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Art brut à Taiwan (1): Les visions nocturnes du vieux soldat Huang Yongfu, par Remy Ricordeau

      Nous débutons ici une série de petites présentations de diverses formes de création autodidacte brute repérées à Taiwan par Remy Ricordeau qui, en dehors d'être un cinéaste documentariste dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog, est également un fin connaisseur de la Chine. Le résultat de ses prospections sur l'ancienne île de Formose est proprement excitant. Je lui souhaite de pouvoir bientôt l'éditer sur papier et le remercie par la même occasion d'avoir choisi le Poignard Subtil pour faire bénéficier ses lecteurs en avant-première en quelque sorte de ses découvertes.

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Les visions nocturnes du vieux soldat Huang Yongfu

 

    En concluant ma note du 27 août 2013 dans laquelle je vous faisais part d’une étonnante découverte en matière d’environnements spontanés à Taiwan, celui de M. Huang Yongfu¹ à Taizhong, je faisais le pari, qui relevait plus en vérité d’une intuition, que tout restait encore à découvrir dans ce pays pour qui s’intéresse aux inspirés du bord des routes.

 

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Taiwan (anciennement Formose)

 

    Bien sûr, Taiwan était déjà connu pour ses naïfs qui avaient fait l’objet à Paris d’une belle exposition à la Halle Saint-Pierre il y a une quinzaine d’années. Quelques-uns de ces créateurs (relevant à dire vrai plutôt de l’art brut que de l’art naïf), Hung Tung, Lin Yuan, etc, pour les plus talentueux et originaux d’entre eux, sont ainsi aujourd’hui reconnus à leur juste valeur et sont consacrés artistes nationaux dans leur pays du fait du rayonnement international dont l’île, en mal de reconnaissance à tout point de vue, bénéficie par leur intermédiaire.

  Il faut reconnaître que sur le terrain artistique contemporain, à l’exception du domaine cinématographique et peut-être chorégraphique, Taiwan ne brille pas d’un feu très intense au-delà de ses propres frontières. Mais cette découverte du 27 août, associée à la connaissance que j’avais d’un art populaire encore persistant entre autres au sein des communautés aborigènes qui forment la population originelle de l’île (constituée, rappelons-le, de 13 groupes ethniques qui préexistaient avant les premières migrations chinoises initiées par les Hollandais à la fin du XVIe siècle) me laissait supposer que d’autres découvertes devaient être possibles. Disons-le tout de suite, la réalité a dépassé mes espérances.

    Je me suis bien sûr d’abord rendu à Taizhong pour voir de mes propres yeux ce site découvert presque par hasard sur internet. L’environnement qui l’entoure est tout d’abord assez étrange : un immense terrain fraîchement rasé duquel émerge quelques masures bariolées. Comme je l’avais appris, ce lieu était un ancien village militaire construit à la hâte au début des années 50 et prévu pour être temporaire, le temps que l’armée nationaliste de Chiang Kai Sheck se ressaisisse avant de partir à la reconquête du continent. On sait que ce n’est pas ce qu’il advint et le village abrita donc ses occupants abandonnés à eux-mêmes jusqu’à un passé très récent. L’ensemble du village aurait donc été entièrement rasé si M. Huang, mû par un désir incontrôlé de décorer son univers, ne s’était pas mis, au seuil de ses 80 ans (il en a aujourd’hui 93), à prendre le pinceau pour passer à l’acte.

 

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Entrée du site, photo Remy Ricordeau, 2014

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M. Huang devant sa porte avec à côté de lui une grille couverte de petits papiers accrochés par ses visiteurs et contenant des vœux, ph RR, 2014

    Selon le témoignage que je recueillis auprès d’une voisine, ce passage à l’acte s’est au demeurant opéré de manière très graduelle et au début de manière quasi clandestine. M. Huang peint en effet la nuit pour répondre aux instances émises par les personnages qu’il représente (il en est ainsi toutes les nuits, ce qui fait de lui un créateur très prolixe). Il a commencé par décorer l’extérieur de sa masure par petites touches sans revendiquer dans les premiers temps en être l’auteur La supercherie ayant été mise à jour par le voisinage et le résultat ayant été jugé par celui-ci très esthétique, M. Huang fut alors invité et encouragé à laisser libre cours à son imagination qui est aussi débordante que son caractère est modeste et son expression orale mesurée. Toutes les nuits donc, vers 3 heures du matin, M. Huang (qui se couche à 8 heures du soir) s’évertue à peindre ou repeindre ses visions à la lumière des réverbères du quartier. Aux dires de ceux qui ont pu le voir en action, il serait alors dans une sorte de transe, absolument sourd et aveugle à l’environnement extérieur, comme les auteurs de dessins médiumniques. Lorsqu’on l’interroge sur l’identité des personnages qu’il représente, il affirme que la plupart lui sont inconnus et viennent d’un autre monde. Quelques uns cependant sont des humains identifiés qui peuvent être des personnages de l’actualité, télévisuels ou sportifs tel ce basketteur taiwanais jouant dans un club américain et apparemment très connu.

 

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Détail d'une fresque, ph RR, 2014

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Autres détails de fresques, ph.affaires culturelles de la commune

    Après ses travaux nocturnes M. Huang qui a une vie très réglée, réintègre alors la pièce unique dans laquelle il vit seul depuis plusieurs décennies et s’accorde les bienfaits d’un petit déjeuner bien mérité. Il consacre ensuite le début de sa matinée à réaliser quotidiennement deux dessins sur papier (pas un de plus, pas un de moins) représentant des personnages ou animaux plus ou moins fantastiques d’une facture semblable à ceux représentés en extérieur.

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M. Huang montrant avec un ami un de ses dessins (des sortes de lutins?), ph. affaires culturelles de la commune

 

    Dans la suite de la matinée, le lieu commence à lui échapper, c'est-à-dire pour être plus précis, la ruelle qu’il a décorée est alors envahie par des dizaines, voire, certains jours, des centaines de jeunes gens venant se faire prendre en photo.

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"Des dizaines de jeunes gens viennent se faire prendre en photo...", ph. RR, 2014

   J’ai été très surpris par l’extrême jeunesse de la plupart des visiteurs mais les raisons de leur intérêt pour ce lieu l’expliquent en partie : elles sont essentiellement de nature superstitieuse dues aux couleurs, aux sentences bienveillantes exaltant l’amour, le bonheur et la paix ainsi qu’à la facture très manga japonais de certains dessins qui évoquent l’innocence naïve de l’enfance et qui concourent à transformer la ruelle en temple dédié au  Dieu du bonheur. Ces pèlerins d’un genre singulier expriment ainsi leurs vœux et leurs espoirs sous la forme de petits papiers qu’ils suspendent à des fils.

 

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Vue extérieure avec des rochers disposés dans le jardin pour être peints, ph. RR, 2014

 

     Une telle fréquentation ne pouvait évidemment que susciter un début d’exploitation commerciale qui pour être encore fort modeste (vente sur place de cartes postales reproduisant certains détails des murs) laisse cependant craindre un développement plus industriel. Si jusqu’à présent le décor peint par M. Huang est en effet l’objet d’une protection plutôt désintéressée, un responsable culturel de la ville que j’ai rencontré sur place lors de mon second passage ne m’a pas caché l’ambition de la municipalité d’utiliser le site comme lieu touristique pour faire connaître la ville de Taizhong au-delà des frontières de Taiwan. A cette fin ont été créés à côté du site un parking et un square dans lequel ont été disposées de grosses pierres et érigés des panneaux en ciment que M. Huang a été invité à couvrir. De même les enduits de certains des murs extérieurs du pâté de maison encore immaculés ont été refaits et seront prochainement peints en toute liberté par l’artiste ainsi honoré. Car pour être honnête, il faut reconnaître que celui-ci se félicite de toute cette attention qui lui est accordée car, en manque d’espace à peindre, il est réellement boulimique en surfaces à recouvrir, au point de peindre également et de repeindre sans cesse le sol de l’espace qui lui est imparti.

Remy Ricordeau

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¹ Yongfu correspond à son prénom et Huang à son nom.

 

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Une vue parmi des dizaines d'autres d'une zone de sol couvert des peintures et parfois des inscriptions de M. Huang, ph. affaires culturelles de la mairie

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    A paraître bientôt sur ce blog d'autres articles rédigés par Remy Ricordeau à la suite de son voyage de prospection à Taiwan:

Le temple idéal d'un pisciculteur taoïste

La falaise sculptée du paysan Chen Ruiguang

Le jardin en folie d'un aborigène Amei

Le jardin enchanté d'un garde-barrière retraité

Le parc de l'oreille de buffle: l'œuvre sculpté du paysan Lin Yuan

Entre art rituel et art populaire acculturé, les décors aborigènes contemporains

 

 

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Info-Miettes (16)

Jean Branciard le 5 avril

       Jean Branciard expose à Lyon à partir du 5 (jour du vernissage) jusqu'au 28 avril à la galerie L'Oeil écoute, 3 quai Romain Rolland dans le 5e ardt. Il ne sera pas tout seul. Avec lui, seront aussi Nicolas Artheau et Chantal Roux. C'est ouvert du mardi au samedi de 14h30 à 19h, et le dimanche de 11h à 15h.Jean-Branciard-6,-Lampe-et-.jpg

(Illustration ci-contre: Jean Branciard, lampe et autres, ph. Bruno Montpied, 2008)

La revue de l'OOA n°4

         ...est sortie. Cette revue sicilienne qui traite de sujets en rapport avec l'art brut et l'art qu'elle appelle "outsider" (les cas-limite, les annexes, les inclassables, les innommables...) n'est pas imprimée, et c'est dommage. Elle se télécharge seulement. Sa maquette est fort agréable, comme on aimerait en voir pour une revue de ce côté-ci des Alpes. Seule remarque de ma part, si certains graphismes dans cette revue paraissent fort séduisants, il commence à devenir un peu gênant de constater que certaines images – servant en particulier pour les couvertures – paraissent être des transpositions systématiques des oeuvres originales des créateurs "outsiders" auprès de qui on est sûr que l'on n'est pas allé quêter l'autorisation de pareils "transferts" (et pour cause, certains sont morts avant). Voir par exemple ci-dessous cette couverture du n° 4 de la revue, qui est une "réduction", me semble-t-il, à la ligne graphique unitaire de la revue, d'une peinture de Giovanni Bosco. En dépit de l'élégance de cette ligne graphique, je ne peux m'empêcher de songer que le design l'emporte un peu trop sur la reproduction des œuvres originales. Comme dans le cas de certaines expositions où les dispositifs muséographiques finissent par trop empièter sur la présentation objective des œuvres. 

