17/08/2022
L'Objet X (une découverte dans l'histoire de l'Art Brut)
L’OBJET X
(une découverte dans l’histoire de l’Art Brut)
Je suis en train de revisiter les débuts de la constitution de la collection d’Art Brut en partant des œuvres d’art naïf que Dubuffet, le fondateur de la notion d’art brut, commença par interroger comme pouvant faire partie de ce qu’il commençait d’envisager ‒ dans les années 1940 ‒ comme la découverte d’un corpus d’œuvres d’art oubliées, non reconnues, exprimant pourtant avec la force la plus intense la vérité humaine la plus crue en matière d’expression. Défilent devant mes yeux des tableaux surtout, jusqu’à ce que je m’arrête sur ce fameux objet indéterminé, si difficile à décrire, car composite et extrêmement indistinct, rétif à être appréhendé, on dirait…
J’écris ce « fameux » objet, car il est en effet connu dans l’histoire des origines de l’Art Brut, il fait partie de ces objets orphelins, impossibles à situer, que des collectionneurs épris de curiosité ont su abriter chez eux¹.
Il est monté sur une sorte de coque noirâtre (brune peut-être, mais comme il est plongé dans la pénombre, il apparaît sombre), un morceau de bois d’une forme approximativement proche du parallélogramme, qui est destiné à faire flotter l’assemblage entier, ou bien à se déplacer, car on a pu le flanquer de roulettes. Ces dernières ne sont plus visibles aujourd’hui… Sur ce bloc, se dressent deux ou trois autres parties de l’assemblage : une sorte de morceau de branche élancée en forme de long doigt dressé vers le ciel, des formes plus ramassées, comme des coquillages blanchâtres agrippés à un bouchot. L’ensemble n’est pas un objet naturel de hasard, comme ceux que l’on trouve le long des grèves. Il résulte d’une volonté humaine qui a présidé à l’assemblage de ses parties. Il émane un mystère de cet objet, renforcé par son statut d’objet mythifié dans l’histoire de la recherche autour des débuts de l’art brut.
Son propriétaire, un collectionneur ‒ qu’au réveil je me reprocherai de n’avoir pas interviewé afin d’en apprendre plus sur l’auteur de cet assemblage mythique des débuts de la collection d’Art Brut ‒ est présent, mais en retrait. Il possède encore l’objet qui n’a jamais été incorporé à la collection d’Art Brut de Dubuffet, en raison du rejet de ce dernier, considérant l’objet comme par trop insituable, par trop indéterminé. On sait que le peintre construisit sa collection par intégration et rejets successifs de divers artefacts qu’il regardait de manière évolutive au fur et à mesure que s’affirmait sa vision de ce qu’il poursuivait avec son « art brut » : un art du « jamais vu », hors champ de la culture artistique.
L’art naïf des débuts, l’art des enfants, les arts lointains, l’art populaire rural se virent ainsi successivement rejetés, à mesure que s’affermissait sa conception. L’objet X, ici retrouvé par moi, avait été ainsi repoussé dans les poubelles des prémisses de l’Art Brut, où ses thuriféraires avaient méthodiquement organisé son enterrement…
Je suis pour sa réévaluation, me dis-je, au fond de ce rêve. Ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à le décrire ‒ déjà, parce qu’on n’arrive pas à le voir correctement! ‒, à le situer, à en déterminer l’auteur, qu’on ne peut prendre en charge sa force brute, essentiellement tissée d’énigme…
[Hélas, je me réveille sans avoir pu en apprendre davantage…]
Vers 23h30, après m’être assoupi, fiévreux et enrhumé, le 13 février 2018…
_______
¹ Il va de soi que cet objet ne correspond à aucun objet historique précis. Le rêve fait seulement écho à la question des œuvres collectionnées au début par Jean Dubuffet comme pouvant être de l’art brut, mais qu’il finit par rejeter au fil du temps dans sa collection « annexe », rebaptisée ensuite par lui et Michel Thévoz (le premier conservateur suisse de la Collection à Lausanne à partir de 1976), « collection Neuve Invention ». Cette collection, longtemps restée marginale par rapport à l’Art Brut proprement dit, se révèle très souvent tout aussi passionnante que la collection qui s’est développée par la suite jusqu’à aujourd’hui.
08:58 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Rêves | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : objet x, histoire de l'art brut, récit de rêve, dubuffet, collection de l'art brut, objets orphelins, réévaluation, objets mythiques, collectionneurs | Imprimer
Commentaires
C'est un peu chaud, ce long doigt dressé en l'air avec un agglutinement de boules comme des moules à la base.
Écrit par : Isabelle Molitor | 18/08/2022
Répondre à ce commentaireIl faut vraiment réévaluer l'Objet X.
Écrit par : MT | 18/08/2022
Répondre à ce commentaireDites donc, avec les initiales de votre pseudo, vous frisez avec l'imposture... Je dis bien, vous frisez, vous frôlez...
Écrit par : Le sciapode | 19/08/2022
Il reste à un bon artisan à le fabriquer selon les indications très précises données par le rêveur.
Écrit par : L'aigre de mots | 19/08/2022
Répondre à ce commentaireC'est bien là le nœud (encore un terme, choisi ici à dessein, pour exciter la dénommée Isabelle Molitor - s'il en était encore besoin, du reste...) du problème. Le rêveur n'a pas plus de précisions à donner quant à la description de l'objet en question.
Écrit par : Le sciapode | 19/08/2022
Il vous faudrait l'ingénieux dispositif que mon voisin vient d'installer dans la pension de Maman Temporel où j'habite.
Écrit par : Masson | 19/08/2022
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