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Rechercher : Jean Molette

Aux frontières de l'Art Brut

       La Halle Saint-Pierre, à Paris, va bientôt ouvrir une nouvelle exposition (qui durera du 20 septembre 2023 au 25 février 2024) consacrée à "15 artistes inclassables, selon les critères de l’art brut ou de l’art naïf traditionnel". La présentation de l'expo sur le site de la Halle poursuit en expliquant: "Sans formation artistique pour la plupart mais possédés par le démon de la création, tous sont des expérimentateurs intarissables, obsessionnels, proliférants, dont l’univers a sa marque particulière, reconnaissable au premier coup d’œil. Peu habitués aux circuits professionnels de l’art, ils sont restés méconnus..." Sans formation artistique pour la plupart, certes (on y retrouvera en particulier Babahoum, Jean Branciard, Gabriel Audebert, ou Roger Lorance). Et d'ailleurs, on y rencontre même Marc Décimo, le célèbre universitaire pataphysicien et historien de l'art brut, qui cherche peut-être à acquérir une virginité toute neuve. Un de nos correspondants à l'étranger l'a ainsi surpris en plein stage de déconstruction intellectuelle, au fond d'un rade des plus populaires. Qu'on en juge ci-dessous:

 

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Marc Décimo?

Ce que l'art recherche avant tout, c'est l'incognito, comme disait (à peu près) Dubuffet, autre pataphysicien (plus célèbre mais plus éphémère)...

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Info-Miettes (16)

Jean Branciard le 5 avril

       Jean Branciard expose à Lyon à partir du 5 (jour du vernissage) jusqu'au 28 avril à la galerie L'Oeil écoute, 3 quai Romain Rolland dans le 5e ardt. Il ne sera pas tout seul. Avec lui, seront aussi Nicolas Artheau et Chantal Roux. C'est ouvert du mardi au samedi de 14h30 à 19h, et le dimanche de 11h à 15h.Jean-Branciard-6,-Lampe-et-.jpg

(Illustration ci-contre: Jean Branciard, lampe et autres, ph. Bruno Montpied, 2008)

La revue de l'OOA n°4

         ...est sortie. Cette revue sicilienne qui traite de sujets en rapport avec l'art brut et l'art qu'elle appelle "outsider" (les cas-limite, les annexes, les inclassables, les innommables...) n'est pas imprimée, et c'est dommage. Elle se télécharge seulement. Sa maquette est fort agréable, comme on aimerait en voir pour une revue de ce côté-ci des Alpes. Seule remarque de ma part, si certains graphismes dans cette revue paraissent fort séduisants, il commence à devenir un peu gênant de constater que certaines images – servant en particulier pour les couvertures – paraissent être des transpositions systématiques des oeuvres originales des créateurs "outsiders" auprès de qui on est sûr que l'on n'est pas allé quêter l'autorisation de pareils "transferts" (et pour cause, certains sont morts avant). Voir par exemple ci-dessous cette couverture du n° 4 de la revue, qui est une "réduction", me semble-t-il, à la ligne graphique unitaire de la revue, d'une peinture de Giovanni Bosco. En dépit de l'élégance de cette ligne graphique, je ne peux m'empêcher de songer que le design l'emporte un peu trop sur la reproduction des œuvres originales. Comme dans le cas de certaines expositions où les dispositifs muséographiques finissent par trop empièter sur la présentation objective des œuvres. 

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       En tout cas, c'est l'occasion pour les amateurs qui voudraient en découvrir un peu plus par rapport à la créativité brute en Italie, de découvrir d'autres sons de cloches, orchestrées en l'espèce par Eva Di Stefano, et d'autres contributeurs (dont Roberta Trapani  qui intervient ici pour signaler l'expo actuelle de la Halle St-Pierre à Paris, Banditi dell'arte). A noter aussi  que l'on redécouvre à un certain endroit des oeuvres de Jean Branciard mises en parallèle avec des créations de Franco Bellucci (il me semble). Je ne peux qu'être ravi de cette confrontation par delà les Alpes, moi qui ai déjà évoqué la figure de Branciard ici même (voir ci-dessus, plus cette série de notes), ainsi que dans la revue Création Franche.

Evelyne Postic le 9 avril

     Une dessinatrice que je trouve de première force vient faire un tour à Paris, à la Galerie de la Halle Saint-Pierre, du 9 au 26 avril (vernissage le 12 avril à 18h), parallèlement à l'expo "Banditi dell'arte". Evelyne Postic présente des dessins sur calque. "Vibrations originelles" cela s'appelle.