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       En tout cas, c'est l'occasion pour les amateurs qui voudraient en découvrir un peu plus par rapport à la créativité brute en Italie, de découvrir d'autres sons de cloches, orchestrées en l'espèce par Eva Di Stefano, et d'autres contributeurs (dont Roberta Trapani  qui intervient ici pour signaler l'expo actuelle de la Halle St-Pierre à Paris, Banditi dell'arte). A noter aussi  que l'on redécouvre à un certain endroit des oeuvres de Jean Branciard mises en parallèle avec des créations de Franco Bellucci (il me semble). Je ne peux qu'être ravi de cette confrontation par delà les Alpes, moi qui ai déjà évoqué la figure de Branciard ici même (voir ci-dessus, plus cette série de notes), ainsi que dans la revue Création Franche.

Evelyne Postic le 9 avril

     Une dessinatrice que je trouve de première force vient faire un tour à Paris, à la Galerie de la Halle Saint-Pierre, du 9 au 26 avril (vernissage le 12 avril à 18h), parallèlement à l'expo "Banditi dell'arte". Evelyne Postic présente des dessins sur calque. "Vibrations originelles" cela s'appelle.

 

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Evelyne Postic, Chrysalide de velours, encre sur calque parchemin, 15x50 cm, 2012

Des "paños" depuis le 16 mars

      La librairie-galerie Le Monte-en-l'air, située 71, rue de Ménilmontant dans le 20e ardt à Paris (tél: 01 40 33 04 54), expose, avec l'aide de la Pop Galerie, de la revue Collection et du Dernier Cri, du 16 mars au 31 mars des paños, ces mouchoirs dessinés par les Chicanos enfermés dans les prisons du Sud-Ouest des Etats-Unis. La revue Hey! sous la plume de Pascal Saumade (qui se cache également derrière l'enseigne de la Pop Galerie) s'en était déjà enquise dans un de ses numéros passés. Ce fut la révélation d'une forme d'art populaire très contemporain à verser au dossier de l'art produit en milieu carcéral (au même titre que les tatouages, les graffiti, les dessins naïfs, les sculptures de taulards).

      Cet art s'est développé, nous dit le texte de présentation que j'ai trouvé sur une carte postale annonçant l'expo, "dans les années 40 à la faveur du Pachuco movement. Griffées façon tattoo avec l'encre des stylos bille, ces étoffes enluminées véhiculent leurs propres codes, transmis d'une génération de détenus à l'autre. Ces dessinateurs autodidactes, souvent condamnés à de lourdes peines, puisent leur inspiration dans la sous-culture des gangs latinos de Los Angelés."

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Et Zdenek Kosek au Palais de Tokyo le 12 avril...

     Là, c'est la collection de l'association ABCD qui présente un de ses chouchous, Zdenek Kosek, du 12 avril au 5 juin (expo "Je suis le cerveau de l'univers"). Le vernissage est assez particulier, on nous l'annonce comme une fête qui durera pas moins de 28 heures (oui, vous avez bien lu, probablement jusqu'à ce que l'on soit ivre-mort), du jeudi 12 avril à 20h jusqu'au vendredi 13 à minuit (c'est aussi pour marquer la réouverture du Palais de Tokyo – j'ajoute que j'ignorais à ma grande honte qu'il fût fermé, vu que je n'y mettais jamais plus les pieds depuis que c'était devenu un espace voué à l'art contemporain dans ce qu'il a de plus barbant). Peut-être est-ce à mettre en rapport avec les supputations chiffrées, la passion des diagrammes superposés parfois à des corps de femmes dénudées que Kosek prise passablement? Il doit y avoir de la numérologie là-dessous (ou là-dessus), avec cette date fatidique du vendredi 13 en outre... Voici le carton de l'expo ci-dessous pour vous en dire plus. Cela faisait en tout cas un certain temps qu'ABCD, hormis les séminaires de Barbara Safarova au Collège International de Philosophie, n'avait pas présenté d'expo à Paris.

 

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Christiane Alanore, une ancienne de l'art singulier

    Du 4 avril au 20 mai 2012 (vrnissage le 7 avril), Christiane Alanore expose à la Galerie Pigments à Lurs, entre Lubéron et Montagne de Lure, en Provence. Je ne sais que peu sur cette artiste, probablement aujourd'hui octogénaire (elle a illustré un livre de Boris Vian, Cantilènes en gelée, en 1948 –ce qui fait quand même un bail– et puis aussi du Raymond Queneau, ce qui l'associe fortement à la 'Pataphysique).

 

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Expo Galerie Pigments, Lurs


     Le site de la galerie de Jacques Jaubert la présente fort succinctement, et dit d'elle qu'elle est une "figure de l'art brut", puisqu'elle a eu une correspondance avec Jean Dubuffet et que ce dernier aurait acheté dix de ses dessins pour la Collection de l'Art Brut aujourd'hui à Lausanne... C'est un peu exagéré de dire ça, j'ai l'impression, je préfère personnellement la voir comme une figure tutélaire de l'art singulier (qui regroupe des artistes contemporains influencés depuis l'après-guerre jusqu'à aujourd'hui par l'exemple moral et esthétique de l'art brut). Mon petit doigt me sussure qu'elle a dû faire partie de la collection dite d'abord "annexe", puis ensuite "Neuve Invention" (et aujourd'hui, que devient-elle, on n'en entend plus parler à Lausanne ?). Elle est à distinguer, me semble-t-il, des créateurs de l'art brut, non professionels, non en recherche de consécration ou d'exposition. Et je ne dis pas cela en visant son esthétique, assez proche de Dubuffet (quoique moins sombre) ou de Slavko Kopac, je ne songe qu'à sa classification sociologique au sein de la collection d'art brut. Car on l'oublie par trop, cette distinction, alors qu'elle a pourtant un sens important, puisqu'elle entérine un autre usage social de l'art comme je l'ai déjà plusieurs fois dit, notamment dans mon livre Eloge des Jardins Anarchiques.

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Causerie pour situer François Michaud parmi les autres environnements spontanés

    "François Michaud, première trace des environnements spontanés populaires. Sa proximité avec les autres créateurs autodidactes de son temps, et ses successeurs au XXe siècle. L'environnement spontané, un art de l'immédiat à part entière, illustré par de nombreux exemples choisis en France", tels sont le titre et les sous-titres de la causerie que je vais être amené à faire à la Maison de la Pierre, à Masgot même, dans la Creuse, berceau de l'oeuvre de ce tailleur de pierre, créateur du plus ancien des environnements spontanés qui nous aient été conservés en France, puisque commencé dans les années 1850-1860 et achevé sans doute avec la mort de son auteur en 1890 (il était né en 1810, ce qui en fait un phénomène de longévité en ce XIXe siècle impitoyable pour les gens de peu). Cela aura lieu le samedi 9 mai prochain à 20h30.

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Masgot, c'est sur la commune de Fransèches, entre Aubusson et Le Moutier-d'Ahun dans la Creuse...

       Je donne à la suite le plan que j'ai rédigé pour l'association des Maçons de la Creuse, animée notamment par Roland Nicoux, afin qu'on se fasse une petite idée de la tournure de cette conférence (que devraient accompagner pas moins de 190 photos... Mais j'ai sans doute compté trop large!):

François Michaud

Premier d'une tradition de créateurs autodidactes d'environnements en plein air 

         Il s'agit de resituer le décor du village de Masgot du tailleur de pierre François Michaud dans le contexte général des environnements populaires spontanés qui ont fleuri en France depuis deux siècles au moins. Ces créateurs d'environnements sont parfois aussi appelés « Inspirés du bord des routes », « bâtisseurs de l'imaginaire », ou encore « habitants-paysagistes ». L'environnement de Michaud, avec ses statues exposées sur les clôtures autour de ses maisons, est actuellement le plus ancien de ce type à avoir été conservé en France.

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Cave sculptée de Dénezé-sous-Doué (Maine-et-Loire), XVIe ou XVIIe siècle

         La causerie, constamment illustrée d'images numérisées (190 au total) s'attachera d'abord à présenter les environnements ou les sculptures populaires qui ont été repérés avant la période où fut décoré Masgot, grottes sculptées, croix de chemin, chapelle naïve d'un sculpteur solitaire prés de Gap, linteaux rustiques, bas-relief, sculptures par d'autres tailleurs de pierre et hommes du peuple, etc...

          Nous glisserons ensuite vers la présentation de quelques œuvres de Michaud histoire de se les remettre dans l'œil avant de montrer un ensemble aussi vaste et varié que possible d'autres pièces créées dans des jardins d'inspirés et d'originaux en tous genres. Dans un premier temps, la causerie se focalisera sur des thématiques, les « Barbus Müller », ou le thème de la sirène par exemple, présente dans l'œuvre de Michaud et souvent traitée dans plusieurs autres environnements apparus au XXe siècle (chez Fernand Châtelain dans la Sarthe, Hippolyte Massé aux Sables d'Olonne, René Escaffre dans le Lauragais, Martial Besse dans le Tarn-et-Garonne, René Jenthon dans l'Allier, Alfonso Calleja sur le bassin d'Arcachon, ou Remy Callot dans le Nord).

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Sirène de Martial Besse à Bournel (Lot-et-Garonne), ph.Bruno Montpied, 1991 (le site a aujourd'hui disparu)

         Napoléon est un autre thème très présent à Masgot, il rejoint la légende napoléonienne telle que l'ont illustrée de nombreux sculpteurs populaires, anonymes ou non, au XIXe siècle (comme le sabotier Jean Molette dans le Rhône par exemple). Cette façon d'afficher ses admirations pour des personnalités célèbres en sculptant leurs effigies dans le décor de sa vie quotidienne se rencontre chez nombre de créateurs d'environnements, et ce de tous temps (voir les environnements de Gabriel Albert en Charente, Emile Taugourdeau dans la Sarthe, Raymond Guitet dans l'Entre-Deux-Mers). Il est à noter que de nombreux sculpteurs autodidactes ont aussi taillé des monuments aux morts, de façon naïve, comme Michaud lorsqu'on lui passa commande d'un buste de Marianne pour la mairie de Fransèches. Une sélection de quelques monuments aux morts naïfs sera ainsi présentée.

