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Un nouveau livre sur les Rochers sculptés de Rothéneuf, et une exposition sur place

     Annoncé depuis plusieurs mois, voici qu'est paru, selon une information de Joëlle Jouneau, fondatrice de l'Association des Amis de l'Abbé Fouré (qui veut se consacrer à mieux faire comprendre la vie et l'oeuvre du fameux ermite), le livre du photographe et cinéaste Jean Jéhan, Saint-Malo-Rothéneuf, au temps des Rochers Sculptés, aux éditions Cristel. Je peux montrer ici, transmis par cette même Joëlle, la couverture et le 4e de couv de cet ouvrage qui paraît fort coquet ma foi:

  

Couverture du livre Jean Jéhan, St-Malo-Rothéneuf au temps des rochers sculptés, éd. Cristel, 2010.jpgCouverture du livre de Jean Jéhan, éd Cristel, préface d'Alain Bouillet, 2010

4e de couverture du livre de Jean Jéhan.jpg

 4e de couv' avec un curieux photomontage

  

     On notera le format italien du livre qui paraît par son titre (ne mentionnant curieusement pas le nom de l'auteur des rochers sculptés) mettre l'accent avant tout sur l'aspect régionaliste du thème traité, annonçant des reproductions de cartes postales anciennes, ainsi que des photographies en noir et blanc de l'auteur extraites des 300 clichés de sa collection personnelle (prises à des époques où certaines statues, disparues depuis, existaient encore, ce qui permet de mettre en évidence la dégradation du site). Dès que j'aurai pu davantage le consulter, j'y reviendrai bien entendu (puisque mon blog sert de caisse de résonance à ma propre recherche sur l'abbé depuis déjà plusieurs notes). D'ores et déjà, on attend avec impatience de trouver dans le livre de Jean Jéhan  la reproduction promise de plusieurs pages du Livre d'Or de l'abbé, que celui-ci gardait à la disposition des visiteurs de son petit musée dans le bourg. Ce livre d'or contiendrait des dessins de l'abbé. Une rumeur court ainsi comme quoi certaines "enluminures" de ce livre, les dragons ci-dessous par exemple (reproduits d'après une photocopie d'un autre article paru cette année dans Le Pays Malouin sur l'existence de ce Livre d'Or, conservé jusqu'à présent par une descendante de l'abbé), seraient de la main de l'abbé, ce qui serait, si cela s'avère bien attesté, une belle découverte de la part de M. Jéhan.

 

 

Page du Livre d'Or de l'abbé fouré, d'après photo Pays Malouin.jpg

 "Enluminure" du Livre d'Or de l'abbé, tel que parue dans un numéro du Pays Malouin, journal de la région de St-Malo

 

    Autres révélations que l'on devrait aussi trouver dans ce livre de Jean Jéhan, des témoignages de personnes ayant connu dans leur enfance l'abbé, personnes disparues depuis. Le Pays malouin cite l'anecdote rapportée par l'une d'elles des bains de sable que l'on faisait prendre à l'abbé pour le soulager de ses rhumatismes... De même, le caractère taciturne et pour le moins taiseux du personnage se trouve corroboré dans ces témoignages (mais s'il avait des difficultés d'élocution engendrées par sa surdité, cela ne pouvait que le rendre taiseux, non?...). On attend certes beaucoup de ce livre que d'aucuns présentent déjà, de façon pour le moins précipitée comme celui qui traiterait enfin de "l'intégralité" de l'abbé Fouré... Attention de ne pas lui en demander trop. Mais il faut certes se féliciter de ce qu'un ouvrage sérieux ait enfin paru sur les terres mêmes de l'abbé Fouré, cent ans que ses mânes, errant entre les falaises de Rothéneuf, attendaient cela.

   Joëlle Jouneau me signale par ailleurs que le livre reprend « en annexe » le Guide du Musée de l‘ermite de Rothéneuf dont on se souviendra peut-être que j’ai donné au début de cette année, date anniversaire des cent ans de la mort de l’abbé Fouré, dans le n°1 de la revue apparentée au surréalisme L’Or aux 13 îles la première édition commentée depuis son édition originale en 1919. Je ne suis pas mécontent de vérifier qu’une fois de plus, face aux partisans de l’art brut, les surréalistes auront encore tiré les premiers ! (Ce qui explique peut-être l’attitude assez mesquine d’une Animula Vagula, sur un blog parallèle, qui s’empresse de ne pas mentionner notre première édition lorsqu’elle apprend avec ravissement la publication prochaine du livre de M. Jéhan - éternelle jalousie du parti de l’art brut ?).

     Mais revenons à Joëlle Jouneau. Cette dame, intéressée vivement à la vie et  à l'oeuvre de l'abbé, surprise comme beaucoup de visiteurs des rochers que l'on n'ait jamais songé sur place à communiquer davantage d'informations véridiques sur le compte de l'abbé, au lieu de se contenter des légendes créées de toutes pièces par les ancêtres des gérants du lieu, cette dame a décidé de créer donc une association qui se donne pour mission d'aider à restituer la mémoire et le sens de l'oeuvre de l'abbé. Il va de soi que je m'associe pleinement à cette mission. C'est pourquoi je viendrais à la journée du 18 décembre prochain à la salle de quartier de Rothéneuf, qu'organise Joëlle Jouneau en prélude à une exposition qui sera ensuite installée au manoir Jacques Cartier qui vient d'être donné à la Ville de St-Malo par la fondation canadienne qui le gérait jusque là. Voir l'affiche ci-dessous:

 

affiche exposition  sur l'abbé Fouré et journée du 18 décembre 2010 à la nouvelle salle de quartier de Rothéneuf.jpg

 

 

     Je devrai normalement, au cours de la soirée, si la technique ne nous fait pas faux bond, présenter un film surprise sur la question des environnements spontanés contemporains afin de situer les rochers sculptés dans un contexte plus général (je donnerai bientôt plus de détails à propos de ce film). L'exposition essaie de retracer l'ensemble de ce que l'on sait du parcours biographique de l'abbé, et de la signification de ses sculptures sur pierre ou sur bois, à partir des recherches des divers exégètes de l'abbé Fouré .

 

expo abbé Fouré, manoir Jacques Cartier.jpg

 

 

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Qui va là?

Anonyme,sculptures,glycéro,.jpg

      Laurent Jacquy, que j'ai déjà eu l'occasion de citer ici, par rapport au jardin de Bohdan Litnianski dans l'Aisne, ou pour une carte postale détournée de sa composition (le monsieur paraît priser les images modifiées) me fait part d'une exposition qui s'annonce fort intéressante dans sa bonne ville d'Amiens, manifestation apparemment organisée par lui et quelques autres amis et intitulée Qui va là?Laurent Jacquy, L'apparition de Tintin à Bernadette Soubirous, exposition Qui va là?, Le Safran, Amiens, 2010.jpg

     Il me donne l'information brute, les dates (du 30 avril au 17 juin), le lieu (Galerie Carré Noir, Le Safran, ce dernier étant un centre culturel), et me signale un lien vers un blog qui parait avoir été créé tout exprès pour l'exposition, au nom éponyme de cette dernière, Qui va là? Ce blog paraît servir de catalogue (faute de mieux?). On y trouve une "bonne partie" des 200 oeuvres exposées à la galerie Carré Noir. Ah, si, son info contient aussi une courte phrase de présentation: "Cette exposition regroupe autour des travaux de Laurent Jacquy et de Yann Paris des oeuvres d'anonymes ou d'artistes plus connus". Parmi les "artistes plus connus", sans doute veut-on parler d'un Jaber (aux oeuvres pour une fois bien choisies) ou d'une Ody Saban (un dessin inhabituel dans sa production), voire d'un Maurice Rapin (j'y reviens plus bas).

