04/10/2014
Création franche et productive
J'ai gardé silence cet été sur deux publications du musée de la Création Franche à Bègles me disant que cela serait plus judicieux d'en parler à présent que plusieurs internautes sont revenus de leurs campagnes, d'après ce que j'en juge en parcourant les statistiques de ce blog. En effet elles sont sorties en plein juillet, pendant que vous vous détachiez, chers internautes, de toutes tablettes, et autres engins électroniques, voir presse et radios traditionnels. Le musée n'en a cure, sa communication ne lui paraît pas essentielle, peut-être se dit-il "Dieu reconnaîtra les siens". La distribution de ses libelles et autres catalogues se fait centralement à Bègles dans ses locaux. Vous ne la trouverez que par la grâce d'un miracle en librairie. Même la Halle St-Pierre à Montmartre ne la diffuse qu'erratiquement. Et pourtant... Voici qu'est paru le n°40 de leur revue (lui pourtant disponible à la librairie de la Halle), avec une couverture noire minimaliste et pourtant baroque, une photo avec des superpositions qui fait penser à un archipel ou un oiseau dans les ténèbres, due à l'art raffiné de la photographe Marie-France Lacarce. Belle couverture qui veut peut-être solenniser ce chiffre rond - 40 numéros tout de même - mais qui sera la seule façon de marquer le coup pour ce bel effort éditorial, car nulle fête ne se profile à l'horizon pour ce quarantième non rugissant, mais séduisant.
Charles Cako Boussion, panneau de signalisation bricolé, retrouvé par Charles "Cako" Boussion et profondément modifié par la peinture et des ajouts d'inscriptions en "profession de foi", 36x63 cm, 1983, coll. BM, Paris
Il y est question de Cako Boussion - c'est moi qui me charge d'un article qui veut montrer que monsieur Boussion ne se cantonne pas aux compositions en mandalas, dites parfois "médiumniques", mais peut se révéler parfois bien plus éclectique dans ses choix de formes d'expression (comme on s'en convaincra ci-dessus). Paul Duchein rappelle de son côté l'environnement qu'avait créé Abdelkader Rifi à Gagny, en voisin de Madeleine Lommel l'ancienne fondatrice de l'Aracine. Il signe un second article sur les intéressantes compositions en coquillages de François Aloujes. Bernard Chevassu met pour sa part le focus sur un autre créateur d'environnement, Roger Mercier, qui vient d'abandonner son "Château de Bresse et Castille" située en pleine Bresse, site architectural naïf que nous avait autrefois révélé Frédéric Allamel dans Plein Chant (voir petit cliché ci-contre, ph. Bruno Montpied). Joe Ryczko quant à lui refait parler de l'excellent Alain Genty et de ses terres vernissées hautement "agitées", citant au passage le travail d'information que fait Thierry Bucquoy sur son blog à propos de Genty.
Dimitri Pietquin, illustration extraite du catalogue de "Visions et Créations Dissidentes" 2014
Il est à noter qu'il y a ce me semble une sorte d'écart qui grandit entre les créateurs et artistes évoqués dans la revue Création Franche et ceux que le Musée présente en ce moment dans sa dernière édition de "Visions et Créations dissidentes" (du 27 septembre au 23 novembre). Ai-je la berlue, ou bien ai-je raison de trouver qu'il y a vraiment de plus en plus de créateurs venus d'ateliers pour handicapés mentaux dans les expositions d'automne du musée (on sait que les autres expositions le reste de l'année sont plus spécifiquement consacrées à la découverte et la mise à jour des créateurs du fonds permanent du musée)? Dans la dernière mouture de cette exposition automnale, montrant comme d'habitude 8 nouveaux créateurs, il semble qu'on y compte au moins 5 ou 6 travaux d'ateliers, dont deux proviennent d'ESAT (Aide par le Travail). Ces ESAT qui paraissent bien rares - selon moi n'est-ce pas? - en travaux véritablement originaux (à l'exception notable comme je l'ai déjà plusieurs fois écrit sur ce blog, de l'ESAT de Ménilmontant, avec son Philippe Lefresne et son Fathi Oulad Ben Abid). Parmi ces travaux d'atelier, bien sûr il arrive que surgisse une œuvre plus attirante qu'une autre, mais les ressemblances avec d'autres travaux de talent déjà vus ne sont pas absentes, ainsi pour cette édition béglaise 2014 des œuvres de Dimitri¨Pietquin reproduites dans le catalogue. Au milieu de ces créateurs, surnage aussi (je me base on l'aura compris uniquement sur le catalogue pour exprimer cet avis), apparemment un peu incongrue par l'aspect savant de ses reliquaires en assemblages d'objets recyclés et amalgamés en un ordre esthétique déjà rencontré dans les galeries parisiennes de la Rive Gauche, Lucie de Syracuse, dont Gérard Sendrey avait déjà parlé dans un numéro précédent de la revue Création Franche (d'une façon un peu absconse, je dois dire...).
