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08/06/2013

Camplong, le monument du Bousquétou

        L’Hérault a un goût marqué pour les monuments insolites aux morts de la guerre 14-18, on dirait. Si Lodève a le monument étonnant, à connotation antimilitariste, de Paul Dardé (voir note ancienne sur ce blog),Monument-aux-morts-de-Lodev.jpg Camplong de son côté peut s’enorgueillir d’un autre monument, dû à un tailleur de pierre et sculpteur autodidacte, Denis Bousquet. Il a fait une colonne finement travaillée, tout en étagements, avec des personnages aux traits naïfs, fort élégante, touchante et originale. L’empilement de divers symboles couronné d’une sorte de tourelle surmonté d'un canon miniaturisé prend des allures de monument d’inspiration visionnaire, comme une architecture faite de collages. De tous les monuments aux morts insolites que j'ai rencontrés jusqu'à présent, c’est certainement celui dont le style paraît bien le plus adapté au qualificatif de naïf.

 

camplong-monument(photos L. Osouf).jpg

Le Monument aux morts de Camplong dans l'Hérault, dû à Denis Bousquet, ph. L. Osouf, extraite comme les deux suivantes d'un site web sur les monuments aux morts de l'Hérault ; on notera le casque prussien qui sert de base à la colonne et l'aigle qui est empalé sur sa pointe et n'en supporte pas moins tel un nouvel Atlas tout le poids de la colonne reposant sur lui...

camplong-soldat-agenouille.jpg

Denis Bousquet, l'un des soldats agenouillés au coin de la colonne (détouré), ph. L.Osouf

 

         B. Derrieu dans la base Palissy sur internet le décrit ainsi (en 1991) :  

camplong-canon.jpg     « Une colonne sculptée, surmontée d'un canon de 75, repose sur un aigle empalé sur un casque prussien (symbole de la défaite allemande). Quatre soldats en prière sont disposés aux angles de la colonne.

     L'artiste, suite à la mort de son fils Léon au champ d'honneur, aurait accepté d'en assurer la réalisation à condition d'en avoir la liberté d'exécution, sans plan ».

        Laure Gigou dans un récent « guide insolite » des éditions Bonneton ("Hérault, 100 lieux pour les curieux", 2012) a donné quelques précisions supplémentaires sur ce sculpteur.

      On le surnommait « Le Bousquétou » parce qu’il mesurait 1,55m. Son fils Léon avait vingt ans quand il fut tué. « Poursuivi par le sort, le Bousquétou perdit aussi un petit-fils en 1944, fusillé par les Allemands à Lyon. Celui-ci aussi avait vingt ans… ».

    Il est également l’auteur du caveau familial dans le cimetière du village.

   Avec ce Denis Bousquet, nous avons la preuve que l'on pouvait demander ici et là à des sculpteurs du cru, pas forcément très académiques, de tailler des monuments aux morts.

   Peut-être pour compléter cette note d'une touche plus antimilitariste, puis-je signaler cet autre monument photographié l'année dernière à Amiane également dans l'Hérault.

 

Guerra-a-la-guerra,-Amiane-.jpg

"La guerra qu'an vougut

Es la guerra a la guerra

Son morts per nostra terra

E per touta la terra"

(Traduction improvisée par moi: "La guerre qu'on veut/ C'est la guerre à la guerre/ Ils sont morts pour notre terre/ Et pour toute la Terre") ; ph Bruno Montpied, 2012

    Et puis voici encore un autre monument, le Monument aux Morts de la Haute-Garonne, cette fois à Toulouse, qui, différemment par rapport à celui de Dardé à Clermont-L'Hérault avec sa femme nue gardant lascivement un soldat mort, possède de toute évidence par son naturalisme une dimension défaitiste qui, à ce que m'a écrit Emmanuel Boussuge qui me l'a communiqué (voir également son commentaire ci-après), fit scandale lorsque le sculpteur (un certain Camille Raynaud) dévoila son œuvre en 1928.

 

B-Monument-aux-morts-(2)---.jpg

La "Victoire" de Camille Raynaud, on aimerait la voir dans ce simple appareil se mettre à voleter de ci de là, ph.Emmanuel Boussuge, 2013

B-Monument-aux-morts-(5)---.jpg

Autre aspect du Monument de Raynaud, ça se bouscule au portillon de la libération hors des armes... Ph. Boussuge, 2013

 

 

Commentaires

Comme Lodève, au demeurant, Camplong, en plus petit, a un passé industriel, d'abord minier, puis métallurgique. Ce sont de vieux villages ouvriers, dont les cafés ouverts presque jour et nuit ne désemplissaient pas des ouvriers qui tantôt travaillaient le jour, tantôt la nuit, au rythme des trois-huit. On y discutait, on y bataillait, on n'y aimait ni le sabre ni le goupillon. Nous fûmes ici en vieille terre de révolte, albigeoise ou protestante, vigneronne (1907) et antimilitariste (toujours). Comment voulez-vous qu'on y aime l'armée française, qu'elle soit celle de l'évêque, du Roy ou de la République, quand elle n'a jamais cessé de nous agresser? Comment voulez-vous qu'on eût apprécié cette armée qui avait massacré nos viticulteurs à peine sept ans avant celle qu'on nous présentait comme la der des ders?

Écrit par : Bousquetou | 09/06/2013

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Je précise que ce n'est pas tant la charge érotique de la Victoire de Toulouse, semble-t-il, qui a choqué, que son aspect dénué de toute idéalisation. Voilà une Victoire sur qui le poids des années de guerre a laissé des stigmates bien visibles, une allégorie sans élan au bord de l'épuisement. De même rien d'héroïque dans les mines des soldats de retour du front et des femmes qui les fêtent, seulement le soulagement prosaïque d'avoir enfin échappé au cauchemar et la joie de se retrouver.

Bien belle trouvaille que ce monument du Bousquétou.

Écrit par : Emmanuel Boussuge | 10/06/2013

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J'avoue une faiblesse certaine pour le monument de Gentioux-Pigerolles (Creuse) et plus encore celui de Saint Martin d'Estréaux (Loire).

Écrit par : Isabelle Molitor | 10/06/2013

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La colonne du monument aux morts de Camplong avec à sa base le casque prussien me fait penser à un autre monument commémoratif qui n'a jamais été réalisé mais qui fut pensé et dessiné par Durer en hommage aux paysans insurgés de la guerre des paysans vers 1525.Il s'agissait aussi d'une sorte d'assemblage d'objets,ceux ci issus du quotidien d'un paysan tels que des fagots, des fourches etc...Au sommet de ce monument, Durer voulait y placer un paysan assis, semblant méditer (un peu comme le Penseur de Rodin) , un glaive planté dans son dos. Ce dessin se trouve reproduit dans le livre de Maurice Pianzola intitulé "peintres et vilains".

Écrit par : darnish | 11/06/2013

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