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Monument aux morts dû à Claude Morillon, tailleur de pierre, à Vallenay (Cher), ph.B.M., 1998

          Une petite parenthèse sera ouverte pour présenter également les sites naïfs ou bruts réalisés par des ecclésiastiques excentriques, contemporains de François Michaud, comme l'abbé Fouré dans l'Ille-et-Vilaine, ou l'abbé Paysant dans l'Orne. On les rapprochera de l'humble mystique que fut Raymond Isidore, dit Picassiette, au siècle suivant.

         Le Palais Idéal de Ferdinand Cheval dans la Drôme sera l'occasion de montrer que les autodidactes inspirés ont su aussi s'attaquer à des projets plus nettement architecturaux. S'inspirant parfois les uns des autres, comme dans le cas de Charles Billy dans le Rhône qui, inspiré par le facteur Cheval, dressa autour de sa villa un vaste collage de maquettes en pierre imitant des bâtiments célèbres du monde entier. L'architecture excentrique populaire peut parfois revêtir des aspects tour à tour muséaux (exemple du Castel Maraîchin à Croix-de-Vie en Vendée avec ses moulages à vocation pédagogique et encyclopédique, ou la maison de François Aubert dans le Cantal avec son musée minéralogique), ludiques (Camille Jamain en Touraine, ou Ludovic Montégudet dans la Creuse, créateurs de parcs de loisirs bricolés naïvement avec attractions faites main), parfois farceurs (Alphonse Gurlhie en Ardèche).

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L'Etang Fleuri réalisé par Ludovic Montégudet à Lépinas dans la Creuse, carte postale de 1969

         Parmi les créateurs d'environnements, la causerie a choisi de se concentrer sur les créateurs de statues puisque Michaud en a lui-même réalisé un certain nombre. Ces hommes simples rassemblent sur des terrains plantés d'arbres et de fleurs, dans une scénographie étudiée, pêle-mêle, hommes célèbres ou personnifications de métiers, comme chez André Hardy dans l'Orne, Charles Pecqueur ou Léon Evangélaire dans le Nord, Marcel Debord dans le Périgord.

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Léon Evangélaire à Pont-à-Vendin, Pas-de-Calais, ph.B.M., 2008

         Puis la causerie se déplacera insensiblement vers des environnements aux styles plus caractérisables dans le sens de ce que l'on appelle l'art brut, permettant au public de se faire une idée des distinctions possibles entre ces catégories aux limites poreuses que sont l'art naïf, l'art populaire et l'art brut. On verra ainsi des pièces venues des sites d'André Morvan dans le Morbihan (souches d'arbres et branches assemblées de manière anthropomorphe dans un style arcimboldesque), Jean Grard et ses manèges, statues et maquettes colorées et enfantines en Bretagne, Arthur Vanabelle dans le Nord avec ses canons et ses chars construits avec des matériaux recyclés afin semble-t-il d'exorciser le souvenir de la guerre vécue lorsqu'il était enfant, les statues de silex collés de Marcel Landreau à Mantes dans les Yvelines, le jardin de déchets accumulés de Bohdan Litnianski dans l'Aisne, le jardin aux girouettes et vire-vents de Monsieur P. en Vendée, le jardin du forgeron Maurice Guillet faisant de l'art moderne en autodidacte, ambition originale, ou encore le jardin de bidules emberlificotés d'Yves Floch en Normandie. Pour finir, seront présentées quelques sculptures d'Auguste Forestier qui en dépit du fait qu'elles sont rangées usuellement dans le corpus de l'art brut présentent de forts rapports de cousinage avec l'art populaire.

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Saynète sculptée par Jean Grard à Baguer-Pican, Ille-et-Vilaine, ph.B.Montpied, 2001

     

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28/04/2009 | Lien permanent

Pour servir à l'histoire de Marie-Louise et Fernand Chatelain (2): ”J'ai point le temps d'aller au club du troisième âge

    Le 23 novembre 1977, paraît dans le Libération de l'époque un article signé M.Ch.Husson et J.P. Duvivier (sans doute photographe sur l'article) et intitulé "Dérive chez les bâtisseurs de rêve. Le bestiaire de Fernand et Marie-Louise Chatelain (78 et 75 ans)". En voici un large extrait, choisi essentiellement pour les propos des Chatelain:

    "Fernand et Marie-Louise Chatelain, [...], feuilletaient aussi leur dictionnaire, et découpaient des "quartiers de journaux". Ce dictionnaire, ils l'ont toujours. Si vieux, si disloqué que, voilà un couple d'années, ils sont partis à Alençon en acheter un neuf. Ils ont été bien déconfits. Les dictionnaires ne sont plus ce qu'ils étaient. "Il n'y a plus d'images". Ils ont garé le livre neuf, et ont continué à faire vivre les pages de l'ancien dans leur cour, autour des premières réalisations de Fernand.

     - "En qualité de Chatelain, dit-il, j'ai d'abord fait un château". "On trimballait encore pas mal, dit-elle. On était allé sur la route de Bretagne, dans une station service, il a vu un château, il a voulu essayer d'en faire autant. On avait été à Chambéry, itou. Il a fait la fontaine des 4-100-Q (des quatre sans cul). Je rouspétais au début, je trouvais ça drôle..." Maintenant, elle ne dit plus rien. Elle caresse dans la cour les oreilles d'un âne. "On dirait-y pas du velours? Et les yeux dirait-on que c'est des boutons? Vrai qu'elle est belle, la sienne. Elle a une belle chevelure, c'est le crin d'une banquette de voiture". Fernand intervient: "J'avais fait des centaures. Ils avaient les bras en l'air. Je me suis dit, pour les occuper, je fais faire une sirène... Et là, mon dragon, c'est un genre de chauve-souris. On voit ça dans le dictionnaire. C'était pas facile de faire les ailes. Je me suis dit je vais les faire ouvertes, c'est moins ordinaire. Au derrière, comme j'avais de la place, je lui ai fait une grande queue, au lieu de plumes..."

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La fontaine des éléphants à Chambéry

      "Moi, reprend Marie-Louise, je lui donne des idées pour la peinture. Rouge et jaune, j'aime bien ça ensemble. D'abord les grilles, on les a peintes en rouge et jaune..."

      Enfant de cultivateur, Fernand a d'abord été boulanger jusqu'à 27 ans. Puis il a épousé Marie-Louise, sa payse, fille de cultivateurs. Et ils ont repris une ferme, là-bas, dans la descente, là où il y a l'usine. Ils ont vendu le "noyau" - les bâtiments - à l'usine, sont venus s'installer là. "Il n'y avait que des prés, se souvient Marie-Louise. La maison a été montée de décembre 1960 à la Chandeleur 1961. On y est venu qu'en octobre. On restait culture, jusqu'à la retraite. Le patron a commencé à faire des clôtures..."

      - "C'est bien bizarre, dit Fernand, L'idée nous vient d'occuper le terrain. On avait de la place, il y avait du vide. Je me suis dit si dans la clôture, je faisais des affaires entrelacées?"

Fernand Châtelain,pieuvre sur la balustrade, 1983, photogramme Les Jardins de l'art immédiat, B.Montpied.jpg
Fernand Chatelain, une pieuvre entrelacée avec la balustrade de clôture, photogramme des Jardins de l'art immédiat, 1983, B.Montpied ; à noter qu'il ne semble pas que ces sujets aient été reconstitués dans la restauration actuelle

      - "Oui, mais attention, coupe-t-elle. Pas devant la porte..."

      - "Ah, Ah, s'amuse Fernand, Madame, elle veut pas que je touche à la porte, ni à l'intérieur... J'ai fait des essais, Pégase, le cheval ailé du dictionnaire, et j'ai continué... je récupère dans les dépotoirs, chez les mécaniciens des bouchons de bouteille pour faire les yeux.Je m'ennuie point. Tout ça, ça vient en le faisant. Le matin, quand je dors pas, je cherche les complications. J'ai point le temps d'aller au club du troisième âge. Mais je n'ai aucun talent de dessinateur. Des fois je gribouille, je dis à la patronne, "ça ressemble à quelque chose?" Elle me dit "c'est bien, c'est pas bien, j'y mettrais une queue, une patte". Des fois, on est zéro en imagination. Je lui dis. Elle répond "laisse donc tout ça, tu nous hébètes avec tes machines" Et puis on repart. Au début, il y avait un représentant qui m'amusait pour me vendre une voiture. Un as du dessin. Il me faisait des sujets sur un papier... Moi, pour les physionomies, ça va pas".

     - "Sauf Giscard, corrige Marie-Louise. Vous avez vu le gabarit, pour les visiteurs. Sa carcasse de grillage qu'il bourre de papier et recouvre de ciment? Il en faisait un. Je lui dis, c'est Giscard. Il me répond "Penses-tu, c'est pas Giscard" Je lui dis "c'est tout vrai, c'est Giscard" Et une touriste belge nous a photographié à côté de Giscard. C'est-y possible de s'amuser pareillement à nos âges!"

Fernand Châtelain, Giscard, la fontaine des 4-100-Q, etc, photogramme Les Jardins de l'art immédiat, Bruno Montpied, 1983.jpg
Fernand Chatelain, photogramme extrait des Jardins de l'art immédiat, B.Montpied, 1983 ; le personnage humain au centre de l'image tenant le panneau doit être le Giscard évoqué par les Châtelain dans l'interview ; à droite, le début de la fontaine des 4-100-Q de Chambéry version Chatelain
 
     On se balade dans la cour. Marie-Louise n'aime pas les grands pendus de papier accrochés aux arbres par Fernand. Elle préférait "les singes de toutes les catégories". Mais elle aime bien la petite maison, fait d'échantillons de Formica. Là, des fleurs sont plantées dans les grands sabots. Une girafe. "S'il n'y avait pas cette poutrelle, la tête emporterait le derrière, commente Fernand. J'assujettis mes sujets sur place, je les termine là, à cause du poids". Un lion à six pattes. Un poisson fait de "coquilles Saint-Jacques en aluminium retrouvées dans un dépotoir". Des souvenirs de voyage. Venezia Gondola, la Tour de Pise. Chaque mois de mai, pendant 25 ans, une gardienne venait remplacer Fernand et Marie-Louise à la ferme. Eux partaient voir du pays, en auto, ou en car. Bruxelles, la Hollande, la Belgique, l'Italie... "Maintenant, on est trop vieux, on voyage dans les cartes postales, dans nos têtes..." dit Marie-Louise. Et dans leur cour.

