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23/08/2009

Gilles Manero veut-il du mal aux sciapodes?

    Gilles Manero a une curieuse vision des sciapodes. Il m'en a envoyé trois, à base d'aquarelle, de collage, de détournement.

    Voici dans l'ordre chronologique le premier:

Gilles-Manero,-Sciapodicus,.jpg

Gilles Manero, Sciapodicus, 2008   

    Puis le second:

Gilles-Manero,-sciapode-du-.jpg
Gilles Manero, [Sciapode du genre écorché], 2008

    Enfin le troisième:

Gilles-Manero,-Le-sciapode-.jpg
Gilles Manero, Le Sciapode au Poignard subtil, 2008
     Mais enfin, qu'est-ce que les sciapodes lui ont fait pour qu'il se les représente ainsi, cadavériques, écorchés ou tout bonnement squelettiques, et inquiétants qu'ils sont, adossés à leur poignard ouvert? 

21/06/2009

Horace Diaz se prend parfois pour un sciapode

    Il a 81 ans et il est en pleine forme ce maître cimentier qui avait déjà été repéré dans les années 1970 par Jacques Verroust qui sans citer son nom fit figurer une de ses girafes lourdement vêtue de gros galets dans son livre fameux Les inspirés du bord des routes (1977).Les Inspirés des bords de routes,Ph.JacquesVerroust, Le Seuil, 1978.jpg Il répond au doux nom d'Horace Diaz, et habite Lodève dans l'Hérault. En trente ans la population de ses statues a semble-t-il passablement proliféré, ce qui lui attire des cars de touristes. Je dis "semble-t-il" car je n'ai pas encore eu l'occasion d'aller vérifier de mes propres yeux. Ce sont Martine et Pierre-Louis Boudra de l'association Gepetto (le musée des Amoureux d'Angélique à Carla-Bayle prés des Pyrénées) qui sont mes yeux en l'espèce. Ils m'ont envoyé toute une flopée de photos en guise de reportage sur le créateur.

Horace Diaz, autoportrait, collection Musée des Amoureux d'Angélique, Carla-Bayle, ph.Boudra, 2009.jpg
Horace Diaz, autoportrait monopodique... ph.Association Gepetto, 2009

    Et pour commencer, ils m'ont d'abord fait connaître cet "autoportrait" de monsieur Horace, posé sur une jambe unique, ce qui l'unit furieusement avec le thème du sciapode, n'est-il pas? Le sujet semble l'émoustiller, puisqu'il en a réalisé aussi une autre version plus "potiche"...Horace Diaz, sculpture en ciment, ph.Boudra, 2009.jpg Comme le sciapode de plus, il paraît être sensible au fait de devoir lui associer le personnage mythique féminin qui lui fait pendant, la sirène, justement évoquée dans ma note précédente... C'est du reste un thème souvent traité par les faiseurs d'environnements spontanés. Elle séduit l'imagination aisément cette sirène, elle appelle peut-être aussi les mains façonneuses, par ses seins, et ses courbes ondoyantes faciles à modeler...Horace Diaz, Sirène, ph.Boudra, 2009.jpg A côté de cette figure de la mer, Horace a pensé à ses possibles compagnons les dauphinsHorace Diaz, Dauphin, ph.Boudra, 2009.jpg.

Le monsieur se livre ainsi à l'édification d'une galerie en plein vent des figures qui lui viennent à l'esprit petit à petit. Tiens une girafe,Horace Diaz, girafe et autres animauxs, ph.Boudra, 2009.jpg puis si je faisais un chien, un cygne, un éléphant, un crocodile...?Horace Diaz, un crocodile, ph.Boudra, 2009.jpg De proche en proche, Horace Diaz se coule dans la peau d'un Noé se reconstituant une arche pour un improbable déluge (quoique pas si improbables que cela les déluges dans l'Hérault...).

     A la différence d'autres bricoleurs de décors faits maison, il ne se sert pas de matériaux issus de son environnement immédiat, il ramène ses galets en particulier du sud de l'Espagne (quoique la veine paraisse s'y tarir, je tiens ces informations de l'association Gepetto). Horace Diaz en use immodérément de fait, recouvrant avec aussi bien ses oeuvres que ses meubles, ses portes... Ses mosaïques présentent un aspect un peu moins fin que dans le cas d'un Picassiette mais sans doute plus solide sur la durée (et plus doux à  ce qu'ont ressenti les Boudra).