Yann Paris, André Breton.jpg
Yann Paris, André Breton, poète, écrivain, essayiste, sculpture sur bois

       C'est à chacun de se faire une opinion à partir des images que l'on découvre sur ce blog (j'en reproduis quelques-unes ici même). D'emblée, l'ensemble me séduit et m'apporte une impression de nouveauté et de fraîcheur, un goût de la création autodidacte populaire se manifestant là, imprégnée d'humour et d'esprit aimablement critique. Il y a là des peintures de Laurent Jacquy, en position de référence au monde des ex-voto contemporains ou plus anciens (certains exemplaires de ceux-ci sont présentés du reste, dont des mexicains), à un goût de l'imagerie modeste décalée et en écho à une imagerie politique caricaturale ou humoristique aussi (voir sa série de peintures sur l'histoire de la résistance dans le massif du Vercors qui n'est pas sans rappeler les tableaux à histoire de Gérard Lattier, qui fut influencé par Clovis Trouille lui de son côté).Laurent Jacquy,Vercors, peinture sur bois.jpg Un dessin de Maurice Rapin, visible dans le blog qui fait le "pré-inventaire" de cette exposition, prend peut-être de ce point de vue valeur de référence et de filiation. Ce dernier (disparu en 2000), qui appartint un temps au mouvement surréaliste avec Mirabelle Dors (1913-1991), avant de s'en détacher pour des raisons d'ordre esthétique avant tout, semble-t-il, prisait une figuration critique pour laquelle avec sa compagne il anima un salon du même nom. Ce même Maurice Rapin fut aussi en relation avec Clovis Trouille, qui avec Alfred Courmes fait figure de grand ancêtre de toute cette nouvelle figuration décalée inspirée de l'art populaire.

Yann Paris,super-héros.jpg
Yann Paris, super-héros
Georges Paris, Tintintin.jpg
Georges Paris, Tintintin

       Les sculptures sur bois de Yann Paris, ou de Georges Paris également, sont aussi des oeuvres affichant une certaine naïveté de style, avec une posture déférente à l'égard de l'imagerie populaire contemporaine (le catch, les super-héros des séries de Marvel) qui ne déplairait pas aux animateurs du Musée international des Arts Modestes. J'apprécie également les peintures d'un certain Javier Mayoral, elles aussi dans l'esprit du démarquage d'une iconographie préexistante.Javier Mayoral, peinture sur bois.jpg On trouve également nombre de portraits de vedettes de la culture de masse (Nana Mouskouri, Bourvil, James Dean...) peints par des anonymes qui ne sont pas sans fasciner les organisateurs de cette expo par le mélange d'admiration et d'une problématique prise de distance vis-à-vis de leurs modèles qu'ils supposent aussi peut-être en creux.Anonyme, James Dean, expo Qui va là? Le Safran, Amiens, 2010.jpg Ce goût de portraiturer ces "saints de rechange" dans la culture populaire contemporaine (on en trouve un grand nombre dans les jardins naïfs de bord de route) paraît ambivalent (mais peut-être n'est-ce qu'une vue de l'esprit?). Certaines déformations, des yeux un peu trop exorbités par exemple, ou des boîtes crâniennes bizarrement conformées, semblent trahir un inconscient désir de caricature, qu'un artiste plus délibérement frondeur choisira de pousser plus loin.

Anonyme, Nana Mouskouri, expo Qui va là ? Le Safran, Amiens, 2010.jpg
Anonyme, Nana Mouskouri
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A. Lamy, Bourvil
       Ce concept d'exposition n'est pas sans rappeler aussi le goût d'un Olivier Thiébaut qui à Caen a fondé le jardin de la Luna Rossa à partir de fragments de jardins et d'environnements populaires, après avoir monté des expositions où il mêlait ces oeuvres naïves populaires à ses propres créations au style proche de l'art populaire. De même, on pensera aux expos montées par Pascal Saumade ici ou là, comme récemment Sur le Fil à la Maison-Folie de Wazemmes à Lille. Voire à l'intérêt qu'on porte ailleurs au bad art ou à l'art des vide-greniers et autres dépôts-ventes. Il y a là comme un éloge du regard naïf vu avant tout comme un regard dépourvu du désir d'épater à tout prix, et comme un refus de l'effet. Pour certains amateurs d'art plus intellectuels, en tout cas, cette imagerie populaire que l'on chine en brocante et dans les vide-greniers apporte en ce moment indéniablement un souffle d'air frais, en même temps qu'un moyen de remettre en question certaines valeurs admises dans le monde de l'art dominant.
Anoprincessemalgache.jpg
Anonyme, Princesse malgache
 

Qui va là? Exposition du 30 avril au 17 juin 2010, Le Safran, rue Georges Guynemer, 80000 Amiens. Tél 03 22 69 66 00.

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XIes Rencontres autour de l'Art Singulier à Nice

 Affichette des XIes rencontres autour de l'Art singulier à Nice le 7 juin 2008.jpg

 

    J'ai reçu enfin le carton annonçant la nouvelle programmation des excellentes Rencontres autour de l'Art Singulier qui se tiennent sous l'égide de l'association Hors-Champ, animée entre autres par Pierre-Jean Wurtz, une fois par an, généralement à la fin du mois de mai, à Nice, dans l'auditorium du Musée d'Art Moderne et d'Art contemporain. La prochaine rencontre se tiendra donc le samedi 7 juin de 10h à 17h30. Cela fait plusieurs années que cette association s'ingénie à réunir autour de l'art singulier -le terme englobe à leurs yeux tout ce qui relève de l'art brut, des environnements spontanés, voire de l'art naïf, et à l'étranger de l'art outsider- cinéastes, créateurs et amateurs de ces formes d'art marginal dans un climat qui se veut cordial. Ces rencontres furent souvent l'occasion de fructueux échanges de vues entre amateurs divers, de transmissions d'information qui se passent aussi bien dans le cadre de la journée de programmation qu'en dehors, dans les restaurants ou cafés du vieux Nice.

Carton d'invitation aux Xes Rencontres autour de l'Art Singulier à Nice en 2007.JPG
Carton d'invitation aux 10es Rencontres de 2007

    Cette année, on pourra découvrir des films sur Ni Tanjung (cette Balinaise dont on parle dans le dernier fascicule de la Collection de l'Art Brut à Lausanne), sur Joseph Donadello (dont le petit fanzine Zon'Art de Denis Lavaud et Bernard Dattas avait déjà parlé), sur Pya Hug (intrigante créatrice suisse dans un film de Mario Del Curto). Ainsi qu'un film de Guy Brunet (un extrait où ce grand candide raconte à sa façon dans un cinéma documentaire bricolé à la maison l'histoire du festival de Cannes... En présence d'acteurs ou de metteurs en scène célèbres réalisés en silhouettes peintes, voir ma note du 1er mai 08). A voir également, chaudement recommandé par Pierre-Jean Wurtz, un film d'Enrico Ranzanici sur un collecteur de galets de rivière, Luigi Lineri, qui les choisirait pour leurs formes parlantes -ça me rappelle Mme Bassieux à Dieulefit dans la Drôme... Pour le programme complet, voir les photos que j'insère à la suite.

