03/05/2022
"Trouvé sur le bord", la collection de Pavel Konečný vient faire un tour à Paris
Couverture du dépliant édité à l'occasion de l'exposition, avec un texte de présentation de Terezie Zemánková (pas très bien traduit) et une mini bio de Pavel Konečný.
Jusqu'au 5 juin, les amateurs d'art brut et d'art naïf tchèques (version populaire), passant par Paris et sa rive gauche, ou y résidant, pourront aller au Centre culturel tchèque qui se trouve rue Bonaparte, à deux pas de l'Ecole des Beaux-Arts, dans le VIe arrondissement, admirer de fort belles pièces prêtées par le collectionneur et ancien directeur du théâtre musical d'Olomouc, Pavel Konečný. C'est une petite sélection bien entendu, mais fort alléchante, que l'on peut voir actuellement au premier étage de ce Centre (le rez-de-chaussée étant occupé par une petite exposition de la galerie Arthur Borgnis, plus centrée sur des œuvres d'art brut tchèque, en deux dimensions, plus particulièrement dominée par des créateurs médiumniques, tels que Pecka ou Havlicek).
Vue de la moitié de la salle consacrée à la sélection d'œuvres de la collection Konečný, ph. Bruno Montpied, 2022 ; dans le fond à gauche on aperçoit La Reine des eaux.
Václáv Beránek, La Reine des eaux, 1972, ph. B.M., 2022 ; c'est la représentation d'un naufrage et de l'accueil rendu par les sirènes aux noyés, tandis que les survivants s'éloignent en barque en haut à droite...
La totalité de la collection de Konečný comprenant 700 pièces, il n'était évidemment pas possible d'envisager autre chose à Paris, dans le petit espace disponible au centre culturel tchèque, qu'en extraire une petite sélection. Cette dernière est illuminée par la présentation en majesté de la très grande toile de Václav Beránek, La Reine des eaux (1972). Celui-ci est un artiste que mes lecteurs ont pu déjà rencontrer sur ce blog, grâce à la note en deux parties, due à Emmanuel Boussuge, qui s'évertuait à nous présenter au mieux l'artiste en question, peu connu de ce côté de l'Europe (comme tant d'autres artistes des pays d'Europe centrale ou de l'Est appartenant pourtant autant à ce continent que ceux de l'Ouest), alors qu'il est très attachant, illustrant à merveille un art naïf de type onirique et visionnaire.
Tableau de Václáv Beránek, de 1981, un qui n'était pas dans la note du blog citée plus haut... Ph. B.M., 2022.
Autre partie de la salle d'exposition, avec une table au premier plan supportant diverses sculptures d'auteurs multiples: Andrej Hankovský, Ján Hadnagy, Vincenc Jahn, etc.
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Jan Labuda, un couple, avec une femme l'épaule couronnée d'une chouette, ph. B.M., 2022.
C'est en effet tout le mérite de M. Konečný que de n'opérer aucune hiérarchisation – au rebours d'un Jean Dubuffet avec son art brut, selon lui plus mirifique que tout le reste de la créativité autodidacte – entre art brut, art naïf (de qualité onirique), et art populaire, n'hésitant pas non plus à y inclure des créations de plein air dues à des inspirés du bord des routes tchèques ou slovaques. De la figuration liée à la perception rétinienne, où entre pour beaucoup une distorsion due à l'interprétation subjective propre à chaque artiste, jusqu'au détachement presque complet, quasi "abstrait", d'un graphisme inventé, tel qu'Anna Zemankova, présente sur un mur de l'exposition, l'illustre parfaitement avec sa "botanique" parallèle, la collection de Pavel Konečný, commencée dès 1972, nous offre un bel éventail non orthodoxe de la créativité autodidacte.
Martin Sabaka, "habitant-paysagiste" slovaque à Východná, photo Alan Hyža, 2014.
Pavel Konečný édite toute une série de petits livres d'art consacrés à certains auteurs qui sont dans sa collection, ou pas ; il est également l'auteur d'un Atlas de l'art spontané que je n'ai hélas pas pu consulter (on trouve cependant sur le net le sommaire, et l'on peut ainsi constater qu'on y parle de Vaclav Levy que mon blog a déjà évoqué, en 2007, soit dès la première année de création de ce blog...)
A signaler qu'il est également l'organisateur depuis quelques années (depuis 2012 exactement) d'un festival de films autour de l'art brut basé à Olomouc (une sorte de festival analogue à celui qu'organise l'association Hors-Champ à Nice à la fin du mois de mai – voir ici pour le programme de cette année), où il vit, où fut projeté il y a quelque temps le film Bricoleurs de paradis que j'ai écrit avec Remy Ricordeau. Autre information du reste, puisque l'occasion se présente de parler de ce dernier, notre film est à présent disponible en entier, gratuitement sur Youtube: https://youtu.be/8nNcORjRUZA ; à noter que le film commence aléatoirement – en tout cas pas au début réel du film –, mais il est possible de déplacer le curseur en remontant à son véritable départ heureusement).
17:50 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Art visionnaire, Cinéma et arts (notamment populaires), Sirènes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut tchèque, pavel konečný, václav beránek, centre culturel tchèque, trouvé sur le bord, art naïf tchèque, sirènes, cinéma et arts populaires, hors-champ, olomouc, andrej hankovský, ján hadnagy, vincenc jahn, jan labuda, terezie zemánková | Imprimer
29/08/2020
"Le Génie des Modestes" au Centre Emmaüs d'Esteville, avec votre serviteur
On peut s'amuser à comprendre ce terme, "le génie des modestes", comme un jeu qui consisterait à repérer parmi les cinq artistes sélectionnés par Martine Lusardy pour le Centre Emmaüs d'Esteville, au nord de Rouen, le génie en question...! Car la formule est - involontairement - ambivalente... Alors qu'en réalité, il s'agit de présenter une sélection de créatifs modestes... ne disons pas "humbles", parce qu'au moins deux d'entre eux ne le sont guère (je vous laisse deviner lesquels). "Modestes", terme que l'on pourrait aussi interpréter comme légèrement réducteur, si on ne le prenait pas plutôt comme l'indice d'une sincérité dans l'acte de création.
Les flyers, les communiqués de presse, du fait du report des dates de l'expo, sont devenus caducs, car pas réimprimables à volonté...
Cette manifestation, prévue initialement du 1er avril au 30 juin 2020, a été reportée à des temps moins difficiles en terme de visite d'exposition, soit du 1er septembre au 15 novembre 2020 prochains (ouverte tous les jours de 10h à 18h). Elle présente les œuvres de Pierre Caran, Guy Colman Hercovitch, Demin, Namithalie Mendés et Bruno Montpied (votre serviteur).
Pierre Caran, L'homme visionnaire, 30 x 24 cm, 2006, ph. et coll. Bruno Montpied.
Pierre Caran, j'ai déjà eu l'occasion d'en parler à quelques reprises sur ce blog, Je renvoie donc les lecteurs à ces notes précédentes. Je ne connais pas le travail de Guy Colman dont je crois deviner cependant que comme certains nouveaux réalistes d'autrefois il aime les objets usés par le temps. Demin, j'ai aussi parlé de lui dans mes anciennes notes, lorsqu'il avait été exposé à la galerie d'Alain Dettinger à Lyon.
Demin, sans titre (une sirène), vers 2017, ph. Demin.
Namithalie Mendés, c'est une découverte de la librairie de la Halle Saint-Pierre où j'avais été frappé par ses dessins d'une grande ingénuité, ceux d'une enfant perpétuée à l'âge adulte en raison sans doute dans son cas d'une complexion psychologique particulière. Sa saga graphique (commencée à l'âge de dix ans et jamais interrompue depuis ; elle est née en 1994) raconte par séquences diverses sa vie réelle, et rêvée apparemment, manifestant un amour très profond de l'observation des autres êtres humains dont elle rapporte les dialogues dans d'innombrables bulles très vivantes. J'ajoute qu'elle ne veut pas laisser partir définitivement ses productions loin d'elle, car elle y est viscéralement attachée. De tous les créateurs ici exposés, elle est la seule à pouvoir entrer véritablement dans la catégorie de l'art brut.
Namithalie Mendés, deux dessins aux feutres et crayons sur papier, exposés à la librairie de la Halle Saint-Pierre du 1er au 30 juin 2019.
Quant à moi, je ne vais pas me présenter (à d'autres de le faire...), on peut toujours se reporter au photoblog que je tiens depuis 2013 en colonne de droite sur ce blog où j'égrène diverses productions de manière chronologique. Je dirai seulement que j'expose au Centre Emmaüs douze dessins, tous de mêmes dimensions (aux alentours de 32 x 24 cm, encadrés en 40 x 30 cm) dont celui ci-dessous. Ils sont tous disponibles à la vente.
Bruno Montpied, Le Samouraï échoué, technique mixte sur papier, 31 x 23 cm, 2019.
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ADRESSE: Centre abbé Pierre - Emmaüs. Lieu de mémoire, lieu de vie, Route d'Emmaüs - 76690 Esteville
tél : 02 35 23 87 76 - port : 06 28 27 65 04. www.centre-abbe-pierre-emmaus.org
L'exposition, organisée sous le commissariat de la Halle Saint-Pierre, est ouverte tous les jours de 10h à 18h.
00:39 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art singulier, Art visionnaire, Sirènes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : le génie des modestes, centre emmaüs d'esteville, halle saint-pierre, namithalie mendés, pierre caran, demin, bruno montpied, art brut, art singulier, art contemporain, sirènes | Imprimer
14/04/2020
De quelques durs à cuire
Joseph Donadello, du côté de Saiguèdes en Haute-Garonne – comme m'en a récemment prévenu une association, créée en 2019 par Alain Moreau à Villefranche-sur-Saône, "Art brut en compagnie" ("en" et non pas "et") – est toujours en forme. Une sirène est sortie récemment de ses mains de nonagénaire (il est né en 1927). Plusieurs de ses précédentes statues, cédées à divers collectionneurs, ont dû lui occasionner des vides insupportables dans son jardin de bord de route, et il a dû bien vite reprendre sa truelle et ses moules pour boucher les trous.