Horace Diaz,et Piere-Louis Boudra, ph.Martine Boudra, 2009.jpg
Statue d'un tailleur de pierre (?), Horace Diaz le protégeant de son parapluie, et Pierre-Louis Boudra, ph.Martine Boudra, 2009
*
    A cette note, ajoutons une précision, qui s'avère une découverte tout à fait surprenante et une révélation. Je la dois à M.van Hes, l'animateur émérite du blog cousin de nos préoccupations Outsiders Environments Europe  (voir le lien dans notre liste de liens colonne de droite).  Dans le commentaire qu'il a nous a laissé ci-dessous, il nous apprend en effet que le sculpteur barbu représenté ci-dessus par Horace Diaz est très probablement Paul Dardé, vedette à Lodève où il est connu entre autres pour le monument aux morts anti-conformiste qui se trouve prés de la mairiePaul Dardé, monument aux morts de Lodèveve.jpg. En cherchant sur la toile, j'ai découvert l'oeuvre de ce sculpteur que je ne connaissais que par ouï-dire. Un site consacré aux monuments aux morts pacifistes (décidément on trouve tout sur la Toile) nous signale que l'homme était un antimilitariste qui s'était pour cette raison spécialisé dans la sculpture des monuments aux morts, malin, non...? Il est notamment connu pour un autre monument aux morts qui fit scandale à Clermont-L'Hérault, où il représenta à côté du cadavre d'un Poilu une femme lascivement étendue à ses côtés, le veillant nue, assurant à ses mânes le soutien des filles aux moeurs pas si légères aprés tout...Monument de Clermont-L'Hérault, ph.Site Monuments aux morts pacifistes.jpg L'artiste a de la force en tout cas, lui qui écrivait en 1931 à un de ses amis: "Je sculpterai non pas pour ce monde puant et civilisé, mais pour les solitudes... Où ? Vous le savez : je travaillerai, à l'avenir, pour le Larzac"...
      Il me revient vaguement que j'avais trouvé autrefois une carte postale montrant une des sculptures insolites de ce Paul Dardé. Je vais tâcher de la retrouver pour l'insérer à la suite de cette note. En tout cas, il est tout à fait passionnant de noter cette proximité, cet hommage rendu par un sculpteur autodidacte, Horace Diaz, à un sculpteur professionnel du temps passé. Ce n'est pas la première fois, on se rappellera par exemple le peintre autodidacte François Baloffi (qui n'habitait pas loin, défendu du côté de Perpignan par Claude Massé) qui avait représenté dans certaines de ses peintures sur nappe cirée le célèbre Catalan Pablo Picasso...
*
     Et voici que j'ai retrouvé la carte postale ancienne qui représente une oeuvre tout à fait insolite et puissante de Paul Dardé (la carte ne porte que le nom "Dardé" mais ça ne peut être que de Paul...), une "Tête aux serpents", peut-être la célèbre Gorgone de la mythologie gréco-latine. A la regarder attentivement, on se dit que la qualification parfois décernée à Dardé par certains historiens d'art, que sa sculpture porterait la marque d'une sorte de "naturalisme surréaliste", n'est en réalité pas du tout aventurée...
Dardé,TêteAuxSerpents.jpg

01/12/2008

Sciapode en centre de redressement

     Spéciale dédicace à une chercheuse d'acrobaties qui passe de temps à autre par ce blog quêtant quelques pirouettes, cette petite animation fort embryonnaire je le reconnais:  Sciapode en redressement.gif

04/03/2008

Un sciapode chez MAX T.

    Mon ami Max T. (voir notes précédentes de février) m'a fait plaisir en nourrissant ma déraisonnable obsession pour les sciapodes. Il m'en a concocté un tout emberlificoté, ficelé comme une paupiette. Avec une inquiétude à la clé, où placer l'orteil d'un tel individu à pied unique? Voici le résultat:

Max T.,sciapode, fil et armature, 2008, photo P.L..jpg

15/02/2008

Deux petits nouveaux chez les sciapodes

     A verser au bataillon des sciapodes en constante augmentation à ce que je crois, voici deux petits nouveaux, Paul et Simon, petits camarades de jeux à moi dans une école où je m'ingénie depuis quelques lustres à repousser les murs... A noter que les enfants à qui j'ai montré des images de sciapodes ont tendance à le prendre en sympathie, au point de l'imiter, donc, parfois...

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02:06 Publié dans Sciapodes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Sciapodes |  Imprimer

10/07/2007

Le Sciapode au soleil

   Et voici un autre monopode qui se dore la pilule, transmis par M. Stehr, qu'il en soit remercié ici.

