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22/01/2013

Un nouvel écrivain nous est né

         Certains écrivains se révèlent sur le tard. C'est le cas de Joël Gayraud. Après avoir fait paraître aux éditions José Corti son premier livre d'une certaine ampleur, La Peau de l'Ombre (car on ne retiendra peut-être pas le modeste ouvrage, Si je t'attrape, tu meurs, qu'il signa en 1995 de son nom aux éditions Syros, collection Souris Noire, plus alimentaire qu'autre chose et destiné à la jeunesse), publié ici ou là quelques plaquettes de poésie en prose, signé plusieurs traductions prestigieuses (Leopardi, Giorgio Agamben, Straparola), et commis plusieurs préfaces ou postfaces à divers textes, le voici qui nous revient avec un excellent recueil de petites proses ou notations poétiques, Passage Public, édité au Québec par L'Oie de Cravan.

 

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    On y retrouve quelques textes qui avaient paru il faut bien le dire confidentiellement dans diverses revuettes. Deux d'entre eux, A Fleur d'os et Un Inspiré en sa demeure, furent même parmi ses tout premiers textes publiés: par mézigue, dans mes revues auto-éditées, respectivement La Chambre Rouge n°4/5 (1985, le titre étant alors L'inspiré de la rue de Gyrokastër ; à noter que le texte a été amplement complété par rapport à cette première édition ) et L'Art Immédiat n°2 (1995 ; là aussi la version insérée dans Passage public comporte des modifications).

 

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      Si l'homme avait une conversation brillante à ces époques, stimulante à bien des égards, et si ses aperçus reposaient sur une documentation des plus originales, par ailleurs il ne paraissait pas chercher à publier des écrits (on était alors à une époque où l'on cherchait, dans les milieux se voulant d'avant-garde, à créer et à vivre des situations plutôt que conquérir des places dans le cirque médiatique). Médiateur dans l'âme comme je suis, je n'hésitai pas à lui mettre le pied à l'étrier. Peu importait que ces premiers essais d'écriture soient à cette époque par trop redevables à des styles et des contenus admirés. Il fallait commencer. Le temps passant, Joël s'est affirmé comme un brillant styliste et un écrivain poétique de toute première force.

joël gayraud,passage public,l'oie de cravan,l'art immédiat,la chambre rouge     Une courte nouvelle parue dans la revue québécoise Le Bathyscaphe n°2 (juin 2008 ; la revue, qui a publié huit numéros, est disponible chez Anima à Paris, rue Ravignan dans le XVIIIe ardt ou en écrivant à le.bathyscaphe@gmail.com ; le n°2 est accessible en ligne ici même), une courte nouvelle intitulée Le Centaure de Santorin m'avait déjà alerté sur la métamorphose en cours, et notamment révélé à quel point il peut se montrer à l'aise dans des textes qui hésitent entre littérature et documentaire poétique sur les misères de notre monde. Les courts textes de Passage public sont de cette eau. Divers et variés, ils évoquent parfois Léon-Paul Fargue (la Couleur des rues), s'intéressent au fantastique social (Un Inspiré à sa demeure), retranscrivent des dérives flâneuses dans Paris (Matériaux pour une cartographie révolutionnaire de Paris, Sans feu ni lieu, ou Après le virage, ce dernier étant un texte que publia naguère ce blog,  devenant du coup un peu plus espace de pré-publication...), critiquent "la définitive imbécillité de la compétition sportive" (Vive le catch!) ou campent la hantise de l'énergie atomique (Le Nez du monstre), font l'éloge des chiens grecs et leur bienheureuse paresse.

 

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      Mes préférés sont dans l'ordre du sommaire Parade napolitaine, où Joël montre clairement et parfaitement comment l'anarchie, comme le disait Elisée Reclus qu'il cite en exergue, est bien "la plus haute expression de l'ordre", Averse et Cresson, délicieuse rêverie sur un souvenir de passage à Uzerche ("la luzerne à Luzarches, l'usure de l'été à Uzerche..."), et ces deux textes qui tissent avec un égal bonheur, et grande virtuosité, rêve et état de veille, réussissant à montrer à quel point les deux peuvent se mêler, sans que cela débouche, comme cherche à le démontrer Caillois dans L'incertitude qui vient des rêves, sur une crainte et une méfiance à l'égard de l'activité onirique, j'ai nommé Chaleur sur la ville et L'erre

     Défauts de mémoire, qui clôt le mince recueil, enfonce encore davantage le clou de l'intrication du rêve et de la réalité telle que la littérature peut nous la révéler et nous la montrer désirable. Bref, on l'aura compris, avec Passage public, le lecteur raffiné aura en main une lecture délectable.

Joël Garyaud, Passage public, L'Oie de Cravan, 2012 (5460 rue Waverly, Montréal H2T 2X9 ;  www.oiedecravan.com).

10/01/2009

Les "peintures idiotes" d'Anne Marbrun

    Je ne sais que peu de choses d'Anne Marbrun. Des textes d'elle ont été publiés de ci de là en plaquettes et recueils chez divers petits éditeurs secrets (comme L'Oie de Cravan à Montréal, Wigwam Editions à Rennes, L'Escampette à Chauvigny -où, on l'espère, on n'est pas chauvigniste). Autrefois, aux éditions A la Fée Verte, éphémère maison d'édition de Joël Gayraud, je me souviens qu'il y eut aussi un texte d'Anne Marbrun, La Petite (édité en 1983). Qui est désormais disponible à L'Oie de Cravan. Est-ce la même Anne Marbrun qui a également publié un roman sur la Commune, Le sang des cerises? Il semble que oui.

Anne Marbrun, la petite, éd. L'Oie de Cravan.gif
     Une courte prose, La souris verte, vient d'être insérée dans le dernier numéro (le 11) des Cahiers de l'Umbo (et non pas de Dumbo, petits plaisantins). Cest du reste l'animateur de cette revue, Jean-Pierre Paraggio, qui vient de m'envoyer des dessins colorés (j'aime le dessin, moins les couleurs) de cette même Anne Marbrun qui paraît-il les présente comme ses "peintures idiotes". Sans doute ne faut-il voir là que le désir de raccrocher le wagon de Rimbaud qui disait aimer, dans un texte célèbre, les peintures dites "idiotes", les enseignes, etc...
Anne Marbrun, Le chagrin du dromadaire,2008.jpg
Anne Marbrun, Le chagrin du dromadaire, 2008
     Toujours est-il que comme l'indique Paraggio, jamais en retard d'une métaphore, ces dessins ont effectivement à voir avec l'horizon de ce blog. Aux lecteurs d'en juger. Si ça colle avec leurs propres horizons, territoires, et plus, si affinités...
Anne Marbrun, Concert marin,2008.jpg
Anne Marbrun, Concert marin, 2008