     C'est l'hiver. Fernand a des sujets en réserve. Il nous montre son atelier, sa boutonnerie - une boîte à yeux - un coq qui pond, un Anglais, un accident de voiture, un cochon qui fait du boudin, récupéré par un autre sujet, mangé par un serpent. Des boxeurs. Un photographe. Bonjour écrit en grandes lettres sur la grille, à côté de la nationale. Un jour des fêtards avaient carambolé tous les sujets de Fernand. "Les gens du pays sont venus m'aider à tout relever", se souvient-il. "Les gens, ça les amuse".

Fernand Châtelain,saynète du cochon qui fait du boudin, ph Rémy Ricordeau, 2008.jpg
Photo Rémy Ricordeau, octobre 2008 après restauration ; saynète probable du cochon qui fait du boudin récupéré sous son derrière par un personnage qui se fait mordre par un serpent... Les couleurs violentes font presque penser à du Niki de Saint Phalle.

     "Ils ont le sourire, c'est pas croyable" dit Marie-Louise. "Encore une journée de passée. On prend la soupe à 6 heures, on regarde les chiffres et les lettres à sept heures". Fernand va vendre du bois. "Au printemps, dit-il, en montrant des rosaces peintes sur des cartons, en haut d'un hangar, ça pourrait bien tourner à faire des sujets là haut. L'imagination, ça occupe". "On nous demande de vendre. On veut pas. On aime bien voir ça, et tout le monde peut en profiter. Le patron fait ça pour son plaisir", dit-elle. Et lui termine en s'esclaffant. "Ca coûte, mais moins que si je faisais la bringue tous les jours".

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10/10/2008 | Lien permanent

Les librairies préférées du sciapode

    Cela fait un certain temps que j'ai envie de lister les librairies parisiennes où je tombe presque automatiquement sur des livres faits pour moi. Une bonne librairie, c'est en fait cela avant tout, celle qui a pensé à vous mettre sous le nez le livre qui vous était destiné. C'est ce que tout le monde appelle une "bonne librairie" sans souligner la plupart du temps qu'il ne s'agit que d'un choix très subjectif, à la limite de l'égocentrisme. Mais si cela peut recouper les marottes, les chemins de traverse, les inclinations personnelles d'autres internautes lecteurs de ce blog, je n'aurai pas tenté ce rassemblement subjectif en vain. Et du coup, peut-être ce "subjectif" commencera de se transformer en valeur objective...

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    Première à laquelle je pense, la librairie Tschann sur le boulevard du Montparnasse, dans le XIVe ardt, peu après le carrefour Vavin. Cela ne varie pas en ce qui me concerne, je trouve depuis au moins trente ans toujours mes livres là-bas. Leurs goûts évoluent avec les miens. Notamment les beaux livres sur l'art. Ils ont une politique de libraire personnelle, ils trient les ouvrages qui méritent davantage que d'autres d'être portés à la connaissance de leurs clients. Contrairement à tant de leurs confrères qui se contentent d'être des comptoirs de diffusion des cent mêmes titres imposés par les diffuseurs dans la plupart des boutiques de France et de Navarre. 

Librairie l'Ecume des pages.jpg     L'Ecume des pages arrive sûrement en deuxième dans mes préférées. C'est la librairie qui reste ouverte tard (minuit en semaine), restant accessible aussi le dimanche (Boulevard Saint-Germain, à Saint-Germain-des-Prés, à côté du Flore). Elle avait changé il y a quelque temps la disposition de ses rayons et étalages et l'on y a trouvé moins d'ouvrages hors des sentiers battus durant quelque temps. Cependant, la direction du lieu après une réadaptation semble-t-il a repris sa marche en avant du côté d'une certaine exigence. Elle reste bien instruite des livres à découvrir, pas nécessairement médiatiques. De l'extérieur, il ne faut pas craindre de franchir le seuil malgré les présentoirs à cartes postales qui font croire à une boutique pour touristes...

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Vitrine de la librairie à l'époque où les enfants de ma BCD y avaient exposé des "lettrines iconophores" concoctées avec mézigue (une lettrine est illustrée par des images d'objets dont le nom commence par cette lettre, comme c'était l'usage dans les anciens dictionnaires type Larousse), ph. Bruno Montpied, 2008

    Libralire n'évite pas toujours le piège des livres identiques à ceux qu'on trouve dans les librairies type comptoirs de diffusion, mais en raison de la sympathie que nous inspirent ses libraires - notamment l'ineffable Fabrice - je cite sans coup férir cette adresse. Nous regrettons, disons-le au passage, le départ de Nelly qui était une excellente connaisseuse de la littérature jeunesse. La librairie se trouve presque au croisement de la rue Jean-Pierre Timbaud et de la rue Saint-Maur dans le XIe ardt.

 Librairie L'humeurvagabonde.jpg    L'humeur vagabonde est une excellente librairie de quartier dans le XVIIIe ardt. En dépit de sa petite surface, on trouve souvent les livres curieux que l'on recherche triés par des professionnels au sein de l'abondante production livresque. On sent un certain penchant des libraires pour les sujets radicaux dans cette librairie. La librairie jeunesse qu'ils ont installée de l'autre côté de la rue (du Poteau) est loin d'égaler sa qualité, cela dit, lorgnant semble-t-il beaucoup trop du côté d'une certaine mièvrerie de la littérature pour enfants. Pour la trouver, descendre depuis la mairie du 18e ardt en direction de la Porte Montmartre la rue du Poteau, c'est après la partie de la rue plus spécifiquement dévolue aux commerces alimentaires.

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La librairie de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard, 18e ardt

 

    La librairie de la Halle St-Pierre reste le lieu incontournable en matière de documentation sur les arts spontanés, unique en son genre à Paris, étant donné la variété et la multiplicité des ouvrages proposés. Ses animations dans le petit auditorium en sous-sol prolongent utilement cette offre d'informations. Leur activité s'inscrivant comme on sait, qui plus est, dans un programme d'expositions très souvent liées à la thématique des arts populaires, imaginistes ou insolites. Le lieu, agrémenté d'une caféteria où il fait bon rêvasser en sirotant quelque boisson, est ouvert sept jours sur sept, et c'est à Montmartre...

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Intérieur de la librairie Un regard moderne, ph.Bruno Montpied, juillet 2007

    Un Regard moderne, située rue Gît-le-Coeur dans le 6e ardt, est une échoppe incroyablement bourrée du sol au plafond d'une littérature excentrique allant de l'art graphique underground à l'art brut et environs (rayon prés de la porte d'entrée, au ras du sol, un des rares accessibles sans avoir à demander auparavant au gérant ce que l'on est venu chercher - personnellement, je n'entre jamais dans une librairie en sachant ce que je cherche, je suis comme Picasso, je trouve...), en passant par l'érotisme, avec de nombreux titres sur le sado-masochisme, le surréalisme (littérature et arts plastiques), les situationnistes, le rock'n roll et la culture qui s'y rattache, etc... Un petit espace d'exposition le flanque sur la droite plutôt ouvert aux graphistes tendance Dernier Cri et consorts. 

Anima.jpg    Anima, ça se trouve avenue Ravignan, vous savez, l'avenue de Montmartre où s'élevait le Bateau-Lavoir de Picasso et autres. C'est une petite librairie tenue par une passionnée que garde un (une?) sympathique bull-dog. On y trouve surtout des ouvrages de poésie exigeante, de sciences humaines, des ouvrages féministes ; mais aussi de la littérature générale, et des revues littéraires rares, comme l'excellent Bathyscaphe édité au Québec par Benoît Chaput et Antoine Peuchmaurd. Je n'y trouve pas toujours mon bonheur, mais c'est plutôt pour goûter aux charmes de discussions aux fils labyrinthiques et légèrement foutraques, improbables, avec la gérante des lieux, que j'aime à y entrer de loin en loin.  

     Val'heur, je ne cite cette librairie-là, située dans le 9e ardt rue Rodier prés du lycée Jacques Decour, que parce qu'on est sûr d'y trouver les publications du Collège de Pataphysique. [Cependant depuis quelque temps, la librairie ne s'occupe plus des ouvrages pataphysiques édités après 2007... Mise à jour, février 2010]

     La librairie du musée du Louvre, c'est bien pratique, et cela rend inutiles les voyages coûteux et mangeurs de temps précieux vers les expositions régionales et européennes... Les catalogues étant si bien faits aujourd'hui, si richement illustrés, parfois davantage iconographiés que dans l'expo elle-même, qu'ils dispensent d'aller voir l'exposition à laquelle ils se rapportent. En plus, on peut les garder chez soi, eux.

     La librairie Henri Veyrier aux Puces de Saint-Ouen, c'est un bouquiniste énorme question surface, et question choix. On y trouve de tout, côté beaux livres d'art ou littérature générale, littérature jeunesse, dictionnaires, bandes dessinées... Pour les fauchés, adresse idéale.

      Vendredi, une bonne librairie dans la rue des Martyrs, prés du croisement avec le boulevard de Clichy. Chez eux, ou elles plutôt, j'ai toujours l'impression que les livres à découvrir sont avant tout dans la vitrine qui concentre ce qu'il y a de plus intéressant dans le choix du moment. Là aussi, un regard complice trie en amont les livres qui sont faits pour les lecteurs qui partagent cette communauté d'esprit. 

      Joseph Gibert, boulevard Saint-Michel, à ne pas confondre avec Gibert Jeune plus bas, place Saint-André-des-Arts, est toujours la grosse librairie de Paris où l'on peut trouver des ouvrages d'occasion signalés par des bouts d'adhésifs noirs ou rouges en fonction des réductions. Le choix est vaste, il faut chercher, ça dure longtemps, les libraires changeant souvent l'ordonnancement des rayons, les différents étages, ça bouge tout le temps (et c'est assez casse-pieds...). 

Librairie Palabres M.Zinsou,ph.Gérard Lavalette, blog paris faubourg.jpg      Palabres, petite librairie d'occasion rue de Nemours dans le 11e ardt (signalée par Joël Gayraud). Elle est tenue par M. Zinsou, communicatif, sympathique, qui a de la littérature de voyage,  des livres rares sur toutes sortes de sujets, l'Afrique notamment, mais aussi la Commune de Paris, la révolution, Paris, l'art (un peu)...