Joseph Donadello, Sirène aux poissons, photo Art brut en compagnie, 2020.
La même association poursuit en donnant des nouvelles d'un autre dur à cuire du même genre, que le Covid n'a pas touché : André Robillard (né en 1931, il aura 90 ans l'année prochaine), servi à domicile dans sa maison de l'Hôpital Daumézon du côté de Fleury-les-Aubrais, pour le protéger au mieux. Il dessine, il joue de l'accordéon, et avant midi s'accorde toujours un petit apéro. La vie est belle...
André Robillard dessinant sur son lit, au milieu de ses collections, photo Dominik Fusina, 2016.
D'autres créatifs sont – d'après Alain Moreau toujours – en bonne forme, comme André Pailloux, l'homme aux vire-vents de Vendée dont j'ai parlé à plusieurs reprises (j'ai fait un portrait écrit de lui dans un livre de François Jauvion à paraître bientôt, consacré à des portraits dessinés d'auteurs d'art brut et marginal), ou encore Guy Brunet, et Alain Genty, l'étonnant céramiste que la Fabuloserie a beaucoup aidé à faire connaître.
Alain Genty, une de ses terres vernissées (un dragon), coll. privée, ph. Bruno Montpied, 2013.
Cette association nouvelle, bâtie autour de la collection d'Alain Moreau, a des projets d'animation et d'exposition sur Villefranche, et cherche un lieu pérenne pour abriter son ensemble d'œuvres de 70 créateurs (chiffre actuel). Pour en savoir plus, on peut consulter le dépliant que je donne en lien (PDF), qui expose l'argument de l'association. On se souviendra peut-être que j'ai déjà parlé sur ce blog des entreprises d'Alain Moreau.
Autre créateur, cette fois en Vendée (au Pas Français, à La Flocellière), à donner lui aussi de ses nouvelles, par le truchement d'une messagerie électronique (aide de sa femme), Vivi Fortin, qui s'est constitué un petit musée de statuettes dans son garage et un peu dans son jardin. J'ai parlé de lui naguère. Il m'annonce avoir fait une nouvelle version d'un personnage qu'il m'avait cédé lors de mon passage l'année dernière. Cela s'intitule "Chacun de nous est un livre ouvert". Un homme est assis sa tête au bout des bras, tandis qu'un livre ouvert a pris la place de cette dernière sur son cou... Vivi (VI+VI, soit six + six en chiffres romains, ça donne VIVI) est, comme on le constatera, donc, toujours en pleine forme.
Vivi Fortin, Chacun de nous est un livre ouvert (première version), MAB peint, 19 x 11 x 7 cm, vers 2019 ; ph. et coll. B.M.
Vivi Fortin, deuxième version de Chacun de nous est un livre ouvert, collection de l'artiste, 2020.
00:30 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Photographie, Sirènes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut en compagnie, joseph donadello, sirènes, andré robillard, andré pailloux, alain genty, guy brunet, vivi fortin | Imprimer
08/12/2019
Václav Beránek, une présentation par Emmanuel Boussuge (2e partie)
On sait que les sirènes sont une des obsessions tenaces du tenancier de ce blog, qui est aussi fort féru de naufrages¹. La toile de Beránek pouvait donc se retrouver ici en pays familier, mais c’est bien sûr d’abord parce que Beránek lui-même mérite grand intérêt, alors qu’il est très méconnu en France, qu’il faut en parler.
Václav Beránek, La Reine des Eaux, (détail), 1972 (coll. et phot. Pavel Konečný).
C’est comme peintre naïf qu’il obtint une certaine reconnaissance à la fin des années soixante. C’était un naïf très original, dénué de la mièvrerie que l’on accole bien trop automatiquement à cette catégorie. L’Encyclopédie mondiale de l’Art naïf (Edita, 1984), dit de lui qu’il est un « des cinq plus fascinants peintres naïfs de la Tchécoslovaquie ».
Václav Beránek, femmes dans un paysage, œuvre reproduite dans l’Encyclopédie mondiale de l’art naïf (sous la direction d’Otto Bihalji-Mérin et Nebojša-Bato Tomašević).
D’autres publications polonaises ou tchèques lui ont consacré quelques pages². Ses œuvres ont été exposées à Montréal (1967), Brno (1968), Lugano (1969) ou Bratislava (1969), et la dernière exposition de son vivant eut lieu à Olomouc en 1981, organisé par Pavel Konečný. Quelques-unes de ses toiles ont été acquises par des musées ou institutions. Il faudra un jour se renseigner sur les œuvres que possède la galerie nationale slovaque de Bratislava ou le fonds Max Fourny en France.
Les six pièces conservées au musée de Bohême du nord à Litoměřice méritent le détour car elles sont tout à fait remarquables. Deux films lui ont encore été consacrés. Le premier, tout spécialement difficile à voir (mais on ne désespère pas), date de 1972. Réalisé par Eugen Šinko, il est consacré aux artistes cheminots³. L’autre, bien plus récent, a été tourné en 2006 par Antonín Jiráček. Il dure 13 minutes et c’est une mine de renseignements, avec notamment les témoignages de la femme et du fils du peintre.
À partir de ce film et des quelques notices qui lui ont été consacrées, on peut retracer la biographie de ce personnage vraiment très attachant.
Václav Beránek est né le 7 juillet 1915 dans une famille paysanne du tout petit village de Bezděkov, en Bohème orientale, le dernier d’une fratrie de quatre. Son père meurt alors que Beránek n’a que sept ans. La famille avait été jusque-là relativement prospère, mais l’incident la plonge dans une grande précarité. Les privations exposent le jeune Václav Beránek à une forme de rachitisme. Cependant, ses frères et sœurs, bien plus âgés que lui, prennent soin de l’enfant et il est le seul d’entre eux à faire des études prolongées au-delà de l’école primaire. Il acquiert d’abord une formation de menuisier, puis entre à l’École Technique de Hradec Králové. À la sortie de l’établissement, il est embauché dans les Chemins de fer tchèques.
D’abord employé à Prague, dans le quartier de Bubeneč, il déménage après la guerre dans un autre coin de la ville, aux ateliers de Nymburk, où il rencontre sa femme et se marie avec elle six mois plus tard. Le couple s’installe rapidement à Děčín, près de la frontière allemande. Le traitement d’une maladie de la thyroïde l’amène cependant à rentrer dans sa région natale, la Vysočina. Il travaille alors à Jihlava, puis à Havlíčkův Brod, où il prend sa retraite. En dehors de son travail, il consacre son temps à cultiver les arbres et les roses de son jardin. Il possède aussi dix ruches. Si la mécanique et les chemins de fer semblent n’avoir absolument aucun écho dans son œuvre, ce n’est pas le cas de ses hobbies favoris.
Václav Beránek s’est lancé dans la peinture lorsque ses collègues lui demandèrent de faire l’affiche et de fournir plusieurs lots colorés pour une tombola, ce qui me fait immanquablement penser au film si drôle et cruel de Miloš Forman, Au feu les pompiers!, qui date à peu près des mêmes années. Loin d’être une catastrophe comme au cinéma, le succès rencontré lors de ces réjouissances professionnelles encouragea Beránek à persévérer et, bientôt, il multiplia les peintures. D’abord sur des panneaux et non sur des toiles et sans utiliser de cadre. «Tout au moins cher», comme dit son fils.
Beránek devient alors un autodidacte à l’inspiration impérative. « Il peignait dans la cuisine pendant que je faisais à manger, dit sa femme. Quand il avait une idée en tête, il peignait toute la nuit jusqu'au matin. Il se réveillait même quelquefois pour rendre en urgence une idée venue pendant son sommeil. Ses plus grandes toiles pouvaient prendre absolument toute la place en travers de la cuisine. Certaines de ses peintures lui prenaient trois mois, mais il en avait toujours plusieurs en cours ».
Photo de Václav Beránek, transmise par P. Konečný.
Beránek ne vendait jamais ses toiles. Il les donnait volontiers en revanche. Il peignait beaucoup. Un jour, un collectionneur vint le voir qui voulait lui acheter plusieurs peintures mais, fidèle à sa ligne de conduite, Beránek préféra lui en donner une. Quand il apprit que le collectionneur l’avait ensuite revendue, il fut vert de colère. Cependant, quand il repassa le voir, il se contenta de lui proposer ses nouveaux travaux mais pour quelques millions de couronnes, sans ergoter une minute de plus avec ce malappris.
Beránek défendait un monde de générosité sans mélange, centré sur ses peintures, son jardin, ses ruches. Il donnait toutes ses productions avec immense plaisir, qu’il s’agisse de tisanes ou de créations picturales. Il ne buvait pas du tout mais n’en faisait pas moins un savoureux vin de cassis qu’il offrait à ses visiteurs.
C’était un peintre visionnaire qui n’imitait personne et ne peignait jamais sur le motif. C’était exclusivement un peintre d’intérieur. Il utilisait toutefois une documentation pour peindre les animaux ou bien sûr les villes où il n’était jamais allé.
Il devint relativement connu mais ne changea jamais de manière de peindre. Certains le pressaient d’apporter telle ou telle modification mais il leur répondait : «Si un jour vous peignez, vous ferez les choses à votre manière. Moi, je les fais à la mienne ».
Beaucoup de gens venaient le voir. Le plus célèbre de ces visiteurs est le peintre Jan Zrzavý (1890-1977), un peintre inclassable, à l’inspiration extrêmement originale, très injustement méconnu en dehors de son pays. Zrzavý avait rencontré son collègue autodidacte en voisin et il prit l’habitude de le visiter une ou deux fois par an.
Son fils garde une image radieuse de son père, un homme sans détestation, sans colère, un père qui ne donnait jamais de punition.