Programme (contenant quelques trucages) des XIes Rencontres autour de l'Art Singulier, association Hors-Champ, Nice 2008.jpg
Programme des XIes Rencontres du 7 juin 2008 (contenant quelques trucages)

    L'association a chaque année la lourde tâche de trouver des subventions pour la réalisation de cette journée et il faut les féliciter d'y arriver depuis onze ans. Une parenthèse ici cependant: est-ce parce qu'ils sont trop obsédés par ces sponsors à dénicher qu'ils finissent par oublier de remercier les amis et les simples particuliers, qui, comme votre serviteur, leur ont proposé des idées de films à passer? Ainsi en va-t-il cette année du film de Jean Painlevé sur le créateur populaire danois Axel Henrichsen que j'avais proposé il y a quelque temps à Pierre-Jean Wurtz (voir la note du 17 février 2008 que j'ai consacrée sur ce blog à l'édition récente en DVD de ce film rare). Comme personne ne songera à opérer cette précision (dont j'ai la faiblesse de penser qu'au lieu de servir ma gloire, elle sert surtout à informer le public sur qui fait quoi), j'ai cru bon de l'ajouter (merci Photoshop) sur le libellé du programme de cette onzième journée niçoise...

détail du programme Hors-Champ 2008 comportant un rajout par nos soins.jpg
Détail du programme (comportant un ajout)

   Je n'en suis d'ailleurs pas resté là, puisque je me suis également amusé à "rectifier" sur ce programme le nom d'un des participants à cette journée, que je ne saurais appeler autrement que "La concierge de l'art brut" depuis qu'il fait circuler sur le net des "mémoires" (au reste assez ridicules) où il me prête des propos mensongers (courts certes mais mensongers et rapportés) dans le plus pur style délateur ou ragots de chiottes (voir le site de la galerie La sardine collée au mur), propos que j'aurais tenus sur des amis à lui. Belle attitude de concierge (de plus chez quelqu'un qui se prétend libertaire...). En conséquence, si je me dois de citer les travaux plus intéressants auxquels ce triste sire participe, lorsqu'il est infiniment mieux inspiré, comme la parution à l'égide de la revue Gazogène qu'il édite du côté de Cahors de numéros consacrés à l'extraordinaire collection de cartes postales consacrées aux environnements spontanés et autres de Jean-Michel Chesné, ou sa participation aux côtés de Chesné à ce XIe festival où ils présenteront un certain nombre d'images fascinantes, je ne saurais le citer autrement que sous ce grotesque vocable (je n'ai rien contre les concierges, sauf quand elles s'avisent de faire les pipelettes ce qui a été souvent leur vocation comme on sait).

en présence de Jean-Michel Chesné et de la concierge de l'art brut (directeur de la revue Gazogène).jpg
Détail du programme (comportant un ajout)

    J'en reviens à ces Rencontres 2008... Les programmations sont conçues aux dires mêmes de leur principal animateur, Pierre-Jean Wurtz, dans la perspective du documentaire avant tout. Point de fictions dans ce festival (et pourtant, il y aurait de quoi faire, car le cinéma s'est emparé plusieurs fois des biographies de créateurs de l'art brut ou de l'art naïf, comme Aloïse, Ligabue, Pirosmanachvili, récemment Hélène Smith...). Les responsables de Hors-Champ  se sont donnés comme règle de choisir des documentaires, et parmi ceux-ci, en priorité les films montrant les créateurs vivants au milieu de leurs oeuvres, les commentant le cas échéant (ce qui explique donc, qu'ils aient dés lors écarté les fictions). La durée des films aussi compte dans la composition de la programmation (et les fictions sont des longs-métrages la plupart du temps). Ceci étant établi, on ne peut que constater, au vu des programmations des onze années précédentes, l'étendue et la richesse du (hors-) champ "art brut et cinéma documentaire". Conscients du fait que l'information a été jusqu'ici par trop confidentielle sur l'ensemble des films montrés à Nice, les animateurs de cette sympathique association ont mis en chantier la publication d'un livre qui devrait réunir toute l'information souhaitable sur les créateurs présentés depuis onze ans dans le cadre de leurs festivals. On devrait y retrouver par la même occasion nombre d'acteurs de la médiation de ces créateurs. L'ouvrage serait prévu pour cet automne, à ce que je crois savoir...

 

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Art brut à Brest, Abbé Fouré, Pèr Jaïn, Gilles Ehrmann et autres bricoleurs de paradis...

      Une manifestation nouvelle en Bretagne qui n'a, à ma connaissance, si loin en son cœur, que rarement montré de l'art brut va commencer le 5 avril à Brest. Cela s'intitule "L'art brut à l'ouest" – dans un beau pléonasme (assumé avec malice) car l'art brut en soi est naturellement à l'ouest – ensemble d'expositions et de représentations théâtrales prévues pour durer jusqu'au 29 juin.

 

art brut a l'ouest.jpg

art brut a l'ouest002.jpg

 

        L'événement convoque des documents concernant la création en plein air de l'abbé Fouré (les fameux "Rochers et bois sculptés" de cet ermite de Rothéneuf en Ille-et-Vilaine qui les sculpta entre 1894 et 1908, lui étant décédé en 1910), documents à base essentiellement de cartes postales et de reproductions d'articles de presse de l'époque que rassemble depuis quelque temps l'Association des Amis de l'Œuvre de l'abbé Fouré animée par Joëlle Jouneau. On se souviendra que j'ai moi-même documenté récemment dans la revue l'Or aux 13 îles n°1, en janvier 2010 (pour le centenaire de la disparition de l'abbé), l'ancien musée des bois sculptés que l'abbé avait créé dans le bourg dans son ermitage, à bonne distance de la côte où se trouvaient les rochers qu'il taillait à la belle saison, l'ermitage étant réservé pour les travaux d'hiver sur bois. Ces bois sculptés ont disparu par la suite dans les années 30 ou 40 dans des conditions restées mystérieuses. Ont seuls surnagé jusqu'à présent, parmi ces pièces en bois, quelques meubles sculptés, probablement ceux qui avaient quitté l'ermitage en 1910 après la vente aux enchères qui suivit la mort de l'abbé. Les rochers quant à eux se visitent toujours en dépit de leur grand état de dégradation. L'expo Fouré est prévue pour se tenir à la Bibliothèque d'Etude (22, rue Traverse à Brest, tél: 02 98 00 87 60).

 

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Pierre Jaïn, une sculpture dans son jardin encore en place en 1991, ph. Bruno Montpied

 

     Avec Fouré, sera présenté un autre "régional de l'étape", Pierre Jaïn (1904-1967), dit Pèr Jaïn dans la graphie bretonne, à l'initiative de son petit-neveu Benoït Jaïn, qui se consacre à défendre la mémoire de son aïeul depuis plusieurs années déjà (voir notamment les pièces qu'il avait prêtées à l'expo qu'avait organisée en 2001 l'association de Patricia Allio à Dol-de-Bretagne "L'art brut à l'ABRI"). Pierre Jaïn est bien connu des amateurs d'art brut qui se souviendront de la notice qui lui fut consacrée dans le fascicule n°10 de la collection de l'art brut en 1977 par le Dr. Pierre Maunoury (alias Joinul). Il fut sculpteur sur bois, pierre et os, les oeuvres sur ce dernier matériau ayant été peu conservées. La Collection de l'Art Brut à Lausanne en a conservé 9, la famille une douzaine (voir ici même la note que publia sur ce blog Benoît Jaïn en 2009). Il est connu aussi pour un petit orchestre de percussions bricolées qu'il avait installées à l'arrière de son jardin dans sa ferme à Kerlaz (voir ci-contre la photo qui fut publiée dans le fascicule n°10 de laCollection de l'Art Brut). Pierre-Jain-ASa-batterie,-p.jpg

     A côté de cette double exposition Fouré/Jaïn, on verra aussi dans un autre lieu, l'artothèque du musée des Beaux-Arts de Brest (24, rue Traverse, tél: 02 98 00 87 96), un panorama des photographies de Gilles Ehrmann consacrées aux "Inspirés" dans les années 50-60, photos qui donnèrent lieu à la publication du livre Les Inspirés et leurs demeures aux éditions du Temps en 1962. On pouvait y croiser Picassiette, l'abbé Fouré, Gaston Chaissac (qu'Ehrmann était allé voir avec Benjamin Péret en 1958, un an avant la disparition de ce dernier), Frédéric Séron, le meunier Louis Malachier, le pépiniériste Joseph Marmin (art topiaire), Hippolyte Massé, Alphonse Wallart, le Facteur Cheval et les "monstres de Bomarzo" en Italie.