(A suivre?) 

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Les Amoureux d'Angélique (1)

    Note dédiée à Pierre Gallissaires

    Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu parler en France d'un nouveau musée d'art brut, ou naïf, ou simplement d'art populaire contemporain (étiquette qui en l'espèce correspond assez bien).

Une entrée du musée Les Amoureux d'Angélique, Le Carla-Bayle, ph.B.Montpied, 2008.jpg
Une entrée du musée d'art brut, naïf et populaire Les Amoureux d'Angélique au Carla-Bayle, ph.Bruno Montpied, 2008

    L'Aracine verra bientôt on l'espère ses collections présentées en un espace bien défini et distinct de l'art moderne dans les nouveaux espaces du musée de Lille-Métropole à Villeneuve-d'Ascq dans le Nord. La Fabuloserie, et ses collections d'"art-hors-les-normes" (dont pas mal d'oeuvres récupérées d'environnements spontanés qui allaient être détruits, exemple assez réussi de sauvetage et de déplacement de fragments d'environnements qui devrait faire taire les puristes toujours prompts à taxer ce genre de solution d'"ânerie" ou de "ridicule", cf Belvert et "J2L"), la Fabuloserie tient bien le coup dans l'Yonne à Dicy. Le Petit Musée du Bizarre (de tous, celui qui s'apparente le plus au musée dont je veux vous entretenir) semble perdurer en Ardèche à Lavilledieu, près de Villeneuve-de-Berg (on aimerait avoir des nouvelles fraîches de l'endroit, si un lecteur de ce blog passe par là...), premier musée sur la question en France (car créé en 1969). Nous avons également des musées d'art naïf de qualité (à Laval, collection ouverte au public au Musée du Vieux-Château depuis 1966 ; à Nice, musée construit à partir de la collection d'Anatole Jakovsky, depuis 1982). Un musée consacré à la création singulière (un zeste d'art brut, un peu d'art naïf, un soupçon de surréalisme et beaucoup de singuliers, alias des créateurs marginaux et autodidactes de l'art contemporain), le Musée de la Création Franche, créé par Gérard Sendrey depuis 1988, existe également à Bègles en banlieue de Bordeaux. Le Musée International d'Art Modeste de Di Rosa et Bernard Belluc à Sète montre aussi des oeuvres relevant davantage de l'art populaire manufacturé, comprenant parfois des créateurs aux limites des collections précédemment citées. Sans compter les divers musées d'art populaire ou écomusées, privés ou publics, qui contiennent également nombre de créations relevant de ces mêmes champs, l'art brut, l'art naïf, les environnements spontanés...

    Statuette anonyme représentant une sorcière, prénommée Angélique par les animateurs du musée de Carla-Bayle Les Amoureux d'Angélique, ph B.Montpied, 2008.jpg La découverte du musée des "Amoureux d'Angélique", fondé par l'association Geppetto, qu'animent Martine et Pierre-Louis Boudra au Carla-Bayle en Ariège, une cinquantaine de kilomètres en dessous de Toulouse, non loin de Pamiers, je la dois à un petit dossier qu'avait publié naguère Denis Lavaud à partir des notes et des photos de Bernard Dattas dans le bulletin Zon'Art (n°14, automne-hiver 2005). A dire vrai, ce dossier était avant tout centré sur l'évocation de divers sites et environnements bruts/naïfs de la région de Toulouse, sans trop insister sur les Amoureux d'Angélique,  qui pourtant avaient indiqué aux auteurs les sites en question.

Le Carla-Bayle, ph. Jean-Paul Agulhon sur jpa.galerie.free.fr.jpg
Le Carla-Bayle, ph. Jean-Paul Agulhon

    Pierre-Louis et Martine, chercheurs modestes mais acharnés de la poésie populaire cachée (du Sud-Ouest au Massif Central sans oublier la Région Parisienne dont ils sont originaires), sont à l'origine de nombreuses découvertes, ou de sauvetages de créateurs tout à fait insolites et intéressants. Installés depuis huit ans au Carla-Bayle (soit donc vers 2000, à l'orée du nouveau siècle), ils y ont aménagé une bâtisse sur plusieurs niveaux où finalement ils commencent déjà à manquer de place tant les oeuvres conservées et sauvegardées pullulent. La maison est rustique, la muséographie est simple et bon enfant, sans chichis, semblant inséparable d'une visite guidée en compagnie des propriétaires. Les portes, aux heures d'ouverture au public (mieux vaut téléphoner avant de venir), sont ouvertes dans  la plus grande des confiances. Des chats, des chiens font la visite avec vous. Carla-Bayle, les remparts.jpgLe village ressemble à un de ces villages d'artistes perchés sur une colline comme on en connaît du côté de la Provence par exemple, le snobisme et l'apprêt en moins. De ses remparts, par beau temps, on aperçoit la chaîne des Pyrénées au loin.

Expo Roger Beaudet, les maquettes, la sirène, etc, Musée Les Amoureux d'Angélique, Le Carla-Bayle, 2008, ph B.Montpied.jpg
Exposition Roger Beaudet chez Les Amoureux d'Angélique, vue partielle, les maquettes de bateaux, une sirène, etc., juil 2008, ph.B.Montpied

    Chaque été, en sus de la collection permanente forte d'une dizaine de créateurs, Pierre-Louis et Martine organisent une petite exposition temporaire. Si la saison dernière, ce furent des "jouets" de Pierre et Raymonde Petit (venus de deux collections privées), l'été 2008 est consacré à Roger Beaudet, créateur ouvrier de la région de Roanne, où il sculpte des jouets, des maquettes, et des personnages organisés en saynètes dans un local exigu. Les Boudra indiquent qu'au début ces oeuvres étaient destinées aux enfants, et que par la suite des collectionneurs sont arrivés pour lui en acheter. Beaudet oeuvre à la commande paraît-il, étant capable sur la foi d'une photographie de reproduire, passée bien sûr au tamis de son imagination et de ses déformations, l'image du collectionneur et de sa femme par exemple.

Roger-Beaudet,le berger (peut-être auvergnat) et son troupeau, musée les Amoureux d'Angélique, été 208, ph. B.Montpied.jpg
Roger Beaudet, exposition au musée Les Amoureux d'Angélique, été 2008; on notera les moutons entortillés de fils venus de leur laine peut-être, ph.B.Montpied
Thierry Chanaud,dessin aux crayons de couleurs, musée Les Amoureux d'Angélique, ph B.Montpied, 2008.jpg
Thierry Chanaud, dessin aux crayons de couleur, sans titre, musée Les Amoureux d'Angélique, ph B.Montpied, 2008

     La collection permanente, à l'image des oeuvres de Roger Beaudet, est fortement marquée par l'empreinte de l'enfance. Que ce soit dans les dessins de Thierry Chanaud, qui ressemblent à des imagiers enseignant le vocabulaire aux enfants quoique réinventés par leur auteur, ou dans ses sculptures archaïsantes,Thierry Chanaud,deux sculptures, musée les Amoureux d'Angélique, ph B.Montpied, 2008-.jpg dans les peintures de Gilbert Tournier, ancien maréchal-ferrant (spécialisé dans les chevaux d'hippodrome) découvert par les Boudra du côté de Champigny-sur-Marne (une de leurs premières découvertes, je pense) qui dessinait le nez collé sur le support,Gilbert Tournier,sans titre, musée Les Amoureux d'Angélique, ph B.Montpied, 2008.jpg ou d'autres sculpteurs comme Joseph Donadello -par ailleurs auteur d'un environnement remarquable dans la région sur lequel je ferai bientôt une note à part- ou le fils de tzapiuzaïre (faiseur de copeaux, selon P.Mamet dans Les Artistes Instinctifs,  Almanach de Brioude, 1924...) Denis Jammes en Haute-Loire. Les attelages d'Henri Albouy, par leur côté miniaturisé, eux aussi font penser à des maquettes et à des jouets. Les statues d'Honorine Burlin, elles aussi venues d'un environnement de la région à côté de Cintegabelle, à Picarou, ont quelque chose de fortement candide.

Joseph Donadello, quelques statues conservées au musée Les Amoureux d'Angélique, ph.B.Montpied, 2008jpg
Des statues en ciment peint de Joseph Donadello (alias Bepi Donal), à gauche Adam et Eve, à droite Ketti et Mario ; les juments au-dessus sont de Séverino De Zotti ; Musée Les Amoureux d'Angélique, ph B.Montpied, 2008

     Pourrait-on forger pour ce petit musée fort sympathique l'étiquette d'art populaire enfantin? Pourquoi pas... Cependant, au coeur de ce musée, existe aussi une autre salle consacrée à un autre créateur à qui l'étiquette ne colle pas tout à fait... Mais cela, je vous en parlerai dans un épisode suivant...

 

Contacts: 

Les Amoureux d'Angélique, 09130, Le Carla-Bayle, tél: O5 61 68 87 45, e-mail: amoureuxanges@hotmail.com

Pour le moment, pas encore de catalogue sur place, seulement des cartes postales et des mini-dépliants comme ci-dessous (merci à Pierre-Louis et Martine Boudra pour m'avoir laissé prendre toutes les photos que je voulais):

Annonce Roger Beaudet, 2008.jpg

  

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Des sablières aux trésors cachés

    Enfin un très joli et très précieux livre sur les sablières des églises bretonnes!

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    Il y avait bien eu en 1997 une thèse de doctorat due à  Sophie Duhem et publiée aux Presses Universitaires de Rennes ("Les sablières sculptées en Bretagne"), thèse qui a redonné un coup de jeune à la recherche sur les décors sculptés de ces sablières.db883ca9bf04d5c971ff32f59bf764fa.jpg Il y avait eu, il y a plus longtemps, les ouvrages de Victor-Henry Debidour sur l'art de Bretagne, qui causaient  des sablières succinctement au détour d'un chapitre, sur un ton parfois assez ambivalent ("Ce n'est pas là du grand art", écrivait-il des sablières, leur préférant les ciselures des jubés, conditionné qu'il était à apprécier d'abord l'art plus académique ou manifestant plus de maîtrise et de virtuosité, et rabaissant par suite l'art plus simple, plus direct). La collection Images du Patrimoine de l'Inventaire général des Monuments artistiques de la France, de son côté, rarement consacre une page ou deux à ce genre de création marginale, comme dans le cas par exemple du fascicule consacré à la Vallée du Blavet et au Canton de Baud dans le Morbihan.

