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Rechercher : Philippe Lespinasse

Tirer les vers de la bouche, tirer les vers des yeux

    Pas besoin d'une glose ici, la photographie parlera seule. Juste pourra-t-on ajouter que l'image est à verser dans la catégorie des visages en trois points, plus touchants d'êtres ainsi dûs au hasard que la moindre des "têtes à Toto" des artistes dits singuliers.

Tirer les Vers de la bouche,ph.Bruno Montpied,St-Malo, 2010.jpg
Photo BM, Saint-Malo, 2010
     Et comme certain commentateur -voir ci-dessous- ne paraît pas voir ce que je veux dire en matière d'artistes singuliers, je republie sur ce blog l'article que j'ai publié en avril 2008 dans Création Franche n°29:

"L'Attaque des Clones       

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Dessous de tabouret à traire, ph. Philippe Lalane, 2007

         Je demandais il y a tout juste vingt ans (Actualités de l'art brut dans Artension, deuxième série, début 1988) que l'on fasse davantage de place aux singuliers de l'art en tous genres,  pas seulement à l'art brut.

      Ce dernier triomphe aujourd'hui internationalement.

   C'est loin d'être le cas pour ceux qu'on a rangés tantôt dans « l'art singulier » (renversement des termes popularisé dans le Sud-Est par les festivals organisés par Danielle Jacqui et feu Raymond Reynaud à Roquevaire puis à Aubagne), tantôt dans la Neuve  Invention (terme usité à Lausanne, forgé par Dubuffet et Thévoz, et qui n'a pas rencontré beaucoup de succès, on doit l'avouer) ou encore dans la Création Franche chère à Gérard Sendrey dans son site-musée éponyme à Bègles. Outre-Atlantique, cependant, sous le terme d'Outsiders, parviennent à se faire reconnaître nombre de créateurs que l'on rangerait ici plutôt du côté des Singuliers. C'est en France que la sauce ne prend pas...

       Les Singuliers de l'Art, c'était une façon au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris en 1978 de créer un rassemblement qui englobait à la fois l'art brut, les créateurs d'environnements et tous les marginaux coincés entre professionnels de l'art contemporain et création autodidacte sauvage. L'exemple des expositions surréalistes bien sûr était passé par là et inspirait ce genre d'initiatives (qui fut relancé à Paris une autre fois pour Art Brut et Compagnie à la Halle Saint-Pierre en 1995-1996). Ce type de grande exposition dans des lieux aux moyens limités n'est bien entendu pas facile à monter et cela explique qu'on n'ait pas beaucoup  renouvelé l'expérience. Mais d'autres raisons sont à invoquer dans ce qu'il faut bien appeler aujourd'hui un certain déclin, voire une certaine déliquescence du corpus qu'on cherche à nous faire avaler comme étant de l'art singulier.

        Les festivals, après Roquevaire, toujours plus chargés de poncifs en matière d'art de la récupération (ça porte bien son nom...), se sont multipliés dans des petites villes à l'écart ou non des grandes routes, Banne en Ardèche, plus récemment à Lyon qui a sa "Biennale de l'art singulier", à Grenoble aussi dans le temps, à Praz-sur-Arly, ou du côté de Montpellier (je ne pense pas aux expositions de la collection d'Alain Bouillet qui est un amateur exigeant ; je mets également à part les expositions du Pluriel des Singuliers qui se tinrent, semble-t-il avec un certain soin, à Aix-en-Provence), présentant toujours plus de seconds couteaux de l'art vite fait sur le gaz... Paris eut son Printemps des Singuliers quelque temps, avec des accrochages fourre-tout où une chatte n'aurait pas retrouvé ses petits. Depuis quelques années, on voit aussi un salon appelé La Métamorphose des matériaux se tenir dans la capitale, se faisant une spécialité de recycler ad nauseam les récupérateurs de la récupération dans un vaste fourbi dégénérant en salon de l'art décoratif puisé dans les poubelles (très chic et très rentable).

       Parmi les raisons de ce galvaudage généralisé de l'art singulier, il y a eu aussi l'influence délétère d'un magazine comme Artension qui n'opère plus aucun tri vis-à-vis des œuvres bâclées qu'on lui propose, les motivations profondes de ce magazine semblant être devenues avant tout d'ordre commercial et donc le menant à toujours plus de complaisance à l'égard du premier faiseur venu (je me souviens encore comment m'a été présentée l'offre de figurer dans leur "Bible de l'Art singulier", il fallait d'abord s'engager à acheter dix exemplaires du livre, sinon il était fort probable que je n'aurais aucune chance d'y figurer ; inutile de dire que je ne donnai aucune suite à cette proposition et que je ne fis en conséquence nullement partie de cette bible, anti-référence parfaite aujourd'hui en matière d'art singulier).

      Sévit également en France un manque d'exigence et d'esprit critique érigé à la dimension d'une mode, popularisé et massivement diffusé par le grand outil de décervelage national qu'est la télévision.

      Tout cela combiné a progressivement été cause d'une mise sur le circuit d'un nombre toujours plus croissant de sous-produits, d'ersatz d'art singulier. Le moindre petit artisteux un tant soit peu narcissique, s'il a croisé un jour la route d'un épigone de Chaissac vulgarisé par quelque télé ou plumitif locaux, peut se mettre à fabriquer des têtes à Toto de façon quasi industrielle, finissant par remettre totalement en question les mots art brut (que l'on emploie à tire-larigot), tandis qu'art singulier, n'en parlons même plus!

        Je revois encore Simone Le Carré-Galimard ronchonner en descendant l'escalier de la Halle Saint-Pierre, peu de temps avant sa disparition, regimbant contre tous ces artistes nés de la dernière pluie de grêlons gros justement comme des têtes à Toto. Quoi de plus facile que de faire de "l'art brut" avec le moindre débris récupéré dans la rue ? Donnez-moi trois doigts, un peu de pâte molle, et je vous colle un de ces visages primitifs, moi[1]... On s'amuse, on se fait plaisir, on joue à l'art.

       C'est bien une décadence complète et absolue. Il faut désormais que les créateurs authentiques, s'il en reste, se rassemblent et résistent contre cette attaque des clones ! Il faut surtout créer de nouveaux espaces alternatifs et les confier à des incorruptibles de l'art ! Et republier des listes comme le faisaient les surréalistes. Lisez... Ne lisez pas... Regardez... Ne regardez pas... ! Tant pis si des esprits grincheux viennent nous traiter de donneurs de leçons et de maîtres d'école. Ce sont justement les mêmes qui sont les responsables de cette invasion de primitivisme avarié qui finit par tuer tous les espoirs que l'on mettait dans ces alternatifs de l'art, apparus dans les années 70, inspirés par l'exemple moral, social et esthétique des créateurs de l'art brut que ne tourmentait aucune vénalité.

      Qu'attend-on donc de l'art ? N'est-il qu'un supplément d'âme ? Une force décoratrice ? Ou bien le miroir d'une révélation-révolution ? Un état d'esprit chargé de réenchanter notre vie quotidienne non seulement par son langage mais aussi par un comportement qu'il implique, bien loin du désolant "travailler plus pour étouffer davantage" que voudraient nous fourguer les nouveaux riches au pouvoir actuellement ?

Bruno Montpied, janvier 2008.


(1) La photo d'un dessous de tabouret à traire que j'insère au début de cette tribune aura davantage de chances de figurer un visage, par hasard, que le moindre visage traité en poncif de l'art "brut" par ces artistes si peu singuliers nés de la dernière pluie."

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Guy Brunet, le Cecil B. De Mille de Decazeville, un exemple d'”art modeste”

    En mai 2004, j'eus la surprise de découvrir les affiches de cinéma hollywoodien repeintes par Guy Brunet, réfractées à travers le prisme de son imaginaire passionné. Les partisans de l'art modeste l'avaient bien exposé, notamment à Paris à la galerie Arts Factory (à son ancienne adresse de la rue d'Orsel à Montmartre), mais je l'avais manqué.

Guy Brunet, affiches de cinéma exposée au Musée d'art naïf de Nice dans le cadre des 7èmes Rencontres autour de l'Art singulier en 2005.jpg

    Tandis qu'en mai 2004, ce fut chose faite de façon amusante -j'étais venu assister à la programmation cinématographique toujours pleine de surprises, telle que la concoctent chaque année depuis dix ans Pierre-Jean Würtz et l'Association Hors-Champ. En 2004, c'était les "Septièmes rencontres autour de l'Art Singulier" qui se tenaient comme à l'habitude dans l'auditorium du Musée d'Art Moderne de Nice (cette année, les rencontres seront les onzièmes et sont prévues pour le samedi 7 juin, mais j'y reviendrai). Je présentais à cette occasion mes propres films sur des environnements que j'avais filmés de 1981 à 1992 en Super 8, en cinéaste amateur adapté à son sujet, avec un projecteur installé en plein milieu de l'auditorium que j'actionnais moi-même tout en commentant les films... Au cours de cette même journée, on passa aussi un film  sur Guy Brunet, dû à Philippe Macary et Jean-Marc Pennet (12 minutes). L'"artiste" avait suivi le film qui lui était consacré, accompagnant les réalisateurs, comme c'est souvent l'usage à Nice. Il avait pour l'occasion amené tout un lot de ses "affiches" peintes qu'il se mit à étaler sur l'estrade de l'auditorium dans une sorte d'exposition sauvage. Voici l'une des affiches qui fut acquise à cette occasion par un collectionneur parisien: "Fanfan la Tulipe"...Guy Brunet, affiche peinte d'après Fanfan la Tulipe, coll privée Paris, photo B.Montpied, 2007.jpg On comparera avec une affiche de l'époque et on notera les similitudes et les différences, celles-ci plus nombreuses que celles-là.Affiche originale du film de Christian-Jaque.jpg 

   Cette affiche n'est, cela dit, pas tout à fait représentative de l'ensemble de la production "affichiste" de Brunet, qui est un passionné du Hollywood de la grande époque. Ses affiches, véritables recréations, vont plutôt vers le cinéma américain. On put en voir d'autres en 2005, exposées au Musée International d'Art Naïf Anatole Jakovsky à Nice, dans le cadre d'une exposition organisée toujours par Hors-Champ à côté de sa programmation annuelle de chaque fin de mai (se reporter à la première image placée au début de cette note).

