23/04/2019
Robillard, une apothéose dans l'art de manipuler un auteur d'art brut, et, accessoirement, l'art brut lui-même
"André Robillard
Le dernier artiste contemporain découvert par Jean Dubuffet. A l’occasion de l’exposition « Jean Dubuffet - un barbare en Europe », organisée par le Mucem et consacrée au fondateur de l’art brut, la Galerie Polysémie présentera une sélection de sculptures et dessins réalisés par André Robillard, génial artiste contemporain.
André Robillard est le dernier membre survivant de la collection originale de Dubuffet et l'un des artistes les plus célèbres de l'univers Art Brut / Outsider. Il est né le 27 octobre 1931 à Gien. Suite à des problèmes de comportement, à l'âge de huit ans il est placé dans une école rattachée à un hôpital psychiatrique et à 19 ans il est hospitalisé. C’est pendant cette période qu’il commence à créer, en utilisant la sculpture et le dessin, pour exprimer son univers intérieur à travers un langage personnel.
Fusils réalisés avec des matériaux de récupération, planètes, satellites, cosmonautes, animaux…. ses thèmes de prédilection sont d’une grande variété. André Robillard nous démontre avec brio que le handicap n’existe pas dans la création plastique."
Belle annonce n'est-il pas? Pleine de bons sentiments, et pétaradante : "génial artiste contemporain"... Déjà, relevons l'apposition maligne "artiste" et "contemporain"... Robillard est ainsi mis dans la même catégorie qu'un Jeff Koons ou d'un Anish Kapoor (voir ci-contre une de ses réalisations à la galerie Kamel Mennour). Après tout, Polysémie en aurait le droit, puisque Françoise Monnin, la grande prêtresse d'Artension, a bien publié récemment des "entretiens" avec l'artiste Robillard, très volontairement placé ainsi au même rayon que les artistes patentés professionnels avec qui des "entretiens" sont pour certains d'entre eux de rigueur (ça fait partie de l'image de marque du monstre sacré). Et puisqu'ici et là, André Robillard est enrôlé dans des shows divers et variés, avec les Endimanchés d'Alexis Forestier pour des pièces de théâtre musical, par exemple, ou des "performances" racontant sa vie, terriblement cadrées, avec Alain Moreau, autre exemple...
Les marchands continuent donc leur entreprise d'absorption de l'art brut qu'ils désirent soluble dans un art contemporain qui a besoin de rafraîchir ses marchandises.
Mais, au delà de ça, qu'est-ce qui se cache derrière tout ce micmac robillardesque ? Sait-on que Robillard est d'abord un type gentil, brave comme pas deux, qui ne ferait pas de mal à une mouche comme on dit (et que je ne qualifierai pas de mon côté "d'handicapé", Mister Polysémie) ? Et qu'à cause – d'autres diront "grâce à" – cela, toutes sortes de manipulateurs en tous genres, depuis des années, lui ont sauté dessus, comme la misère sur le pauvre monde, pour le transformer en une marionnette de l'art dit brut ? Au fond, Robillard ne fut véritablement "brut" qu'au début seulement, dans les années 1960, lorsqu'il fabriqua quelques fusils (assemblés à partir de matériaux divers récupérés de manière à figurer un fusil, de la même manière que les enfants se bricolent des armes de jeu à partir de bricoles recyclées à la va-comme-je-te-pousse), montrés à Dubuffet qui les intégra aussi sec dans sa collection.
Voici un "fusil" d'André Robillard, déjà mis en ligne par moi sur ce blog auparavant ; il date apparemment de l'époque où Robillard se remit à faire des fusils après avoir visité la Collection de Lausanne; il fut acquis par son premier collectionneur à l'Aracine au milieu des années 1980. Sa simplicité touchante, bien éloignée de ses assemblages plus connus, devenus de rigueur auprès des collectionneurs peu regardants, avait quelque chose de rare...
Il arrêta après ces premiers "jets", quelques années. Ce ne fut qu'au début des années 1980 qu'il recommença, après une visite à la Collection de l'Art Brut qui venait d'ouvrir dans son mirifique "Château" de Beaulieu à Lausanne. Déjà, ce "recommencement" avait perdu de son élan originaire, à savoir brut (sans concession au goût du public extérieur), puisqu'il était motivé par la découverte que ses "œuvres" avaient plu, avaient été intégrées à un musée (que l'endroit en question se soit voulu un "anti-musée", je ne pense pas que Robillard s'en soit pénétré particulièrement). Il se remit à produire – cette fois en série – des fusils, devenant presque une usine à lui tout seul. Cette apparente "industrialisation" de ses bricolages ont fini par donner des idées à d'autres, bien moins honnêtes au fur et à mesure que passaient les années. On m'a raconté qu'un aigrefin lui aurait ainsi proposé récemment de dessiner au feutre indélébile sur des abats-jours sphériques en verre blanc. 50€ pour André Robillard, et vendus dix fois plus ensuite par l'aigrefin (c'est tellement gros que cela mériterait confirmation)... Des commanditaires lui ont jeté le grappin dessus. Quand vous allez le voir, il n'y a rien chez lui. Tout est déjà préempté par les commanditaires qui, de plus, sans doute pour le surveiller de près, l'invitent chez eux pour qu'il travaille avec les matériaux qu'ils mettent à sa disposition, crosses toutes calibrées, câbles, scotch, et tutti quanti...
Collection de fusils de Robillard exposés à un moment au LaM de Villeneuve-d'Ascq, ph. Bruno Montpied, 2011.
Des pistolets de Robillard à présent..., ph. Galerie Polysémie.
André est gentil, disais-je, il ne dit pas non. Il y gagne de quoi vivre, il est nourri, blanchi... Il vous rétorquera d'un air désarmant que ses productions actuelles (les fusils sont trop chers? Qu'à cela ne tienne, on lui fait faire des pistolets, moins de matériaux, moins de temps passé à les ficeler et, donc, un prix plus "accessible"...) sont des ouvrages réalisés "en collaboration". Certes... Mais a-t-on encore à faire à un auteur d'art brut? Bien sûr que non! Acheteurs, collectionneurs, ce que l'on vous vend actuellement, c'est tout simplement du sous-Robillard, du simili art brut comme il y a du simili cuir, fruit de petites manipulations lamentables, où tout le monde tripote avec ses mains sales dans la sauce... Mais quand lui flanquera-t-on enfin la paix!
D'autres comme vous ont déjà tenté le coup avec Aloïse dans les années 1960. Elle s'en était laissé mourir, plus difficile qu'André....
Pour vérifier... Exposition à la galerie Polysémie à Marseille, du 25 avril au 25 mai 2019.
23:29 Publié dans Art Brut, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré robillard, galerie polysémie, manipulation de l'art brut, art contemporain (de merde), aigrefins | Imprimer
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