Les choses se passaient cependant quelquefois plus rudement avec sa femme, qui n’avait pas accueilli sa passion avec enthousiasme et qui était même un peu jalouse (elle l’avoue) de cette activité envahissante. L’érotisme naïf de ses compositions l’exaspérait aussi quelque peu. « Toutes ces femmes nues aguicheuses, ce n’est pas de l’art », disait-elle et elle lui fit une petite guerre qui l’amena à en couvrir certaines, heureusement pas toutes et souvent d’un vêtement fort peu opaque. Ouf !
Václav Beránek, les fées attendent la nymphe, huile, 62,5 x 72,5cm, 1970 (œuvre reproduite dans le catalogue d'Insita 4, la triennale d'art "insitic" (voir note 3 ci-dessous) à Bratislava en 1972).
Dessin de Václav Beránek, Danseuses, 1977, reproduction transmise par P. Konečný.
Au total, Beránek réalisa peut-être deux cents peintures. Elles sont dispersées pour la plupart sans que son fils sache où elles peuvent maintenant se trouver. Avant 1975, Beránek n’a fait aucune liste de ses travaux. Seules quelques photos dans des albums familiaux témoignent de l’existence de quelques-unes de ses toiles non-localisées. Et comme nous l’avons déjà dit, Beránek donnait volontiers ses œuvres, quelquefois à de parfaits inconnus.
Václav Beránek, Le Spectre d'un moine de Strahov, 1966, 35 x 30 cm, passé en vente en 2018 et repéré par Jimmy Virani (merci).
Pavel Konečný avait pris en photo un certain nombre des peintures de Beránek, on en voit aussi plusieurs dizaines dans le film d’A. Jiráček, qu’elles appartiennent à la collection familiale ou à celle du musée de Litoměřice. Quelques toiles sont aussi passées en vente. Bref, on connaît peut-être un quart ou un tiers de la production de Beránek, ce qui laisse de bonnes perspectives pour des trouvailles enthousiasmantes.
Beránek a peint quelques villes, de nombreux bouquets et beaucoup de femmes plus ou moins vêtues (quelquefois de simples fils en relief) et souvent accompagnées de fleurs. Il illustre aussi des anecdotes locales ou personnelles et surtout revisite avec grand bonheur la mythologie tchèque. Sa plus vaste série est dédiée à l’histoire des amours tragiques de la Roussalka, fille de l’Esprit du lac, aussi mise en musique dans le célèbre opéra de Dvořák. Beránek lui a consacré pas moins de 24 tableaux dont plusieurs sont à Litoměřice. C’est aussi un dessinateur captivant et il a encore constitué un extraordinaire jeu de tarot complètement personnel, à usage de divination domestique.
Beránek est un type épatant et l’idée de rester encore un moment sur ses traces me plaît beaucoup.
À suivre, donc.
Václav Beránek, Russalka amie des oiseaux, 1968, 91,5 x 106 cm (Musée des beaux-arts de Bohème du Nord, Litoměřice, photo Emmanuel Boussuge).
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¹. Je ne me crois pas particulièrement obsédé par les naufrages… Même si en effet les sirènes viennent régulièrement onduler entre ces "pages". Ces dernières ne sont, cela dit, pas la seule raison pour laquelle j’accepte cet article. C’est que Beránek est avant tout un Naïf qui illustre parfaitement ma défense de l’art naïf de qualité (Note du « tenancier » du blog).
². Ksawery Piwocki, Dziwny świat współczesnych prymitywów (Le Monde étrange des primitifs contemporains), Varsovie, 1975, p. 182-183 ; Eva Matyášová, Naivní malířství (La Peinture naïve), Prague, 1986, p. 12-13. Ajoutons que l'on trouve une minuscule notice sur Beránek dans le livre d'Anatole Jakovsky, Les Peintres Naïfs (déjà cité en légende de notre première illustration de la première partie), et une reproduction d'une autre toile (non encore relevée par Emmanuel) dans le catalogue de la triennale d'art "insitic" (art enraciné, art inné) de Bratislava, "Insita 4", en 1972 (voir la reproduction de cette peinture ci-dessus ; Note de l'animateur du blog).
³. Malované uhlím (Peinture au charbon). Selon Pavel Konečný, pendant les cinq minutes du film qui lui sont consacrées, on voit Beránek en train de peindre La Reine des eaux ; par ailleurs, le catalogue d’une exposition de 2015 à Litoměřice présente une notice et une reproduction d’une toile de 1980 avec deux femmes au milieu de fleurs géantes : Art brut a naivní umění – Spontánní umění ze sbírky Poetické galerie [Art brut et Art naïf. Art spontané de la Collection du « Musée Poétique »], exp. du 9 octobre au 22 novembre 2015, Antonín Jiráček, Alena Beránková, etc., p. 32-33.
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Remerciements :
Grand merci à Pavel Konečný qui, outre le fait qu’il nous a fait découvrir Beránek, nous a confié les informations nécessaires pour partir sur ses traces et très généreusement donné accès à sa riche documentation. Merci beaucoup à Alena Beránková, du musée de Litoměřice pour ses précieuses informations et surtout merci à Martina Balážová pour son aide tendre et ses nécessaires traductions.
Emmanuel Boussuge
23:46 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art visionnaire, Cinéma et arts (notamment populaires), Erotisme populaire, Sirènes | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : václav beránek, emmanuel boussuge, pavel konečný, roussalka, sirènes, art naïf visionnaire, anatole jakovsky, jan zrzavý, femmes nues, insita 4, art insitic, mythologie tchèque | Imprimer
28/07/2018
L'ange des inspirés (quelques-uns de ses faits et gestes)
Mon ange ne se substitue jamais à mon esprit, jamais il ne lui viendrait à l'idée de s'insinuer en moi pour téléguider mon regard (comme me le suggérait récemment un ami dans un échange épistolaire). Tout ceci n'appartient vraiment qu'à moi...
Non, ce qu'accomplit mon ange, de mon point de vue, c'est du côté de l'organisation, et des agencements de situation, ce qu’il est convenu d’appeler vulgairement le hasard, les coïncidences.
A Amiens, par exemple, où je m’étais rendu pour sa grande Réderie du printemps 2018, il avait réussi à rendre complets tous les hôtels de la ville, si bien qu'avec le camarade broc avec qui j'étais venu pour chiner, en arrivant en fin de soirée la veille (sans avoir réservé, bien entendu, fidèles à notre goût de l’improvisation), on n'avait trouvé qu'une seule chambre, chère, qui était accessible si on divisait son prix en deux, et donc, nous avait incliné à partager l’unique plumard, ce qui m'avait empêché de bien dormir.
Le lendemain, de bon matin, devinant que je serais vite épuisé, à force de traîner mes 115 kgs à travers l'immense Réderie, sans avoir bien dormi auparavant, je m’étais décidé à opérer un tri dans ma quête et à ne regarder que les peintures et autres œuvres en deux dimensions, ce qui gagnerait du temps.... Me dépêchant avant que la baisse d’énergie ne me rende la chine insupportable, je me mis à cavaler dans les rues, sans tout détailler, comme font les autres amateurs. Cette stratégie, bien sûr, mon ange l'avait prévue. Et il a le pouvoir d'aimanter mes pas dans certaines directions…
C’est ainsi que je finis par tomber sur une peinture, étalée parmi d’autres, dont je reconnus immédiatement le style : un Bois-Vives ! Que j’achetai une misère au biffin qui ignorait ce qu’il avait ramassé dans ce qu’il est convenu d’appeler, je crois, une adresse, un débarras de logement à vider. Je rêvais depuis longtemps de pouvoir acquérir une œuvre de ce créateur mi-naïf, mi-brut, et mon ange le savait pertinemment, mais je n’avais jamais les moyens quand se présentait d’aventure une pièce à vendre…
Anselme Bois-Vives, peinture sans titre, sans date, 49x66 cm (peut-être des loups?), ph. et coll. Bruno Montpied.
Il a encore frappé ces derniers jours. Je reviens de Vendée où j'ai pu visiter, et photographier, une maison peinte des murs aux plafonds sur deux niveaux par un reclus, que l'on me décrit comme schizophrène (formidable travail d’un créateur improvisé ayant décidé de plonger dans la peinture en transformant sa maison en un aquarium où l’eau serait remplacée par l’image, et le gros poisson, par le peintre). J’étais tombé par hasard, quelques semaines plus tôt (tu parles, l'ange avait bien entendu organisé la conjonction des personnes…), sur un couple de gens, apparentés à ce créateur, qui cherchait à la Halle St-Pierre à intéresser quelqu'un à cette maison. J'étais là, pile au moment où ils sont arrivés, et où ils ont montré des photos des décors sur leur mobile à Pascal Hecker, le libraire de la Halle, qui m’introduisit auprès de ses clients, lui aussi étant conseillé par mon ange bien entendu…
Eric Le Blanche, un détail de l'intérieur de sa maison quasiment entièrement peinte ; le "Adamo" ici représenté est Adam en fait, Eve (écrit "Eva") étant peinte sur la gauche, dans l'escalier dont on voit le commencement ; © ph. Bruno Montpied, 12 juillet 2018.
Mais, le plus étonnant, c'est que le village vendéen où se trouve la maison photographiée, comme je m’en suis avisé avec surprise il y a deux jours, en y allant enfin, est l'ancien siège du château du seigneur de Lusignan, héros de la légende de Mélusine, la femme-serpent ailée, associée au mythe de la sirène, qui s’enfuit lorsque son mari découvre son secret (elle était femme la plupart du temps et lorsqu’elle prenait son bain redevenait femme-serpent, mais personne, y compris son époux ne devait la voir à ce moment, sous peine de la voir disparaître)...
Une sirène est représentée sur la girouette qui couronne le sommet de la tour Mélusine, seul vestige du château des Lusignan dans ce village. Je la découvris dès que j’arrivai dans le village. Comme je l’ai déjà dit plusieurs fois sur mon blog, je suis particulièrement fasciné par les sirènes, surtout celles qui se montrent dans leur version aquatique et piscicole, plus nordique. En Méditerranée, elles étaient davantage envisagées sous une apparence ailée, comme on sait (comme ces sirènes qui tentent de charmer Ulysse, dans l’Odyssée).