     Gilles Ehrmann avec son livre de 62 se trouve à un bout de la chaîne bibliographique qui unit les auteurs de livres sur les habitants-paysagistes populaires, chaîne dont je suis le dernier maillon pour l'instant avec mon Eloge des Jardins Anarchiques paru en 2011. Comme ce dernier livre, ainsi que le film de Remy Ricordeau Bricoleurs de paradis, traitent de nombreux créateurs de l'ouest de la France, j'ai trouvé normal de les proposer à la présentation au cours d'une rencontre-débat le 20 avril à 14h30 à l'auditorium du musée des Beaux-Arts, histoire de ne pas laisser croire au public breton que l'art brut dans la région appartiendrait au passé. Il y aura donc une nouvelle projection à la suite de laquelle on pourra évoquer plus particulièrement les sites bretons, comme ceux d'Alexis Le Breton dans le Morbihan, de l'abbé Fouré à Rothéneuf, d'André Gourlet à Riec-sur-Belon, d'Yvette et Pierre Darcel dans la région briochine ou encore d'André M. dans la région d'Auray.

 

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Gilles Ehrmann, La maison à la sirène d'Hippolyte Massé, photo extraite des Inspirés et leurs demeures (1962)

 

     Un peu plus tard, du 23 mai au 30 juin, au Centre Atlantique de la Photographie (dans le Quartz), Brest invitera aussi un photographe plus contemporain, Mario Del Curto, pour ses portraits des Clandestins de l'art brut. Il y aura aussi divers petits événements relatifs au manège de Petit-Pierre qui sera présenté sous la forme d'une pièce de théâtre de Suzanne Lebeau au Quartz de Brest. Pour le programme complet et plus précis, on peut le feuilleter en cliquant sur le lien ci-dessous:

 http://issuu.com/bibliobrest/docs/art-brut-2013-brest-pro...   

    

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05/04/2013 | Lien permanent

Création Franche n°43 où les inspirés du bord des routes sont de retour

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Le n°43 d'une revue fondée en 1989

 

    Voici le nouveau numéro de Création Franche, revue bi-annuelle, un numéro au printemps, un numéro en hiver... Disponible sur abonnement, ou directement au Musée de la création franche à Bègles, et de temps à autre à la librairie de la Halle St-Pierre, Paris 18e ardt...

   Au sommaire − en dehors de l'édito du directeur, Pascal Rigeade, qui, cette fois-ci, nous présente le nouveau rendez-vous du musée, appelé de façon très branché "le Lab" (qui, d'après ce que j'en ai compris, souhaite révéler le dialogue que noueraient telle ou telle œuvre de la collection avec le contexte social, économique, culturel, etc, de sa production... Ambitieux programme...), et de l'article de Gérard Sendrey, l'ancien directeur, et fondateur du musée − on trouve cinq chroniqueurs extérieurs : Paul Duchein, Dino Menozzi, Denis Lavaud, Bernard Chevassu et moi-même. Les deux créateurs évoqués par Duchein et  Menozzi ne m'ont, je dois dire, pas beaucoup retenu. Non, je me suis plutôt attardé sur l'article de Bernard Chevassu qui propose une balade du côté des "racines et des rêves", autrement dit, de créateurs qui ont ce point commun de s'intéresser fortement aux formes suggestives de la nature, notamment arboricole. On y retrouve, au hasard des pages, quelques images des œuvres de Félix Gresset, personnage dont je n'avais plus entendu parler depuis une éternité, je crois bien que c'était dans une ancienne brochure de l'Aracine la dernière fois...

     En cherchant un peu dans ma documentation, j'ai finalement retrouvé une notice sur lui, illustrée de deux reproductions, dans le catalogue Art Brut, collection de l'Aracine, édité par le LaM, musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq en 1997. Il y est dit que Gresset, ouvrier forestier dans le Jura, avait installé des personnages constitués de branches, de racines, ou bien encore de souches interprétées, devant sa maison, dans un village joliment appelé Chantegrue (un nom de lieu prédestinant là encore, sûrement). Ce qui me permet de le ranger parmi les créateurs populaires d'environnements chers à mon cœur. L'article de Chevassu vagabonde avec raison de façon agréable chez les assembleurs et interprètes amateurs (ou non : plusieurs de ceux qu'il cite paraissent plus "artistes") de poésie naturelle. On sait que, rien que dans la catégorie des créateurs autodidactes populaires, ils sont légion. On aime à ramasser du bois mort, ou des galets aux formes tourmentées, qui représentent d'étranges formes interprétables. C'est la manière que les fées et les trolls ont trouvée pour se perpétuer jusqu'à notre époque trop raisonnante. 

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Le jardin de Félix Gresset, photo parue dans Art brut, collection de l'Aracine (1997)

    Ce numéro de Création franche s'attarde plus que d'habitude chez les inspirés du bord de routes. C'est ainsi que l'on lit avec plaisir l'entretien que Francis David, l'émérite photographe du Guide de l'Art insolite dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie (Herscher, 1984), a donné avec bonne grâce à Denis Lavaud. Le dialogue revient sur le parcours de ce pionnier en matière de recherche d'inspirés, en nous révélant que c'est, entre autres, à la suite des expositions de Claude et Clovis Prévost que dès 1977 à Chartres, Francis David décida de s'intéresser de plus près aux habitants-paysagistes. Il y a en effet une chaîne de quêteurs d'inspirés du quotidien qui va, ininterrompue, depuis le début du XXe siècle (si l'on pense aux photographes anonymes qui nous ont gardé la trace par la carte postale de tant de sites du passé) jusqu'à aujourd'hui.

     Francis David, en plus de son travail photographique des années 1980, aurait très bien pu développer l'écriture, de façon tout aussi originale que dans sa photographie. Il s'est en effet rapproché des écrivains-voyageurs, si l'on se réfère aux quelques rares notes de balade (des vers en réalité) qu'il fit paraître dans le catalogue de l'exposition Les Bricoleurs de l'Imaginaire (Musées de Laval et de La Roche-sur-Yon, 1984). Ces dernières se terminaient par ces mots:

     "rouler jusqu'à la nuit / avec l'ivresse de ces courses et de ces rencontres / avec le vertige / d'avoir à délimiter / les fondations d'une tour de Babel / que des rêveurs s'acharnent / à bricoler pour nous / tous."

    Un Gabriele Mina, en Italie, s'est souvenu de cette tour de Babel dans le titre de ses livre et site web (Costruttori di Babele...). De même qu'un certain Bruno Montpied ne rougit pas de reconnaître qu'il a dû se souvenir des "bricoleurs de l'imaginaire" (cf. le titre du catalogue et de l'exposition initiés par Francis David), pour le film qu'il a écrit avec le réalisateur Remy Ricordeau, Bricoleurs de paradis...

Les Bricoleurs de l'imaginaire, F.David.jpg

    B.M., dans ce même numéro 43 de CF, a rapporté un petit reportage sur un environnement étourdissant, très atypique, qu'il est allé voir en Espagne, en compagnie de deux camarades, l'été dernier. Ce site incroyable, créé par un certain Julio Basanta, pour commémorer le meurtre de son frère, puis de son fils, par la police, à vingt ans d'intervalle, est imprégné d'un mysticisme légèrement délirant qu'il paraît fréquent de rencontrer chez nos voisins ibères. L'article aurait pu faire partie de la série de notes que j'ai commencée sur ce blog (intitulée − bien présomptueusement puisqu'il n'y a eu jusqu'ici, je m'en avise avec confusion, qu'un seul épisode s'y rapportant − "Journal de voyage en Espagne"), évoquant en pointillé cette dérive automobile en Espagne. Je ne me laisserai pas aller à évoquer cette création architecturale et sculpturale, car cela nous emmènerait trop loin. Publions juste une photo supplémentaire et renvoyons nos lecteurs qui voudraient en savoir plus vers la revue. Car la fin du papier par la lecture sur internet n'entre pas dans mes vues... 

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La "Casa de Dios" de Julio Basanta, ph. Bruno Montpied, 2015

  

 

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14/02/2016 | Lien permanent

Joseph Vaylet et la ”poésie de la liste”, selon Emmanuel Boussuge

Joseph Vaylet, un art spontané de la poésie de listes

 

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 Joseph Vaylet en tenue de félibrige, image du site du Musée Joseph Vaylet.

