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01/11/2010

Musique d'outre-normes

Oskar Haus,les frères Péguri, pastel et crayon sur papier, vers 2009.jpg

Oskar Haus, portrait des frères Péguri, célèbres accordéonnistes, 42x52cm, vers 2009

      La question de la possibilité d'une musique brute en passionne plus d'un. Est-elle possible? Jusqu'à présent, du côté des créateurs de l'art brut qui sont aussi des producteurs de sons musicaux, on n'a pas encore trouvé - à ma connaissance, mais dans ce domaine, elle est plutôt limitée, donc prenez mes avis comme des interrogations plutôt que comme des affirmations -  des créateurs véritablement inventifs, ou du moins aussi inventifs que dans les arts plastiques. La plupart du temps, on recycle des instruments populaires comme l'accordéon (Oskar Haus ; ou André Robillard, qui va plus loin cela dit, en chantant dans des seaux, ou en inventant des tirades gutturales en langue imaginaire), on se bricole des percussions en chantant des airs traditionnels plus ou moins bien reproduits (Pierre Jaïn), on joue du violon en amateur (Martha Grünenwaldt). Il y a les cas cependant de Jean-Marie Massou qui au fond de ses boyaux creusés sous terre dans le Lot (voir le film d'Antoine Boutet que j'ai évoqué ici à plusieurs reprises) chante d'entêtantes mélopées, ou celui de Wölfli que l'on voit sur certaines photos chanter ou imiter des sons de trompes en tenant d'immenses cornets de papier enroulé devant sa bouche (on pense à certaines pratiques jazzistiques). Derrière, en réalité, se cache chez l'amateur de ce genre de recherche un désir de trouver de nouvelles formes musicales, de nouvelles expérimentations qui puissent le détourner de ses conclusions blasées devant les formes musicales connues.

Couverture de Chronic'art numéro 68, sept-oct 2010.jpg     Voici qu'un dossier est paru durant ces temps-ci dans le magazine Chronic'art (numéro 68, septembre/octobre 2010), intitulé "Outsiders, les maîtres fous" et dû à Julien Bécout et Sylvain Quément, illustré de photos de Frédéric Lux et d'Eric La Casa. Outre un article bien documenté, on y trouve une "galerie de portraits" d'outsiders musicaux qui fonctionne, pour l'ignorant que je suis, comme une première piste alléchante. Y sont évoquées en de courts paragraphes illustrés de photos quelques figures peu connues de la scène "outsider" comme Madam X-Otic, répondant aussi  au doux pseudo de "Dolly Rambo", jeune handicapée mentale originaire de  Hongrie dont un groupe de musiciens arrange et mixe les chantonnements au sein de clips scénographiées approximativement.

    Il y a bien sûr le cas de Daniel Johnston, né en 1961, autodidacte, ayant fait des séjours en hôpital psychiatrique pour maniaco-dépression, passionné de diverses obsessions, comme le diable, Casper le fantôme, les Beatles, King-Kong, qu'il met en poèmes, dessins et musique. Ses dessins jusqu'ici ne m'avaient pas trop convaincu, mais ses performances musicales, sur scène quelquefois, lui aussi accompagné de musiciens qui l'accompagnent, sont fort touchantes. Ci-dessous une des nombreuses vidéos trouvables sur internet à son sujet. La chanson qu'on entend, à la fort jolie mélodie, fait songer vaguement à un Neil Young aux accents fêlés et pour cette raison extrêmement émouvant.

 

     Lucia Pamela, pianiste et meneuse de revues, nous dit toujours l'article de Chronic'art, enregistre de son côté vers 1969 "de manière rudimentaire un album de caquètements doo-wop [qui] prend les atours d'une féérie candide". Il y a aussi le cas de cette cantatrice mégalo à la voix de crécelle qui massacra sa vie durant le répertoire de l'opéra classique, Florence Foster Jenkins, cantatrice qui aurait servi de modèle à la Castafiore d'Hergé dans ses aventures de Tintin. Etc... On se reportera au dossier de Chronic'art pour connaître les autres cas (Damiao Experiencia, Mingering Mike, Jandek, Wesley Willis, Harry Merry en particulier). Nul doute qu'on puisse prolonger la recherche du côté du libraire-disquaire Bimbo Tower, passage  St-Antoine à Paris.

    Ce dossier fait-il évoluer la question initiale de la possibilité d'une musique brute? Sarah Lombardi, une des conservatrices de la Collection de l'Art Brut à Lausanne, citée par l'auteur de l'article sur "Les beaux excentriques", aurait dit que selon elle il est difficile de trouver ce genre de musique en raison des instruments de musique, complexes par nature, et formatant les pratiques. Mais il faut compter avec les forcenés créatifs toujours prêts à remettre en cause les prééminences et les préjugés en matière d'outils ou de convictions établis. On voit qu'on accorde, dans les milieux passionnés de musique expérimentale autre, de plus en plus d'intérêt aux amateurs non musiciens qui chantent dans leurs douches avec des voix de fausset, dont les fêlures retiennent précisément l'attention. Comme si dans ces failles passait une nouvelle lumière remettant en cause le formatage généralisé. Du coup, peu importe qu'elle soit brute ou non...

A signaler, parmi d'autres, ce blog consacré aux musiques indépendantes, rares et bizarroïdes, Cartilage consortium.

05/07/2009

Doudou saga

     La petite chanson de l'été consacrée aux doudous est revenue... Voici qu'un lecteur enthousiaste m'adresse un rapport sur le doudou de sa fille de 6 ans et demi qui a un lapin nommé Rose Fleur pour compagnon, lapin tant adoré qu'il a fallu tout l'amour d'une mère pour le maintenir en vie à force de rapetassages divers et variés. Voici ce que m'écrit à ce sujet Cosmo Helectra  (qui anime par ailleurs une émission de radio, Songs of praise, sur Radio Aligre à propos des "musiques de traviole"):

 

« Le lapin a subi plusieurs greffes car au bout d'un an, je pense, il était déjà en miettes, ma femme a eu l'idée de faire plusieurs masques de remplacement successif du visage et surtout des oreilles (importantes pour un lapin !) à partir de vieilles chaussettes d'enfant.

Il a été aussi rhabillé avec une tenue de poupée rose d'ou le nom que lui donne ma fille "Rose fleur", à l'origine il était bleu à rayure, et plutôt "masculin". »

     Voici donc le doudou à trois stades de sa vie de doudou palpé, trituré, bisouillé, déchiqueté de tendresse pulsionnelle. Il finit par ressembler à l'autre doudou-lapin que j'avais dessiné chez des amis et que j'ai mis en ligne récemment.

Doudou-lapin, Etat 1, ph.Cosmo Helectra, 2009.jpg
Etat 1, ph Cosmo Helectra
doudouCHelectra lapin 1.JPG
Etat 2, nettement plus avancé...
doudouCHlapin-4.jpg
Etat 3, la satisfaction du devoir accompli?