Guy Brunet, boîte-affiche-reliquaire consacrée à Un Américain à Paris, expo Rencontres autour de l'Art Singulier au MIAN de Nice, 2005, photo B.Montpied.jpg

 

    Mais notre héros ne s'arrête pas là... Guy Brunet peuple sa petite maison de Viviez, dans le bassin de Decazeville, d'innombrables silhouettes peintes sur carton qui représentent les comédiens, les producteurs, les metteurs en scène, les personnages du cinéma hollywoodien. Guy Brunet, silhouettes peintes de personnalités du cinéma hollywoodien, Rencontres autour de l'Art Singulier au MIAN de Nice, 2005.jpg Depuis peu, il est aussi passé aux vedettes de la télévision. Et il fait des réalisations aussi, des scénarii qui semblent des réécritures de films connus dont il modifie la fin lorsque l'originale ne lui plaît pas. Il paraît aussi procéder par montage de films célèbres en incorporant des scènes où il se filme commentant l'histoire du cinéma qui lui est cher avec une voix qui ressemble à celle de Frédéric Mitterand (la voix traînante de ce dernier, presque soporifique, lorsqu'il se veut commentateur distingué pour cinéphiles). Il faut bien entendu noter que Guy Brunet avait des parents qui tenaient un cinéma dans le Tarn (renseignement tiré du catalogue d'exposition "Le monde rêvé de Guy Brunet" à l'Espace Antonin Artaud de Rodez du 5 au 30 mars 2008).

Guy Brunet, boîte L'Age d'Or du Western, exposé à Nice, rencontres autour de l'Art singulier, 2005, photo B.Montpied.jpg

 Il a donc baigné tout enfant dans la marmite de la vie rêvée sur écran et n'en est jamais sorti. Les figures de Hollywood lui servant manifestement de véritables compagnons, plus solides à ses yeux peut-être que ceux qu'il pourrait avoir dans la vie réelle? La question se pose.

              Guy Brunet, silhouette peinte sur carton de Dracula, photo B.Montpied 2005 au MIAN de Nice.jpg           Dracula, joué par Bela Lugosi, peut-être la source de Guy Brunet?.jpg
Couverture du catalogue de l'expo Le Monde Rêvé de Guy Brunet, mars 2008, Espace Antonin Artaud,Rodez.jpg

    Guy Brunet se plonge toujours plus profond semble-t-il au fil des années dans la vie rêvée des anges, celle des acteurs qui ont remplacé les saints de jadis. Les tables tournantes ont été évincées pour l'occasion, le dialogue a été directement établi avec d'autres morts, plus proches et plus visibles, les dieux de la pellicule.

Guy Brunet, L'Age d'Or du Policier, expo Rencontres autour de l'Art Singulier, MIAN de Nice, 2005, photo B.Montpied.jpg

    Son travail se classe à la croisée des étiquettes, de l'art naïf, de l'art brut et plus adéquatement peut-être, de l'art modeste d'Hervé Di Rosa qui l'exposa dans son Musée éponyme à Sète (ce fut du reste, semble-t-il, la première exposition de Guy Brunet). Le terme d'art modeste sert généralement à désigner les productions d'art populaire contemporain, notamment tout ce qui est manufacturé, d'usage populaire, et imprégné de références à la culture artistique et médiatique de masse. L'art modeste, ce serait aussi bien le kitsch, sans le sens péjoratif de mauvais goût. Hervé Di Rosa a récemment publié un gros livre sur la question pour faire le point semble-t-il (L'Art Modeste, éditions Hoëbeke, Paris, 2007, avec l'aide de plusieurs photographes dont Francis David, Pierre Schwartz et Thierry Secrétan). Il englobe sous son terme de vastes territoires de production, aussi bien les épouvantails que les peintures de camions, les décors de boîtes de sardines que les espaces accumulatifs d'inspirés du bord des routes (voir les photos inédites de Virgili, de Marcel Landreau, et surtout de Jeanne Devidal à Dinard dans ce livre), les dessinateurs à la craie sur les trottoirs que les pochettes de disque, les portraits-robots que les enseignes publicitaires insolites, les cercueils imagés du Ghana que l'art des maquettes et des modèles réduits, les tatouages contemporains que les sculptures gastronomiques, etc., etc. On se reportera avec fruit à cet ouvrage fort instructif quant aux questions de délimitation des différentes possibilités de classification de la créativité populaire.

Hervé Di Rosa, couverture de son livre paru chez Hoëbeke en 2007.jpg
Couverture du livre d'Hervé Di Rosa.
(Qu'on me permette de faire remarquer au passage que si l'art est modeste, le corps des caractères du nom de son inventeur ne l'est pas sur cette couverture tout au moins...)

Ci-dessous, extraite du site du MIAM (Musée International d'Art Modeste, à Sète), voici la date exacte de l'expo de Guy Brunet telle qu'elle se tint dans ce lieu. On notera le paralléle tout à fait judicieux établi par les organisateurs de l'expo avec les affiches du cinéma ghanéen populaire (plutôt des films d'horreur de série Z), affiches peintes à la main tout à fait étonnantes (voir à ce sujet le livre Hollywoodoo, incredibles movie posters du Ghana, avec une préface de Pascal Saumade, produit par le Dernier Cri, Marseille, janvier 2003): 

  


Cinémodeste,

il était une fois de Broadway

à Accra

15 septembre - 1er décembre 2002

Le MIAM ouvre son département Cinémodeste

et présente pour la première fois en France une

centaine d'affiches de cinéma peintes par des

artistes ghanéens et l'univers de Guy Brunet,

passionné du 7ème art qu'il raconte et peint

inlassablement...

 

 

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01/05/2008 | Lien permanent

A la découverte d'Axel Henrichsen avec Jean Painlevé (1956)

    J'ai parlé naguère de Jacques Brunius dont la vie et l'oeuvre me fascinent. Dans son film génial sur les créateurs  de violons d'Ingres en tous genres, daté de 1939, premier documentaire sur l'art populaire et brut (avant la lettre pour ce dernier terme) en Europe (et on peut bien l'oser: au monde...), apparaissait de façon fugitive un autre cinéaste poétique et tout aussi génial, cousin en esprit de Brunius, j'ai nommé Jean Painlevé.

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    Né en 1902 et disparu en 1989 (pour sa biographie, on peut se reporter utilement à cette notice dûe à Brigitte Berg qui anime aujourd'hui les Documents Cinématographiques, garants de la mémoire de Jean Painlevé), ce dernier est surtout connu comme le pionnier d'un cinéma scientifique de vulgarisation, ce dernier terme n'étant bien entendu pas à prendre dans un sens dépréciatif, puisque Painlevé songeait par là à la facilitation de la diffusion du savoir scientifique vers le grand public (pour ne pas dire le public populaire). Pour ce faire, il ne s'interdit jamais d'user de l'humour, de la poésie et de la fantaisie dans ses documentaires concis, où la musique, par exemple le jazz de style "jungle" dans son film Assassins d'eau douce sur la prédation en milieu aquatique, est parfois amenée à jouer un grand rôle créant des décalages amusants. Painlevé ne dédaigne pas non plus d'employer un regard parfois fortement anthropomorphiste, attitude qui après des décennies d'éteignoir sous prétexte de recherche d'objectivité reprend de la faveur ici ou là (par exemple dans la littérature jeunesse documentaire). Elle lui fut reprochée, comme l'a souligné Brigitte Berg (voir lien ci-dessus), mais Painlevé balayait l'argument en disant ceci par exemple: "Tout est matière à l'anthropomorphie la plus saugrenue, tout a été fait pour l'homme et à l'image de l'homme et ne s'explique qu'en fonction de l'homme sinon " ça ne sert à rien " ".

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   Son oeuvre, qui nous revient aujourd'hui à la faveur de sa réédition sous forme de DVD, grâce aux Documents Cinématographiques (société de production fondée par Jean Painlevé en 1930), n'a pas pris une ride, et a gardé toute sa fraîcheur. A la parcourir, on s'aperçoit aisément qu'elle a influencé des générations de documentaristes spécialisés dans l'évocation de la nature (je pense notamment à l'excellente série sur les "Inventions de la vie" de Jean-Pierre Cuny). Jusqu'à présent, trois DVD sont sortis, contenant bien entendu les documentaires animaliers et scientifiques qui ont fait la renommée de Painlevé (beaucoup étant en rapport avec le monde sous-marin, avant les films de Cousteau), mais aussi certains courts-métrages plus expérimentaux comme Mathusalem (1927), ensemble de cinq séquences (où joue Antonin Artaud)

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initialement prévues pour une pièce de théâtre d'Ivan Goll (avec qui Jean Painlevé, entre parenthèses, collabora pour le n°1 de la revue Surréalisme, revendiquant ce vocable inventé par Apollinaire de façon différente de celle revendiquée  par les jeunes André Breton, Philippe Soupault, Aragon, etc. ; à noter que Painlevé resta à l'écart du surréalisme bretonien, même s'il entretenait de bons rapports avec certains de ses membres, apparemment selon Brigitte Berg pour des divergences de vue sur l'importance de la musique). On trouve aussi dans ces trois compilations, un film d'animation extraordinaire avec des personnages en pâte à modeler, Barbe-Bleue (adaptation de 1937 du célèbre conte de Perrault), dont la technique devance de très loin les films des studios Aardman (Wallace et Gromit).

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Titre du film de jean Painlevé tel qu'il apparaît à l'écran, copyright Les Documents Cinématographiques

     Et puis, on y trouve aussi (DVD n°3, édité en 2007, double DVD), un film qui nous regarde davantage, quant à la thématique plus particulière de ce blog, à savoir LE MONDE ETRANGE D'AXEL HENRICHSEN qui date de 1956. Oui, Jean Painlevé s'est aussi intéressé à l'art des autodidactes, et grâce à ce film peut figurer dans ce segment du documentaire artistique qui concerne l'art brut,7871c7a13f80f7e12b26b9cdc99ab7a3.jpg naïf, populaire, où vient en tête Violons d'Ingres de Jacques Brunius (1939), et où figurent aussi le Palais Idéal d'Ado Kyrou (1958), puis Le Facteur Cheval, "Où le songe devient la réalité" de Claude et Clovis Prévost (1980), films que l'on a eu la chance de voir projetés à Nice dans les programmations de l'Association Hors-Champ (qui projette pour bientôt la publication d'un petit ouvrage sur sa programmation et cette filmographie à part).

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Personnages en os rehaussés de couleur, Axel Henrichsen, dans le film de Jean Painlevé, copyright Les Documents Cinématographiques

      J'ai découvert ce film à la fin des années 80 à une rétrospective des films de Painlevé qui avait lieu au cinéma Le République. Painlevé était là et présentait les films. Sur Axel Henrichsen, il se plaignit de ce qu'il n'ait jamais enregistré aucune réaction à son sujet. J'étouffai au fond de mon fauteuil, en moi une voix criait, mais comment donc, votre film est pourtant absolument magnifique, en outre il révèle un créateur que le corpus de l'art brut ou autodidacte n'a jamais retenu. Je m'étais alors juré de trouver un jour un espace où parler de ce film et de ce créateur.

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Axel Henrichsen à l'ouvrage, film de Jean Painlevé, copyright Les Documents Cinématographiques

      "Une famille près de Copenhague créait par des moyens très personnels des formes du vivant avec des matériaux variés. L'un d'eux, forgeron, utilisait aussi bien du bois que des détritus végétaux ou animaux (il possédait un grand jardin où régnait sa femme avec de magnifiques plantes et fleurs diverses...).