Lucie de Syracuse, illustration extraite du catalogue "Visions et Créations Dissidentes" 2014
Au cœur du mois de juillet enfin, est paru avec retard un grand numéro hors-série (n°1) de Création Franche consacré entièrement aux "fanzines d'art brut et autres prospectus" et qui se veut "Actes de la Rencontre du 23 novembre 2013". En réalité, ce numéro est composé de textes et autres réponses à un questionnaire qui avaient été rédigées bien en amont de cette journée de novembre.
Le but recherché par le musée et par deux protagonistes du CRaB, Déborah Couette et Céline Delavaux, était, en interrogeant les protagonistes des revues et autres bulletins tournant autour de "l'art brut" (les Caire, moi, Bruno Montpied, Danielle Jacqui, Joe Ryczko, Gérard Sendrey, Jean-François Maurice, décédé peu de temps avant la journée du 23 novembre, Martine Lamy, et Denis Lavaud) et en exposant divers documents, de proposer à l'attention de (futurs?) chercheurs quelques exemples de publications plus ou moins amateurs qui des années 80 à aujourd'hui faisaient de l'information sur des domaines de la création populaire marginale. Il est à remarquer cependant que les revuettes et autres fanzines évoqués n'étaient pas à proprement parler des fanzines d'art brut (même si Céline Delavaux dans sa contribution à ce numéro Hors-Série contourne le problème en parlant de "manières d'édition brutes"...). Si l'on s'en tient aux définitions du concept inventé par Dubuffet, la seule revue d'art brut qui ait véritablement existé des années 60 jusqu'à aujourd'hui est ce que l'on appelle improprement "les Cahiers de l'Art Brut" et qu'il faut plutôt appeler les Fascicules de la Collection de l'Art Brut, émanant comme le dit le titre de la fameuse Collection installée à Lausanne depuis les années 70. En réalité les revuettes évoquées dans ce numéro lié à la rencontre de Bègles évoquent toutes sortes de formes de création, de l'art brut strict, jusqu'à l'art contemporain insolite, en passant par des artistes singuliers historiques, les environnements spontanés (pas tous réductibles à l'art brut), l'art des handicapés, les graffiti, le surréalisme conscient ou inconscient, l'art visionnaire, les fous littéraires, l'excentricité en littérature, l''art naïf, etc, etc. Comme s'il n'était pas possible de monter une publication qui se circonscrirait uniquement à l'art brut. Ce constat, très peu dans ces "actes" ne le mentionnent et pourtant, il aurait mérité d'être mentionné et peut-être débattu.
A signaler enfin que malgré une promesse entendue pendant la journée du 23 novembre le numéro hors-série en question n'est pas parvenu à nous restituer sous une forme écrite (pourtant il y eut captation par la vidéo et le son) les échanges qui eurent lieu durant cette journée, notamment la table ronde finale entre Jean-Claude Caire, Bruno Montpied, Gérard Sendrey, Pascal Rigeade et Denis Lavaud. Peut-être aurons-nous cette restitution plus tard notamment sous une forme vidéo mise en ligne sur le site du Musée de la Création Franche?
On l'aura donc compris, c'est auprès de ce dernier qu'il faut se rendre pour se procurer ces diverses publications récentes.