Une sirène peinte par F. Bouron, rue Guynemer, Les Sables d'Olonne, ph. B.M., juillet 2018.
Plus étonnant encore, le matin même, aux Sables d'Olonne, alors que je remontais de mon hôtel situé en bord de mer, en direction du musée de l'Abbaye Ste-Croix où j’avais rendez-vous avec ceux qui m’accompagneraient au village de la maison peinte, j'étais déjà tombé sur une sirène, plus moderne mais charmante (elle portait une robe-fourreau se terminant en queue de poisson), peinte sur la façade d’une petite maison, dans un encadrement en relief figurant un gobelet ou une tasse. Par ailleurs, le musée de l'Abbaye Ste-Croix est connu pour abriter des vestiges des créations d'Hippolyte Massé, l'auteur de la Maison de la Sirène à La Chaume dans les années 1950-60 (voir mon Gazouillis des Eléphants). Et, la veille, j’avais également photographié parmi d’autres fresques en coquillages de Dan Arnaud, dans le quartier sablais de l’Ile Penotte, une autre sirène, écho lointain, à notre époque contemporaine, des décors en coquillages du précurseur Hippolyte Massé.
La sirène de la maison d'Hippolyte Massé dans le quartier de La Chaume, détail d'une photographie de Gilles Ehrmann (extraite des Inspirés et leurs demeures, de 1962).
Dan Arnaud, sirène en mosaïque de coquillages, rue d'Assas, quartier de l'Ile Penotte, Les Sables d'Olonne ; on mesure, par comparaison avec la sirène de Massé, ce qui différencie un art véritablement plus brut d'un art, certes maîtrisé, mais plus... esthétique ; ph. B.M., juillet 2018.
Comme on voit, mon ange est fort bien documenté sur mes goûts et il m'aime, et continue de m'aimanter, lâchant même à l’occasion, le long de ma route, une de ses plumes...
Sur les premiers degrés de la rue du Chevalier de La Barre, Paris, ph. B.M., juillet 2018.
00:11 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art insolite, Art visionnaire, Environnements populaires spontanés, Environnements singuliers, Sirènes, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : sirènes, fresque en mosaïques de coquillages, coquillages, mainson brutes peintes en intérieur, art brut, ange des inspirés, anselme bois-vives, réderie d'amiens, chineurs, coïncidences, l'île penotte, dan arnaud, f.bouron | Imprimer
12/06/2017
Tourisme brut et populaire en été, poésie de l'immédiat (1) : Visitez le Musée alsacien à Strasbourg
L'époque des transhumances s'approche, au temps béni des grandes vacances, avec ses riches et insoupçonnées possibilités de découvertes au cours de nos baguenaudages et autres dérives interminables. Un bon fil rouge à suivre me paraît constitué, comme autant de perles distribuées sur un collier sans fin, par les lieux voués à la présentation des curiosités de l'art populaire, de l'art brut, ou encore de l'art naïf, voire de l'art singulier, musées historiques, ou collections méconnues, voire sites d'art insolite et primesautier en plein air, sans oublier que dans les intervalles il n'est pas interdit de repérer les inscriptions curieuses, les noms prédestinants, les caviardages volontaires ou involontaires, les affichages naïfs, les noms de communes hilarantes, les graffiti, distribués au hasard de vos promenades rêveuses, les coques des navires vues comme des tableaux surréalistes ou abstraits... Ouvrons l'œil!
La cour intérieure du Musée alsacien, avec les coursives, où sont accrochés entre autres les dégorgeoirs de moulins et une série de dossiers de chaises en bois sculptés de divers motifs ornementaux (qui avaient, paraît-il une fonction propitiatoire vis-à-vis de l'homme qui s'y asseyait, fonction qui dépendait du motif ornemental), ph. Bruno Montpied, mai 2017.
Sur cette statuette de sonneur de cloche, installé sur un balcon au Musée alsacien, je n'ai pas trouvé d'explication ; est-ce un vestige de jacquemart, automate articulé pour que son bras puisse venir frapper la cloche?, ph.B.M., 2017.
A Strasbourg, belle ville légèrement empesée (un peu comme sa gastronomie, c'est une ville roborative), on trouve par exemple entre autres sources d'émerveillement le labyrinthe d'escaliers et de coursives du Musée alsacien, tracé dans les étages d'une vieille maison de style Renaissance achetée par une société d'amateurs d'art traditionnel au début du XXe siècle, à un moment où l'Alsace ayant été annexée par les Allemands, certains de ses habitants, des écrivains et des artistes, s'inquiétaient de la sauvegarde de la culture alsacienne. Une amie québécoise m'avait, il y a déjà quelque temps, alerté sur l'importance de ce musée (et de la Revue Alsacienne Illustrée qui avait inspiré sa fondation, lui qui fut un des premiers parmi les musées d'arts et traditions populaires de France, avec le museo Arlaton de Frédéric Mistral à Arles) qui contient beaucoup d'objets (cinq mille œuvres). J'insiste sur le mot, car ce fut une des toutes premières collections, semble-t-il, à collecter, outre des preuves de la culture populaire immatérielle (chansons, coutumes, croyances...), aussi des preuves des productions matérielles (ex-voto, peintures sur coffres, verres gravés, mobilier, reliquaires, bannières, panneaux commémoratifs, etc....). Plusieurs amateurs et collectionneurs, comme par exemple Robert Forrer, rassemblèrent des ensembles d'objets qu'il serait, paraît-il, impossible de retrouver aujourd'hui.
Verrou de fût en forme de sirène, Musée alsacien, ph.B.M., 2017.
Trois dégorgeoirs de moulin, Musée alsacien, ph. B.M., 2017.
Forrer, qui était antiquaire, a fait en effet don au musée, dès 1902, avant qu'un lieu soit trouvé pour les présenter, d'ensembles d'objets qui aujourd'hui encore, parce qu'ils sont particulièrement beaux et insolites, font la fierté de ce musée. Au premier rang desquels on trouve les verrous de fûts, avec leurs sirènes à double queue. Ou bien encore les déversoirs – aussi appelés dégorgeoirs, ou dégueuloirs – de moulins, sculptés en forme de têtes aux bouches largement ouvertes, qui avaient semble-t-il une fonction propitiatoire, visant à protéger le son qui s'écoulait par leurs bouches des contaminations qui causaient cette maladie appelée "mal des ardents", consistant en troubles convulsifs et psychotiques que Matthias Grünewald a représentés dans le retable d'Issenheim conservé au musée Unterlinden de Colmar (autre lieu à visiter, du reste, entre autres, avec l'Ecomusée d'Ungersheim, près de Mulhouse ; le musée de Mulhouse lui-même recèle des œuvres d'art tout à fait passionnantes par ailleurs...).
Sur cette illustration de Philippe Fix, pour son livre à destination de la jeunesse intitulé Il y a cent ans déjà (Gallimard, 1987 ; à noter que cette référence n'est pas signalée dans le musée), on aperçoit un déversoir au débouché de la cuve ; ces sculptures, que l'on peut rapprocher des gargouilles de cathédrales, datent des XVIIIe et XIXe siècles.
Toute une série de dégorgeoirs, tels qu'on peut les découvrir magnifiquement présentés dans le livre grand format édité à l'enseigne du Cabinet de l'amateur (n°3, intitulé Effroyables gardiens, figures protectrices de moulins dans le Rhin supérieur, musée alsacien ; édition des musées de Strasbourg, 2015 ; dans cette édition brochée, par contre, est indiquée la référence à Philippe Fix...).
Un autre dégorgeoir du Musée alsacien ; ces masques (involontairement des masques) font penser à ceux de la tragédie grecque... Ph. B.M., 2017.
Il y aurait beaucoup d'objets (ainsi que des situations liées à des coutumes d'autrefois) à décrire, conservés au gré des salles de ce charmant musée, mais ce n'est pas l'endroit idéal pour ce faire. Je me contenterai de citer un peu en fonction de mes propres goûts, tel reliquaire d'enfant-Jésus dans une boîte vitrée, telles statuettes du même Jésus (quoique un peu plus vieux), des ex-voto peints mais aussi sous l'apparence de figurines en métal noir présentées en panoplie, ce qui les rehausse en les apparentant à ces silhouettes découpées connues sous le nom de canivets (la Suisse proche a vu cet art-là se développer avec beaucoup de raffinement, que l'on se reporte au magnifique livre l'Art populaire de Nicolas Bouvier aux éditions Zoé), une lanterne en verre gravé où caracole un cerf dont le dessin se réfléchissait sur les murs, donnant probablement une illusion de mouvement, dès qu'on allumait la lanterne, des verres décorés de gravures en couleur, des aquarelles sur papier, soit des commémorations de campagnes militaires, soit des images pieuses, etc.
Lanterne aux parois de verre gravées de dessins, Musée alsacien, ph.B.M., 2017.
Reliquaire avec enfant-Jésus, Musée alsacien, ph. B.M., 2017.
On trouvera à la sortie de la visite un catalogue très bien fait, et richement illustré permettant d'emporter un souvenir plus permanent des collections. C'est grâce à lui que j'ai pu documenter cette note. A signaler aussi un prix de visite tout à fait modeste (et les retraités sont bénéficiaires de réductions dès l'âge de 60 ans... Attention délicate à laquelle j'ai été fort sensible...).