  

       La petite ville d’Espalion en Aveyron dispose d’une richesse de musées à faire pâlir de bien plus grandes cités. Outre la chapelle des pénitents transformée en petit musée d’art religieux, elle compte trois autres lieux consacrés à la présentation de collections muséales : le musée des mœurs et des coutumes (poteries, cuivres, archéologie, art religieux)¹, un improbable musée du scaphandre et surtout le musée Joseph Vaylet. Ce dernier personnage (1894-1982) a réuni la plus hétéroclite des collections. L’intérêt de nombreux objets est un peu difficile à percevoir, mais de magnifiques pièces issues de la verve créative des bergers locaux et quelques autres chefs d’œuvre d’art populaire justifient plus qu’amplement le voyage. Presque vingt ans avant moi, Bruno Montpied avait visité ce réjouissant bric-à-brac et je renvoie à sa Petite promenade dans l’art populaire du Rouergue (Gazogène, n°14-15) pour plus longue description du lieu. C’est un autre aspect de l’activité de Joseph Vaylet dont je vous propose l’éloge.

 

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« Le député de la Montagne » œuvre d’un artiste espalionnais ; début du 20ème siècle. Sculpture en bois polychrome, hauteur 90 cm (d’après la légende d’une carte postale en vente au Musée J. Vaylet, photo P. Saillan).

      Outre son activité de collectionneur tous azimuts, Joseph Vaylet était aussi poète occitan, folkloriste et encore un ethnologue autodidacte à la curiosité toujours en éveil. Je ne garantirais pas la scrupuleuse exactitude de tous les détails faisant la matière de ses opuscules, il est indéniable en revanche que ce personnage haut en couleurs illustra la poésie de la liste avec un sens du disparate presque sans égal, de même nature que celui qu’il déploya pour constituer sa collection.

    On sait que la poésie de la liste repose sur un subtil dosage de l’analogue et du dissemblable. Prévert a illustré le genre d’une manière flamboyante, les auteurs de l’Oulipo dans un tout autre style, Joseph Vaylet, lui, est le type même du poète de la liste spontanée, guidé par un sens de l’hétérogène qui pourrait paraître inné. Jugez d’abord par cet extrait de sa bibliographie telle qu’elle figure dans un de ses ouvrages :

« Lou Martiri de sant Hilarian (hors commerce)

L’Alh (L’Ail). Étude folklorique en langue d’oc, 1940, rare – 13 F.

Heures Ferventes. Recueil de poésies sentimentales, 1972, 25 F.

Proverbes et dictons rabelaisiens, 1260 dictons, 264 pages, 1er vol. – 45 F.

Presics de l’abat Badaruca (avec traduction fr.) – 27 F.

Flors d’Aubrac (poèmes d’oc avec traduction) – 35 F.

Rêveries normandes (poésies).

Le Tribunal de Commerce de Saint-Geniez (rectification d’une erreur historique)

Étude folkloriques :

- Le bâton dans le folklore

- La croix dans le folklore

- La dent dans le folklore

- L’âne dans le folklore

Histoires gaies (Humour et cure thermale) (sous presse [en 1977]) ».

        Humour et cure thermale, comment résister ?

       J’ai mis de côté deux ouvrages dont la table des matières offre elle-même exemple extraordinaire de fantaisie raisonneuse mise en liste. Voici donc le plan de La Bouse dans le folklore (Éditions Imprimerie du Sud-Ouest, Toulouse, 1977)joseph vaylet,musée joseph vaylet,majral du félibrige,occitanisme,espalion,art populaire,robert doisneau et jacques dubois,poésie de la liste,emmanuel bussuge,chemise conjugale,la bouse dans le folklore :

« Préambule

Chapitre premier – Divers emplois de la bouse.

A. La bouse dans la médecine.

B. Recettes magiques.

C. Emplois de la bouse dans la science vétérinaire et en botanique.

1. Dans la science vétérinaire.

2. En botanique.

Chapitre II. – Emplois domestiques de la bouse.

A. En Rouergue.

1. Le bousage de l’aire (plan de la ferme et cliché de l’aire).

2. Le four, les plafonds, la toiture, carreaux cassés.

3. Teintureries, peintres, poterie.

4. Utilisation par les bergers.

B. Dans d’autres régions.

1. En Vendée.

2. La fête des Bousats de l’île de Noirmoutier.

Chapitre III. – La bouse dans quelques pays.

A. En Inde.

B. En Australie.

C. Aux États-Unis.

Chapitre IV. – La bousetière, le lisier, le bousier.

Chapitre V. – Anecdotes.

Chapitre VI. – Proverbes et dictons.

Superstitions.

La bouse dans la Bible.

Chapitre VII. – Le coin pour rire.

Le mot de la fin. »

     La table des matières de son étude posthume sur la mythologique chemise conjugale (Imprimerie Rigal, Espalion, 1985) est moins développée. Elle figure intégralement sur la page de couverture du petit livre. L’occasion pour nous d’admirer aussi un art de la composition typographique charmant de désuétude :

 

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Coll. E. B.

 

Emmanuel Boussuge

 

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Exemple de "chemise conjugale"  que Doisneau et Dubois dans leur livre Les Auvergnats (Ed. de La Martinière) considèrent comme d'une authenticité douteuse, ce qui n'est pas du tout l'avis d'un Michel Valière par exemple (voir commentaire ci-après)

______

¹ Le musée des mœurs et coutumes dont parle Emmanuel Boussuge dans cette note s'appelait à l'époque (1996) où je consacrai un texte à l'art populaire à Espalion dans Gazogène n°14-15, le "musée départemental du Rouergue". (Note du Sciapode)

 

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Le véritable art brut, tournée des expositions pour le découvrir (1)

    Le titre de cette note est un peu provocateur? Voire... J'ai comme l'impression qu'en France, ces temps-ci, on s'éloigne de plus en plus du véritable art brut, tant est envahissante la passion d'intégrer l'art produit dans les ateliers pour handicapés dans l'art contemporain, via "l'art brut". Ce dernier est tripatouillé par les marchands désireux de l'assimiler à l'art contemporain, histoire d'avoir une clientèle plus large venue de cette dernière aire, déçue par l'art contemporain aux inspirations exsangues. Et l'art des handicapés mentaux, plus ou moins dirigé par les animateurs des ateliers, recèle des moyens de permettre ce genre de confusion...

    Il est donc peut-être utile de signaler quelques expositions où l'on peut voir ce qui correspond mieux à la définition de l'art brut, productions artistiques créées dans un état d'urgence, indépendamment des Beaux-arts traditionnels, sans recherche volontaire de profits monétaires, sans besoins d'exhibition autre que liés à une foi, ou à un exercice désintéressé de cette forme de communication (montrer spontanément ses dessins à ses proches...). On conçoit que ce genre de pratique, en tout contraire à l'exploitation commerciale de l'art – une pratique qui outrepasse et nie l'économie, sacro-sainte dans ce monde capitaliste – puisse révulser tous les partisans du capitalisme appliqué à l'art, au point même de la passer de plus en plus sous silence.

    Dans cette note, je commencerai par la "Galerie de Toute chose" (The Gallery of Everything), à Londres, où a commencé le 29 septembre une exposition de peintures médiumniques, intitulée "Le médium du médium" (si je traduis correctement...), et sous-titrée "les pratiques de l'art spiritualiste au tournant du siècle et au delà", où l'on peut découvrir quelques chefs-d'œuvre étourdissants de créateurs peu connus dans nos contrées. La manifestation se décline en deux volets, une à la galerie du 4 Chiltern street, et l'autre aux Frieze masters à Regents Park. Comme on sait, l'art médiumnique est une des composantes de l'art brut.

MARIAN SPORE BUSH, War (c 1938) (2).jpg

    J'en extrais deux images, dont la première ci-dessus, montrant un grand tableau de Marian Spore Bush (intitulé Guerre, et daté autour de 1938) est proprement extraordinaire (les armées marchent dans la partie haute recouvrant les 2/3 de la composition, tandis que des monceaux de têtes de mort en résultent en bas ; une sorte de tornade symbolique représente la transformation des vivants en macchabées, sans doute). Je ne résiste pas à la tentation de le rapprocher d'un autre créateur, peu connu lui aussi, mais français (breton), non médiumnique en revanche, Claude Poullaouec, dont seules les anciennes cartes postales ont révélé jusqu'à présent le talent naïvo-brut. En effet, on se demande bien où ses oeuvres étonnantes ont pu aller? 

