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26/06/2009

La Mami Wata de Cyprien Tokoudagba

     Ces histoires de sirènes africaines, les Mami Wata, m'ont fait oublier je ne sais pourquoi de parler d'un bel ouvrage édité par la Fondation Zinsou au Bénin (l'ancien Dahomey) au sujet de cet extraordinaire artiste nommé Cyprien Tokoudagba, que j'apprécie énormément, surtout depuis une exposition qui s'était tenue à l'Institut du Monde Arabe en 1994, Rencontres Africaines, où ses tableaux gigantesques montrant des figures isolées sur fond blanc, manifestement inspirées des cultes vodoun, figures d'une grande audace picturale, m'avaient littéralement sidéré. Certes, en France, le travail de Tokoudagba avait  déjà surtout été révélé par la remarquable exposition des Magiciens de la Terre (organisée en même temps à la Villette et au Centre Beaubourg en 1989). A l'époque dans la foule de créateurs venus des quatre coins du monde pour les besoins de cette exposition fondatrice, j'avais surtout remarqué d'autres créateurs africains, en particulier Bruly Bouabré ou Bodys Isek Kinghelez, mieux mis en scène sans doute.

Couverture du livre sur Cyprien Tokoudagba édité par la Fondation Zinsou, 2006.jpg

      Dahomey, Rois et dieux, Cyprien Tokoudagba, tel est le titre de cet ouvrage (bilingue anglais-français) que j'ai trouvé sur un stand dédié à la culture béninoise tel qu'on pouvait en voir un peu en marge de l'immense espace du Salon du Livre en mars dernier. Il parut à l'occasion d'une expo du même titre consacrée à l'artiste à Cotonou à la même Fondation Zinsou en 2006. Or, ce livre en plus du fait qu'il permet d'en apprendre davantage sur Tokoudagba (à lire l'éclairant texte de Joëlle Busca en particulier), nous met en contact avec une autre version de la Mami Wata, cette fois concocté par notre artiste béninois.

Cyprien Tokoudagba,Mami Wata, Extrait du catalogue de la Fondation Zinsou, 2006.jpg
Mamiwata, Acrylique sur toile, 154x98cm

      A côté de sa reproduction, une notice donne de précieux renseignements sur la "sirène" en question, en réalité une déesse, un "génie de la mer": "Elle habite les profondeurs de la mer et commande à des myriades d'ondines. Souvent elle se présente sous les traits d'une très belle femme lorsqu'on l'invoque surtout au bord de la mer. Elle est détentrice de beaucoup de richesses (argent, bijou, or...) convoitées par les humains à qui elle les dispense (...). Elle s'entoure de serpents qu'elle enroule autour d'elle. Son culte est assez répandu. En tant qu'esprit, elle peut prendre la forme qu'elle veut, tel ici un personnage visiblement masculin à trois têtes..." Elle peut "prendre la forme qu'elle veut"... On ne saurait mieux dire... Au vu de toutes les reproductions de Mami Wata en circulation (voir ma note du 9 novembre 2008 ), on s'en convainc aisément. Dans le même livre, on trouve aussi, entre autres images magnifiques, une toile représentant le dieu Gou, du fer et de la guerre (c'est le même qu'Ogun, une sorte "d'homologue du dieu Mars de la mythologie latine", dit le catalogue), c'est une image géniale, hallucinée...

Cyprien Tokoudagba, Dieu Gou, extrait du catalogue de la Fondation Zinsou, 2006.jpg
Gou, acrylique sur toile, 195x102cm

 

 

Commentaires

Si je comprends bien, à regarder l'illustration du milieu (la Mamiwata rouge, au visage assez hommasse) un sciapode mamiwatesque à trois têtes a deux pieds. On pourrait croire qu'un sciapode à une tête ayant un pied, un sciapode à trois têtes ait trois pieds. Donc, l'algorythme est différent. Mais alors quid d'un sciapode à deux têtes? Un pied et demi? Pas deux pieds, en tout cas. Tout cela devient terriblement palpitant.
Régis Gayraud