01:06 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Art populaire religieux, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Littérature jeunesse | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : musée alsacien, ethnologie française, arts et traditions populaires, ex-vot, verrous de fûts, robert forrer, déversoirs de moulins, dégorgeoirs de moulins, revue alsacienne illustrée, culture populaire, sirènes | Imprimer
17/02/2017
Sirènes, quelques images de plus, pour répondre à Darnish et pour ajouter un codicille au vagabondage d'Emmanuel Boussuge
Il n'y a pas beaucoup d'avantage au fait de vieillir, et je ne sais pas si on ne doit pas y ajouter le phénomène des amis qui sont ravis de vous faire découvrir quelque chose que vous aviez déjà vu il ya longtemps, en l'occurrence, il y a très exactement 28 ans... Il faut faire comme si on ne savait pas, pour leur laisser le plaisir de la révélation qu'ils vous offrent. Mais à de certains moments, on ne peut s'empêcher de se conduire en malotru, et de se moquer grassement du jeune cuistre. Qu'il nous en excuse donc, c'est ici un moment de ce genre... Le pilier de l'église de Varengeville, sculpté d'une sirène affleurant du granit - une des plus touchantes ondines qui se puisse voir dans une église - ... n'a visiblement pas changé depuis 1989, lorsque, avec une étudiante de Dieppe, Laure Lemarchand, qui m'y avait mené pour voir le singulier pilier décoré de sujets profanes placé au beau milieu du sanctuaire, je le photographiai (à l'argentique). Je saisis sous mon objectif la sirène, la coquille St-Jacques (signalant sans doute aux pèlerins que le bâtiment pouvait les héberger), et les profils ultra naïfs qui entouraient l'ondine archaïque (probablement des portraits de donateurs ?). Darnish en 2015 me confirma que le pilier était bien toujours en place. J'étais venu visiter l'église de Varengeville uniquement pour ce pilier sculpté ; Braque... Je ne m'en souviens pas... Il faut avouer qu'à l'époque, je m'en moquais éperdument. Et je crois bien que je n'aie guère changé depuis...
Pilier sculpté de l'église de Varengeville, ph. Bruno Montpied, 1989.
Sirène du pilier, plus près, ph. Darnish, 2015.
*
Bon, ceci dit, après avoir fait mon vieux schnock, revenons à l'Auvergne, ses sirènes bicaudales (pas très poétique tout de même ce dernier adjectif, même si il est très précis) et autres ondines en pleine terre. Il n'y a rien de surprenant à en trouver en de tels endroits. Outre le fait que, comme le dit Emmanuel dans son texte, l'imagination a bien le droit de disposer des thèmes mythologiques comme bon lui semble, il faut se rappeler que les croyances se portaient aussi vers les sirènes d'eau douce.
Je voudrais ajouter ici un exemple de sirène non repérée par Emmanuel, cette fois hors d'une église, en plein milieu du plateau de l'Aubrac, dans le village de Saint-Urcize, qui, malgré son apparente austérité et sa solitude au milieu d'un pays resté somme toute encore assez sauvage, m'est inexplicablement cher (je n'y suis passé que deux fois dans ma vie).
Fenêtre d'un maison fort ancienne (Moyen-Age?) à Saint-Urcize (Aubrac), ph. B.M., 2016.
Détail de la fenêtre précédente, la sirène, en train de jouer d'un instrument probablement à cordes (un plectre?) ; à noter que de l'autre côté de la fenêtre est sculpté un personnage jouant lui aussi de la musique ; peut-être que la maison était celle d'un musicien et que ces motifs fonctionnaient comme des enseignes ? ph. B.M., 2016.
01:07 Publié dans Art immédiat, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sirènes, ondines, darnish, saint-urcize, aubrac, bruno montpied, pilier d'église sculpté, sculptures d'église, art populaire dans les églises | Imprimer
15/02/2017
Sirènes d'Auvergne... un vagabondage d'Emmanuel Boussuge
« Loin de Pénélope, Ulysse cultivait des champs de sirènes »
Emmanuel Boussuge
Pour ma sirène ciotadine
La passion des sirènes n’était-elle pas tombée quelque peu en sommeil sur le Poignard subtil… ? Ma petite collection photographique va-t-elle ranimer la flamme plus durablement ?
Elle est issue pour l’essentiel d’Auvergne et des environs mais pas exclusivement. On sait que la représentation du sujet n’a à peu près rien à voir avec une géographie maritime, lacustre ou fluviale (sans parler des sources réelles ou prétendues, ni des courants telluriques) ; non, les sirènes échouèrent d’abord là où l’imagination des sculpteurs médiévaux, les premiers à les produire en nombre, du moins sous nos latitudes, les plaça. Ils faisaient tout aussi bien des éléphants ou des centaures sans que leur région d’activité fût une réserve de chasse pour les uns ou les autres. Mes sirènes de moyenne montagne ne sont pas plus porteuses de symbolisme ésotérique et, pour ma part, ça me va très bien comme ça. J’aime les sirènes en elles-mêmes sans nul besoin d’aura surajoutée, je les aime avec simplicité pour la fluidité de leur forme et les rêveries qu’elles procurent. Je les aime presque toutes.
Ceci étant dit, leur forme est beaucoup plus variable qu’on ne l’imagine généralement, et c’est surtout vrai au moyen-âge qui a fourni l’essentiel de ma collecte. Deux de mes sirènes remontent à la figuration antique de la créature mythologique. Initialement, on le sait, il s’agissait d’êtres ailés, redoutables par leur chant, que seul Ulysse parmi ses compagnons, mais solidement attaché à son mât, put écouter sans périr. Grecs et Romains ne les représentaient jamais autrement qu’emplumées et avec des serres acérées et les sculpteurs romans de Saint-Hilaire-La-Croix ou de Brioude sont restés fidèles à la vieille tradition ornithomorphique.
Saint-Hilaire-la-Croix, 2005, photos Emmanuel Boussuge (ainsi que toutes les autres photos à suivre dans cette note)
Brioude, 2013
Remarquons l’hésitation entre masculin et féminin (tout aussi présente dans l’Antiquité), et le mode spécifique de remplissage des chapiteaux romans avec un goût prononcé pour la symétrie, largement déterminé par les contraintes du support (un chapiteau a deux faces).
Restons dans la basilique de Brioude, la plus riche (parmi mes visites) en sirènes et aussi en variantes du sujet. Car, si à son chevet les sirènes sont cousines des oiseaux et barbues, à l’intérieur, elles ont le pied marin et sont des deux sexes. Les sirènes masculines sont aussi appelées tritons. Comme on le voit ci-dessous, elles peuvent être chauves mais aussi couronnées.
Brioude, 2013
Brioude, 2013
Brioude, 2013
Les sirènes du sexe, comme on disait à l’âge classique, ne sont pas en reste. Elles sont représentées sur quatre chapiteaux, rassemblées deux fois par paires et deux fois isolées. La plus simplifiée est sur le chevet.
Brioude, 2013
Deux remarques peuvent être faites. Les sirènes médiévales ont en général deux queues (sans aucun doute beaucoup plus pour des raisons d’occupation du support à sculpter que pour tout autre chose) et elles tiennent leur double queue à pleines mains (sans aucun doute beaucoup plus pour des raisons d’occupation des dites mains que pour tout autre chose… – vous avez vraiment l’esprit mal placé). À travers toutes les variations, leur portée symbolique n’est pas toujours nulle mais paraît toutefois très atténuée laissant presque libre cours à la fantaisie des sculpteurs.
Près de Brioude, on trouve dans la petite ville de Blesle deux chapiteaux à sirènes : l’un avec figure dédoublée où les sirènes semblent porter de magnifiques burkinis de haute époque ; l’autre, colorié par les restaurateurs du XIXe siècle, est sans conteste une des sirènes les plus moches de la collection (mais ce n’est pas la faute des restaurateurs).
Blesle, 2015
Blesle, 2016
Blesle, 2015
Autre grand centre de l’art roman, Conques. Une sirène à deux queues figure entre deux centaures. Nulle justification par le support cette fois-ci, la queue est dédoublée par pur amour de la symétrie, semble-t-il.
Les petites églises du Massif Central offrent bien d’autres sirènes romanes bicaudales. À Roffiac, les sculpteurs ont des modèles proches des églises plus prestigieuses. Deux chapiteaux sont concernés. Les sirènes sont parmi les plus charmantes mais elles ont la particularité d’être à peine des sirènes. Au bout de ce qui devrait être leurs queues, on trouve ou des palmes ou une tête (de chien, de monstre ?) et plus aucune nageoire (c’était déjà le cas à Brioude et ensuite à Menet, Saint-Rémy et Valuéjols, phot. C, F, G, O, T). Le motif devient dans ce cas presque complètement autonome de toute signification précise. (...)
Roffiac, 2016
Roffiac, 2013
Le texte d'Emmanuel Boussuge se poursuit en suivant ce lien (fichier en PDF), qui vous permet de récupérer l'ensemble de sa promenade au pays des sirènes du Massif Central.
17:19 Publié dans Art immédiat, Art populaire insolite, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : sirènes, emmanuel boussuge, sirènes à plumes, sirènes-poissons, auvergne, saint-hilaire-la-croix, mythologie, tritons | Imprimer
12/02/2017
Canotage et sirènes
Castelnau V. Benoît, sans titre (trois sirènes, monsieur...madame... et leur petit, canotant sur une embarcation sculptée en forme de poisson), 59x91 cm, 28-10-1974, ancienne collection Jean-Marie Drot, ph. et coll. Bruno Montpied (2017)
Voici un tableau arrivé récemment entre mes mains grâce à un camarade qui l'avait repêché à une vente récente de tableaux naïfs haïtiens de l'ancienne collection Jean-Marie Drot, le documentariste bien connu, amoureux de l'art haïtien. Il s'ajoute à une autre petite œuvre d'un certain W. Italien (c'est ainsi qu'il signe), représentant aussi une sirène et provenant de la même collection Drot que je possédais déjà. La signature, Castelnau V. Benoît, ne me dit rien. Jamais rencontrée : ni sur une peinture, ni dans un ouvrage sur la peinture naïve haïtienne. Pareil pour le "W. Italien" ci-dessous et sa sirène pourvue d'un troisième œil au centre de son corps.
Ma collection s'enrichit ainsi à la fois côté sirènes et côté naïfs. Les sirènes sont à mes yeux des sortes d'anti serpents qui nous entourent, enlacent, caressent de leurs frôlements invisibles. Les murs de mon château de verre sont ainsi de plus en plus couverts de sinuosités enjôleuses...