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      Au fait, monopode et sciapode, ce n'est pas tout à fait identique. Monopode veut dire "n'a qu'une jambe", sciapode, "n'a qu'une jambe, mais peut vivre à l'ombre (scia), protégé qu'il est par le pied (pode) qu'il  possède au bout". Le monopode se rapproche beaucoup plus des sirènes qui ont leurs jambes fondues en une queue, ou des ondins s'il est du sexe masculin. Par contre,  il se différencie d'eux par le fait qu'il vit sur terre. Comme un ondin de terre donc.

       On ne nous dit que trés rarement comment il se déplaçait, en sautillant sans doute, comme un kangourou? Un indice est donné dans  Les Chroniques de Narnia de C.S.Lewis (que nous avons la faiblesse d'aimer, malgré leur soubassement chrétien -paraît-il, car il ne nous apparaît pas si évident que cela- mais même s'il est avéré, après tout, la mythologie chrétienne a aussi ses charmes, si l'on ne s'en tient qu'à l'imagination), dans le tome V ("L'odyssée du passeur d'aurore"), chapitre 11.

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     L'héroïne, Lucy, en compagnie de ses amis, rencontre des nains qu'un magicien a transformés en monopodes qui se déplacent en bondissant (on les appelle aussi des "Nullards" en raison de leur grande stupidité ; eux-mêmes s'appellent entre eux des "Nullipotes", car ils ne parviennent pas à comprendre le terme "monopodes").

     "Sont-ils stupides à ce point-là?" [fait Lucy]

     Le magicien soupira:

     "Vous ne pourriez croire les problèmes que j'ai eus avec eux. Il y a quelques mois, ils étaient tous partisans de faire la vaisselle avant le dîner ; ils disaient que ça faisait gagner du temps pour après. Je les ai surpris en train de planter des pommes de terre cuites à l'eau, pour s'épargner d'avoir à les cuire quand ils les déterreraient."

     En réalité, ces monopodes sont des sciapodes (un mélange inédit de lutins et de sciapodes donc, à ma connaissance), je suis heureux d'avoir créé ce blog pour corriger cette légère défectuosité de la traduction de Philippe Morgaut (coll Folio Junior, Gallimard Jeunesse). Le texte nous le dit sans détours, ils sont à un moment couchés sur le dos (voir l'illustration de Pauline Baynes), la jambe tendue vers le ciel, un énorme pied les protégeant tantôt de la pluie, tantôt du soleil.

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(Les deux dernières illustrations ci-dessus sont donc de Pauline Baynes)

 

    P.S.: un petit supplément sciapodique spécial dédicace pour l'Ombrageux de Belvert (je voulais garder ce sciapode enluminé pour une prochaine distillation mais puisque vous me pressez je le lâche):

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(publié sur Wikipédia à l'article Sciapodes)

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B.Montpied, "L'ondin poursuit sa route", 2002
 
 
 
Et puis encore un, extrait d'une toile de 12 mètres carré intitulée (par plagiat assumé du roman éponyme du surréaliste danois Jens-August Schade) "Des êtres se rencontrent et une douce musique s'élève dans leurs coeurs" que je fis en 1999 avec la peintre-photographe Petra Simkova:
 
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12/06/2007

SCIAPODES ?