     D'innombrables petites plaquettes sont bien sûr consacrées aux églises bretonnes avec de ci de là quelques photos de sablières, mais cela fait désordre. Et puis il y a les cartes postales... Les photos personnelles qui s'avèrent vite impossibles à réaliser correctement parce que les sablières, qui sont des poutres à la lisière des charpentes comme on sait, sont bien trop hautes, cachées dans la pénombre qui plus est...476742849383d6e686af3d9ceedb76cf.jpg On ne peut en faire que dans les chapelles aux murs bas, comme dans la rare chapelle Saint-Côme à Saint-Nic au bas des Monts d'Arrée, où, chance!, les sablières sont étranges, expressives et rigolardes, (mais il manque encore et toujours quelque chose, une lumière bien disposée par exemple).

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     C'est pourquoi je dis "enfin!", devant le livre de Claire Arlaux (l'auteur) et d'Andrew Paul Sandford (le photographe), "Trésors cachés des sablières de Bretagne" qui est paru en octobre 2007 aux Editions Equinoxe (Collection Impressions du Ponant, formats des livres à l'italienne), sympathiquement basées dans une ville qui est bien loin de la Bretagne, St-Rémy-de-Provence... Enfin un éditeur (ici régionaliste) et des auteurs qui ont le minimum d'audace requis pour se lancer dans un tel défi artistico-éditorial. Il est certain que l'essor de l'intérêt pour l'art brut et les arts primitivistes en général n'est pas étranger à  ce genre de tentative.

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Sablières dans l'église du Croisty (Morbihan), certains sujets étant présentés vus de haut (le cerf traqué) à côté d'autres vus de profil (les chiens traquant le cerf), photo Andrew Paul Sandford

      Sandford se consacre à photographier la Bretagne, ses paysages et son patrimoine, depuis plus de 30 ans, nous dit-on... Il a ici livré une impressionnante série de clichés pris dans les meilleures conditions d'éclairage et de proximité qui puissent être, rendant l'accés aux décors des sablières le plus confortable du monde. Etonnants décors où la fantaisie et la truculence, la satire et la caricature aussi, parfois anti-cléricale (oui, dans l'église même...), le tempérament métaphysique se donnent libre cours dans des dimensions restreintes qui contraignent les charpentiers sculpteurs de ces poutres à des acrobaties formelles et des solutions plastiques qui les rendent cubistes avant la lettre, en tout cas furieusement modernes bien avant l'heure (Debidour situait la durée de l'art des sablières sculptées depuis 1450 à peu prés jusqu'après 1660, même si bien sûr ici ou là on continua d'en faire jusqu'au XIXe siècle). Bien souvent, on pense en les voyant que leurs auteurs devaient s'occuper, en d'autres moments de leurs commandes, des figures de proue des navires, tant les analogies de style et de figuration viennent à l'esprit naturellement.

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Etonnante sablière où le personnage de droite ressemble à des profils que l'on retrouve fréquemment dans l'art populaire des graffiti, voire dans l'art brut ou singulier (je pense à Gaston Mouly en particulier)

    Le livre est donc avant tout un magnifique album d'images hésitant à être caractérisées comme naïves  ou primitives, voire comme brutes. Un album fatalement vital qui bouleversera nos solitudes modernes de son petit monde coloré et cordial, incroyablement plus proche de l'humain que ne le pourront jamais faire toutes les froides élucubrations actuelles de nos média.

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Photo Andrew Paul Sandford

    Un défilé de trognes colorées de toutes formes, souvent proches d'un certain archaïsme, alterne avec des saynètes de tous ordres, proverbes ou dictons illustrés, ex-voto à d'autres moments dirait-on (le paysan que renverse un attelage de boeufs tirant la charrue). Un bestiaire réaliste ou symbolique

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 s'en donne partout à coeur-joie, ainsi que des évocations mythologiques empruntées aux différentes cultures européennes, celtiques ou gréco-latines. On trouve toutes sortes de personnages dans ces petites églises bretonnes qu'il faut avoir la curiosité de visiter tant les surprises s'y cachent à coup sûr, en dépit d'un aspect extérieur parfois si modeste et bénin qu'on ne les perçoit même plus dans le paysage. Ogres (comme dans la chapelle de Locquémeau à Trédrez, dûs au sculpteur Jean Jouhaff au début du XVIe siècle), contorsionnistes scatologiques ou obscènes,

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 dragons, angelots et masques grotesques, pirates, elfes, enfants tels des petits singes roses jouant à la balançoire,c8cf117ba6d4905e28f8fdcd31554b11.jpg paroissiens aux faces de guignols peinturlurés de façon criarde, animaux musiciens, constituent comme un carnaval évoquant l'imagerie populaire et ses thèmes de prédilection comme les scènes du "Monde à l'envers" ou l'univers du Roman de Renart. Cela n'est pas très éloigné non plus des petites histoires racontées sur les frontons de ruches slovènes, dont j'ai parlé dans ma note du 26 août 2007.

    La situation marginale dans l'espace religieux de ces sculptures étonnantes signale aussi une représentation des péchés à ne pas commettre, selon la doctrine chrétienne, avec leurs ivrognes et leurs bacchantes dont les soi-disant vices, d'être montrés avec la volonté de les stigmatiser, deviennent dialectiquement aussi bien des exemples qu'on pourrait suivre...

     Ces sculptures ne sont pas sans rappeler les oeuvres colorées et grotesques des arts singuliers, brut, naïf, hors-les-normes, etc, qui attirent tant d'amateurs aujourd'hui, les précédant cependant de plusieurs siècles et nous indiquant que l'on a donc affaire avec elles à une sorte de tradition expressive populaire très immédiate, joyeuse et truculente.

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     Et comme elles, parfois (je pense à la discutable restauration ripolinesque du site de Fernand Châtelain à Fyé dans l'Orne), on se demande si les sablières n'ont pas été restaurées à certains endroits, semble-t-il peu nombreux, avec un zèle qui s'exprime dans l'emploi de couleurs peut-être un peu trop criardes. Cela a pour effet d'aplatir la délicate naïveté, la simplicité toute en nuances des saynètes (voir dans le livre les sablières de Treflevenez, de Ploerdut, de Landerneau -qui fait dans le rose bonbon très pâtissier, à moins que ce ne soit un effet pervers des retraitements d'images sous Photoshop?- ou celles de la chapelle Notre-Dame de Lospars à Châteaulin, dont les statues ressemblent furieusement au mauvais goût des santons provençaux, très kitsch).

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Ce blog a dix ans jour pour jour ce 5 juin : grand rassemblement d'éléphants de tous poils pour fêter l'événement, et en

Les éléphants sont étonnants. Les éléphants sont intrigants.

cp match avec joueurs de football univ de Loyola.jpg      Ils ont des nez très longs, des airs pachydermiques (et pour cause), des grosses pa-pattes avec des gros ongles et le dessous des pieds plat. Deux grandes quenottes qui leur sortent des deux côtés de la bouche, que toute une série de gens mal intentionnés veulent leur arracher. Des portugaises comacs pour ceux d'Afrique, mais plus riquiqui pour ceux d'Asie, qui me font penser à des feuilles de choux.

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André Robillard, un éléphant dafrique (sic ; cette bête-là a dû être coupée avec un cocker on dirait), env. 40x50cm, coll. et ph. Bruno Montpied.

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Sandy Calder, un éléphant  de bronze en mobile, 1973.

 

     Ils ont la peau rugueuse, paraissant avoir des milliers d'années, comme une peau fossile. Des airs de vieux, vieux sages revenus de tout. Il ne faut cependant pas leur courir sur le haricot, ils s'énervent facilement. Et en  même temps, ils sont attentionnés avec leurs cornacs, qui leur peignent dessus parfois (c'est du plus bel effet, ils devraient être tout le temps  peints).

    Ils marchent avec des airs balourds, l'air grommelant de traîneur de savate.

    L'éléphant fascine petits et grands. Il y eut Babar bien sûr (voir ci-contre un exemplaire par le sculpteur naïvo-brut Joseph Donadello (en Hte-Garonne), ph. B.M., 2008).Babar par Donadello.jpg Et des jouets (voir ci-dessous un à roulettes ayant appartenu à un rassemblement d'objets du brocanteur Philipe Lalane),Jouet, éléphant à roulettes, réun Lalane, mai 2016.JPG des éléphants de dessin animé et de publicités improbables...

 

Anonyme, poupée éléphante (2), peut-être ukrainienne, coll BM.jpg

Poupée-éléphant, peut-être d'origine ukrainienne, ph. et coll. B.M.

 

Soyez bon avec les animaux (2), cadeau Bon Marché.jpg

Le Jardin d'Acclimatation, Constructions enfantines, cadeau du magasin Le Bon Marché (merci à Guillaume pour la permission de photographier la chose), ph.B.M.

Néocide la terreur des moustiques, Lille.jpg

Vu à Lille dans une brasserie, reproduction d'une ancienne affiche publicitaire, où l'éléphant chasse les moustiques en courant, ph.B.M.

Affiche cappiello le Nil, ext L.Jacquy.jpg

Affiche de Capiello reproduite sur le blog Les Beaux dimanches de Laurent Jacquy

Affiche l'orchestre des éléphants, F Appel 1890.jpg

Affiche "l'orchestre des éléphants", F Appel, 1890.

 

     L'éléphant est tellement sympathique et fort, avec une réputation de mémoire légendaire que les publicitaires et inventeurs de logos ont bien souvent songé  à lui...

Elephant logo sur un camion qq part en Lorraine.jpg 

Cherchez-le, ici en logo d'une société de transport (en Lorraine?) qui cherche à donner une image de force et de puissance, ph. B.M.

 

      Mais ceux qui ont adoubé le pachyderme qui hante nos rêves restent avant tout les artistes, les créateurs anonymes et populaires, naïfs, les enfants aussi qui adorent "croquer" les éléphants, et puis, au bout de la chaîne, ceux qu'on a appelés tour à tour inspirés du bord des routes, habitants-paysagistes ou créateurs d'environnements spontanés. Ces derniers en sèment très souvent dans leurs jardins, soit dans un recoin de l'espace dont ils disposent entre habitat et route, soit en majesté avec toute la lumière désirable braquée sur eux... Tant et si bien, que, dans le  volumineux livre que je vais faire paraître aux Editions du Sandre en octobre prochain, intitulé de façon cohérente Le Gazouillis des Eléphants, qui est une tentative d'inventaire des environnements populaires spontanés d'hier et aujourd'hui en France (voir projet de couverture  actuel ci-contre), je suis souvent amené à publier de nombreux exemples de cette étrange mascotte des inspirés.