11:04 Publié dans Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : castelnau v. benoît, w.italien, peinture naïve haïtienne, jean-marie drot, sirène, sirènes, troisième oeil | Imprimer
19/04/2016
Une sirène humoreuse
René Maltête, Sirène, années 1950-1960 ; voir le site web du fils de ce photographe épris d'humour, disparu en 2000
00:20 Publié dans Photographie, Sirènes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : rené maltête, sirènes, photographie humoristique | Imprimer
18/10/2014
Jacqueline Humbert et les sirènes
Retrouvée récemment par le camarade Jacques Burtin à Auxerre dans le marché couvert qu'a bâti jadis Alain Bourbonnais, voici une douce et gentille sirène peinte par Jacqueline Humbert, peintre naïve et comme on sait aussi animatrice acharnée du musée rural des art populaires de Laduz. Elle fut peinte il y a pas mal d'années (les années 70? 80?) mais elle se maintient avec une belle persévérance je trouve, ce qui n'est pas évident sur un rideau de fer...
Jacqueline Humbert, marché couvert d'Auxerre, ph. Jacques Burtin, 2014
09:15 Publié dans Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sirènes, jacqueline humbert, jacques burtin, alain bourbonnais, peinture muraliste | Imprimer
30/01/2014
Et Roger Mercier quitta le "navire" de Bresse-et-Castille lui aussi...
Tout passe, tout lasse, tout casse...
Est-ce qu'une grosse page générationnelle serait en train de se tourner? Après les disparitions d'André Hardy, d'Horace Diaz et la mise en maison de retraite des frères Vanabelle, voici que je découvre aussi le départ de Roger Mercier, l'extraordinaire auteur du "Château de Bresse-et-Castille" qui se dresse à Damerey en Saône-et-Loire, construit par lui entre 1982 et 2000 pendant ses années de retraite (comme le proclame un panneau apposé bien en vue à l'entrée de sa propriété, entrée qui est cintrée comme une énorme demi-barrique).
Portrait de Roger Mercier dans l'encadrement de sa porte d'entrée, en arrière-plan des statues représentant des danseurs espagnols en costume traditionnel, photo Bruno Montpied, mai 2013
Roger Mercier, vue d'ensemble de son "Château de Bresse-et-Castille" avec la maison bressane au premier plan à gauche, photo Jean-Loup Montpied, mai 2013
"Après avoir mûrement réfléchi" sa décision, comme l'écrit le Journal de la Saône-et-Loire où j'ai trouvé l'info, monsieur Mercier est parti dans sa famille à Epervans, sans doute trop fatigué pour vivre seul sous la grande tour de son "Château" (dans ce complexe muni de plusieurs bâtiments de diverses proportions, il possédait aussi une maison bressane sur le devant, le long de la nationale, qu'il louait et au bord de laquelle il avait installé quelques animaux en ciment: otarie, cerf, perroquets, biche et son faon, un loup (ou un chien noir?), un panda...). Installations confiantes mais périlleuses, placées ainsi si près des voitures, car il avait retrouvé une de ses statues au matin explosée sur la route par quelques jeunes vandales ayant voulu bêtement s'amuser à quelque bowling idiot...
Façade maison bressane, de l'otarie au panda, ph. BM, 2013
Je l'avais visité in extremis en mai de l'année dernière en compagnie de mon frère. Sans avoir prévenu au préalable, on était tout de même tombé sur lui, par chance (ou bien grâce à l'Ange des Inspirés qui m'est toujours fidèle), et il nous avait fait visiter rapidement le chef d'œuvre de sculpture et d'architecture qui éclate avec évidence autour de la cour à l'arrière... Certes il portait son âge (87), mais vibrait en lui une énergie que j'aimerais bien avoir lorsque j'atteindrai la même limite (si tant est que j'y arrive...).
La cour du "château" vue de l'arrière, ph.BM, 2013
J'aime sa cour qui ressemble à une scène et un décor de théâtre jouant toujours la même pièce, à la trame inspirée semble-t-il par sa compagne d'origine espagnole, malheureusement disparue il y a peu d'années. Les références aux clichés touristiques de l'Espagne, le taureau, le matador, le picador, la danseuse de flamenco entourée de ses guitaristes, une Bodega aussi plutôt mexicaine avec son consommateur titubant au fond d'une unique salle, le disputaient à une référence plus maritime pour le coup, Neptune, son trident, et deux sirènes tenant un gouvernail avec une tête au centre.
Neptune et ses sirènes, ph.BM, 2013
Une Espagnole brandissant une lanterne, dans une posture faisant songer à la Statue de la Liberté de Bartholdi, se tient roide sur une colonne qui la magnifie, dominant le petit peuple des statues. Sous la plus haute tour, un paon fait la roue (il y en a un autre sur la façade de la maison bressane côté route), symbole de la fierté du créateur? D'autant que sur plusieurs faces de cette tour, on devine le moulage de la tête de Roger Mercier incrusté au milieu de masques en formes de soleils... Roi-Soleil, Roger Mercier? Qu'il ne se couche jamais, alors...
Les effigies de Roger Mercier moulées dans des soleils, ph.BM, 2013
19/08/2012
Une sirène d'Armand Goupil
Tenez, voici dans la chaleur de l'été une vue poissonneuse, une sirène en proue de barque, telle que l'a vue en 1955 Armand Goupil. Cela fait partie d'un carnet de croquis, format 31 sur 20 cm, comprenant 43 pages (et donc 43 croquis, tous datés de la même année, qui ont permis à Goupil d'essayer diverses techniques, autres que l'huile, comme les craies, le brou de noix, le fusain, les crayons de couleur, l'encre, la plume...). A rajouter à toutes les sirènes déjà vues sur cette colonne, et en espérant que mes commentateurs férus de Mami Wata ne s'échauffent pas plus que ça dessus...
Armand Goupil, Sirène du 23-IX-55, coll Bruno Montpied
Je renvoie les amateurs, qui voudraient en voir et en savoir plus sur Goupil, à mes articles, « L’œuvre intime d’Armand Goupil, l’inconnu de la Sarthe », paru dans 303, Arts recherches, créations n°119, Nantes, janvier 2012 (illustré de 6 photos), et « Armand Goupil, peintre inconnu, peintre domestique », paru dans Création franche n°29, avril 2008, Bègles. Sur ce blog, on peut également en découvrir passablement en allant vers ce lien.
10:18 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : armand goupil, sirènes, figures de proue, art naïf, art singulier | Imprimer
30/10/2011
Une collection d'art immédiat dans "L'Or aux 13 îles" n°2, et un vernissage le 6 novembre prochain
L'Or aux 13 îles, je vous en ai déjà parlé lorsqu'était sorti en janvier 2010 son n°1 qui concernait grandement les passionnés d'art populaire brut et des environnements spontanés parce qu'y était inséré un dossier volumineux sur le musée disparu de l'abbé Fouré consacré à ses bois sculptés à Rothéneuf (ce fut l'occasion surtout de republier un document rare, le Guide de ce petit Musée étonnant, guide paru en 1919 ; par la même occasion, nous commémorâmes ainsi -les premiers!- le centième anniversaire de la disparition de l'abbé, mort en 1910).
Voici que paraît son n°2 (cliquez sur ce lien et vous obtiendrez le formulaire de commande du numéro, voire des deux numéros), cette fois dominé par un thème "L'homme hanté par l'animal". Jean-Christophe Belotti est toujours aux commandes du navire, Vincent Lefèvre est toujours le maquettiste, élément important qui assure à la revue sa belle et élégante livrée. Le sommaire est varié, après une introduction de Belotti sur le pourquoi du comment du thème choisi, qu'il a illustrée de fort charmantes cibles foraines tchécoslovaques, on découvre les magnifiques photographies d'oiseaux naturalisés de Pierre Bérenger qu'il fit à la fin des années 1960 dans les locaux alors désaffectés du Museum d'Histoire Naturelle, avant que ce dernier lieu ne soit restauré et transformé en Grande Galerie de l'Evolution (comme le rappelle François-René Simon dans son texte de présentation). Suivent divers textes de Vincent Bounoure, Anne Fourreau et Jean-Yves Bériou. Je m'arrête plus particulièrement sur les dessins d'une certaine Mélanie Delattre-Vogt.
Puis suit un grand dossier sur Pierre Peuchmaurd, poète estimable disparu tout récemment (comme dans le n°1 était inséré un dossier sur Jean Terrossian). Les poèmes nombreux sélectionnés par Belotti dans l'œuvre de Peuchmaurd ont tous un lien avec l'animal.
Des poèmes inédits de Guy Cabanel sont flanqués d'aquarelles d'Aloys Zötl, extraites du livre de Victor Francés récemment paru aux éditions Langlaude (Contrées d'Aloys Zötl, à un prix défiant toute concurrence grâce à des Chinois sous-payés), cet obscur teinturier autrichien qui se passionna de 1831 à 1887 pour des animaux qu'il dessinait plus réels qu'en vérité, les plaçant dans des décors naturels peu réalistes mais somptueusement veloutés et d'une puissance de suggestion sur l'imagination à nulle autre pareille.
Ce numéro 2 est aussi pour moi l'occasion d'entrouvrir une porte sur une collection "d'art immédiat" dans le texte de 40 pages que j'ai intitulé Le Royaume parallèle. Dérivant derrière cette porte, j'invite le lecteur à découvrir des créateurs aussi variés que Guy Girard, Marilena Pelosi, Gérald Stehr, Armand Goupil, le sergent Louis Mathieu, le peintre naïf Louis Roy, le "patenteux" québécois Charles Lacombe, Christine Séfolosha, divers pratiquants de l'atelier pour handicapés mentaux de la Passerelle (l'atelier animé par Romuald Reutimann à Cherbourg), des objets d'art populaire anonyme, des collages d'un "anonyme américain" (que j'ai identifié depuis peu grâce à l'amabilité de Frédéric Lux comme étant de l'autodidacte américain Javier Mayoral, voir le blog de Laurent Jacquy Les Beaux Dimanches qui y parle d'un blog tenu par ce créateur, appelé Locus Solus 1 où Mayoral parle de ses créations très diverses, ex-voto décalés, catcheurs, phénomènes à la Barnum ; le monsieur en question paraît beaucoup jouer de la distanciation tout en restant friand d'ingénuité: curieux!), un jeu de massacre forain, une poupée rescapée de tribulations dans des greniers oubliés, Jean Estaque, Serge Paillard, l'inévitable et mirifique Joël Lorand, Jean-Louis Cerisier, soit autant de figures ou de sujets que les lecteurs fidèles et attentifs du Poignard reconnaîtront sans coup férir comme rôdeurs dans ces parages...