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Une autre image du film de Jean Painlevé, copyright Les Documents Cinématographiques

     J'en filmais une "actualité" qui, comme quelques autres d'entre elles, n'intéresse personne... C'était en vue de susciter chez les gosses des imitations du même ordre, de fabrication peu coûteuse... (...) Les distributeurs qui connaissaient le genre de mes films, méprisèrent celui-ci en décrétant qu'il n'offrait aucun intérêt. Je l'avais fait en deux jours, un d'été et un d'hiver." (extrait du catalogue "Jean Painlevé" édité en 1991 par Les Documents Cinématographiques).

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Racines en lutte dans Le monde étrange d'Axel Henrichsen, Jean Painlevé, copyright Les Documents Cinématographiques

      Axel Henrichsen, comme le dit Painlevé faisait partie d'une famille qui aimait se récréer grâce à divers techniques artistiques. Le film montre au début du reste quelques peintures dûes à ses proches, que l'on trouvera à juste titre assez conventionnelles. C'est Axel qui fabrique des oeuvres vraiment plus originales à partir de racines dans un premier temps (à partir de 1942 semble-t-il, "son pied ayant heurté une racine" -phrase qui fait penser fortement à la première pierre trouvée par Ferdinand Cheval) puis avec des os de boucherie ensuite (os que lui ramènent ses chats et les renards qui rôdent autour de sa maison, on les voit dans le film). Et ces oeuvres pourraient tout à fait à mon sens relever de l'art brut tant elles figurent des personnages grotesques et drôlatiques faisant parfois songer à des diables de cathédrales ou à des extra-terrestres, en tout cas assez peu en référence à la vision convenue de la réalité.

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Etranges échassiers d'Axel Henrichsen, film de Jean Painlevé, 1956, copyright Les Documents Cinématographiques

      On aimerait fortement savoir ce qu'est devenue l'oeuvre de ce monsieur au Danemark. L'exposition "Gars du nord" organisée  en 1988 à la Maison du Danemark, consacrée en partie à l'art populaire du Jutland, ne parlait pas de lui. Google me paraît bien muet aussi sur ce sujet. Alors, si quelque internaute a des lumières sur la question, qu'il n'hésite pas...

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Ce monsieur-là s'appelait Hans Orla Villy Petersen, il fut photographié par Jorgen Borg dans les années 80 dans le Jutland (exposition "Les Gars du Nord") au Danemark, sa jupette me fait penser à "Monsieur G." qui vivait à Nesles-la-Gilberde et qui lui aussi prisait fort les jupes par anti-conformisme

 

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17/02/2008 | Lien permanent

Jacques Reumeau et ses amis, une exposition à Laval, terre dont Reumeau ne paraît pouvoir s'échapper...?

      Ce fut le titre de l'expo montée récemment (du 1er au 16 avril derniers, une trop courte quinzaine de jours...) au musée de la Perrine, que je n'ai pu voir, mais dont je possède le catalogue, friand que je suis de recueillir le maximum d'informations supplémentaires sur ce personnage, ancienne figure lavalloise de l'art singulier et visionnaire qui a marqué de nombreux autres artistes de la même région. Ce sont du reste certains d'entre eux qui, au sein de l'association CNS 53 ("Création Naïve et Singulière en Mayenne"), dont j'ai déjà eu l'occasion à maintes reprises de parler ici (de même que de Reumeau), ont organisé l'exposition et édité le catalogue, au premier rang desquels Jean-Luc Mady et Marc Girard.

jacques reumeau,cns53,jean-luc mady,marc girard,orangerie de la perrine,laval,art singulier visionnaire,jean-louis cerisier

Jacques Reumeau, Naissance du singe (pour Reumeau, le singe était-il donc ovipare?), 75x100cm, MANAS de Laval ; Reumeau allait observer les primates au petit zoo du Jardin de la Perrine à Laval... Sa peinture reflète, par une de ses séries, cette passion pour les singes.

 

      Il semble que ce projet  au musée de la Perrine fut surtout l'occasion de confronter la peinture de certains de ses amis ou connaissances à celle de Reumeau. C'est du moins l'impression que je retire en parcourant le catalogue. On y découvre, entre autres,  les œuvres curieuses de Barbâtre ou celles, plus naïves-véristes, de Philippe Le Gouaille, qui fut l'instituteur du jeune Reumeau, et qui, à ce titre, exerça une influence non négligeable sur sa vocation ultérieure de peintre, si l'on suit les confidences du peintre Barbâtre dans le catalogue. Ce Le Gouaille est parfaitement inconnu, et possède pourtant, semble-t-il, une œuvre forte, proche par son style de celle d'un Jean Eve par exemple.

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Jacques Reumeau, Le monde fantastique des oiseaux, 75x100cm, MANAS de Laval ; Reumeau eut envie, à un moment, de composer des paysages en quelque sorte habités par ses visions ; ce mixage entre réalité visuelle et fantasmes visionnaires était une piste originale, mais Reumeau alla-t-il assez loin dans ce domaine? Il est permis d'en douter si l'on regarde les exemples procurés dans le catalogue cité ci-dessus...

 

      Qu'il est mystérieux pour moi de constater à quel point l'aura de Jacques Reumeau n'a toujours pas dépassé le cercle de la Mayenne. Hormis quelques rares expos en dehors de cette zone (La Baule, Angers, voire une galerie parisienne sur l'île St-Louis...), l'activité de Reumeau se cantonna à Laval où il prit, on l'a dit suffisamment souvent, une dimension de figure locale. L'aspect hétéroclite de sa production est probablement cause de l'étroitesse géographique de sa réception... Et, de plus, aujourd'hui, ses œuvres ne tournent pas, puisque la majorité d'entre elles se trouvent conservées dans les réserves du Musée d'Art Naïf et d'Arts Snguliers de Laval (le MANAS), d'où elles sortent rarement pour voyager loin de la Mayenne. Ses amis n'ont-ils pas tendance, aussi, à le cantonner à sa région, comme si cette dernière était une île culturelle...?

*

     Par ailleurs, son ami, le peintre et critique Jean-Louis Cerisier nous a récemment confié un nouveau texte, publié aussi sur le site web Tiens, etc., de Jean-Claude Leroy, où il pointe, entre autres, les liens unissant Reumeau au thème de l'animalité...

 

Jacques Reumeau

Le paysage, le corps, l’animal

  

          Le peintre Jacques Reumeau sera passé comme une comète dans l’univers de la création inspirée autodidacte. Né en 1949, il n’aura vécu que 38 ans. Pourtant, il aura eu le temps de produire dans une sorte de fièvre créatrice une œuvre imposante, souvent dérangeante, puissante, parfois cruelle, parfois désespérée, malicieuse même à certains moments.

          Jacques a œuvré dans un état de possession. On comprend qu’il fut si sensible à l’environnement rural mayennais où les pratiques de sorcellerie et de magie noire avec ses guérisseurs et ses rebouteux étaient encore présentes dans les modes de pensée et de vie de l’époque. Le peintre était fasciné par les forces contraires. Il manifestait ce penchant dans ses recherches et ses choix de lecture à la bibliothèque municipale où je le côtoyais. Il arborait une apparence sombre dans son expression, son allure, sa silhouette, sa tenue vestimentaire.

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Jacques Reumeau en compagnie de Jean-Louis Cerisier, photo tirée d'un film Super 8 de 1987 (que pour la petite histoire j'ai aidé à rendre possible, à ce que je crois me souvenir, en prêtant une caméra Super 8).

 

          Cet univers obscur peuplait surtout ses œuvres, leur conférant un aspect mystérieux et inquiétant. Les paysages, traités à la sanguine noire, plus rarement délavés, sont perçus comme des lieux habités par des esprits, sinon hantés. Les esprits malins, la malice, le maléfice, le mal, ne sont jamais loin. Domine le noir, cette non-couleur dans laquelle s’affichait le peintre quand lui-même hantait les rues de Laval de sa démarche nerveuse, pressée, à l’affût d’on ne sait quelle force souterraine.

          Le peintre a bien perçu les caractéristiques du paysage mayennais avec son bocage dense, ses arbres resserrés formant des barrières végétales, ses successions d’espaces circonscrits. La perception du paysage par Reumeau est pourtant plus qu’une affaire de regard. Elle est de l’ordre de la vision.

          Œuvrant pendant 20 ans à peine, il aura mené sa carrière artistique de manière endiablée, s’y consacrant corps et âme, quand les tourments de son corps et de son âme justement lui laissaient quelque répit. Car il lui fallait composer avec cela aussi : un corps en souffrance ou en attente, rarement détendu, un esprit en désordre et un cœur qui saignait des plaies de son âme et de ses manques affectifs. Le corps et l’âme enlacés comme une double chaîne de vie et de mort.

          Reumeau était habité par une fièvre comparable à celle d’un héros dostoïevskien, tel Raskolnikov, insomniaque, agité en proie à d’insolubles conflits pour finir par se résoudre à une recherche de rédemption. Reumeau ne pouvait pas faire autrement que de pousser jusqu’au déraisonnable les limites de l’excès, excès de boisson et de tabac, excès d’insomnies, excès de violence, j’en passe… pour finir par chercher le chemin improbable d’une aurore fuyante.

          Le corps souffrant, éprouvé, l’esprit fiévreux, Reumeau s’en servait aussi de gisement, à l’image de ces Carrières de l’âme, titre du recueil de poèmes de son ami Gérard Bodinier, publié en 1976, illustré par le peintre. Le corps est omniprésent, d’abord symbolique dans les premières représentations prenant l’aspect de divinités, puis celui de petits personnages, de diablotins s’agitant sur des échelles, tels des fourmis au service de l’âtre de Lucifer. Ces personnages butinent littéralement le paysage pour en extraire la sève féconde. Enfin le corps métamorphique, kafkaïen, ayant fait exploser le schéma corporel se trouve réduit à ses viscères munis d’un œil, d’une bouche et d’un cloaque.

           Une autre constante habite l’œuvre de l’artiste, celle de l’animalité. Qui a à voir d’ailleurs avec le corps. Car dans sa démarche de démembrement du corps humain, Reumeau ne cherchait-il pas à se libérer de cet encombrant humain, le réduisant à l’envi à l’état d’homoncule ou de mandragore, pour aller plus avant encore vers la primitivité, la source de lui-même afin de débusquer la bête qui s’était installée en lui, à son corps défendant dans l’inconscient d’une enfance tourmentée. Les blessures avaient fait de lui un animal traqué. La bête qui précède l’homme, la poursuivre en la représentant, n’était-ce pas mettre en lumière tous les manques affectifs de sa jeunesse.