 

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       L'éléphant qui gazouille, formule démarquée d'une stèle installée dans la "Seigneurie de la Mare au Poivre" d'Alexis Le Breton à Locqueltas dans le Morbihan, y servira de virgule visuelle, et de métaphore programmatique du propos de l'ouvrage : une défense et illustration de l'imaginaire gracieux des plébéiens bien souvent perçus et méprisés par l'intelligentsia comme des lourdauds et des bourrins de l'art...

Eléphant, (copie) Coli, 2011.jpgDessin d'enfant d'environ 7 ans, 2011.

Idriss Bigou 1.jpg

Dessin d'Idriss Bigou, un éléphant dont la trompe ressemble à une paille...

 

Marionnette à fil africaine, un éléphant, coll Veyret.JPG

Marionnette à fil africaine, coll. Joëlle et Jean Veyret, ph.B.M., 2016.

 

Cyrille Augeard, art de la Passerelle, les éléphants, feutres, 45x32, 2012.JPG

Cyrille Augeard, Les éléphants, feutres sur papier, 32x45 cm, 2012,  atelier La Passerelle, Cherbourg.

 

Eléphant (2), décor de Guimonneau,vase aux chinois, la reine bérengère.jpg

Un éléphant représenté sur un vase "aux Chinois", dû à l'artisan Pierre-Innocent Guimonneau de La Forterie, vers 1786,  musée de la Reine Bérengère, Le Mans, ph.B.M.

 

Bertholle-Saynète-éléphant-.jpg

Jean Bertholle, silhouettes en tôle découpée et peinte, montées sur girouette, parc de la Fabuloserie, ph.B.M., 2011.

 

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Eléphant (détouré) du Facteur Cheval, couloir intérieur du Palais Idéal, Hauterives (Drôme), ph.B.M., 2011.

 

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Morris Hirschfield, éléphanteau avec jeune garçon, env. 44 x 22 cm, 1943.

 

Elephant-Hardy.jpg

Chez André Hardy, outre une baleine bleue, et divers autres bestiaux, il y avait ce magnifique pachyderme à l'œil extatique, ph.B.M., 2010.

 

Elephants-fontaine-Cleon-d'.jpg

Anonyme, éléphants de la fontaine à Cléon d'Andran (Drôme), ph. B.M., 1994.

 

Fernand et Marie-Louise (2), par Prévost, années 70.jpg

Marie-Louise et Fernand Chatelain (Fyé, Sarthe) posant devant l'objectif de Clovis Prévost ; derrière on reconnaît les éléphants de la fontaine de Chambéry, celle des "4-100-Q".

fontaine des éléphants chambéry, un éléphant.JPG

L'éléphant de la fontaine de Chambéry, en effet dépourvu d'arrière-train...

 

      Quelquefois, c'est la nuit qu'ils surgissent, travestis en buissons, et arpentant la ville comme des fantômes...

éléphants ptêt londoniens, transmis par julia curiel.png

Art topiaire à Londres en nocturne, photo sans référence transmise par Julia (merci à elle).

    

      Même sur les sablières des églises bretonnes, il arrive qu'on en rencontre...

Sablière-chapelle-St-Pierre.jpg

Sablière d'une chapelle Saint-Pierre (pas plus de référence...).

 

     Le "yarn bombing" (si je ne me trompe pas d'orthographe), cet enrobage de formes en plein air (mobilier urbain, troncs d'arbre...) par d'habilles mains tricoteuses, s'en prend aussi aux pachydermes...

Yarn_bombing_aviles_spain_2012.jpg

Yarn bombing en Espagne, pas plus de références...

 

     L'homme, à l'évidence, entretient un rapport fusionnel à l'éléphant, qu'on en juge avec cette statue funéraire consacrée à un dompteur et à un dompté :

Tombe de dompteur-dresseur, (2) cim Méza Kapi, Riga, ph André Chabot.jpg

Tombe d'un dresseur-dompteur au cimetière de Méza Kapi, Riga, ph André Chabot.

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Et un éléphant par Yves d'Anglefort, qui se dit "artiste d'art brut" (dans son cas, le terme paraît coller) ; 32x41 cm, technique mixte sur Canson, coll. privée, Grenoble.

 

    Les éléphants sont innombrables. Il faut bien conclure (provisoirement? La suite du feuilleton se proposera-t-elle au prochain anniversaire décennal ?). En attendant cet hypothétique et beau jour, voici un enregistrement où nos héros ne gazouillent pas vraiment... (capté à la Fondation Cartier, enregistrements de Bernie Krause) :


podcast

    Et encore, un cadeau en sus, la reproduction d'une carte postale peu connue (je ne pense pas que les autres amateurs cartophiles, collectionnant les autodidactes inspirés, à supposer qu'ils la connaissent, l'aient mise quelque part en ligne...) :

Winter Duerec (2), sculpteur sur sable, vue redressée.jpg

L'auteur de ces sculptures sur sable paraît se nommer Winter Duerec (ou Duérée? Ou bien, peut-être plus probablement Querée? Voir ci-dessous dans les commentaires l'hypothèse de Régis Gayraud) : "Artiste autodidacte, modeleur de bêtes sauvages Attention à la nouveauté", est-il proclamé sur la banderole tendue derrière la scène sculptée ; Winter Querée est sans doute l'homme accroupi au centre des animaux féroces (au moins trois félins avec un éléphant, un homme étant sur le point de se faire dévorer...).


 

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Info-Miettes (28)

     Et voici un nouveau bouquet, ou plutôt panier, d'Info-miettes, qui suggèrent quelques pistes de voyage pour cet été aux uns et aux autres, mais aussi quelques idées pour rester résolument sédentaires à l'abri des flux touristiques...

 

Darnish exposé au Petit Casino d'Ailleurs

darnish, petit casino d'ailleurs, architectures babéliennes, maquettes, collages, cinéma     Le vernissage aura lieu le 26 juin. Darnish  expose, dans cet espace, situé à Ault dans la Somme (tout près de chez Caroline Dahyot), ses constructions babéliennes constituées de fragments de photos extraites de magazines, de peinture, de collage de papiers divers  dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog (voir ci-contre ce que Darnish intitule un "volume sans titre", hauteur 80 cm). Certaines d'entre elles se présentant comme des décors pour des éléments isolés, des silhouettes d'hommes ou de femmes comme évadés d'un film hollywoodien, ou bien réaliste poétique français, pour être projetés dans un monde souvent désert, infiniment plus kafkaïen (voir ci-dessous un bâtiment où apparaît le personnage joué par Bourvil apparemment dans La traversée de Paris)...

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Exposition "tout l'été", ouverte principalement le mercredi matin, les week-end, ou sur RDV au 06 08 37 90 97

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Roberta Trapani soutient une thèse à Paris: "Patrimoines irréguliers en France et en  Italie. Origines, artification, regard contemporain "

     Roberta Trapani appartient au CrAB (Collectif de recherche en Art Brut) et s'intéresse depuis plusieurs années aux environnements spontanés, sans se limiter, comme moi, aux créateurs populaires, mais en débordant vers un questionnement des possibilités d'un habitat autre, envisagé par les habitants ayant une conception inventive de l'architecture et de l'environnement. Elle a ainsi réalisé une thèse sur le sujet (menée sous la codirection de Fabrice Flahutez (Université de Paris-Ouest Nanterre La Défense) et d'Eva di Stefano (Università degli Studi di Palermo), avec qui elle collabore aussi régulièrement dans l'édition de la revue italienne OOA, sur l'art outsider). Elle s'apprête à la soutenir bientôt (pas Eva di Stefano, mais sa thèse...).

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      Cette soutenance, ouverte au public, aura lieu le mardi 28 juin prochain à l'Institut national d'histoire de l'art à 14h30 (INHA, Paris, 2 rue Vivienne, salle Fabri-de-Pereisc, rez-de-chaussée).

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Un passionné d'allumettes, Bernard Beynat, au musée du Veinazès

     Ce petit musée privé, dont j'ai déjà parlé aussi, notamment à propos du créateur d'un environnement nommé René Delrieu, dont des œuvres ont été abritées et protégées de l'anéantissement par ce musée, se trouve dans le Cantal non loin d'Aurillac.darnish,petit casino d'ailleurs,architectures babéliennes,maquettes,collages,cinéma,bernard beynat,musée du veinazès,architecture alternative,roberta trapani,soutenances de thèse,osservatorio outsider art,environnements spontanés,inha,crab Ses animateurs essayent d'enrichir ses collections, à partir de découvertes opérées semble-t-il la plupart du temps dans la région. Leur expo d'été (en lien le dossier de presse avec tous les renseignements pratiques pour venir au musée), intitulée "L'extraordinaire épopée d'un peuple d'allumettes", présente cette fois Bernard Beynat, un passionné de maquettes et de figurines en allumettes assemblées et mises en couleur.darnish,petit casino d'ailleurs,architectures babéliennes,maquettes,collages,cinéma,bernard beynat,musée du veinazès,architecture alternative,roberta trapani,soutenances de thèse,osservatorio outsider art,environnements spontanés,inha,crab On est, semble-t-il, dans l'exploit, le tour de force, l'habileté manuelle. Le personnage est épris d'Histoire et de monuments. il n'a pas hésité à déborder dans son jardin pour réaliser un village miniaturisé auquel il n'hésite pas à mêler des bâtiments inspirés de la Rome antique ou de l'Asie.

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 Pétition de soutien au maintien de l'émission de Philippe Meyer sur la chanson française sur France-Inter

     Au nombre de mes intérêts, je compte la chanson littéraire, poétique ou insolite francophone, qui, comme les cartes postales en matière de médium photographique populaire, est un vecteur de masse de la poésie pour le plus grand nombre. Il y a peu d'émissions de qualité je trouve sur la chanson dite  "à texte". Celle de Philippe Meyer, "La prochaine fois, je vous le chanterai", qui existe depuis 2002, hebdomadaire (tous les samedis à midi), en est une. Elle est actuellement menacée pour des raisons obscures (l'animateur de l'émission ne peut être, paraît-il, à la fois sur France-Culture et sur France-Inter ; il y a bien sûr une autre raison moins avouable). On m'invite à signer la pétition qui circule actuellement sur le site Mes opinions.com. Je l'ai fait ce matin, à vous de voir si vous voulez en faire autant.