A noter que je viendrai à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre à 15h le dimanche 6 novembre (dans une semaine donc) en compagnie de Jean-Christophe Belotti qui dédicacera ce numéro tandis que je proposerai aux personnes présentes une dérive en une centaine d'images sur cette collection d'art immédiat (cela ne se limitera pas, étant donné le nombre, aux images présentes dans la revue). A bientôt donc.
Les illustrations qui accompagnent cette note sont, pour ce qui concerne les dernières des pages extraites de la revue.
20:29 Publié dans Art Brut, Art de l'enfance, Art forain, Art immédiat, Art inclassable, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Art populaire insolite, Art singulier, Confrontations, Environnements populaires spontanés, Littérature, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : l'or aux 13 îles n°2, jean-christophe belotti, art immédiat, bruno montpied, armand goupil, marilena pelosi, joël lorand, gérald stehr, hérold jeune, la passerelle, maugri, jean-lous cerisier, charles lacombe, sefolosha, émilie henry, louis roy, art naïf, lobanov, donadello, sirènes, manero, ruzena, bernard javoy, serge paillard, monique le chapelain, pépé vignes, paul duhem, javier mayoral, guy girard | Imprimer
04/12/2010
Une sirène africaine à Pamiers
Les Amoureux d'Angélique m'ont fait un magnifique cadeau avant l'heure, en se baladant aux Puces de Pamiers, où ils ne se sont pas pâmés devant des puciers, non, au contraire, ils sont tombés sur une petite merveille, une sirène à queue bifide, c'est-à-dire deux queues. Qui a tout l'air d'une Mami Wata, avec ce serpent qui lui passe sous les reins, en tout cas, eux comme moi avons plaisir à nous l'imaginer... Elle valait 1 €. Comme quoi nul besoin de s'en aller faire ses emplettes avec la Jet Set de l'art brut du côté des grandes foires d'art brut à la mode pour trouver de la poésie populaire à portée de tout un chacun.
Anonyme, sirène, peut-être une Mami Wata africaine, des traces de trous sur le haut de la pièce peut laisser imaginer qu'elle servit peut-être de figure de proue sur quelque grosse barque, comme image propitiatoire chargée d'éloigner les esprits malins des eaux ; dénichée par Martine et Pierre-Louis Boudra à Pamiers, 2010, photo BM
06:13 Publié dans Art immédiat, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : amoureux d'angélique, mami wata, sirènes, art immédiat, art populaire africain, puces de pamiers | Imprimer
12/10/2010
Une sirène des rues encore (Mami Wata la suite, à Paris)
Les sirènes me poursuivent drôlement je trouve. J'errais samedi matin avec un ami brocanteur aux Puces de Vanves, et comme souvent je me disais que je n'allais encore rien trouver. Et c'est toujours au moment où l'on désespère (enfin c'est souvent à ces moments-là, un peu comme lorsqu'on est las d'attendre un bus qui ne vient pas, et qu'on se décide à partir, et il survient juste au point de lassitude...), que la surprise se manifeste. Repassant devant un éventaire qui sans doute avait été tardivement déballé, me frappent comme une balle deux peintures représentant deux magnifiques sirènes que le biffin a accrochées à la grille longeant le trottoir. Présences immédiates! Qui m'élisent aussi sec! Une connexion se fait instantanément, je ne peux faire autrement que chercher à en acquérir une. Il y en a quatre au total, et aussi des animaux (une belle hyène dégustant une proie sanguinolente, deux lions qui ont une certaine ressemblance avec ceux que peignait le naïf italien Ligabue). Et le marchand me dit: c'est les "Mami Wata" qui vous intéressent? Encore des Mami Wata...! Je ne les avais pas d'emblée reconnues pour sirènes africaines. Elles sont signées "Mansuela 78". Un peintre zaïrois (le Zaïre est l'ancien Congo) actif dans les années 70 donc.
Mansuela, sans titre (Mami wata), 43 x 62 cm, 1978
Je choisis d'acquérir, parmi les quatre sirènes, qui tiennent tantôt un téléphone, tantôt un micro surgi des eaux, une qui cueille des roses, poussant bizarrement parmi des touffes d'herbes dans le fleuve d'où elle émerge (les Mami Wata sont des esprits d'eau douce plus particulièrement, je crois). Et il ne me revient qu'à présent, en rédigeant cette note, l'anecdote relative au rosier de la variété de roses "Mermaid" que j'ai évoqué dans ma précédente note sur les Mami Wata (voir lien ci-dessus). L'inconscient a parlé, je ne pouvais choisir qu'une sirène à la rose. Les collections se constituent ainsi, pièce après pièce, recomposant un puzzle qui dessine le désir de ce que nous voudrions sauver de notre vie (voir aussi la note sur ce fantôme lumineux de sirène surgi un jour dans la même maison au rosier "Mermaid").
17:02 Publié dans Art immédiat, Art populaire contemporain | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : sirènes, mami wata, mansuela, art populaire africain | Imprimer
20/07/2010
Pourquoi pas une sirène de plus?
08:47 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sirènes, enseignes naïves, sculpture populaire, art immédiat | Imprimer
14/05/2010
Les roulottes de Pascal Tirmant
Qui n'a jamais rêvé de se déplacer en roulotte, ou en péniche? Pascal Tirmant, je ne sais s'il a pu réaliser le rêve, mais en tendres maquettes curieuses, fichées sur des tiges comme fleurs d'un nouveau genre, au moins il aura pu lui donner un commencement d'exécution. Il possède un blog consacré à son travail, et à celui de sa compagne Léa qui fait des monotypes d'après ses roulottes, blog qui permet de se faire une idée de dix-huit d'entre elles. En voici deux que j'ai sélectionnées parmi la troupe, la première en raison de la thématique de la sirène qui m'est chère. On peut voir les originaux à Paris en ce moment (voir ci-dessous).
Pascal Tirmant, Où sont les nuages?
Les Roulottes Objets-sculptés de Pascal Tirmant, Toiles et monotypes de Léa Tirmant sont à découvrir du 6 mai au 4 juin 2010 à la Médiathèque Fnasat-Gens du voyage - 59, rue de l'Ourcq, Paris 19e. T: 01 40 00 35 04. (Merci à Myriam Peignist pour l'information);
03:13 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : pascal tirmant, gens du voyage, art singulier, roulottes, maquettes, sirènes | Imprimer
02/05/2010
Encore la Sirène
Je viens de recevoir communication de l'apparition d'une projection lumineuse en forme de sirène sur le mur intérieur d'une maison dont j'ai déjà parlé en novembre 2008 sur ce blog. Si l'on veut se souvenir, devant cette maison, pousse un rosier de la variété de roses Mermaid (sirène en anglais). La mère de la jeune personne qui a photographié la dite projection lumineuse de ces derniers jours est décédée lorsque cette jeune fille avait douze ans. Elle prisait particulièrement la thématique de la sirène. C'est comme si elle envoyait depuis le pays d'où personne ne revient des signes d'affection, des clins d'oeil de l'au delà. Comme si une maison, saturée de son souvenir, était désormais hantée de fantômes aux doux aspects d'ondines.
12:48 Publié dans Art immédiat, Images cachées, images délirantes?, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sirènes, hasard objectif, intersignes, poésie naturelle et de hasard | Imprimer
09/08/2009
Haïti et vaudou au Musée du Montparnasse
"Le dernier voyage d'André Malraux en Haïti ou la découverte de l'art vaudou", tel est le titre de l'exposition qui s'est ouverte le 19 juin dernier au Musée du Montparnasse, et qui est prévue pour durer jusqu'au 19 novembre prochain.
Je ne suis personnellement pas très attiré par les gesticulations et les manières de génie qui se la joue profond de l'ancien ministre de la culture André Malraux, mais c'est l'occasion ici de voir quelques oeuvres d'art haïtiennes, certaines bien sûr en provenance de la communauté de Saint-Soleil (communauté dissoute en 1978) qu'alla plus particulièrement visiter Malraux en 1975.
A côté des artistes de Saint-Soleil (j'aime bien Louisiane Saint-Fleurant en particulier), qui sont souvent difficiles à distinguer les uns des autres, comme si un moule avait été édicté d'où toutes les oeuvres découleraient, à côté de ces créateurs - souvent vite classés du côté de l'art brut en raison de leurs formes enfantines à la Chaissac - on trouve ici une petite surprise sous la forme de deux tableaux d'un certain Edouard Duval-Carré (au nom prédestinant semble-t-il, car les deux tableaux sont de format...carré justement).
Il a représenté la rencontre d'André Breton et d'Hector Hyppolite, l'un des tout premiers peintres primitifs haïtiens (on sait que le phénomène s'est développé en Haïti au tournant des années 1940, essentiellement grâce à l'impulsion que donna à la peinture la fondation à Port-au-Prince d'un Centre d'Art fondé par le professeur américain Dewitt Peters, centre qui était à la fois une école et un lieu d'exposition), rencontre qui eut lieu lors des conférences que donna Breton en Haïti en décembre 1945, conférences qui s'accompagnèrent alors de journées révolutionnaires appelées les "Cinq Glorieuses".
Les deux hommes sur le tableau se tiennent de façon quelque peu hiératique, Hector Hyppolite, qui était un prêtre vaudou, un houngan, semblant être perçu par le peintre comme un intermédiaire reliant Breton par le contact de branches d'arbres avec la terre qu'il touche de son bras gauche transformé en tronc. C'est assurément là une image peu connue concernant les deux personnages. On sait que Breton acheta une douzaine d'oeuvres à Hector Hyppolite et qu'il projeta de le présenter dans l'Almanach de l'Art brut, projet de Dubuffet qui finit malheureusement par capoter.