       J'utilise le logo du sciapode depuis de nombreuses années...
     En voici la définition telle qu'on la trouve dans le Lexique de l'Art Fantastique de René de Solier (c'est dans ce dernier ouvrage que j'ai fait connaissance la première fois avec ce "monstre" collant assez bien avec mon patronyme):
     "n.m. pluriel, du grec skia, ombre et de podos, pied. Peuple fabuleux (comme les Scythes, "ceux qui ont de grandes oreilles"), composé d'individus qui n'avaient qu'un pied, fort grand: au repos, le pied, dressé à la verticale, devenait "parasol" ".
     Il semble que la première mention des sciapodes se trouve dans L'Histoire Naturelle de Pline. On trouve de nombreuses images du sciapode dans des relations de voyage de la Renaissance qui mêlaient alors indissolublement le réel à l'imaginaire, accordant foi à tous les racontars et rumeurs qui les précédaient sur les pays traversés (ou non, ces récits n'étaient parfois que d'habiles compilations).
     Ci-dessous je publie le texte (inédit) qu'un vieil ami m'a envoyé sur le sujet il y a des lustres, et qu'il a eu la gentillesse de légèrement corriger ces derniers jours.
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  GENESE ET ILLUSTRATION DU SCIAPODE
                                                                                                          Pour Bruno
   « Retenus à terre par nos chevelures, longues comme des lianes, nous végétons à l'abri de nos pieds, larges comme des parasols ; et la lumière nous arrive à travers l'épaisseur de nos talons. Point de dérangement et point de travail ! La tête le plus bas possible, c'est le secret du bonheur!"
   Gustave Flaubert, La Tentation de Saint-Antoine.
         De l'octapode*  au sciapode, il y a la distance de sept pieds, le pied de nez, le pied de marmite, le pied de biche, le pied plat, le pied marin, le pied à coulisse et, pour finir dans la grande cuisine, le pied pané. Ce sont les sept pieds de la sagesse ; ils forment un portique où se rassemblent les manchots ; et le huitième, qui donne sa perfection à l'ordonnance octapodique du poulpe, est le pied parasol, ou pied de science, à l'ombre duquel s'allonge la paresse, cette mère de toutes vertus. Dans la terrible dégringolade de l'évolution, c'est ce pied-là qu'a conservé le sciapode. Poulpe échoué sur la terre, projeté par quelque gigantesque convulsion des mers dans l'ahurissant milieu de la stabilité, il a abandonné l'un après l'autre ses sept jambages,
         il a jeté le pied de nez aux soutanes,

         il a lancé le pied de marmite à la tête des juges,

         il a enfoncé le pied de biche entre les omoplates de la philosophie, et il a forcé,

         il a cambré le pied plat en une arche triomphale pour les processions de chenilles,

         il a coiffé le pied marin d'une voilette afin de lui faire capturer les regards,

           il a évidé de sa moelle le pied à coulisse et en a fait l'instrument qui retient prisonniers les vents et les change en notes,

         il a enfin rendu le pied pané à sa crudité première de rose et palpitant pied de cochon.

         Il n'a gardé attaché à son corps que le seul pied de science qui développe ses orteils comme autant de frondaisons balançant leur ombre sur les écarts du langage. Et sous cet abri qui tourne avec le soleil, le sciapode sait demeurer inutile.

           Sa tête, en contact permanent avec le sol, se laisse bercer aux ondulations millénaires de la croûte terrestre; sismographe sans cadran ni aiguille, son cerveau enregistre les plissements des montagnes, la lente dérive des plaques sur la bouillie du magma, la lourde et bonne bouillie rouge, et il rêve parfois de la longue louche en bois qui remue doucement la pâtée boursouflée des cratères. Il se remplit la vie de cette vision.

         Plus solides que le byssus, ses cheveux l'ont arrimé pour des siècles à la roche aiguë des promontoires, aux pentes pavées de lave des pics surgis de l'abîme, à la crête vertigineuse des falaises bleues de sel. Il n'est, on le comprend, pire malédiction pour le sciapode que de devenir chauve ; il va lui falloir, désancré de son centre d'inertie, rouler sur le plan incliné de l'existence, en se déchirant les flancs aux bouquets d'épineux et aux racines, et fouler son unique membre poussé hors de toute mesure dans les degrés inégaux d'une époque terrifiante.

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        *En grec moderne le poulpe se dit "octapode", l'animal à huit pieds. Ce sont ces huit pieds, disposés en étoile autour d'une poche d'encre que l'on mange, grillés, dans les tavernes du bord de mer en vidant nombre carafes d'ouzo. On a dit que c'est en dévorant un poulpe cru que Diogène a trouvé la mort ; certains soutiennent même que cette mort n'avait rien d'accidentel et que, lassé de la vie, le philosophe cynique a voulu par son exemple enseigner aux hommes une nouvelle manière de se suicider, singulièrement étrangère aux moeurs de la cité. Dans l'un des grands romans méconnus du XXe siècle, Les Poulpes, Raymond Guérin fait de cet animal le symbole des forces obscurantistes et totalitaires qui de leurs tentacules enserrent l'individu et l'entraînent avec elles dans l'abîme. C'est donc pour le plus grand bénéfice de la civilisation qu'il faut battre le poulpe, comme le font tous les pêcheurs dans tous les ports de Grèce : ils font rendre son encre à la pauvre bête, qui sinon ne serait pas comestible et risquerait encore de nos jours d'empoisonner quelque philosophe étourdi.
          © Joël Gayraud
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Les illustrations sont extraites du très joli site http://www.art-roman.net/stparize/stparize.htm