Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/11/2012

Des créatures champignonnesques

Abbés-cédèrent,-2012-le-J.jpg e viens de produire une planche d'échantillons à base d'empreintes de champignons sectionnés. Le champignon joue toujours les tampons avec facilité. Je n'en avais pas refait depuis des années. Les créatures apparues sont curieuses je trouve. Ça et là, des éléphants pointent le bout du museau, lorsque ce ne sont pas, à la place, des visages surmontés de fardeaux portés somme toute d'un air conciliant.bruno montpied,art singulier,thierry tricard Des chapeaux sont bien arrimés, jouant un rôle important dans ces apparitions, ces réminiscences de personnages entrevus peut-être au départ (mais quand?) dans la réalité ou dans l'imaginaire du cinéma (un des mes anciens camarades, Thierry Tricard, avait bien remarqué l'invasion de ces couvre-chefs par ailleurs). Des cheveux flottent au vent. Des barbiches, des mentons pointus de vieux prêtres russes ou de rabbins. Des bras poussent dans les crânes... Un profil d'homme aux lèvres fardées songe doucement à la gorge d'une femme cachée dans sa joue, tandis que divers autres personnages se promènent dans sa tête.

bruno montpied,art singulier,thierry tricard

Ailleurs, ce sont des corps-grumeaux, des agrégats ambulants, compacts, résolus et fatalistes, malgré une ou deux mines effarées près d'eux,  (se doutant peut-être des menaces d'éclatement qui pèsent sur les corps-grumeaux, perpétuellement en danger de morcèlement, de fragmentation). Un clown tente un pas de danse, guère de mise dans un tel régiment bien rangé. Une sorte de cangaceiro enfantin piètine allégrement un chauve masochiste. En somme une planche d'échantillons de convenables hallucinations comme en lévitation (voir les ombres noires à leurs pieds)...

bruno montpied,art singulier,thierry tricard

 Bruno Montpied, 27 créatures-champignons-hallucinogènes, 40 x 30 cm, 2012

bruno montpied,art singulier,thierry tricard

6 créatures agrandies... Celui que je désigne comme un "cangaceiro" est en haut à droite

bruno montpied,art singulier,thierry tricard

Un dominant et un qui le supporte avec philosophie?

Commentaires

C'est excellent, cher Sciapode ! Magnifiques petits dessins nés des virtualités ontophaniques du champignon. L'hallucination est-elle déjà inscrite dans les formes, voire dans la sève ? Sorte de "désastre" mallarméen, où la voix des étoiles se serait fossilisée dans les pierres précieuses (ici, les mille et un farfadets de la forêt ?). C'est très surprenant et beau à la fois. Pourrais-tu nous montrer l'une des ces empreintes avant son interprétation?
Ensuite, de quelle sorte de champignon s'agit-il ? N'y aurait-il pas une recherche à mener en appliquant la technique sur d'autres espèces ? Que nous dirait l'Amanite phalloïde ? Et le Mousseron de la St-Georges ? Et le merveilleux Sparassis crépu, cette espèce de cervelle à l'air libre dont l'empreinte ne peut être que sublime ? Y verrait-on, au bout du compte, ce qu'on s'attend à y voir ? Hécate enchemisée dans l'Amanite, portant à son doigt, lourde et noire plus que la nuit, une bague en forme de morsure ?

Merci, cher Sciapode, pour ce beau voyage au pays des empreintes parlantes,

Mauro

Écrit par : Mauro | 27/11/2012

Répondre à ce commentaire

Désolé Mauro, je n'ai pas gardé d'image des empreintes sans interprétation. Cela se passait au départ dans un atelier avec des enfants. J'ai interprété ces empreintes une fois de retour chez moi, sans savoir ce que cela donnerait. Je ne photographie qu'une fois satisfait du résultat. Mais la prochaine fois, juré, je penserai à toi...
Quant aux champignons, ce sont de vulgaires champignons de Paname. Question d'économie! Le sciapode est un peu radin...Mais j'essaierai à l'occasion d'en faire d'autres avec des champignons de plus haut lignage, promis.
Merci pour tes avis en tout cas, très poétiques et originaux.