Un second tableau représente pour sa part l'assassinat du leader révolutionnaire, ami de Gérald Bloncourt déjà cité, et écrivain important (il a écrit un roman que d'aucuns recommandent chaudement, Compère Général Soleil), Jacques-Stephen Alexis, dans les années 60 par les sbires du dictateur Duvallier. Au-dessus du corps d'Alexis , on semble reconnaître un "Baron Samedi", personnage funèbre qui dans le panthéon vaudou symbolise la Mort (souvent accompagné par "la Grande Brigitte"), avec ses attributs, le chapeau noir, les lunettes noires, le complet veston... Mais la Mort squelettique, d'aspect très mexicain, est ici aussi présente.
A côté de cette découverte des peintures de Duval-Carré, on reste intrigué également par les peintures d'un peintre récemment apparu (déjà signalé dans l'exposition "Peintures haïtiennes d'inspiration vaudou" qui s'était tenue au Musée d'Aquitaine à Brodeaux en 2007), Franz Zéphirin (né en 1963), à l'imagination fertile, amateur de sirènes -personnages importants dans le panthéon vaudou, à la fois féminins et masculins - et pratiquant un dessin et une peinture qui nécessitent un travail conséquent, voir en particulier la grande toile de 2008, présente dans l'exposition, Le destin cosmologique d'Haïti.
19:59 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art vaudou haïtien, andré breton, cinq glorieuses en haïti, michael löwy, gérald bloncourt, malraux, frans krajcberg, noms prédestinants, sirènes, bruno montpied | Imprimer
30/06/2009
Donadello et la sirène
Encore un qui a été touché, envoûté, par le chant de la sirène (voir note précédente sur Horace Diaz)... Cette dernière ne chante plus pour tuer les victimes de ses charmes mais pour les contraindre à la représenter, la façonner, la caresser. Inspirés du bord des routes, vous voici amants des sirènes.
22:29 Publié dans Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : joseph donadello, association gepetto, les amoureux d'angélique, sirènes, environnements spontanés | Imprimer
26/06/2009
La Mami Wata de Cyprien Tokoudagba
Ces histoires de sirènes africaines, les Mami Wata, m'ont fait oublier je ne sais pourquoi de parler d'un bel ouvrage édité par la Fondation Zinsou au Bénin (l'ancien Dahomey) au sujet de cet extraordinaire artiste nommé Cyprien Tokoudagba, que j'apprécie énormément, surtout depuis une exposition qui s'était tenue à l'Institut du Monde Arabe en 1994, Rencontres Africaines, où ses tableaux gigantesques montrant des figures isolées sur fond blanc, manifestement inspirées des cultes vodoun, figures d'une grande audace picturale, m'avaient littéralement sidéré. Certes, en France, le travail de Tokoudagba avait déjà surtout été révélé par la remarquable exposition des Magiciens de la Terre (organisée en même temps à la Villette et au Centre Beaubourg en 1989). A l'époque dans la foule de créateurs venus des quatre coins du monde pour les besoins de cette exposition fondatrice, j'avais surtout remarqué d'autres créateurs africains, en particulier Bruly Bouabré ou Bodys Isek Kinghelez, mieux mis en scène sans doute.
Dahomey, Rois et dieux, Cyprien Tokoudagba, tel est le titre de cet ouvrage (bilingue anglais-français) que j'ai trouvé sur un stand dédié à la culture béninoise tel qu'on pouvait en voir un peu en marge de l'immense espace du Salon du Livre en mars dernier. Il parut à l'occasion d'une expo du même titre consacrée à l'artiste à Cotonou à la même Fondation Zinsou en 2006. Or, ce livre en plus du fait qu'il permet d'en apprendre davantage sur Tokoudagba (à lire l'éclairant texte de Joëlle Busca en particulier), nous met en contact avec une autre version de la Mami Wata, cette fois concocté par notre artiste béninois.
A côté de sa reproduction, une notice donne de précieux renseignements sur la "sirène" en question, en réalité une déesse, un "génie de la mer": "Elle habite les profondeurs de la mer et commande à des myriades d'ondines. Souvent elle se présente sous les traits d'une très belle femme lorsqu'on l'invoque surtout au bord de la mer. Elle est détentrice de beaucoup de richesses (argent, bijou, or...) convoitées par les humains à qui elle les dispense (...). Elle s'entoure de serpents qu'elle enroule autour d'elle. Son culte est assez répandu. En tant qu'esprit, elle peut prendre la forme qu'elle veut, tel ici un personnage visiblement masculin à trois têtes..." Elle peut "prendre la forme qu'elle veut"... On ne saurait mieux dire... Au vu de toutes les reproductions de Mami Wata en circulation (voir ma note du 9 novembre 2008 ), on s'en convainc aisément. Dans le même livre, on trouve aussi, entre autres images magnifiques, une toile représentant le dieu Gou, du fer et de la guerre (c'est le même qu'Ogun, une sorte "d'homologue du dieu Mars de la mythologie latine", dit le catalogue), c'est une image géniale, hallucinée...
00:24 Publié dans Art immédiat, Art inclassable, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cyprien tokoudagba, mami wata, sirènes, art populaire africain, art contemporain africain, vodoun | Imprimer
20/06/2009
Le bal des sirènes
L'ami RR (la mire...?) signale dans son récent commentaire à notre ancienne note sur les Mami Wata africaines une image vue sur l'affiche du Festival de l'Oh! en Val-de-Marne (ça se passe aussi en Seine-Saint-Denis et un tout petit peu à Paris) prévu pour se dérouler le week-end prochain (27-28 juin). Voici la peinture en question dont on ne connaît pas l'auteur.
12:50 Publié dans Art de l'enfance, Confrontations | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : sirènes, art enfantin, art naïf africain | Imprimer
12/04/2009
Sirène du 5 avril
La sirène était bien tout à fait kitsch. A combien d'exemplaires furent-elles fabriquées? Depuis celle que RR a trouvée à Paris, sur le trottoir (elles ont tendance à vivre au ras des paquerettes), voici qu'elles me suivent où que j'aille. L'autre jour à Espiet, en Gironde, une deuxième m'attendait au coin d'une braderie, avec sa table vitrée. Ce sont des séries curieuses, il suffise qu'on remarque une chose une fois pour que cette chose continue à se montrer les jours suivants, comme par un bégaiement d'interpellation du hasard.
19:02 Publié dans Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : sirènes, hasard objectif | Imprimer
01/04/2009
Sirène du 1er avril
Le camarade Remy Ricordeau passe dans une rue et avise une sculpture que l'on a jetée en travers d'une grille. Certes, il la trouve du genre kitsch, avec son air de descendre de la tombe à Dalida et son Flipper le dauphin couché sur son flanc comme bon chien de berger. Elle prend cependant un air plus poétique en raison de cet environnement insolite, le trottoir, les déchets, l'abandon des objets au rebut. Sirène, joli thème, figure éminemment poétique que l'on a sabordée, trouvaille au hasard des déambulations dans la ville sans rêves éveillés. Remy n'a pas d'appareil photo, il demande à une femme qui passe munie du précieux outil, si elle peut... Oui...? Clic, et reclic. Cette dame, prénommée Claire, lui envoie par la suite les photos, il me les transmet, et les voici en ligne, sirène ressuscitée pour un temps, pour un temps seulement, dans la lumière rasante de l'oubli...
07:00 Publié dans Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : sirènes, poésie involontaire | Imprimer
09/11/2008
De la sirène d'Europe à la Mami Wata, sirène africaine
Cela fait longtemps qu'en rêvant à mon sciapode, emblème et logo que je me sens davantage que d'autres (les éditions Zoé en Suisse par exemple) fondé à brandir, étant donné mon patronyme, cela fait longtemps que je me dis que si je devais trouver une épouse à mon sciapode, son pendant féminin ne saurait être autre qu'une sirène.
Cela recoupe mon histoire sentimentale, j'ai connu il y a des lustres une femme, désormais disparue, qui était fascinée par ces mêmes sirènes, ayant été sans doute l'une d'entre elles dans une vie onirique parallèle. Elle avait commencé une esquisse de collection sur ce thème. Cela n'avait pas été loin. Cependant, pendant les mois de gestation intra-utérine de ce qui allait devenir par la suite sa charmante fille, elle la rêva comme une sirène, ce à quoi ressemblent les foetus d'ailleurs...
Ce rapport aux sirènes connut un épisode posthume assez merveilleux. Cette amie avait fait planter un rosier devant sa maison en Brière. D'une variété nommée Mermaid... Quelques semaines après sa disparition, nous nous trouvions, sa fille (âgée alors de douze ans), son mari et moi ensemble dans cette maison. Un matin, en sortant sur le pas de la maison, sa fille eut la surprise de voir qu'une des roses de l'arbuste s'était tournée vers le seuil, avec cette étrange impression que la rose la regardait... J'apprends à cette occasion le nom de cette variété de rose. Mermaid veut dire Sirène comme on sait. Je me demande si la disparue savait le nom de la rose, sans doute que oui, connaissant son goût pour les coïncidences. Mais alors, dans un second temps, le mot sonne autrement, j'entends tout à coup: Mère m'aide... Signal post mortem d'une mère errant parmi les choses, du souvenir de la mère flottant dans le décor de sa vie pour une petite fille désormais orpheline?
L'iconographie sur la sirène est vaste et variée, bien davantage que sur les sciapodes, bien moins connus. Elle contient parfois des images un peu effrayantes, comme ce bébé en bocal que garde paraît-il le musée de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort (signalons au passage à nos lecteurs qu'il vient de réouvrir après deux ans de travaux de restauration, merci à Jean-Raphaël pour l'info), ou des images plus sensibles comme cette sirène peinte sur un bombardier pas spécialement conçu pourtant pour l'expression de la sensibilité...
Enfant-"sirène", musée Fragonard de Maisons-Alfort ; les jambes soudées par malformation les font assimiler à une queue de poisson
02:31 Publié dans Art populaire religieux | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : mami wata, sirènes, éwé, sciapodes, dettinger-mayer | Imprimer