 

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Evelyne Postic, Chrysalide de velours, encre sur calque parchemin, 15x50 cm, 2012

Des "paños" depuis le 16 mars

      La librairie-galerie Le Monte-en-l'air, située 71, rue de Ménilmontant dans le 20e ardt à Paris (tél: 01 40 33 04 54), expose, avec l'aide de la Pop Galerie, de la revue Collection et du Dernier Cri, du 16 mars au 31 mars des paños, ces mouchoirs dessinés par les Chicanos enfermés dans les prisons du Sud-Ouest des Etats-Unis. La revue Hey! sous la plume de Pascal Saumade (qui se cache également derrière l'enseigne de la Pop Galerie) s'en était déjà enquise dans un de ses numéros passés. Ce fut la révélation d'une forme d'art populaire très contemporain à verser au dossier de l'art produit en milieu carcéral (au même titre que les tatouages, les graffiti, les dessins naïfs, les sculptures de taulards).

      Cet art s'est développé, nous dit le texte de présentation que j'ai trouvé sur une carte postale annonçant l'expo, "dans les années 40 à la faveur du Pachuco movement. Griffées façon tattoo avec l'encre des stylos bille, ces étoffes enluminées véhiculent leurs propres codes, transmis d'une génération de détenus à l'autre. Ces dessinateurs autodidactes, souvent condamnés à de lourdes peines, puisent leur inspiration dans la sous-culture des gangs latinos de Los Angelés."

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Et Zdenek Kosek au Palais de Tokyo le 12 avril...

     Là, c'est la collection de l'association ABCD qui présente un de ses chouchous, Zdenek Kosek, du 12 avril au 5 juin (expo "Je suis le cerveau de l'univers"). Le vernissage est assez particulier, on nous l'annonce comme une fête qui durera pas moins de 28 heures (oui, vous avez bien lu, probablement jusqu'à ce que l'on soit ivre-mort), du jeudi 12 avril à 20h jusqu'au vendredi 13 à minuit (c'est aussi pour marquer la réouverture du Palais de Tokyo – j'ajoute que j'ignorais à ma grande honte qu'il fût fermé, vu que je n'y mettais jamais plus les pieds depuis que c'était devenu un espace voué à l'art contemporain dans ce qu'il a de plus barbant). Peut-être est-ce à mettre en rapport avec les supputations chiffrées, la passion des diagrammes superposés parfois à des corps de femmes dénudées que Kosek prise passablement? Il doit y avoir de la numérologie là-dessous (ou là-dessus), avec cette date fatidique du vendredi 13 en outre... Voici le carton de l'expo ci-dessous pour vous en dire plus. Cela faisait en tout cas un certain temps qu'ABCD, hormis les séminaires de Barbara Safarova au Collège International de Philosophie, n'avait pas présenté d'expo à Paris.

 

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Christiane Alanore, une ancienne de l'art singulier

    Du 4 avril au 20 mai 2012 (vrnissage le 7 avril), Christiane Alanore expose à la Galerie Pigments à Lurs, entre Lubéron et Montagne de Lure, en Provence. Je ne sais que peu sur cette artiste, probablement aujourd'hui octogénaire (elle a illustré un livre de Boris Vian, Cantilènes en gelée, en 1948 –ce qui fait quand même un bail– et puis aussi du Raymond Queneau, ce qui l'associe fortement à la 'Pataphysique).

 

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Expo Galerie Pigments, Lurs


     Le site de la galerie de Jacques Jaubert la présente fort succinctement, et dit d'elle qu'elle est une "figure de l'art brut", puisqu'elle a eu une correspondance avec Jean Dubuffet et que ce dernier aurait acheté dix de ses dessins pour la Collection de l'Art Brut aujourd'hui à Lausanne... C'est un peu exagéré de dire ça, j'ai l'impression, je préfère personnellement la voir comme une figure tutélaire de l'art singulier (qui regroupe des artistes contemporains influencés depuis l'après-guerre jusqu'à aujourd'hui par l'exemple moral et esthétique de l'art brut). Mon petit doigt me sussure qu'elle a dû faire partie de la collection dite d'abord "annexe", puis ensuite "Neuve Invention" (et aujourd'hui, que devient-elle, on n'en entend plus parler à Lausanne ?). Elle est à distinguer, me semble-t-il, des créateurs de l'art brut, non professionels, non en recherche de consécration ou d'exposition. Et je ne dis pas cela en visant son esthétique, assez proche de Dubuffet (quoique moins sombre) ou de Slavko Kopac, je ne songe qu'à sa classification sociologique au sein de la collection d'art brut. Car on l'oublie par trop, cette distinction, alors qu'elle a pourtant un sens important, puisqu'elle entérine un autre usage social de l'art comme je l'ai déjà plusieurs fois dit, notamment dans mon livre Eloge des Jardins Anarchiques.

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Retour sur ”Brut de Pop' ” à l'écomusée de Marquèze, Art populaire et art brut, ou Art populaire et art singulier?