          Ce corps réduit, cette bête traquée, ces paysages hantés vont pourtant livrer bataille… jusqu’au bout. En la personne du peintre  qui, bien que sevré de médicaments, n’abdiquera pas. Parsèment les œuvres de la dernière période de Reumeau des couteaux, des coups, des membres arrachés, du sang, le combat tribal, le retour à l’origine de la vie et du monde, celui-là même qui depuis la nuit des temps lutte pour sa survie. La vie, celle-là même née de l’informe, des formes incertaines, de l’organique. Reumeau, défiant l’abattement qui le guettait, a réussi par son art à donner une forme à son désarroi et à ses visions.

 

Jean-Louis Cerisier, 2016.

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Création franche et productive

    J'ai gardé silence cet été sur deux publications du musée de la Création Franche à Bègles me disant que cela serait plus judicieux d'en parler à présent que plusieurs internautes sont revenus de leurs campagnes, d'après ce que j'en juge en parcourant les statistiques de ce blog. En effet elles sont sorties en plein juillet, pendant que vous vous détachiez, chers internautes, de toutes tablettes, et autres engins électroniques, voir presse et radios traditionnels. Le musée n'en a cure, sa communication ne  lui paraît  pas essentielle, peut-être se dit-il "Dieu reconnaîtra les siens". La distribution de ses libelles et autres catalogues se fait centralement à Bègles dans ses locaux. Vous ne la trouverez que par la grâce d'un miracle en librairie. Même la Halle St-Pierre à Montmartre ne la diffuse qu'erratiquement. Et pourtant... Voici qu'est paru le n°40 de leur revue (lui pourtant disponible à la librairie de la Halle), avec une couverture noire minimaliste et pourtant baroque, une photo avec des superpositions qui fait penser à un archipel ou un oiseau dans les ténèbres, due à l'art raffiné de la photographe Marie-France Lacarce. création franche,musée de la réation franche,halle saint-pierre,marie-france lacarde,n°40 de la revue création franche,les fanzine sde l'art brut,crab,céline delavaux,déborah couette,bruno montpied,pascal rigeade,gérard sendrey,cako boussion,paul duchein,françois aloujes,joe ryczko,jean-françois maurice,abdelkader rifi,alain genty,thierry bucquoyBelle couverture qui veut peut-être solenniser ce chiffre rond - 40 numéros tout de même - mais qui sera la seule façon de marquer le coup pour ce bel effort éditorial, car nulle fête ne se profile à l'horizon pour ce quarantième non rugissant, mais séduisant.

 

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Charles Cako Boussion, panneau de signalisation bricolé, retrouvé par Charles "Cako" Boussion et profondément modifié par la peinture et des ajouts d'inscriptions en "profession de foi", 36x63 cm, 1983, coll. BM, Paris

       Il y est question de Cako Boussion - c'est moi qui me charge d'un article qui veut montrer que monsieur Boussion ne se cantonne pas aux compositions en mandalas, dites parfois "médiumniques", mais peut se révéler parfois bien plus éclectique dans ses choix de formes d'expression (comme on s'en convaincra ci-dessus). Paul Duchein rappelle de son côté l'environnement qu'avait créé Abdelkader Rifi à Gagny, en voisin de Madeleine Lommel l'ancienne fondatrice de l'Aracine. Il signe un second article sur les intéressantes compositions en coquillages de François Aloujes. Bernard Chevassu met pour sa part le focus sur un autre créateur d'environnement, Roger Mercier, qui vient d'abandonner son "Château de Bresse et Castille" située en pleine Bresse, site architectural naïf que nous avait autrefois révélé Frédéric Allamel dans Plein Chant (voir petit cliché ci-contre, ph. Bruno Montpied). création franche,musée de la réation franche,halle saint-pierre,marie-france lacarde,n°40 de la revue création franche,les fanzine sde l'art brut,crab,céline delavaux,déborah couette,bruno montpied,pascal rigeade,gérard sendrey,cako boussion,paul duchein,françois aloujes,joe ryczko,jean-françois maurice,abdelkader rifi,alain genty,thierry bucquoyJoe Ryczko quant à lui refait parler de l'excellent Alain Genty et de ses terres vernissées hautement "agitées", citant au passage le travail d'information que fait Thierry Bucquoy sur son blog à propos de Genty.

 

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Dimitri Pietquin, illustration extraite du catalogue de "Visions et Créations Dissidentes" 2014

 

      Il est à noter qu'il y a ce me semble une sorte d'écart qui grandit entre les créateurs et artistes évoqués dans la revue Création Franche et ceux que le Musée présente en ce moment dans sa dernière édition de "Visions et Créations dissidentes" (du 27 septembre au 23 novembre). Ai-je la berlue, ou bien ai-je raison de trouver qu'il y a vraiment de plus en plus de créateurs venus d'ateliers pour handicapés mentaux dans les expositions d'automne du musée (on sait que les autres expositions le reste de l'année sont plus spécifiquement consacrées à la découverte et la mise à jour des créateurs du fonds permanent du musée)? Dans la dernière mouture de cette exposition automnale, montrant comme d'habitude 8 nouveaux créateurs, il semble qu'on y compte au moins 5 ou 6 travaux d'ateliers, dont deux proviennent d'ESAT (Aide par le Travail). Ces ESAT qui paraissent bien rares - selon moi n'est-ce pas? - en travaux véritablement originaux (à l'exception notable comme je l'ai déjà plusieurs fois écrit sur ce blog, de l'ESAT de Ménilmontant, avec son Philippe Lefresne et son Fathi Oulad Ben Abid). Parmi ces travaux d'atelier, bien sûr il arrive que surgisse une œuvre plus attirante qu'une autre, mais les ressemblances avec d'autres travaux de talent déjà vus ne sont pas absentes, ainsi pour cette édition béglaise 2014 des œuvres de Dimitri¨Pietquin reproduites dans le catalogue. Au milieu de ces créateurs, surnage aussi (je me base on l'aura compris uniquement sur le catalogue pour exprimer cet avis), apparemment un peu incongrue  par l'aspect savant de ses reliquaires en assemblages d'objets recyclés et amalgamés en un ordre esthétique déjà rencontré dans les galeries parisiennes de la Rive Gauche, Lucie de Syracuse, dont Gérard Sendrey avait déjà parlé dans un numéro précédent de la revue Création Franche (d'une façon un peu absconse, je dois dire...).

 

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Lucie de Syracuse, illustration extraite du catalogue "Visions et Créations Dissidentes" 2014

 

      Au cœur du mois de juillet enfin, est paru avec retard un grand numéro hors-série (n°1) de Création Franche consacré entièrement aux "fanzines d'art brut et autres prospectus" et qui se veut "Actes de la Rencontre du 23 novembre 2013". En réalité, ce numéro est composé de textes et autres réponses à un questionnaire qui avaient été rédigées bien en amont de cette journée de novembre.

 

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     Le but recherché par le musée et par deux protagonistes du CRaB, Déborah Couette et Céline Delavaux, était, en interrogeant les protagonistes des revues et autres bulletins tournant autour de "l'art brut" (les Caire, moi, Bruno Montpied, Danielle Jacqui, Joe Ryczko, Gérard Sendrey, Jean-François Maurice, décédé peu de temps avant la journée du 23 novembre, Martine Lamy, et Denis Lavaud) et en exposant divers documents, de proposer à l'attention de (futurs?) chercheurs quelques exemples de publications plus ou moins amateurs qui des années 80 à aujourd'hui faisaient de l'information sur des domaines de la création populaire marginale. Il est à remarquer cependant que les revuettes et autres fanzines évoqués n'étaient pas à proprement parler des fanzines d'art brut (même si Céline Delavaux dans sa contribution à ce numéro Hors-Série contourne le problème en parlant de "manières d'édition brutes"...). Si l'on s'en tient aux définitions du concept inventé par Dubuffet, la seule revue d'art brut qui ait véritablement existé des années 60 jusqu'à aujourd'hui est ce que l'on appelle improprement "les Cahiers de l'Art Brut" et qu'il faut plutôt appeler les Fascicules de la Collection de l'Art Brut, émanant comme le dit le titre de la fameuse Collection installée à Lausanne depuis les années 70. En réalité les revuettes évoquées dans ce numéro lié à la rencontre de Bègles évoquent toutes sortes de formes de création, de l'art brut strict, jusqu'à l'art contemporain insolite, en passant par des artistes singuliers historiques, les environnements spontanés (pas tous réductibles à l'art brut), l'art des handicapés, les graffiti, le surréalisme conscient ou inconscient, l'art visionnaire, les fous littéraires, l'excentricité en littérature, l''art naïf, etc, etc. Comme s'il n'était pas possible de monter une publication qui se circonscrirait  uniquement à l'art brut. Ce constat, très peu dans ces "actes" ne le mentionnent et pourtant, il aurait mérité d'être mentionné et peut-être débattu.

      A signaler enfin que malgré une promesse entendue pendant la journée du 23 novembre le numéro hors-série en question n'est pas parvenu à nous restituer sous une forme écrite (pourtant il y eut captation par la vidéo et le son) les échanges qui eurent lieu durant cette journée, notamment la table ronde finale entre Jean-Claude Caire, Bruno Montpied, Gérard Sendrey, Pascal Rigeade et Denis Lavaud. Peut-être aurons-nous cette restitution plus tard notamment sous une forme vidéo mise en ligne sur le site du Musée de la Création Franche?

       On l'aura donc compris, c'est auprès de ce dernier qu'il faut se rendre pour se procurer ces diverses publications récentes.

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04/10/2014 | Lien permanent

Exposition des ”Barbus Müller” avec leur auteur démasqué, à Genève...

     Les lecteurs attentifs de ce blog se souviendront sûrement que j'ai raconté sur ce blog même, en avril 2018, par le menu, la chronologie de mes découvertes concernant l'identité de l'auteur d'une partie du corpus de sculptures sur pierre volcanique, dites des "Barbus Müller" (sobriquet inventé par Jean Dubuffet, en 1945, au début de sa collection d'Art Brut). Je l'avais, il est vrai, déjà esquissée dans mon livre Le Gazouillis des éléphants, paru à l'automne 2017, où j'ai publié deux paires de clichés sur verre inédits qui montraient un jardin semé de statues qui ressemblaient furieusement à ces fameux "Barbus Müller".

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Vue de détail d'un des clichés-verre, pris à la belle saison par un photographe inconnu, et ayant appartenu aux archives du photographe Goldner.

 

    On peut toujours se reporter à mes notes en allant sur ce lien (on y tombe sur le premier "chapitre" qui, à la fin, envoie par un autre lien vers le second chapitre qui lui-même, à la fin, envoie vers le troisième chapitre, qui etc., et ainsi de suite jusqu'au sixième). Je ne sais trop pourquoi, Google paraît avoir refusé de les indexer, en dépit de leur nombre conséquent pourtant. Me doutant que ma découverte ne serait pas suffisamment validée, si je me contentais de la publier sur internet, je fis en sorte de trouver des publications sur papier pour en donner au moins une version condensée. Viridis Candela, la revue des Pataphysiciens, et la revue sicilienne Osservatorio Outsider Art, successivement, me permirent de réaliser ce projet.