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Claude Poullaouec, fasciné par le défilé des escadres militaires anglaises et françaises en rade de Brest (à Plougonvelin, où il travaillait, il était bien placé pour les voir passer) ; la disposition des bateaux et des différentes silhouettes, comme dans la tradition des ombres et autres canivets, me fait penser par association de formes au tableau de Marian Spore Bush ; que sont devenues ces peintures? Coll. B.M.

 

     Autre artiste médiumnique étonnant qu'on pourra découvrir à la Gallery of Everything (se reporter au lien que j'ai mis ci-dessus pour en savoir plus), ce Tchèque appelé František Jaroslav Pecka, qui paraissait adorer faire sourdre des volutes floraux des profils délicats de femmes, qui font penser aux représentations féeriques. On sait d'ailleurs que dans le spiritisme tchèque, les esprits avaient la "main verte", l'âme botanique, tandis que leurs homologues des mines du Nord de la France avaient des goûts plutôt de type architecturaux (voir l'exposition qui commence le 4 octobre, au LaM de Villeneuve d'Ascq consacrée à Augustin Lesage, Fleury-Joseph Crépin, et Victor Simon¹).

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František Jaroslav Pecka, vers 1920, exposition the Gallery of Everything.

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¹ L'exposition (4 octobre 2019 au 5 janvier 2020) n'est pas seulement concentrée sur les trois créateurs médiumniques cités en titre, on pourra aussi y rencontrer d'autres oeuvres, en rapport avec l'univers des artistes médiums, de Christian Allard, Théophile Bra, Victor Brauner, André Breton, Yvonne Cazier, Vincent Ceraudo, Fleury Joseph Crépin, Fernand Desmoulin (dont des dessins inédits ont été récemment exposés à la Galerie L'Art absolument dans le 13e arrondissement), Robert Desnos, Abdelkrim Doumar, Paul Éluard, Abdelhakim Henni, Auguste Herbin, Louise Hervé & Chloé Maillet, Victor Hugo, Vassily Kandinsky, Mathilde Lavenne, Lempereur-Haut, Rainier Lericolais, Augustin Lesage, Frédéric Logez, Timo Nasseri, Stéfan Nowak, Mme Bouttier, Frantisek Pecka (le même qu'à Londres), Danièle Perronne, Victorien Sardou, Nicolas Schöffer, Victor Simon, Lucien Suel et Elmar Trenkwalder.

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30/09/2019 | Lien permanent

Du maquettisme à Saint-Nazaire

 

Cette note a été remaniée par rapport à de précédentes versions que j'estime désormais caduques, tels des brouillons.

 

      Depuis quelques temps, un correspondant ne cesse de vouloir me convaincre que des maquettes de paquebots que fabrique un passionné à St-Nazaire – en s'inspirant de ces bateaux de croisière qui ont des formes hésitant entre le tiroir-caisse et l'empilement de containers, que l'on fabrique aux chantiers de Saint-Nazaire, ce qui bien sûr donne du boulot aux ouvriers de la ville mais n'en fait pas pour autant des merveilles esthétiques – sont des chefs-d'œuvre d'art brut ou apparentés.  Je ne l'entends pas de cette oreille (ni de cet œil), et j'ai répondu plusieurs fois que je ne voyais pas l'intérêt de faire en plus petit ce qui est déjà moche en plus grand (car je pense avant tout – que l'on me comprenne bien! – aux reproductions de paquebots actuels),  mais ce correspondant insiste, car il lui apparaît sans doute que tous ceux qui s'intéressent aux arts populaires devraient penser comme lui... Ce monsieur ne voit que le travail minutieux du maquettiste (et il faut l'avouer, ce dernier a beaucoup travaillé sur ses bâtiments reconstitués, on ne peut le contester), et ma réponse le révulse. Il faut admirer à toute force les chefs d'œuvre qu'il m'indique...

PHOTO RETIRÉE À LA DEMANDE DE SON AUTEUR

Un des paquebots en maquette construit par M. Vince (St-Nazaire).

PHOTO RETIRÉE À LA DEMANDE DE SON AUTEUR

Autres maquettes de M. Vince à St-Nazaire.

 

          Il faut que je l'avoue, le maquettisme, envisagé du seul point de vue de la réduction minutieuse de ce qui existe, sans le moindre recours à une poésie quelconque, un maquettisme qui cherche à faire exact (même si, pour ce faire, l'auteur utilise des matériaux de récupération), ne m'intéresse en effet pas. Et en outre, il faut également le répéter, malgré l'évidence pour ceux qui sont déjà au courant, cela ne relève en rien de l'art brut, ni de l'art singulier. Ni même d'une poésie que l'on peut rencontrer dans d'autres types de maquettes, plus proches d'ailleurs des jouets –  je pense en particulier aux maquettes de bateaux sculptés naïvement par des marins, objets de patience confectionnés pour leurs enfants en attendant de pouvoir  les revoir au retour de leurs longues campagnes de pêche, ou aux bateaux naïvement logés au fond de leurs bouteilles, comme dans un rêve d'ivresse marine.

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Bateau confectionné en guise de patience, collection Humbert, musée rural des arts populaires de Laduz (Yonne), ph. Bruno Montpied.

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Paquebot en bouteille, voici de la poésie pure, cet énorme bâtiment étant dessiné et sculpté ingénument à l'intérieur de sa prison de verre, comme fixé pour l'éternité d'un songe... Coll. L. Jacquy, photo B.M.

 

         Le maquettisme visant à la copie, on en voit dans tous les musées de la marine, cela peut avoir un intérêt didactique, pédagogique, mais ce n'est pas sous cet angle que se place le correspondant dont j'ai parlé au début de cette note. Non, lui, veut voir de "l'art brut" dans ces maquettes, emporté qu'il est par l'usage de plus en galvaudé et confus du terme, par la faute de tant de commentateurs insuffisamment informés.... Eh bien, c'est une erreur...

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Une salle du musée de la Marine à Paris...

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...ou du musée maritime de Hambourg, où c'est bourré de maquettes, à des fins historiques, etc., mais sont-ce pour autant des musées d'art brut?

 

     Le maquettisme qui consiste à reproduire le plus exactement possible des véhicules, bateaux, trains électriques, maisons..., pourrait plutôt appartenir,  à la rigueur, à ce que l'on appelle du côté de Sète, "l'art modeste", qui rassemble toutes sortes d'expressions populaires, du collectionneur d'étiquettes de boîtes de camembert ou de petits soldats au peintre décorateur de flippers... Il y a des salons pour ce genre de hobby, avec leurs lots de "bénédictins" se consacrant entièrement à leur passion de la miniaturisation.

      La copie miniaturisée de la réalité ne me cause aucune émotion. Ce que nous recherchons avant tout, en effet, et au contraire, c'est de contribuer à dévoiler l'autre réalité sous-jacente qui se cache dans le dialogue permanent entre l'homme et le monde, que l'imagination de l'homme sert à révéler.  Ce sont les travaux où cette imagination est à l'œuvre qui nous interpellent. Je préférerai toujours les nefs de Jean Branciard (assimilable à l'art singulier), par exemple, aux maquettes réalistes qui ne nous apportent pas ce surplus d'imagination et de poésie dont nous sommes plusieurs à être affamés. Ou bien les maquettes incroyablement bricolées que l'on rencontre dans le véritable art brut, comme les deux exemples que je donne ci-dessous (après les nefs de Branciard) en donneront une suffisante  illustration. Voilà la véritable marine brute en réduction! 

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Jean Branciard, La péniche

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Jean Branciard, catamaran, vers 2008.

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Un bateau, le Myra,  par le sculpteur brut Auguste Forestier qui séjournait dans les années 1940 à l'hôpital psychiatrique de St-Alban-du-Limagnole, anc. collection du Dr. Ferdière, ph. B.M.