Écrit par : régis gayraud | 26/06/2009

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Votre récent commentaire me fait vous imaginer vautré devant votre ordinateur quelque bouteille de Suze ou d'Avèze (Ah... Vèse toujours!) à portée de la main, bien entamée, car vos propos montrent une attention fort relâchée vis-à-vis de la Mami Wata à qui vous trouvez des têtes d'hommasse (à juste titre puisque cette Mami Wata est masculine, vous n'avez pas lu ma note jusqu'au bout). Une Mami Wata (je le re-dis donc...) est une sirène, un esprit des eaux, qui en Afrique peut prendre des aspects non réductibles à la sirène à queue de poisson qui s'est imposée en Europe de l'Ouest, je dis bien "imposée", à partir du XVe siècle (si l'on suit M. Vic de Donder). Rien à voir avec un sciapode à trois têtes donc, ici. Lâchez la bouteille, M. Gayraud.
Mais je sais bien que c'était votre passion déraisonnable pour les mots d'esprit qui vous guidait pour l'occasion.
Je reviens à mes sirènes cette fois européennes. Dans le voyage de St-Brendan (texte irlandais il me semble, XIVe ou XVe siècle), apparaît une sirène, et les bestiaires du Moyen-Age, dans les églises (dès le VIIIe siècle en Italie par exemple) en montrent avec leurs queues de poisson. Toujours au VIIIe siècle, un moine anglais, Aldhelm de Malmesbury, dans un ouvrage sur les monstres, propose une nouvelle version des sirènes, avec une queue de poisson. Vic de Donder, dans "Le chant de la sirène" (Découvertes Gallimard que j'ai potassé...), signale que peut-être ce moine qui était allé à Rome s'était inspiré d'une représentation du monstre Scylla (le même de la légende de Charybde et Scylla, rochers géographiquement proches par ailleurs du lieu où les sirènes ailées cherchent à envoûter Ulysse et ses compagnons?) avait confondu sirènes et ce Scylla (qui avait un buste de vierge et une queue de dauphin).
Autre hypothèse, qui mérite selon moi d'être prise plus au sérieux, le même moine a pu s'inspirer de légendes celtiques irlandaises où figuraient des sirènes "poissonneuses", légendes existantes dès le VIe siècle...
Si vos Slaves voient des sirènes ailées dans les eaux des mers, il ne faut donc pas non plus oublier la piste celtique....

Écrit par : Le sciapode | 27/06/2009

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Personnage masculin, voire... "Visiblement masculin" nuance judicieusement la notice, (ce qui veut dire moins), que j'avais bien lue, comme votre note, jusqu'au bout du bout, mon cher. Mais si l'on fait fi de la notice et qu'on regarde par soi-même, en toute indépendance, ce petit dessin (qui entre nous ne vaut peut-être pas tous ces commentaires) force est de dire que l'on n'en sait rien, si c'est un homme ou une femme. Personnage ambigu, ambivalent, assez androgyne, en fait, et vêtu d'une combinaison orange, moulante mais qui ne moule pas grand chose (si vous voyez ce que je veux dire), glabre de surcroît, mais avec suffisamment de cheveux longs pour les chignonner sous un tissu tirebouchonné (tel qu'on en voit plutôt sur des têtes féminines, vous ne croyez pas?); et puis cette poitrine, elle ressemble à celle des hommes qui ont de la poitrine, mais aussi à celles de certaines femmes sur le retour d'âge. Sacré déséquilibre hormonal, en tout cas, avec ce ventre mou d'après grossesses à répétition. Ce qui nous ramène quand même à la mamiwata originelle, qui, si j'ai bien compris, a quelque chose avec la fécondité. Une mami wata sur le retour d'âge, qui finira bientôt avec de la barbe et un air de papi wata.
Et puis, dis donc, Monsieur je sais tout (comme on dit chez Vagula), c'est pas très malin de confondre Suze et Avèze! Je vous l'ai déjà dit : jamais de Suze, mon vieux, jamais de Suze! C'est bon pour les Auvergnats de Parisiens, ça. De l'Avèze, de la Salers, ou à la rigueur de la Couderc. C'est compris?
Régis Gayraud

Écrit par : régis gayraud | 01/07/2009

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Suze ou Avèze?
Mais je suis un Auvergnat de Paris... Tandis que vous êtes plutôt un Parisien d'Auvergne, ce qui explique peut-être cette surenchére dans le purisme gentianesque...
Retour sur la Mami-Papi Wata. Effectivement, elle-il a un aspect ambivalent, à la fois homme et femme, ou ni l'un ni l'autre. Son sexe, comme celui des anges, n'est pas montré, et donc peut très bien ne pas exister. Nous sommes chez les esprits qui n'ont pas forcément de sexualité, si?
Ce personnage est simplement nu, où voyez-vous une combinaison orange moulante? Vos critères de réalisme appliqués à une peinture qui représente quelque chose de peu réaliste me paraissent inopérants ici. C'est comme le "chignon" que vous croyez percevoir au sommet des crânes... Ce sont des serpents entortillés en spirale en réalité. Ce qui renvoie du haut des corps vers leur bas où est un autre serpent avec lequel il(s) semble(nt) sauter à la corde...
Enfin, je ne suis pas d'accord avec vous sur la qualité de cette image. Elle mérite bien tous nos commentaires, en apparence simple et en fait complexe (le contraste des deux signe généralement une oeuvre de haute volée). Il y a là un art de toute première valeur que je place très haut. L'iconographie de Cyprien Tokoudagba me fascine absolument. Voilà enfin du nouveau.

Écrit par : Le sciapode | 04/07/2009

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merci pour ce blog , que je vais mettre en lien sur le mien , j'ai repris les pinceaux il y a deux ans , après 25 années sans y toucher , et donc je collectionne les sites pour voir ce qui se fait aujourd'hui , car je ne sais ou me situer avec mon travail , étant autodidacte , et tres curieux ;

amicalement

gari

Écrit par : gari | 03/09/2009

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