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Première page de la revue OOA n°16, automne 2018, "L'origine des Barbus Müller: du mythe du faussaire au mythe de l'art brut".

 

    Il fallait aller plus loin. Notamment pour donner des informations nouvelles glanées depuis dans une recherche qui promet de toute manière des prolongements (notamment, on peut espérer voir resurgir des "Barbus" du fond des collections ou des brocantes où ils végètent, sans être clairement identifiés comme faisant partie du même corpus). C'est donc au Musée Barbier-Mueller, à Genève, lieu historique qui possède, au milieu des ses collections d'"arts lointains" onze "Barbus Müller", qu'est revenue l'idée de monter une exposition qui rassemble une vingtaine de sculptures, grâce à des prêts de collections extérieures en plus de leurs propres pièces. A côté de ces Barbus, seront proposées des œuvres d'arts lointains qui permettront au public d'établir  des comparaisons.

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Couverture du catalogue de l'exposition prochaine sur les Barbus Müller, à paraître le 3 mars 2020.

 

     C'est que ces sculptures – la plupart du temps des têtes – du fait qu'elles furent longtemps privées d'auteur, et parce que leur aspect puissamment stylisé les apparentait dans quelques cas à des fétiches, étaient souvent raccordées à des sources hétéroclites, parfois complètement aventurées, surtout si l'on n'était pas trop regardant sur leur caractéristiques stylistiques pourtant marquées. Le corpus – que j'ai évalué à 43 pièces toutes associables les unes aux autres de façon à peu près cohérente et unifiée –, s'est bâti à partir de plusieurs collections les ayant fait reproduire,  après la labellisation "Barbus Müller" par Dubuffet (d'après les collections de Charles Ratton, de Henri-Pierre Roché, du sculpteur Saint-Paul, de Joseph Müller, ou de Félix Stassart, datant toutes des années 1930 à 1950), grâce à des attributions auto-décrétées par les collectionneurs et les experts de ventes publiques sur la foi de témoignages et surtout de ressemblances formelles, de caractéristiques stylistiques, et de matériaux communs (la pierre volcanique).

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Illustration tirée de "Adieu ma petite collection", souvenirs de Henri-Pierre Roché parus dans l'Œil n°51 en 1959 ; la statue de gauche a été ensuite acquise par le Musée Barbier-Mueller et donc incorporée à la série des Barbus Müller de façon intuitive...

 

      Il n'y avait eu, jusqu'à mes découvertes d'un auteur unique d'origine auvergnate, installé à Chambon-sur-Lac (Puy-de-Dôme), nommé Antoine Rabany, dit "le Zouave", aucune tentative de traçabilité rigoureuse de ces sculptures. Les deux paires de clichés sur verre publiées dans le Gazouillis des éléphants me permirent de remonter, depuis les Barbus inventés par Dubuffet en 1945, plus tôt, à savoir jusqu'en 1908, date du plus ancien témoignage sur le lieu de production et sur son auteur. Et de là, de démontrer que ces sculptures partirent très tôt se disperser au gré des antiquaires qui en achetaient.

    Lorsqu'il est dit que l'écrivain et critique d'art Henri-Pierre Roché (dans un numéro du magazine L'Œil de 1959, année de la mort de Roché, né en 1879)  put acquérir,"alors qu'il était tout jeune", une de ses trois  sculptures – qu'il qualifie de "bourguignonne", et qui fut ensuite jointe par Dubuffet aux Barbus Müller –, on nous donne une clé pour reconnaître que l'histoire de ces sculptures étonnantes ne commence pas avec Charles Ratton et Joseph Müller, qui, de leur côté, les avaient acquises en 1939 auprès d'une antiquaire parisienne, Mme Vignier.

 

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Henri-Pierre Roché, portrait multiple ; © Philippe Migeat - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP
© droits réservés.

 

     "Tout  jeune", est-ce une exagération...? En 59, Roché avait 80 ans. Faut-il imaginer qu'il acquit – à Semur-en-Auxois, nous dit la légende de la photo – cette sculpture dans les années 1920, voire avant, et donc peut-être alors que leur sculpteur était encore vivant ? Antoine Rabany dit le Zouave, l'auteur identifié par moi, avec l'aide de Régis Gayraud, est en effet mort, je l'ai déjà dit, en 1919. Ses pierres taillées en forme de têtes variées partirent très tôt de son jardin, puisque le témoignage que je donne en entier dans  le catalogue de la nouvelle exposition du musée Barbier Mueller, signale que, dès cette année 1908, des sculptures se retrouvaient déjà à Evreux chez un antiquaire... Henri-Pierre Roché aurait donc pu, peut-être, au cours d'un voyage en Auvergne, rencontrer Rabany sur son lieu de production, au lieu de tomber sur sa statue à deux personnages (une mère et son enfant selon moi, plutôt qu'un "diable lui parlant à l'oreille") dans la localité de Semur-en- Auxois. Mais le destin en décida autrement...

 

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     A l'occasion de cette exposition, qui est prévue pour durer du 4 mars au 27 septembre 2020, un catalogue est publié donc, comprenant la réédition du fascicule 1 de l'Art Brut, consacré entièrement aux Barbus Müller, édité et non diffusé en 1947 par Gallimard, puis réédité une seconde fois en 1979, déjà par le même Musée Barbier-Mueller, avec un texte inédit de Jean-Paul Barbier-Mueller. Dans le catalogue proprement dit, on trouvera également trois contributions, de Baptiste Brun, de Sarah Lombardi et donc de votre serviteur, Bruno Montpied. Divers documents nouveaux et inédits paraissent à cette occasion, dont un scoop que je produis pour la première fois, ne l'ayant pas dévoilé jusqu'ici, le réservant au musée Barbier-Mueller... L'ensemble fera figure, à n'en pas douter, de document historique incontournable concernant la préhistoire de l'Art Brut.

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Le fascicule I de l'Art Brut qui, n'ayant pas été diffusé, resta un "premier" fascicule avorté ; Dubuffet fit paraître en effet, plus tard, au début des années 1960, un plus officiel numéro I de la série des fameux fascicules de l'Art Brut.

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25/02/2020 | Lien permanent

Info-miettes (39)

       Encore des Info-miettes, va-t-on me dire... Mais c'est qu'ils se passe des choses, des expos, des salons, des publications... Alors, j'ai préféré diviser les sous-notes en plusieurs notes. Deuxième brassée ci-dessous:

 

Yves Elléouët, à la Galerie Plein-Jour, Douarnenez

      Le vernissage de cette exposition du poète et peintre Elléouët (1932-1975), que l'on associe au surréalisme, aura lieu le 16 octobre, en présence d'Aube Breton-Elléouët et Oona Elléouët. L'expo est  prévue pour durer du 16 octobre au 28 novembre 2021. On trouvera plus d'information (le dossier de presse en particulier) à cette adresse: www.galeriepleinjour.fr/yves-elleouet

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Yves Elléouët, une peinture de 1958.

 

Galerie Plein-Jour, 4 rue Eugène Kérivel, 29100 Douarnenez. Tél: 07 81 73 41 85.

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Janet Sobel à la Galerie de Toutes Choses (Gallery of Everything)

      Montrée en France à l'occasion du premier salon d'art outsider tenu à l'Hôtel le A (voir ma note de l'époque ici) en 2013, Janet Sobel (1893-1968), précurseuse de l'expressionnisme abstrait et du dripping de Jackson Pollock, revient en Europe, à Londres plus précisément, du 10 octobre au 14 novembre, à la galerie de James Brett et affidés, avec d'autres femmes créatrices (dont Unica Zürn, Hilma af Klint, Emma Kunz,Anna Zemánková, ou bien Judith Scott), ainsi que dans le salon Frieze Masters qui se tient dans Regent's Park (mais dans ce lieu un peu moins longtemps, des peintures de Sobel seront exposées du 13 au 17 octobre). On aura plus de renseignements sur le site de la Gallery of Everything.

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Janet Sobel, sans titre, huile sur cannage sur panneau, 76,5 x 56,3 cm, visuel Gallery of Everything.

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Escale Nomad, nouvelle exposition entre République et Strasbourg-Saint-Denis

     Pas d'Outsider Art fair cet automne, suite sans doute aux incertitudes qui pesaient en début d'année sur les mois d'automne quant à la possibilité de monter cette foire avec de nombreuses galeries à contacter (de plus, n'y aurait-il pas quelque vent de fronde chez certains galeristes trouvant la place bien chère...?). Certaines galeries d'art brut (Berst, Ritsch-Fisch) se tournent vers la FIAC qui elle se tient aux dates prévues. Cependant, il se murmure que l'Outsider Art Fair ne serait pas remise non plus aux calendes grecques, ce serait pour le printemps prochain, après tout, une saison plus en rapport avec l'éternelle jeunesse des pulsions brutes...

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Vue de certaines oeuvres proposées par Escale Nomad.

     D'autres, en attendant cette foire printanière, font cavalier seul durant l'automne, comme Escale Nomad de Philippe Saada qui revient présenter ses découvertes d'art brut d'un peu partout à côté des poulains auxquels il reste fidèle (Babahoum). Ce sera du 14 (demain) au 24 octobre, à la Galerie L'Œil Bleu.

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Galerie l’OEIL BLEU, 32 rue Notre-Dame de Nazareth, 75003 (Métro République ou Arts et Métiers). Apparemment, c'est tous les jours...

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Et la Galerie Pol Lemétais revient chez Soulié d'un bon pas

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      Pour sa part Pol Lemétais proposera aussi un large éventail de créateurs et artistes (Noviadi Angkasapura, Anselm Boix-Vives, Kenneth Brown, Jean Crié, Darédo, Olivier Daunat, Paul Duhem, Anaïs Eychenne, Madge Gill, Daniel Gonçalves, Johann Hauser, Alain Kieffer, Dwight Mackintosh, Mina Mond, Friedrich Schröder-Sonnenstern, Lewis Smith, Henry Speller, Carter Todd, August Walla, Scottie Wilson, Zefrino, Carlo Zinelli...), du lundi 18 au dimanche 24 octobre 2021 dans le local de la Galerie Béatrice Soulié (21 rue Guénégaud 75006 Paris), de 13h à 20h, et sur rendez-vous.

Pol Lemétais, tél : 06 72 95 60 18. http://www.lemetais.com

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Alcheringa n°2
 
       Quésaco "Alcheringa"? C'est le "temps du rêve" en langue des Aborigènes en Australie. Alors, bien sûr, ça sonnait mieux, pour ces passionnés d'alchimie, de jeux en secret, que sont les Surréalistes du Groupe de Paris, d'utiliser ce terme inconnu du grand public que, tout simplement, "Le temps du rêve". Moi j'aurais trouvé ces derniers termes plus directs pourtant, parlant à tout un chacun  par ici, davantage que le mot emprunté aux Aborigènes. Mais le groupe est particulièrement lié avec d'autres groupes à l'étranger (tchèque, anglais, canadien...) et garde une perspective internationaliste. Ceci explique cela entre autres  dans le choix du titre, probablement.
 

