 80 00 59".
L'exposition dont il est question dans le petit message ci-dessus concerne l'œuvre de René Rigal, cet ancien cheminot de Capdenac qui sculpta des personnages filiformes dans de longues branches durant des années. Il chercha à les exposer dans des locaux et galeries de sa région, comme par exemple à la galerie La Menuiserie de Rodez, mêlant ainsi son œuvre d'autodidacte rustique – on pourrait aisément le ranger dans l'art rustique moderne avec Gaston Chaissac, qui inventa le terme, ou Gaston Mouly – à celles d'artistes contemporains provinciaux.
René Rigal, Eve enlacée par le serpent, sans date, coll. privée Capdenac, ph. Bruno Montpied, 2012
René Rigal, détail d'un bouliste, coll. privée Capdenac, ph.B.M., 2012
Ses œuvres, dont bien des exemples sont conservés par sa femme au prénom – prédestinant pour un mari cheminot – de Micheline, sont variées et originales, recherchant l'audace dans leur conception.
René Rigal, groupe de pèlerins de Saint-Jacques, coll. privée, ph. inconnu, archives famille Rigal
Même parmi les nombreux cas de transformateurs de branches en figures fantastiques ou réalistes, il fait figure de novateur. Le plus proche de lui étant peut-être Emile Chaudron qui dans la Haute-Marne, à Prez-sous-Lafauche, sculptait les brindilles, les branchettes d'épines ou de mirabelliers, créant comme une écriture arachnéenne proche des idéogrammes asiatiques. Ce dernier, qui était sculpteur sur meubles à la base, naïf malgré tout, exposa dans des salons parisiens ou régionaux, tout en se constituant un petit musée personnel qu'il ouvrit au public à partir de 1961 dans son village.
Emile Chaudron (disparu en 2014), autre sculpteur sur bois, rayonnages où sont désormais présentées ses œuvres dûment légendées dans le petit (et nouveau) musée "aux branches" municipal de Lafauche, ph. B.M., 2016
18/08/2016 | Lien permanent
Aventures de lignes (2): Jean-Louis Cerisier
Jean-Louis Cerisier
Né en Loire-Atlantique, et ayant passé sa jeunesse à Laval, Jean-Louis Cerisier, de sa profession instituteur (il y en a deux dans l'exposition "Aventures de lignes"), a été marqué par les grandes figures de l’art naïf et de l’art dit « singulier » (ce dernier regroupant des artistes post-art brut et post-art naïf, qui réalisent parfois, comme Jean-Louis, une synthèse des deux corpus) de la préfecture de la Mayenne : le Douanier Rousseau, Jules Lefranc, Henri Trouillard, Robert Tatin et Jacques Reumeau. Il n’est pas insensible à la nébuleuse d’artistes installés dans la région. Un de ses meilleurs amis d’enfance est le peintre et dessinateur visionnaire Serge Paillard.
Jean-Louis oscille aussi dans son art entre naïveté et singularité, et ce depuis sa jeunesse, lorsque certains de ses dessins ressemblaient à des expérimentations surréalistes, avec des machines bizarres. Il a multiplié ses techniques au fil du temps, que ce soit grattage ou collage, détournements d’images trouvées aux Puces ou dans la rue, découpages, etc. Il aime à construire une iconographie faite de paysages ou de scènes subtilement démarqués du réel quoique passés au tamis d’un regard fasciné par l’aspect parfois étrange du monde et de l’existence. Des souvenirs d’enfance viennent probablement imprégner les résultats de ses explorations iconographiques, de même que le souvenir de peintures admirées dans le vaste corpus de l’art dit naïf, qu’il soit français ou venu des pays slaves ou baltes (Pologne, Lituanie), auxquels Jean-Louis voue une grande admiration.
(Voir B.M., « Le pays au-delà des grilles, Jean-Louis Cerisier », dans Création Franche n°14, Bègles, avril 1997 ; ainsi que plusieurs notes dans le Poignard Subtil ; à noter aussi que des œuvres de Cerisier sont présentes dans le musée d'art naïf et d'arts singuliers du Vieux-Château à Laval)
Jean-Louis Cerisier, Inventions, une rangée de fétiches aquatiques, aquarelle surlignée au stylo, 30x25 cm, 2016 ; exposée à "Aventures de lignes", galerie Amarrage (88, rue des Rosiers, St-Ouen du 22 octobre au 4 décembre), collection privée, photo J-L.C.
24/10/2016 | Lien permanent