Écrit par : Le sciapode | 27/11/2012

Très chouettes, ces champottes!

Enfin du moins ceux qui sont "agrandis", parce que les autres sont plutôt flous flous.

Écrit par : Emmanuel Boussuge | 27/11/2012

Répondre à ce commentaire

Emmanuel, on fait ce qu'on peut...
C'est pas toujours simple de comprendre la technique de publication des images sur ces blogs...
J'ai rajouté suite à ton commentaire d'autres agrandissements. Et j'ai essayé d'améliorer l'image globale. Cette dernière reste floue, je sais... Mais baste...

Écrit par : Le sciapode | 27/11/2012

Répondre à ce commentaire

D'où vient cette technique originale ? Y a t'il un rapport avec l'identité de son auteur ? Car le champignon, de Paris ou d'ailleurs, est lui aussi un sciapode, non ?! En tous cas le résultat est très réussi.

Écrit par : RR | 27/11/2012

Répondre à ce commentaire

La technique, cher RR, n'est tout de même pas aussi originale que cela. Les empreintes et leur interprétation, c'est vieux comme Hérode.
Et puis le champignon pareil au sciapode? Pourtant le champignon ne végète pas à l'ombre d'un pied lui, mais d'un banal chapeau.

Écrit par : Le sciapode | 02/12/2012

wikipedia fait état de 73 espèces d'Agaricus (champignon de paris)...de quoi me mettre l'eau à la bouche au vu de cette originale première planche . une réussite comme le dit RR !

Présenter l'image "dominant/dominé" sur une aussi petite surface nous rappelle notre place au sein de notre immense champignonnière ...l'art pousse !

Écrit par : bx | 02/12/2012

Répondre à ce commentaire

Cela ressemble à des croquis pour des sculptures. ce sont de très beaux dessins.

Écrit par : dahyot | 04/12/2012

Répondre à ce commentaire

Ayant délaissé quelque temps le site, je remonte dans le temps et m'arrête à cette note. Il a bien raison, RR, et vous y allez vite en balayant sa conjecture d'une main comme d'autres les miettes sur une nappe. Un champignon a bien un pied, et un seul, et glorieux, comme tout sciapode qui se respecte. Quant au chauve masochiste piétiné par l'enfant cangaceiro, eh bien, eh eh!...

Écrit par : Régis Gayraud | 26/01/2013

Répondre à ce commentaire

Le fait que le champignon n'a qu'un pied n'en fait pas un sciapode, mon cher Gayraud junior, tout au plus un monopode. Je reconnais cependant qu'il cousine fort avec le sciapode du fait de ce pied unique (quoique personne ne nous ait dit si le sciapode n'avait pas deux jambes et deux pieds si bien superposés qu'on n'arrive pas à les discerner et qu'on croit ainsi avoir affaire à une seule jambe et un seul pied).
Pour être sciapode il faut se tenir à l'ombre de son pied ("scia", c'est l'ombre en grec). Et c'est vrai que s'il se redresse pour se mettre à sauter à cloche-pied, ou marcher sur ses deux jambes auparavant si étroitement superposées, il perd ipso facto sa qualité de sciapode pour devenir soit un champignon qui marche, soit un monopode en action, voire un bipode tout à fait banal.
Sur le cangaceiro enfantin (n'oubliez pas l'adjectif, "enfantin") qui piétine un chauve masochiste (puisqu'il se laisse faire), je dois dire que c'est un thème qui est apparu deux fois dans mes peintures de ces années. J'ai fait ainsi un dessin qui s'intitule "la jeunesse piétine les morts". Je dois vouloir dire par là que les générations qui arrivent nous poussent en dehors de la carrière, sans pitié, comme une vague de fond qui balaye les vieilles vagues précédentes. Et celles-ci se laissent faire, parce qu'elles savent que c'est la loi du genre. Une génération prend la place de l'autre. Alors, est-ce "masochisme" que j'aurais dû mettre dans ce titre? Ou plutôt abnégation, sagesse, résignation? Celles de ceux qui s'occupent d'enfants, qui les protégent, et leur passent le relais le regard empreint de nostalgie et de fatalisme...