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Alcheringa n°2, sous titré 'Le surréalisme aujourd'hui", été 2021.

 
        Le numéro 2 est sorti, après un n°1 sorti aussi confidentiellement en janvier 2019. C'est peut-être une revue qui revient comme une biennale, alors? Ce numéro est plus copieux que le précédent, puis qu'il fait 119 pages quand l'autre en faisait 48. Au sommaire, plusieurs témoignages d'une très grande sensibilité en hommage à Michel Zimbacca (1924-2021), poète, cinéaste, artiste, qui vient de nous quitter après sept décennies de surréalisme, aux œuvres révélées tardivement, qui aimait inventer des mots nouveaux pour des sens existant mais oubliés dans le vocabulaire, et qui aimait jouer, créer en expérimentant de nouvelles voies. Il était, comme me l'avait décrit d'un seul mot un jour Marie-Dominique Massoni, d'un grand raffinement. Aussi au sommaire des poèmes, des textes de soutien aux Gilets jaunes (Guy Girard), une enquête sur le rêve dont les réponses non publiées sont résumées par Joël Gayraud. Personnellement, j'ai donné un entretien avec un artiste en marge, Gilles Manero, entretien qui vient en contrepoint avec l'article que je lui avais également consacré dans le magazine Artension (« Gilles Manero, un monde hanté d’oiseaux », Artension n°158, novembre-décembre 2019). Et puis un court article où je qualifie la nébuleuse d'expositions et de publications du groupe Hey! (aujourd'hui mené apparemment par une seule personne) d'imposture quant à la défense du merveilleux en poésie et art. Pour donner une idée de ce sommaire, autant donner ci-dessous son scan.
 

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     Pour se procurer la revue (tirée à 300 exemplaires, mieux vaut s'adresser directement à l'éditeur, les éditions du Retrait, basées à Orange (on trouve le bulletin de commande ici, sur leur site web).

Signalons aussi une exposition actuelle, "Le Tarot de cocagne", du peintre-théoricien-poète du groupe surréaliste Guy Girard à la Maison Rignault (librairie de la Maison André Breton), à Saint-Cirq-Lapopie, consistant en une réinterprétation sous forme de toiles des différentes lames du tarot. L'expo est prévue pour aller jusqu'au 29 octobre.

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Guy Girard, une des peintures de l'expo actuelle.

 

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Et chez Dettinger, qu'est-ce qu'on y voit? Jean Veyret, puis Fatima-Azzahra Khoubba, bientôt...

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Celle qui scrute les étoiles, une boîte de Jean Veyret, Galerie Dettinger-Mayer.

 

     Après une expo consacrée au grand peintre surréaliste lyonnais Max Schoendorff, qui s'est terminée le 9 octobre, Alain Dettinger continue dans sa galerie de la place Gailleton (Lyon 2e ardt) de proposer de réjouissants menus, puisqu'à partir du 30 octobre, on retrouvera de nouvelles boîtes pleines d'onirisme de Jean Veyret, visibles jusqu'au 20 novembre, date après laquelle l'intrigante Fatima-Azzahra Khoubba (on fait un prénom mot-valise à partir de son prénom composé quand on lui écrit ou lui parle: Fatimazara, sinon on s'épuise...), qui exposait naguère  des tableaux semblant illustrer la théorie des fractales (voici déjà huit ans que je n'en avais pas revus, mais elle a peut-être été réexposée depuis), prendra la suite du samedi 27 novembre 2021 au 1er janvier 2022 (elle a mis des yeux à ses bras de terre et cela change tout dans ces fjörds bleus). C'est elle qui sera donc le cadeau de fin d'année à la galerie. Il se murmure qu'elle devrait également au vernissage de son expo signer un livre de ses poèmes, Nuit intranquille, que l'on attend avec curiosité. Y retrouvera-t-on sa gentillesse et son humour légers?

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Outsider Art Fair 2022, la reprise...

       Il y a donc une nouvelle édition de l'Outsider Art Fair à Paris, au même endroit que les autres années, l'Atelier Richelieu (60 rue de Richelieu) tout près de la Bibliothèque Nationale (site Vivienne, dont la grande salle de consultation ovale réouvre elle aussi, avec un musée nouveau, etc.). Pour ce 10e anniversire du Salon, la date est différente des autres années, c'est à partir d'aujourd'hui vendredi jusqu'à dimanche, en septembre donc, et plus en octobre au même moment que la FIAC (dont elle se voulait une sorte de foire en off).

 

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Deuxième salle de l'OAF 2022, le stand d'Escale Nomad avec, à droite, une découverte intéressante de son animateur Philippe Saada : un dessinateur congolais de Kinshasa, répondant au doux nom de Bouddha Mabudi. Ph. Bruno Montpied.

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Bouddha Mabudi, Construction Alphabétique Kinshasa RDC, env. 30 x 40 cm, c. 2021, Galerie Escale Nomad.

 

     Je l'ai visitée hier en avant-première, en quelque sorte, privilégié, car gratuitement (pour le visiteur lambda il faut souligner – et condamner ! – le prix excessivement élevé de l'entrée à cette Foire, 20€, paradoxal, étant donné l'origine populaire de la plupart des œuvres exposées). La Foire se divise en deux parties beaucoup plus distinctes qu'aux éditions précédentes, le rez-de-chaussée avec quelques galeries emblématiques (des fidèles: Ritsch-Fisch, Escale Nomad, Pol Lemétais, la Pop Galerie de Sète (voir ci-contre photo de José Guirao),Pop Galerie préparation .jpg la Galerie du Marché de Lausanne, Andrew Edlin – propriétaire new-yorkais de la Foire –, et des nouveaux comme la Gallery of Everything de Londres, ou Yataal Art de Dakar, proposant des œuvres de Pape Diop, ce créateur qui vit dans la rue dans le quartier miséreux de la Médina) et le premier étage où, à l'exception de quelques galeries (comme la Galerie d'art véritablement brut du Moineau écarlate, perdue une peu en marge d'une salle envahie par la galerie d'art contemporain singulier et imaginiste de Frédéric Moisan – où j'ai tout de même remarqué les captivants dessins de Sandra Martagex), on rencontre surtout de l'art underground, contre-culturel – style Hey! – qui se situe aux antipodes de l'art brut véritable. Autant ce dernier cultive (involontairement bien sûr) l'incognito, la modestie, l'effacement, tout en étant profondément inspiré et original (ce qui lui garantit d'être envié par les undergrounds de tout acabit cherchant à se confondre du coup avec lui), autant l'art de la contre-culture est tapageur, provoc', m'as-tu-vu, cultivant l'outrance. C'en est spectaculairement caricatural, tant c'est évident.

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Une mosaïque de petites effigies diverses de Pape Diop, proposée par Yataal Art de Dakar ; si le fait de rassembler plusieurs petits dessins sur ces supports de fortune contribue indéniablement à renforcer l'impact esthétique de ces productions, cela conduit simultanément à afficher pour cet ensemble un prix conséquent : 20 000€. Et donc, si un collectionneur se présente, on imagine le panneau réalisé d'après ce pauvre Pape Diop finir par décorer quelque appartement soigné de bourgeois occidental, ce qui est tout de même d'un contraste qui fait songer... (l'argent, par contre, lui reviendra peut-être en partie car Yataal Art je crois milite pour aider le créateur). Ph. B.M.

 

       Ce jeudi, j'ai traversé un peu las cette 10e foire, non sans m'arrêter sur quelques œuvres qui me frappaient, et au premier rang desquelles je citerai les "totems" de l'Italien Pietro Moschini, exposés par la Gallery of Everything au rez-de-chaussée, donc. J'avais de vagues lueurs à son propos grâce à un livre écrit sur lui par Roberta Trapani et édité par le collectionneur et découvreur tchèque Pavel Konecny (livre que l'on trouvait présenté au pied des totems). Mais voir certaines de ses sculptures en vrai, ainsi exposées, en cortège de personnages tous plus truculents les uns que les autres, représentés selon des solutions plastiques très variées et sans cesse nouvelles, cela ne pouvait que frapper le visiteur qui se convainquait rapidement d'avoir affaire là au clou de la Foire, et donc, je fus moi aussi frappé...

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Pietro Moschini, exposition de "totems" proposée par la Gallery of Everything, ph. B.M.

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Pietro Moschini, ph. José Guirao.

 

       Cette même Gallery of Everything présentait également, un peu cachée derrière un mur, une "panoplie" d'œuvres inhabituelles de l'Américain Eugène von Bruhencheinhein, des sortes d'étranges natures mortes qui encerclaient une photo en noir et blanc de sa femme – pour une fois érotique!  Comme si toutes les fois où l'on a présenté les photos, assez fades, que faisait cet autodidacte de sa petite femme qu'il paraît de bijoux sans songer à lui trouver une culotte un peu plus affriolante, on n'avait sélectionné que les clichés les plus "sages", ce qui serait bien habituel chez nos cousins américains toujours un peu puritains et désormais adeptes, aussi, de la culture politiquement correcte du "Cancel"...

 

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Exposition d'Eugene von Bruhencheinhein par la Gallery of Everything ; plus loin dans la foire, au rez-de-chaussée, on retrouve, des peintures cette fois, du même von Bruheincheinhein, choisies par le "commissaire" Maurizio Cattelan, connu aussi comme artiste contemporain assez ennuyeux, et c'est ma foi un choix plutôt insignifiant et peu pertinent... ; ph.B.M.

 

      On me demandera peut-être pourqoi j'ai traversé "un peu las" cette Foire? Parce que, personnellement, c'est l'art brut, c'est-à-dire, l'art inspiré inopiné, secret, discret, empreint d'innocence sans le moindre soupçon de vénalité que je recherche, et cette fleur est rare, bien rare, à l'OAF, comme ailleurs, alors que l'on aurait pu espérer en rencontrer ici justement plus qu'ailleurs. Un exemple de cet art brut que je recherche peut cependant se trouver ici et là dans la foire, en ouvrant bien les yeux. Ce sont les dessins au crayon noir de l'Américaine Pearl Blauvelt. Deux galeries en montraient, perdus parmi d'autres œuvres moins touchantes, la Galerie de Pol Lemétais et la Galerie d'Andrew Edlin.

 

Pearl Blauvelt, galerie Edlin (2).jpg

La bien prénommée Pearl Blauvelt, galerie Andrew Edlin, ph. B.M.

 

      Pour ces dessins-là¹, on aimerait faire des folies, hélas, il faut pourtant serrer précautionneusment les cordons de sa bourse (en prévision de l'hiver, entre autres) : chez Edlin, ils chiffraient à 5500€ ces petits crobards...