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Claude Massé au Musée de la Création Franche cet été

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Joseph Sagués, donation Claude Massé (dans la collection permanente du Musée de la Création Franche), photo Bruno Montpied, 2009

Expo "Patots et autres de l'art", du 24 juin au 4 septembre, au Musée de la création franche à Bègles. "L'inauguration, le vendredi 24 juin à 18h au musée, sera précédée d'une rencontre, le "Grand partage de la Création Franche", autour du livre que lui consacre Serge Bonnery, Claude Massé l'Homme liège (éditions Trabucaire), à la Bibliothèque de Bègles le vendredi 24 juin à 16h30. Ce rendez-vous sera suivi d'une séance de signature."

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Exposition de Jean-Louis Bigou, artiste et pas seulement découvreur de talents immédiats

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Et toujours à Villeneuve-les-Genêts, l'expo de mes photos d'après des environnements spontanés...

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Café "Chez M'an Jeanne et Petit-Pierre", sans M'an Jeanne et Petit Pierre, mais avec d'autres inspirés ; vue de l'expo de photos de Bruno Montpied dans l'ancienne salle de bal de ce café de village réaffecté grâce à l'action de l'association Puys'art animée par Fabienne Clautiaux, ph. B.M., 28 mai 2016

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Alain Bouillet expose sa collection dans le Rouergue: "De l'humaine condition"...

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Très bonne collection d'art brut au sens orthodoxe du terme (des non artistes, des créateurs s'exprimant en dehors de tout souci d'être reconnus, pour eux-mêmes avant tout, en quêtant peut-être à travers une telle pratique un réconfort, un sursis existentiel, un enchantement dans leur vie...), que celle d'Alain Bouillet, qui l'a déjà montrée l'année dernière à Bages, et qui en a tiré un excellent catalogue où il raconte ses découvertes

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"Les unes et les autres" au Musée Singer-Polignac à Ste-Anne, derniers jours

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La vie dans un tonneau

      J'aime bien ce conte du tonneau magique que racontait à l'occasion ce grand diseur qu'est Michel Hindenoch. Lorsqu'on laissait tomber quelque objet que ce soit à l'intérieur, cette chose s'y multipliait jusqu'à ras bord pour le bonheur, ou le malheur, de celui qui l'y avait jeté...

     Ici, essayons plutôt le bonheur (quoique... Voir Garou plus bas...).

Pépé-Vignes,-(Joseph, dit Pépé, Vignes),-tonneau, crayons de couleur, 1976 (2).jpg

Joseph "Pépé" Vignes, sans titre, crayons de couleur et graphite sur papier, 24 x 32 cm, 1976, coll. et ph. Bruno Montpied

     J'ai mis en ligne, je crois, au moins une fois déjà, ce dessin aux crayons de couleur de Pépé Vignes montrant un tonneau figuré à la fois de face et de profil, ressemblant à un chalet suisse. Tonneau (foudre plutôt) qui repose sur un accordéon, comme me l'a signalé autrefois monsieur de Belvert à la suite de ma première note sur ce dessin.

rue Pépé Vignes.jpg     Cette rencontre de piano à bretelles avec un tonneau résume en grande partie la vie de l'auteur du dessin, Pépé Vignes, que l'on n'a pas oublié dans sa bonne ville d'Elne (Catalogne française) puisqu'une rue porte son nom, comme nous l'a signalé naguère un commentateur de la note citée ci-dessus signant "Illibérien" (habitant d'Elne ; voir sa photo ci-contre). Joseph Vignes, fils et frère de tonneliers, lorsqu'il était enfant, dormait, contraint et forcé, dans un des tonneaux de l'entreprise familiale. Et l'accordéon était l'instrument favori de Vignes, dont il jouait pour animer nombre de fêtes et de bals dans sa région, en dépit des imbéciles qui se moquaient de lui en raison de sa simplicité ("Illibérien" - qui signe aussi, dans les courriels que j'ai échangés avec lui, "Jean de la Lune" - dit qu'il était "retardé ; un Espagnol aurait dit qu'il lui manquait un quart d'heure..."). Photo ci-contre: Pépé Vignes par Mario Del Curto (très myope, Vignes dessinait au ras de sa feuille... Peut-on être plus immédiat que cela en matière de dessin?tonneaux,habitats dans des tonneaux,architecture insolite,abris insolites,foudre,tonnellerie,joseph pépé vignes,art brut,rue pépé vignes,accordéon

     Voici quelques souvenirs de Jean de la Lune, l'Illibérien qui connut Pépé Vignes en 1960 (Vignes avait alors 40 ans, et notre Illibérien en avait 16):

     "Je vais vous dire qui était Pépé. Fils de tonneliers auvergnats installés à Elne, avenue du Général de Gaulle, Jo est  le mal-aimé de la famille.  Il n'a pas toute sa tête, il  ne fait rien, ne sert  à rien (c’est un peu un être inutile). Les Vignes,  c'est une famille nombreuse. Ils vivent non pas dans une maison, mais dans une sorte de hangar qui fonctionne comme un tout, atelier ou maison. Le papa  tient la tonnellerie avec un des fils. Il y aussi  deux  filles. Jo est l'aîné, il est né en 1920 − lorsque j'ai bien connu Jo, j'étais adolescent − lui avait 40 ans et moi 16 [nous sommes alors, donc, en 1960]. Dans tous les bals où Jo allait, il y avait ces imbéciles qui lui empoisonnaient la vie  − lui ne disait jamais rien, il était gentil. Des fois, il venait au bal avec son accordéon et en bon fils d 'Auvergnat, il aimait la bourrée. Les malfaisants lui faisaient jouer de l'accordéon et danser la bourrée à n'en plus finir. Mais comprenez qu'à la fin, ça devenait lassant de se retrouver avec la même bande de lourdauds qui empoisonnaient ce brave garçon. Pour ce qui est du tonneau dans la cour − je revois leur image encore en vous écrivant (c'est le chemin de l'école, je les voyais quatre fois par jour) − il y avait cinq ou six énormes tonneaux  −des foudres  énormes− et dans l'un d’eux, Jo dormait. C'était sa chambre à coucher ! Hiver comme été ce brave Jo dormait là ! Vous comprendrez maintenant que le dessin de son chalet prenne la forme d'un tonneau." (Jean de la Lune) 

     Cela m'est revenu lorsque j'ai eu envie de rassembler pour les besoins de la note présente quelques images ayant pour point commun le tonneau vu comme un habitat (si l'on peut dire cela pour le cas qui suit immédiatement).

    La seconde occurrence où figure un tonneau, elle aussi a déjà fait l'objet d'une note précédemment. Mais, dans une autre note qui se veut rassemblement et anthologie d'habitats-tonneaux, cela prend un sens élargi.

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Tombe de Léonce Chabernaud, Rochechouart, photo (carte postale) Jacques Thibault

     Pour ceux qui n'auraient pas lu les commentaires croisés de "l'Aigre de mots" et de "Pierre-Jean", publiés à la suite de la note donnée en lien ci-dessus, cette tombe représente le wagon-foudre d'un négociant en vins, anticlérical au point d'avoir voulu se faire enterrer sous un symbole qui moquerait les bigots de tous poils dans sa région et au-delà. Et il faut dire que cette sépulture de ce point de vue ne manqua pas sa cible... De plus, elle appelle par analogie d'autres coutumes funéraires pratiquées dans des cultures a priori bien éloignées des nôtres, comme cette coutume au Ghana dans l'ethnie Ga qui consiste à fabriquer des cercueils en forme d'objets ou d'animaux ayant eu un rapport avec la vie du défunt. J'en ai également déjà parlé.

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Extrait de Massif Central magazine, années 1990

     Revenons à nos tonneaux, cela dit. Non loin de l'Auvergne, dans le Velay, au sein d'une forêt entourant le magique lac du Bouchet, cachant la bouche d'un volcan, vivait autrefois un certain Pierre Brun, dit communément "Garou", homme à tout faire dans cette campagne du Bouchet-Saint-Nicolas. Pauvre d'entre les pauvres, il habitait un tonneau transformé en abri, avec un toit de zinc, une porte et une fenêtre, foudre de "500 hectolitres" que lui avait cédé par troc son marchand de vins favori du Bouchet. Il y survivait tant bien que mal, creusant les trous des morts au cimetière communal, éclusant pas mal de chopines. Il habitait ainsi le logement idoine, étant donné son occupation favorite... Un hasard pathétique voulut qu'en 1971, il termine sa vie en se noyant dans le lac voisin, buvant plus d'eau qu'il n'en avait jamais absorbé sa vie durant. S'il a disparu, il semble bien qu'en revanche son foudre soit toujours debout, abri de fortune pour les promeneurs de passage.

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L'abri de Garou, encore debout dans les années 1990... Photo Luc Olivier, Massif Central magazine

 

     L'idée d'un habitat conçu à partir d'un tonneau, même si elle renvoie souvent au mythe du célèbre Diogène, n'a pas eu à ma connaissance (qui reste tout de même fort limitée en ce domaine) d'applications nombreuses à notre époque si l'on excepte des applications d'ordre publicitaire. Voici deux exemples au moins, relevés en France. L'un, repéré en 2010 à Batz-sur-Mer, montre un stand de vente de vins de Bordeaux, logiquement installé dans un foudre.

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Batz-sur-Mer, ph. Bruno Montpied, 2010

    Le second a été rencontré ces jours-ci par notre correspondant spécial à Clermont-Ferrand, Régis Gayraud, sur la place de Jaude. Là encore, on a affaire à un marchand de vins, mais cette fois son stand est à "roulettes".

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Cette camionnette originale est un vestige de la caravane publicitaire du Tour de France 1952, ph. Régis Gayraud, 2016

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Voici la camionnette originale parée aux couleurs de Byrrh... 

      Alors, certes, certains esprits chagrins pourraient nous rétorquer que ce ne sont là que constructions au service du commerce, mais nous pourrons toujours leur répondre qu'en dépit de cela, continue de passer un message poétique, exploité à des fins de négoce bien sûr, mais toujours présent, concrètement prouvé. 

 

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