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Un bateau extraordinaire créé "en os de cuisine" par un Poilu "dans la zone des armées entre 1916 et 1917. Carte postale situant l'objet à St-Vigor-d'Ymonville (à l'époque en Seine Inférieure).

 

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J'expose avec ”l'Or aux 13 îles” à l'Inlassable Galerie

Cette note contient une mise à jour du 14 janvier 

    C'est pour bientôt, dans une galerie que je ne connaissais pas, l'Inlassable Galerie, divisée en deux parties, une où le public entre, au 13 bis, rue de Nevers (une des rues les plus étroites de Paris, digne d'une nouvelle de Jean Ray), et une autre cachée derrière une vitrine au n°18 de la rue Dauphine, le tout dans le VIe ardt à Paris, à deux pas de la rue Guénégaud, dans le quartier des galeries de la Rive Gauche. C'est une galerie, je le souligne, qui ouvre sur RENDEZ-VOUS (tél: 0620994117 ou 0671882114), en dehors du jour de vernissage s'entend, et l'après-midi de 14h à 20h tous les jours, même le dimanche.

      La revue de Jean-Christophe Belotti, L'Or aux 13 îles,l'or aux 13 îles,jean-christophe belotti,l'inlassable galerie,abbé fouré,ermite de rothéneuf,bruno montpied,art immédiat,art singulier,surréalsime,josette exandier,jean-pierre paraggio,pierre bérenger,pierre-louis martin,charles cako boussion,jan svankmajer,georges-henri morin,nicole espagnol,diego et mauro placi,françois sarhan,mélanie delattre-vogt,virgile novarina,rêve en public dont j'ai déjà plusieurs fois parlé ici (pour y avoir publié dans ses deux premiers numéros un dossier sur l'abbé Fouré et ses bois sculptés et un dossier sur une sélection d'art immédiat),l'or aux 13 îles,jean-christophe belotti,l'inlassable galerie,abbé fouré,ermite de rothéneuf,bruno montpied,art immédiat,art singulier,surréalsime,josette exandier,jean-pierre paraggio,pierre bérenger,pierre-louis martin,charles cako boussion,jan svankmajer,georges-henri morin,nicole espagnol,diego et mauro placi,françois sarhan,mélanie delattre-vogt,virgile novarina,rêve en public présente quelques créateurs dans une ambiance de cabinet de curiosités de façon à attirer de nouveau quelque peu l'attention sur ce qui se joue en elle et autour d'elle.

 

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Sur le verso de l'invitation ci-dessus, on retrouve une image de Jean-Pierre Paraggio

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 Bruno Montpied, La chamane entre en danse par le charleston, 43x30 cm, 2010 (un des trois dessins que j'exposerai, les deux autres s'intitulant le Charrieur et l'Idéaliste emplumé)

      Cela ira des dessins d'un enfant de 7 ans, Alexandre Cattin, récente découverte de Mauro Placi qui en parlera plus largement dans le futur n°3 de la revue de Jean-Christophe, jusqu'à divers artistes surréalistes comme Jan Svankmajer (présent sous forme d'affiches),l'or aux 13 îles,jean-christophe belotti,l'inlassable galerie,abbé fouré,ermite de rothéneuf,bruno montpied,art immédiat,art singulier,surréalsime,josette exandier,jean-pierre paraggio,pierre bérenger,pierre-louis martin,charles cako boussion,jan svankmajer,georges-henri morin,nicole espagnol,diego et mauro placi,françois sarhan,mélanie delattre-vogt,virgile novarina,rêve en public Jean Terrossian, Nicole Espagnol, Georges-Henri Morin, Josette Exandier, ou Alan Glass (dont Jean-Christophe présentera des photos des assemblages), en passant par des créateurs plus "singuliers" comme moi (j'exposerai trois dessins d'environ 40x30 cm), ou Charles Cako Boussion (voir ill. ci-contre),l'or aux 13 îles,jean-christophe belotti,l'inlassable galerie,abbé fouré,ermite de rothéneuf,bruno montpied,art immédiat,art singulier,surréalsime,josette exandier,jean-pierre paraggio,pierre bérenger,pierre-louis martin,charles cako boussion,jan svankmajer,georges-henri morin,nicole espagnol,diego et mauro placi,françois sarhan,mélanie delattre-vogt,virgile novarina,rêve en public des photographies (Pierre Bérenger, Pierre-Louis Martin, Diego Placi, Alexandre Fatta - un commentateur habitué de mon blog, celui-ci - des cartes postales anciennes de l'Ermite de Rothéneuf - en provenance de ma collection - plus deux de mes photos montrant le site de l'abbé de nos jours), des créateurs héritiers de l'inspiration surréaliste comme Jean-Pierre Paraggio, Guylaine Bourbon, ou encore Jean-Christophe Belotti qui exposera à cette occasion certains de ses collages.

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Pierre-Louis Martin, sans titre, photographie (exposée à cette occasion), vers 1996

 

     Des artistes dont je connais moins le travail seront également présents, Mélanie Delattre-Vogt (voir le n°2 de l'Or aux 13 îles et image en noir et blanc ci-dessous), François Sarhan (artiste ayant plus d'une corde à son arc apparemment), Claude Variéras, et le poète Mauro Placi venu tout spécialement d'Helvétie.l'or aux 13 îles,jean-christophe belotti,l'inlassable galerie,abbé fouré,ermite de rothéneuf,bruno montpied,art immédiat,art singulier,surréalsime,josette exandier,jean-pierre paraggio,pierre bérenger,pierre-louis martin,charles cako boussion,jan svankmajer,georges-henri morin,nicole espagnol,diego et mauro placi,françois sarhan,mélanie delattre-vogt,virgile novarina,rêve en public L'idée générale, on l'aura compris, est de rendre hommage à l'ensemble de ce qui a été présenté dans la revue depuis ses débuts en 2010.

      Petite expérience appelée peut-être à grandement intriguer les passants de la rue Dauphine qui y circuleront entre 9h et 18h, derrière la vitrine du n°18 on pourra également voir Virgile Novarina se livrer, de façon diurne donc et devant les passants, à un sommeil destiné à provoquer des rêves qu'il notera et publiera peut-être à l'occasion (voir le n°2 de la revue où l'on parle de ses expériences précédentes). La "performance" en question aura lieu du 21 au 26 janvier. Autour de lui seront exposés différents éléments liés à la revue L'Or aux 13 îles.

 

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La vitrine attendant la performance onirique de Virgile Novarina 

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       Le vernissage, en même temps que le début de l'exposition, sont donc prévus pour le jeudi 17 janvier, et tous les lecteurs du Poignard Subtil sont bien entendu cordialement invités. La manifestation se déroulera jusqu'au 5 février 2013 (ouverture sur rendez-vous, téléphonique ou par mail, je le répète).

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13/01/2013 | Lien permanent

Miroslav Tichy, océan pacifique

    J'avais été intrigué à l'exposition de la collection d'art brut d'Arnulf Rainer, à la fondation Antoine de Galbert-La Maison Rouge (en 2005, Paris), par quelques photos qui paraissaient comme volontairement abîmées, plutôt floues, représentant des femmes comme s'il s'agissait de clichés voyeuristes. Un photographe brut? Tiens, tiens...

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Miroslav Tichy, Inv. -Nr 1-35, 20,9 x 24,8 cm, collection Fondation Tichy Ocean, Zürich (catalogue de l'exposition au Centre Pompidou, 2008)

    Il existait bien aux USA le cas d'Eugène Von Bruenchenhein, cet homme qui adorait sa femme et la photographiait sans cesse parée de bijoux, parfois dans le plus simple appareil (quoique sans trop d'érotisme). De la photographie amateur existe aussi bien entendu (aujourd'hui le domaine doit exploser avec tous ces petits appareils numériques pas plus grands que des cartes à jouer). Des livres ont été souvent consacrés à la question, plus précisément à la photo anonyme. Sur ce blog, j'ai également évoqué les cartes postales à plusieurs reprises, notamment le 30 mars. La photo a prolongé bien évidemment l'imagerie populaire gravée. Roger Cardinal, interrogé sur la photo "brute", m'a indiqué avoir écrit sur la question. J'espère avoir communication ultérieure de cet article. Or, voici une importante exposition au Centre Georges Pompidou consacrée à Miroslav Tichy, qui nous renseigne davantage (que l'expo de la Maison Rouge), en une centaine de clichés au moins, sur les recherches de cet homme hors du commun.