Écrit par : Le sciapode | 30/01/2013

Répondre à ce commentaire

Mon cher sciapode, vous avez raison sur toute la ligne, et puisque vous parlez d'ombre (σκιά), je voulais justement vous demander pourquoi ces petites taches grises sous chacun de ces champignons. Sont-ce justement leurs ombres grises? Quelle riche idée, si c'est le cas, d'avoir ainsi mis en scène ces petits champignons flottant dans l'air, sautant au-dessus du sol comme des puces zébulonesques. Ils ont quitté l'humus auquel leur déterminisme d'eumycètes semblaient les condamner et, libres, ils planent dans le ciel et se rapprochent du divin. Ce sont des hommes, des vrais, plus vrais que la plupart des hommes, qui sont courbés vers la glèbe par la pression du travail, des enfants, des machines. Les enfants, justement, parlons-en! Dans le beau livre de mon frère (sur lequel je m'en vais bientôt me fendre d'un commentaire), il y a quelques bonnes lignes sur le bout de bois de Svankmajer (Otesànek) qui littéralement pompe tout l'air de ses parents adoptifs. C'est un peu le même esprit qu'avec votre intrépide cangaceirito. Eh oui! que voulez-vous. Nous sommes des hommes du XXe siècle. La césure s'est faite il y a exactement cinq ans. Ne me dites pas pourquoi, mais c'est ainsi. Désormais, chaque promotion de mes petites étudiantes s'enfonce plus avant dans le XXIe siècle. On leur prédit de devenir centenaire et plus encore (entre nous, quand je vois ce qu'elles boivent, je me dis : "que valent les prédictions?"...). Certaines verront le XXIIe siècle!.. Et vous qui côtoyez souvent d'encor plus jeunes... Assurément qu'ils verront le XXIIe, ces poulets! Mais ils pourront dire : "Enfant, j'ai croisé Bruno Montpied, j'ai croisé Régis Gayraud! De sacrés fossiles d'un temps définitivement révolu, où on aimait des choses bizarres, la... Comment déjà? "Poésie", et puis le "surréalisme", les bons mots, oui, c'est ça... Les mots. On aimait jouer avec les mots, il parait qu'on appelait ça aimer la langue, avoir une certaine conscience de la langue. Quelle drôle de choses étranges. Le style. C'est ça. Le style. Ils n'utilisaient pas ce mot-là pour les vêtements, c'est assez bizarre, au fond. Il parait qu'il existe encore des endroits avec ces drôles de trucs, des sortes d'éventails, aux feuilles cousues entre elles, comment dire, avec des choses écrites dessus comme sur nos écrans, mais vraiment assommants, ces trucs, comment ils appelaient ça, déjà? Ah oui, des livres. Il parait qu'il y en a encore dans de grands silos, on en a gardé quelques uns pour le fun, mais personne n'a plus jamais regardé ce qu'il y a dedans depuis des années, c'est INUTILE. Oui, c'est ça, ils étaient inutiles, tous ces gens-là. Et il parait même qu'ils le revendiquaient. être inutile... Pouah!..." (je n'ai pas restitué l'ortograf de 2113, pour qu'on se comprenne entre nous).

Écrit par : Régis Gayraud | 30/01/2013

Répondre à ce commentaire

Les traits au crayon noir placés en dessous des figures est une technique qui est apparue en effet récemment dans mes dessins, par le hasard des manipulations. Je me suis aperçu que cela donnait comme une ombre à des figures qui n'ont pas d'épaisseur, puisque le fait de rendre les volumes ne me vient pas naturellement (comme tu sais, je n'ai jamais appris à dessiner, et me borne à suivre mes intuitions, n'étant nullement gêné par le dessin sans perspective et sans relief). J'aime beaucoup ces ombres. Oui, ces créatures poussées comme des champignons, du coup, et c'est bien vu de ta part, paraissent léviter. Là aussi, comme les cangaceiros dans ma jeunesse, cela provient d'un autre souvenir qui m'a marqué, plutôt quand j'étais enfant: les bonzes lévitant dans "Tintin au Tibet"! Idée saisissante d'Hergé... Dont je n'ai jamais cherché à remettre en doute la véracité, tant elle me plaisait.