      Alors, j'ai tout de même fini par trouver mon miel, mais dans une marge de ce salon de la marge, au premier étage, tout au fond, quasiment dans un placard où l'on avait confiné la Galerie Muy, venue du Mexique. Il y avait là des petites peintures d'une certaine Maruch Mendez, Indienne maya et tsotsil, que cette galerie défend parmi d'autres artistes indigènes du Chiapas, à la manière de plusieurs autres centres culturels ou dirigeants de foyers artistiques de par le monde (Haïti, Afrique de l'Ouest, Inde...). C'était populaire, naïf, modeste, extrêmement poétique, et le prix était à l'avenant (dans les 200€)...

 

Maruch Mendez, Naissance, 35x25cm, 2021 (2), .jpg

Maruch Mendez, Naissance, acrylique sur papier, 35 x 25 cm, 2021 ; Maruch Mendez utilise l'image pour raconter des anecdotes vécues, des souvenirs, c'est donc toujours narratif (comme souvent dans la peinture populaire) ; ici, l'accouchement a failli mal se passer, des sages-femmes quelque peu rebouteuses ont aidé la parturiente qui n'arrivait pas à accoucher en lui confectionnant une mixture à base de queue de tatou et d'herbes secrètes, visibles sur l'image (au contraire des sages-femmes invisibles) ; ph. et coll. B.M. 

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¹ Pearl Blauvelt, c'est aussi émouvant que les délicats dessins de James Edward Deeds dont plusieurs œuvres aux crayons noir et de couleur sont exposées en ce moment passage des Gravilliers, dans le Marais à Paris, à la Galerie Berst, galerie qui ne participe pas à l'OAF comme d'habitude (je crois que son responsable considère la Foire comme créant un ghetto pour l'art brut, ce qui est, bien entendu, une idée parfaitement fausse).

 

      

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”303” n°119

      C'est bien énigmatique comme titre, n'est-ce pas?303,eva prouteau,art brut,art immédiat,art singulier,bruno montpied,laurent danchin,armand goupil

    303, arts, recherches et créations est en réalité le titre complet de cette belle revue qui existe depuis au moins trente ans, financée par la région des Pays de la Loire, dans un premier temps consacrée en grande partie au patrimoine de cette région, puis depuis quelques années plus spécialement à la recherche en art. Le n°119, daté de janvier dernier, est un numéro spécial "art brut, outsider, modeste", concocté par Eva Prouteau qui collabore régulièrement à la revue.

    Au sommaire, on n'a pas joué forcément la carte du foisonnement comme ce fut le cas lors du numéro spécial de la revue Area sur le même sujet l'année dernière. Les textes sont plus longs que dans ce dernier magazine qui privilégie les entretiens synthétiques plutôt que les textes de fond. Eva Prouteau a préféré placer l'éclairage sur certains points permettant de souligner l'éclectisme des productions classées avec plus ou moins de rigueur dans l'art soi-disant "brut", toutes relevant cependant d'une forme de poésie singulière. Derrière son entreprise de "décloisonnement" des catégories et des appellations –ce qui ne signifie pas pour elle confusion des genres et des catégories, mais plutôt besoin d'établir des passerelles dans le respect de la valeur des uns et des autres– on sent chez elle un goût marqué pour les petites collections secrètes, notamment d'art populaire insolite, comme celle du musée des traditions de la Guérinière à Noirmoutier, ou celle des cibles de tir du Cercle de Chemazé (sud de la Mayenne ; déjà évoquées par Pascale Mitonneau dans le n°78 de la même revue 303 en 2003 avec des illustrations différentes), passionnantes œuvres d'art forain destinées à être criblées de balles, goût également apparent lorsqu'elle évoque avec sagacité l'existence de la Folk Archive, ce collectage par la photographie de "formes esthétiques non valorisées" (graffiti, sculptures de sable, motos et voitures customisées, épouvantails... Que des sujets que sur ce blog nous prisons particulièrement comme nos lecteurs l'ont sûrement remarqué) établi par deux artistes anglais, Jeremy Deller et Allan Kane. Il est aussi question ici et là dans la revue de l'art des douilles d'obus ciselées par les Poilus (article de Laurent Tixador et Eva Prouteau), et aussi d'un environnement belge, celui de Jean-Pierre Schetz, à Jupille, prés de Liège (dont Brigitte Van Den Bossche, collaboratrice du MADmusée dans cette dernière ville, auteur de l'article dans 303 a contribué à sauver des vestiges à la Fabuloserie, comme je l'avais constaté en juillet dernier –voir également la note que j'avais consacrée à ce site sur ce blog ; les quelques sculptures conservées par Caroline Bourbonnais ont été installées sur une sorte de ponton)

 

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Le cochon, 1963, contreplaqué, collection des cibles de l'Union de Chemazé, photo extraite du n°78 de la revue 303 (article de Pascale Mitonneau) en septembre 2003

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Cible peinte, collection Jean Estaque, ph. Bruno Montpied, 2009 (collection donc distincte de la collection des cibles de Chemazé)

 

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Fragments préservés de Jean-Pierre Schetz à la Fabuloserie dans le parc d'environnements, et au loin les statues de Camille Vidal, ph. BM, 2011 (ceci n'est pas dans le n° spécial de 303)

   A propos d'environnements, j'ai participé à ce numéro avec deux textes, l'un sur les sites d'habitants-paysagistes dans les Pays de la Loire (Aux jardins des délices populaires, texte où sont évoqués Louis Licois, Marcel Baudouin, Camille Jamain, Emile Taugourdeau, André Pailloux, Michel Chauvé, Henri Travert, Bernard Roux, et les maisons de Rossetti et Pennier dans la périphérie du Mans), plus un autre sur Armand Goupil, ce peintre amateur étonnant, ancien instituteur, originaire de la Sarthe, dont j'ai déjà eu l'occasion de donner sur ce blog maints autres aperçus.

 

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Armand Goupil, Barbe blanche, 11-X-61, huile sur carton, rassemblement Jean-Philippe Reverdy (image inédite, non publiée dans le numéro de 303)


    Laurent Danchin publie une contribution à propos de la distinction à faire selon lui dans l'art des médiumniques entre les créateurs savants et les créateurs plus populaires. Oubliant peut-être de préciser que l'art brut n'a pas insisté sur cette distinction parce que ses thuriféraires cherchant à mettre en évidence l'existence d'un art intime, surgi des profondeurs de l'inconscient, n'avaient que faire d'opérer de telles distinctions (de même qu'entre art des fous et art des non-fous). En fait, l'intervention de Danchin participe d'une remise en cause de la validité conceptuelle de l'art brut, ce qui peut paraître surprenant de la part de quelqu'un qui fait désormais partie du comité consultatif de la collection d'Art Brut à Lausanne. Personnellement, dans l'art des médiumniques, à qui je trouve généralement de l'unité, (s'il fallait opérer des distinctions, ce serait plutôt au niveau formel, les architectures, les symétrisations d'Augustin Lesage, Fleury-Joseph Crépin, Victor Simon d'un côté, face aux sinuosités botaniques des spirites tchèques par exemple), dans l'art des médiumniques donc, je trouve un raffinement qui n'est lui pas plus le fait des autodidactes populaires que des savants en rupture de ban (comme Victorien Sardou ou Marguerite Burnat-Provins), provenant en fait plutôt du recours à l'automatisme graphique, ce qui avait fasciné André Breton en 1933 (dans Le Message automatique), mais n'avait pas empêché un peintre comme André Masson de pratiquer le dit automatisme dans son dessin et sa peinture dès les années 20.

 

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Cecilie Markova, sans titre, daté 22-5-1960, coll. BM (illustration non insérée dans le numéro de 303)

    Ce numéro se focalise sur certains autres points, les écrits de Chaissac, l'art d'Hélène Reimann, le point de vue de Savine Faupin sur la réouverture du LaM avec son extension vouée à l'art brut, et surtout avec son opinion sur l'art brut aujourd'hui, cohérente avec la position d'une conservatrice de musée. Ce qu'elle dit de la façon dont André Breton envisageait l'art brut, et de son clivage avec Dubuffet me paraît discutable mais ce serait trop long d'en parler ici.

 

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Hélène Reimann, sans titre, avant 1987, donation L'Aracine, LaM de Villeneuve-d'Ascq ; reproduit dans 303


     La coordonnatrice de ce numéro a également donné l'occasion à Jean-Louis Lanoux alias Animula Vagula (le pseudo a été révélé publiquement sur internet) de se lancer dans un grand numéro impérialiste de "mère des blogs" qu'il espère sans doute, comme à son habitude, masquer sous l'humour (jamais exempt de coups de pied de l'âne). Le chapeau de cette intervention intitulée "les  Dérives d'Animula Vagula" définit comment, avec sa femme Catherine Edelman, il a orienté leur projet de blog fin 2005, en élaborant une autofiction campant une "jeune blogueuse affairée" imaginaire, "qui adore jouer avec les codes identitaires de la blogosphère"... [Ce chapeau, rédigé par l'éditeur du dossier sans que cela soit indiqué par un artifice typographique distinctif – voir commentaire de J2L ci-après – reflète assez bien le concept du blog animulesque selon moi, à tel point qu'y sentant à ce point l'influence des auteurs de ce blog, je suis fondé à considérer ce chapeau comme étant écrit par eux...]. Lanoux cherchant ainsi comme souvent à paraître rester "djeune", non déconnecté de la réalité, toujours "in", comme on disait autrefois. Cette explication permet aussi, bénéfice secondaire, de noyer le fait que ce genre de "cybercarnet" n'est en réalité qu'un support d'expression nouveau pour des intellectuels marginaux qui faisaient
auparavant, par exemple, des fanzines tapés à la machine, et qui, désolé Jean-Louis, pour le coup, l'avaient du reste cette fois précédé, en particulier dans l'intérêt pour les formes d'art populaire les plus hétéroclites ("Animula" ne cesse de le répéter, elle se veut la prem's, belle imposture). "Mère des blogs", tu parles! Sa dérive dérape vite dans le gonflage de chevilles (comme il s'en aperçoit d'ailleurs, car il est lucide le bougre, trop peut-être), et dans un narcissisme échevelé dont le lecteur n'a que faire. Laissons-le se caresser avec ces qualifications de "référence dans le monde de l'art brut" et passons à autre chose. 

   On regrettera dans ce numéro spécial, au chapitre des absents, qu'on n'ait pas plutôt interrogé ou demandé des contributions à la Collection ABCD qui s'interroge sur l'art brut aujourd'hui, ou bien qu'on ne se soit pas intéressé à l'évolution, en direction de l'art singulier, du musée d'art naïf de Laval, musée de la région des pays de la Loire pourtant. Etait-ce par manque de place? Le numéro en l'état actuel suscitera déjà, rien que dans les régions ouest, de bien fécondes questions sur les nouvelles façons d'envisager et de pratiquer l'art aujourd'hui. 