19:31 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : création franche, musée de la création franche, halle saint-pierre, marie-france lacarde, n°40 de la revue création franche, les fanzines de l'art brut, crab, céline delavaux, déborah couette, bruno montpied, pascal rigeade, gérard sendrey, cako boussion, paul duchein, françois aloujes, joe ryczko, jean-françois maurice, abdelkader rifi, alain genty, thierry bucquoy, roger mercier, environnements spontanés, esat, art des handicapés mentaux | Imprimer
24/04/2014
Des créateurs intimes-ingénus comme s'il en pleuvait: connaissez-vous Honoré Levasseur?
De passage dans le Périgord j'ai rencontré Thierry Bucquoy, collectionneur passionné d'art populaire, d'art singulier, et d'art naïf que je connaissais déjà à travers son blog, ce qui fait de lui une sorte de cousin de ce que je tente de faire pour ma part (la somme de toutes les collections bousculerait passablement le système de valeurs en vigueur je crois). J'adore visiter les collections des autres si elles entretiennent un air de famille avec les miennes et surtout si elles proposent des objets ou des créateurs populaires inconnus au bataillon bien que fort originaux et séduisants. Comment ne m'étaient-ils pas tombés devant les yeux, me dis-je à chaque fois, c'est à croire que j'évolue dans un monde trop parallèle, trop étanche aux autres réseaux. Est-ce que ce serait peut-être même parfois presque dangereux psychologiquement de chercher à s'aventurer dans d'autres trames?
Le principe de ce blog étant d'établir et de jeter autant que faire se peut des passerelles en tous genres entre des mondes analogues, appartenant tous peu ou prou à l'empire du merveilleux populaire ou surréaliste, je me dois d'aller pêcher dans ces mondes parallèles.
Honoré Levasseur, Château Cendrillon 1886 Eurodisneyland, mars 1987, peinture sur carton, env. 70x50cm, coll. privée
Honoré Levasseur, sans titre (chez le maréchal-ferrant), sans date relevée, coll. privée
Quelqu'un aurait-il des renseignements sur Honoré Levasseur? Les deux peintures ci-dessus, conservées par le même collectionneur, ne sont accompagnées d'aucune information permettant de situer leur auteur. L'un des deux tableaux est daté de 1987. Il peut laisser supposer que le créateur est toujours de ce monde et qu'il officie encore. Cela semble être un Naïf contemporain, ce qui prouve que l'art du même nom existe toujours aujourd'hui. Il ne figure pas sur la Toile, étant resté collé au grand Réel sans doute.
15:09 Publié dans Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : collections d'art populaire, le blog de thierry b., thierry bucquoy, art naïf, honoré levasseur, périgord, merveilleux populaire, mondes parallèles, passerelles | Imprimer
26/01/2014
Boussuge, une double vie?
Oyez, oyez, qu'est-ce que j'ai récemment appris (de la bouche de Thierry Bucquoy)? Il existerait à Bourges (ou bien, "il a existé"...?) un clochard, peintre aquarelliste plutôt du genre "naïf", répondant au doux nom de... Boussuge. Plusieurs notables de la ville posséderait de ses œuvres... Un parent de notre Boussuge, à quelques-uns d'entre nous les demi-Auverpins qui fréquentons assidûment ce blog? Je suis sûr que notre Boussuge n'en reviendra pas d'en apprendre de si belles... Mais un doute me prend, j'espère que notre Cantalou ne mène pas une double vie, ou du moins, s'il la mène (et après tout ce serait bien son droit, un destin différent -à défaut d'une fille- dans chaque port...), qu'il ne nous a pas fait une cachotterie...
Des autres Boussuge... A gauche une photo de J.Boussuge, une "belle Mauresque" saisie au Maroc dans les années 20, à droite l'œuvre d'un tatoueur contemporain, Nils Boussuge... Il pleut des Boussuge, semble-t-il
18:57 Publié dans Art naïf, Fantastique social | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : boussuge, homonymes, alter ego, art naïf, clochards de bourges, fantastique social, thierry bucquoy | Imprimer