Écrit par : Le sciapode | 01/02/2013

Précisions: le cangaceiro, piétinant ou non, est un personnage qui revient régulièrement dans vos peintures, mon cher Sciapode. J'ai moi-même acquis un "cangaceiro prenant conseil auprès d'un génie" de fort belle facture et dont je ne me lasse pas. Vous ne vous êtes d'ailleurs jamais expliqué sur votre intérêt pour la bande à Lampiao et sa belle Maria Bonita, mais je subodore que l'extravagance colorée de leurs tenues (et particulièrement de leurs couvre-chefs) n'y est pas étrangère, non ?

Écrit par : RR | 31/01/2013

Répondre à ce commentaire

"Le cangaceiro revient régulièrement"...? Euh, disons qu'il est passé deux ou trois fois. Je ne sais vraiment pas quand il reviendra, de même que rien ne m'avait prévenu de son passage les autres fois. Et, oui, c'est un personnage qui m'a frappé par son accoutrement avant tout. Son histoire, certes alléchante comme celle de tous les bandits justiciers au service des pauvres contre les riches, m'intéresse, mais a mobilisé moins ma mémoire que cet extravagant couvre-chef comme tu dis. En fait c'est même la forme demi-circulaire de ce chapeau qui me plaît, comme pour les bicornes de Napoléon ou de carabiniers italiens (je crois) aussi. Cela dit, qu'un bandit justicier s'attife de façon originale et extravagante, comme certains créateurs rangés dans l'art brut (Poladian, Podesta, Mélina Riccio, Michel Godin des Mers par exemple), cela leur confère un prestige accru qui frappe l'imagination.
A noter que Lampiao a été représenté plus d'une fois par des graveurs sur bois populaires contemporains dans le Nordeste brésilien (il existait des livres en français disponibles il n'y a pas si longtemps sur le sujet ; quand j'y penserai, j'en mettrai une ou deux sur le blog). C'est une légende qui parle encore au peuple là-bas aujourd'hui très probablement.

Écrit par : Le sciapode | 01/02/2013

Répondre à ce commentaire

Vous parlez des carabiniers. Oui, dans le genre couvre-chefs extravagants, chez les militaires italiens, il y a des choses bizarres. Les bersaglieri avec leurs casques à plumes qui donnent l'impression d'avoir été se cacher dans un poulailler, de s'être fait écraser dessus un oeuf bien collant puis de s'être roulé dans les plumes. Et puis il y a un autre corps, dont je ne me rappelle plus le nom, qui a adopté pour une sorte de képi avec une espèce de pompon rouge à longs cordons rouges, comme une queue de cheval rouge, on a l'impression de viande hachée qui dégouline du hachoir, totalement répugnant. On en rencontrait beaucoup avant, les soirs de bordées dans les villes italiennes. Les soldats français n'étaient déjà plus astreints à se promener en uniforme, alors pour voir de beaux mâles en uniforme, il fallait partir en Italie. A Gênes, dans les bas quartiers, ça sentait le sexe, la sueur et la peur parfois. Et où il y a de la gêne, y'a pas de plaisir. Alors, on se gênait pas, à Gênes. C'était le bon temps.

Écrit par : Isabelle Molitor | 02/02/2013

Répondre à ce commentaire

Vous dites,"comme tu sais, je n'ai jamais appris à dessiner, et me borne à suivre mes intuitions"

A ceux qui ont bien appris, parfois trop bien, ou par trop suffisamment pour que le conditionnement leur soit un boulet bien vissé, me rappelle à la petite phrase de Michaux, qui dit que toute une vie ne suffit pas pour désapprendre, ce que, naïf, soumis, l'on s'est laissé mettre dans la tête.

La petite ombre est une ancre.

Écrit par : Le loup vert | 02/02/2013

Répondre à ce commentaire

Écrire un commentaire