A signaler le samedi 21 avril, au Lieu Unique à Nantes, la présentation de la revue, dans le cadre d'un "week-end singulier" organisé par Patrick Gyger (auteur également dans la revue d'un article sur Daniel Johnston), où sera également projeté le film Bricoleurs de Paradis, Le Gazouillis des éléphants de Remy Ricordeau, avec un débat pour suivre, animé par Eva Prouteau. Durant la période du 7 mars au 20 mai, se tiendra au Lieu unique une expo consacrée à Daniel Johnston, Welcome to my world! D'autres intervenants sont également annoncés durant ce week-end comme Bruno Decharme, Barbara Safarova, Mario Del Curto, etc. Voir le site web du Lieu unique.

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Un DVD rien que pour Jacques Brunius

     Brunius a désormais un DVD à lui seul consacré. C'est Doriane films et les films de l'Equinoxe (ces derniers étant les gérants des droits relatifs à Brunius, ils s'occupent aussi du fonds Denise Bellon, la photographe belle-soeur de Brunius, avec qui ce dernier collabora à plusieurs reprises, notamment sur le Palais Idéal du Facteur Cheval) qui patronnent cette sortie toute récente.

 

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Couverture du DVD Jacques Brunius, Un cinéaste surréaliste, éd. Doriane Films et les Films de l'Equinoxe, sorti en mars 2012

    Quatre films, tous des documentaires, sont ainsi édités dans ce DVD: Autour d'une évasion (ultra rare; 65 min., 1931), Violons d'Ingres (30 min. ; 1937 ; déjà réédité dans le triple DVD Mon frère Jacques de Pierre Prévert,), Records 37 (28 min, 1937), ces trois derniers films ayant été tous restaurés par les Archives Françaises du Film et le CNC, et enfin Sources noires (38 min. ; 1937 ; docu "artistique" sur l'industrie pétrolière).

     Brunius, j'en parle souvent ici, c'est un homme qui me fascine et m'enchante. Par sa rigueur, son côté impitoyable aussi, dont on se fera une idée précise en lisant son livre de 1954, En marge du cinéma français, où il se livre en de certaines pages à des exécutions d'une rage inouïe (sur Cocteau notamment où sa verve anti Cocktail -un cocteau, des cocktails- fondée par rapport à certains des films de ce poète mondain -je pense notamment au Sang des Poètes d'une mièvrerie et d'un formalisme creux insupportables- dérape dans l'injustice lorsqu'il se livre à une descente en flammes de la Belle et la Bête ; on sait cependant à quel point Cocteau était haï des surréalistes, au point de faire dire à Philippe Soupault, comme le cite Jean-Pierre Pagliano dans son Brunius à l'Age d'Homme en 1987 (note 108, p.136): "Nous nous [les surréalistes] sommes éloignés du cinéma parce qu'il était aux mains de truqueurs comme Cocteau" ; ce genre de phrase est à retenir dans une histoire du cinéma et du surréalisme il me semble...). Brunius était un de ces passionnés, –de cinéma d'abord– qu'aucune tiédeur ne retenait de lâcher les chevaux. Son livre montre par ailleurs aussi quel redoutable théoricien du cinéma il pouvait être. La réunion des quatre films de ce DVD, mis en relation avec son livre, met en évidence en particulier son goût et son désir de promouvoir un cinéma de montage, au rythme particulièrement rapide (parfois même un peu trop rapide, empêchant de savourer les raccords, les analogies... comme dans Records 37, les plans sur le thème de la roue mise en parallèle avec les cercles concentriques générés par le jet d'un caillou dans l'eau par exemple). Il était là dans le droit fil des théories surréalistes s'inspirant de la phrase célèbre de Pierre Reverdy (que cite Brunius dans son livre, p. 128 de l'édition originale des éditions Arcanes): "[L'image poétique] ne peut naître d'une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l'image sera forte – plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique..." (Nord-Sud, mars 1918). Des "rapports lointains et justes", on les illustrera par exemple par ce rapprochement juste des formes des différentes roues avec des ronds dans l'eau, matières et objets pourtant éloignés les uns des autres dans la réalité. 

     Lui qui fut admiratif de cinéastes comme Jean Renoir (avec qui il collabora comme assistant -dans La Vie est à nous- et comme acteur -dans Partie de Campagne et Le Crime de Monsieur Lange), ou encore René Clair, Alberto Cavalcanti, Walter Ruttman, ou bien Luis Bunuel (dont il fut l'assistant sur L'Age d'Or), rêvait en effet d'un cinéma qui devait permettre, dans la continuité des films des avant-gardes des années 20, d'apporter un souffle nouveau basé sur les rapports égalitaires et complémentaires entre images toutes faites, tournées par d'autres (exemples des images d'actualités), musique, bruitage, et sous-titres. Brunius, en particulier voulait réformer l'usage du commentaire dominant par rapport aux autres langages du cinéma (image, bruits...).

      Dans Records 37, l'oreille du spectateur entend médusée ces mots, "Ni dieu, ni maître..." chantés en arrière-plan sonore (à moins que ce ne soit au premier plan?) sur un poème de Paul Valéry, alors que le film  continue simultanément et imperturbablement de dérouler sa litanie d'émerveillement devant les améliorations apportées au monde moderne par les différentes techniques ingénieuses qu'il nous présente.

Brunius, en marge du cinéma français, couverture.jpg     Le livre En marge du cinéma français dont maints chapitres ont été rédigés apparemment les années précédentes paraît déplorer que les recherches de montage, notamment de bandes d'actualités (comme dans Autour d'une évasion, où Brunius récupéra des images de Silvagni tournées en Guyane d'après l'enquête d'Albert Londres sur les bagnes, ainsi que les images rares, volées, filmées de derrière des persiennes entrebaillées par Gaston Chelle, opérateur de Pathé-Gaumont, montrant l'embarquement de bagnards à Saint-Martin-de-Ré dans les années 20 (ceci est révélé dans  l'instructif et synthétique livret du DVD par Nathaniel Greene), images qu'il entrelaça à des séquences qu'il filma à Paris avec Eugène Dieudonné, ancien anarchiste ayant fréquenté la  Bande à Bonnot et condamné injustement au bagne en Guyane), le livre de Brunius déplore que ses recherches de montage n'aient pas été reprises par d'autres. Cependant, au même moment (au début des années 50) les lettristes, tels Isou avec son Traité de Bave et d'Eternité où bande-son et bande-image se séparent à un moment du film de façon discrépante comme le qualifia Isou, ou tel Guy Debord qui fit au même moment des films sans images (Hurlements en faveur de Sade) puis par la suite dans ses films situationnistes des films de montage de bandes d'actualités et autres films tout faits, publicitaires entre autres, qu'il détournait, représentent à l'évidence des héritiers des théories cinématographiques de Brunius et autres surréalistes.

 

 

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Alphonse Benquet, portrait de sa femme Marie, 1889, coll. Rassat, ph. Bruno Montpied (sculpture inédite)

    Brunius qui ne s'en tint pas là, comme je ne cesse de le rappeler ici et là, devançant également Dubuffet et l'art brut par son film de 1937 Violons d'Ingres qui évoque diverses figures de l'art populaire comme le Facteur Cheval, l'abbé Fouré, Alphonse Benquet, Auguste Corsin, Alphonse Gurlhie, le Douanier Rousseau, divers artistes naïfs, associés à des figures excentriques populaires (le Diable Rouge), des inventeurs et des artisans populaires, tous représentants d'une persistance du génie de l'enfance se prolongeant à l'âge adulte. Autour d'une évasion, film d'une audace étonnante pour l'époque, puisqu'il traite dans la suite des enquêtes d'Albert Londres (voir son livre sur  Dieudonné, L'Homme qui s'évada et celui sur les bataillons d'Afrique, Dante n'avait rien vu, réédités au Serpent à Plumes), des conditions faites aux bagnards, montre à un moment dans les mains de Dieudonné un rouleau de peau humaine conservé en raison des tatouages qu'il recèle, tatouages que l'on voit dans un autre passage du film, dans les images de Silvagni en train d'être apposés sur les bras et les épaules des bagnards par des compagnons d'infortune.

 

Aoutr-d'une-évasion-Dieudon.jpgDieudonné déroulant la peau tatouée dans Autour d'une évasion

Autour-d-'une-évasion,-tato.jpg

L'opération de tatouage dans Autour d'une évasion

 

 

      Il reste à espérer que ce DVD soit le premier d'une série qui ne pourra se limiter sans doute qu'à deux compilations, la deuxième se consacrant à ses films tournés en Angleterre après la Seconde Guerre. Car on sait que Brunius, fuyant les Nazis, alla vivre là-bas, revenant de temps à autre après guerre voir ses amis et parents sur le continent, continuant à fréquenter le cercle surréaliste notamment, jusqu'à sa mort en 1967, la veille d'une grande exposition surréaliste à Londres qu'il avait grandement contribué à organiser (on le voit témoigner sur Jacques Prévert dans le film de Pierre Prévert Mon Frère Jacques en 1966,  rare moment de présence personnelle devant une caméra, en dehors de ses rôles de comédien).

      D'autres films furent réalisés par lui durant sa période anglaise (j'en ai évoqué un, Somewhere to live, dans la note ici et en lien), et notamment un film pour enfants, To the rescue (A la rescousse) en 1952, qu'il fit avec Richard Massingham que Pagliano présente comme "une sorte de pionnier, réinventant le cinéma pour son usage personnel", une sorte de "cinéaste du dimanche", bourré d'humour et d'esprit carrollien, goût qu'il partageait avec Brunius qui réalisa pour la radio française en 1966, un an avant sa mort, une émission fleuve d'environ huit heures sur Lewis Carroll (rediffusée en 1986 sur France-Culture : faudra-t-il attendre 2016 pour la réentendre? Qu'attend-on pour l'éditer en coffret?). Ce film fut apparemment la seule incursion de Brunius dans le domaine de la fiction, sorte de poursuite burlesque, nous dit toujours Jean-Pierre Pagliano, en hommage au cinéma comique des premiers temps. Il reçut le prix du meilleur film pour la jeunesse au festival de Venise 1953. On aimerait bien le voir...

A noter en bonus: le Palais Idéal d'Ado Kyrou (1958, déjà réédité en même temps que le film de Claude et Clovis Prévost sur le Facteur Cheval dans un autre DVD produit par le Palais Idéal de Hauterives), surtout une éclairante "rencontre autour de Brunius" au Lux, scène nationale de Valence (le 16/10/2010), avec Eric Le Roy (CNC, Archives Françaises du Film, Films de l'Equinoxe), Christophe Bonin, l'ancien directeur du Palais Idéal aujourd'hui nommé à d'autres responsabilités culturelles dans la Creuse, et Jean-Pierre Pagliano (rencontre que j'avais signalée en son temps sur ce blog), une "chronologie" de J-B. Brunius et un diaporama de photos de films et de dessins de Brunius.

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