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Couverture du catalogue de l'expo Tichy au Centre Pompidou

     Il n'y aurait pas de Miroslav Tichy sans le rôle central, quoique discret, joué par un médiateur capital, Roman Buxbaum. Cet attelage à deux individus, le créateur et son médiateur auprès du public, nous rappelle déjà un trait commun aux créateurs de l'art brut. Ces derniers viennent rarement jusqu'à nous sans un truchement extérieur, qui assure la communication. En l'occurrence, il semble que l'activité photographique de Tichy n'ait pas été destinée à être montrée. Roman Buxbaum (voir Un Tarzan en retraite, souvenirs de Miroslav Tichy, publié dans le catalogue de l'expo du Centre Pompidou) restitue l'aspect relativement contradictoire de la position de Tichy vis-à-vis de la communication de ses photos: "Il aime les montrer à ses visiteurs. Mais admet rarement avoir donné son accord pour que ses oeuvres soient exposées. Et lorsqu'il est de mauvaise humeur, il accuse et insulte quiconque ose les montrer au public. Pourtant, lorsque je lui ai apporté le catalogue de l'exposition de Séville [première exposition de ses photos en 2004 à l'initiative de Harald Szeemann], il n'a pas caché son émotion".

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Miroslav Tichy, Inv. Nr 5-2-7, 24 x 21,5 cm, collection Magasin 3 Stockhom Konsthall (catalogue Centre Pompidou)

     L'activité photographique de Tichy, toujours selon Buxbaum, paraît une activité très intime qui se serait développée après une crise psychotique survenue dans les années 50, suite au vernissage d'une expo à Prague dans un lieu réputé où ses peintures avaient été sélectionnées mais que Tichy décida brusquement de retirer à la dernière minute (Tichy est aussi un peintre et un illustrateur, ayant eu au départ une formation à l'école des Beaux-Arts de Prague). Il a été sujet à de nombreuses dépressions depuis l'adolescence, nous dit-on, qui sont des périodes où paraît s'anéantir une créativité qui ne se développe au contraire que lorsqu'il est en bonne santé.

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Miroslav Tichy, Inv. -Nr. 6-12-7, 29 x 21 cm, Fondation Tichy Ocean, Zürich (et catalogue Centre Pompidou) ; chef-d'oeuvre d'ambiguïté

      Ses photos, que Buxbaum va parfois repêcher dans le magma océanique du logis où Tichy laisse aller ses affaires à vau-l'eau, parlent très souvent des femmes, des corps de femmes inconnues, croisées, entraperçues, semble-t-il à leur insu. Ces clichés volés montrent des instants de grâce, de beauté érotique qui surgissent inopinément, dans un paradoxe seulement apparent, au travers d'une technique bricolée. Matériel photographique de Miroslav Tichy, coll fondation Tichy Ocean, Zürich.jpgTichy a réinventé le sténopé, la boîte à chaussures munie d'un trou et d'un papier photographique, il a fabricoté des appareils à partir d'objets de récupération (dans le film que lui a consacré Roman Buxbaum -Miroslav Tichy, Tarzan à la retraite, édité en DVD, disponible à la librairie de l'expo au Centre Pompidou- il montre le bouton de rembobinage d'un de ses appareils faits à partir d'une capsule dentelée de bouteille de bière). Idem pour son agrandisseur confectionné à partir de planches et de lattes arrachées à une clôture. Appareil photo de M.Tichy, coll Fondation Tichy Ocean, Zürich.jpgC'est comme si nous avions affaire au cousin de l'André Robillard qui fabrique des objets symboliques (ces fusils qui ne font feu qu'imaginairement), sauf que les appareils photo assemblés vaille que vaille avec des boîtes de conserve par ce "cousin", ici, peuvent prendre aussi des photos!

      Les organisateurs de l'expo, en raison de ces bricolages, l'associent aux outsiders et à l'art brut. Mais la parenté avec cette dernière conception est également à rechercher ailleurs, comme je l'ai souligné au début de cette note. L'oeuvre photographique (cela finit par être une oeuvre, en dépit du fait, en outre, que Tichy "n'aurait jamais accepté d'être considéré comme un photographe", dixit Buxbaum) est avant tout une action qui cherche à se rapprocher au plus près de la vérité de ses sujets. Il s'agit pour Tichy de capter au plus immédiat la grâce de la vie, le mystère des formes et des incarnations qu'il a tendance à concevoir comme des apparences illusoires (dans son film, Tichy évoque le mythe de la Caverne de Platon, mythe destiné à prouver que l'homme est condammné à n'entrevoir de la vérité que son ombre).

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Miroslav Tichy, Inv. -Nr 4-11-23, 26 x 20,5 cm, coll Fondation Tichy Ocean, Zürich (et catalogue Centre Pompidou) ; avec cette photo, Tichy prend tout à coup des allures de Lewis Carroll décalé

    "Quand quelque chose attirait son attention, il attrapait son appareil, soulevait de sa main gauche le bord de son pull et, de sa main droite, ouvrait l'étui et appuyait sur le déclencheur sans même regarder dans le viseur. Son mouvement était si fluide et rapide qu'il était presque impossible à remarquer. En riant, il dit qu'en procédant ainsi, il pouvait attraper une hirondelle en plein vol" (Roman Buxbaum, les derniers mots soulignés par l'auteur sont de Tichy). L'hirondelle de ses désirs...

    Signe supplémentaire de son indifférence à l'égard des conventions esthétiques de présentation, Tichy a confectionné des cadres bricolés avec des pauvres matériaux de hasard, décorés parfois de dessins ou de motifs griffonnés, pratique qui rappelle celle du poète Boris Bojnev (un Slave là aussi) qui en Provence s'était adonné à la mise en cadre d'oeuvres naïves trouvées en brocante. Ces deux formes de création réalisées autour d'un sujet empreint de poésie vitale sont du reste apparues dans les mêmes décennies d'après-guerre (Tichy, qui est toujours vivant, paraît avoir cessé ses activités artistiques dans les années 90, période qui précéde curieusement sa reconnaissance publique, comme si cette dernière ne pouvait avoir lieu qu'après la création et pas pendant). Certes Tichy a eu une formation artistique, et cela le distingue des autodidactes de l'art brut. Il serait à mettre en rapport avec ces grands inclassables de l'art que sont Soutter, Charles Meryon, Louis Wain (dont je parlais dans une note précédente), Ernst Josephson, etc, autant de créateurs artistes au départ qui à la faveur d'un basculement dans un état psychotique ultérieur ont orienté leurs travaux dans un sens profondément intériorisé. Ce qui est bien en rapport avec l'enjeu de l'art brut en définitive.

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Miroslav Tichy, Inv. -Nr 6-12-13, 25,1 x 17,9 cm, coll Fondation Tichy Ocean (et catalogue Centre Pompidou) ; à la faveur de cette spectralisation du corps nu, on retrouve cette recherche de la figure du désir assez analogue aux recherches d'un Bellmer par exemple

L'expo Miroslav Tichy se tient au MNAM du Centre Pompidou, à la Galerie d'art graphique, du 25 juin au 21 septembre 2008. Les photographies exposées proviennent sauf quelques-unes de la fondation Tichy Ocean basée à Zürich. "Tichy" en tchèque se traduit par paisible, pacifique. L'univers de chaos et de hasard dans lequel vit Tichy ressemble à un océan. L'océan Tichy. Ce qui donne par jeu de mots l'océan pacifique... D'où le nom de la fondation de Zürich.

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