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    J'ai reçu le catalogue de l'exposition qui s'est terminée le 28 juin à l'Ecomusée de Marquèze dans les Landes, réalisée en partenariat avec le  Musée de la Création Franche de Bègles (je profite de cette note pour remercier les responsables de ce dernier). Ce catalogue, présentant les motivations de ses organisateurs (principalement les conservateurs de l'Ecomusée de Marquèze), appelle quelques remarques de ma part, d'autant qu'une de mes déclarations écrites y est prise à témoin, gentiment contestée (comme quoi l'art populaire au sens  rural, collectif et normé aurait disparu et survivrait de façon individualiste dans une partie de l'art brut).

    "Brut de Pop' "  se proposait de confronter l'art populaire et "l'art brut", assimilé par la principale commissaire de cette exposition, Vanessa Doutreleau, tout uniment, dans un bel amalgame qui ne s'embarrasse que de peu de nuances, à l'ensemble de la collection du musée de la Création Franche à Bègles, qui avait prêté pour cette manifestation environ 250 œuvres. Je parle d'amalgame et d'absence de nuances dans la terminologie parce que comme le savent ceux qui fréquentent ce musée, il existe de fortes différences, à la fois en termes de sociologie de l'art qu'en termes d'inspiration et d'arrière-plans culturels, entre les différentes expressions plastiques conservées à Bègles.

     On y trouve de l'art brut, mais aussi de l'art naïf, de l'art populaire contemporain, de l'art contemporain singulier, des surréalistes se revendiquant en tant que tels aujourd'hui même (en filiation avec le mouvement surréaliste historique et non pas de façon unilatéralement proclamée, comme cela paraît se produire ici et là, notamment à Bordeaux), le tout s'amalgamant dans ce que Gérard Sendrey a étiqueté "création franche" (sans parvenir véritablement au fil du temps à imposer le terme) et qui ces derniers temps se laisse aussi englober sous l'étiquette d'art marginal¹ pour ne plus dire "art singulier" qui, du fait de ses terribles succédanés - les sous-Chaissac et les producteurs de têtes à Toto en pagaille - est un terme aujourd'hui bien galvaudé.

 

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Jean Dominique (en haut) et Gabriel Vergez (en bas), catalogue Brut de Pop'

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René Guisset, danseurs aux rubans, sculpture coll. Alain Moreau

 

     Si Vanessa Doutreleau a totalement raison quand elle met en regard les sculptures naïves et frustes (terme non péjoratif sous les touches de mon clavier) de Jean Dominique, voire aussi de René Guisset  (tous deux présents dans la collection de la Création Franche) avec celles de l'autodidacte de semblable culture populaire Gabriel Vergez (qui fait partie de la collection de l'écomusée de Marquèze et qui à cette occasion s'est révélé être une véritable découverte), Dominique et Guisset exemples tous deux de sculpture populaire contemporaine², les autres comparaisons de notre commissaire d'exposition - par exemple lorsqu'elle confronte les œuvres d'artistes, plus ou moins consciemment déférents à l'égard des œuvres de l'art populaire rural (comme le font  entre autres Jean-Joseph Sanfourche ou Gilles Manero), avec d'autres objets venus de la collection d'art populaire de l'Ecomusée de Marquèze, objets religieux ou bien outils - ces autres comparaisons ne renvoient plus à une confrontation art populaire rural/art brut, mais plutôt à un rapport art populaire rural/art singulier. Or l'écart entre ces deux catégories, pour le coup,  se trouve être bien plus large.

 

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Ce véhicule brinquebalant de Burland peut paraître associable à l'art brut... Mais seulement si on ignore que son auteur, suisse, a beaucoup vu d'œuvres d'art brut... qui l'ont probablement passablement marqué

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Carlo M, bateau le Sozialis, art produit en hôpital psychiatrique en Suisse ; une référence pour François Burland ?

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Jean Bordes relève quant à lui nettement plus nettement de ce que l'on appelle l'art brut, du genre structures amalgamées-ficelées (voir Judith Scott aussi) ; lui aussi a pu influencer certains singuliers que l'on qualifie du coup de "bruts", par confusion des genres je trouve

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Voici une maquette de trolley du Néerlandais Willem Van Genk qui lui aussi a dû impressionner François Burland... ; selon moi ce dernier illustre bien un type d'artiste contemporain singulier qui connaît si bien l'art brut qu'il en est profondément marqué ; cependant il s'en distingue généralement par un aspect esthétisant qu'il ne peut que difficilement éviter (voir la première image de cette série, l'œuvre de François Burland, un tantinet plus pimpante...)

 

     L'art singulier, autrement appelé Création Franche à Bègles ou Neuve Invention à Lausanne, regroupant toutes sortes d'artistes semi-professionnels, en marge du système traditionnel des Beaux-Arts, artistes auxquels le terme turfiste d'outsider correspond finalement assez bien (c'est le canasson pas favori au départ qui peut finir par arriver bon premier...), l'art singulier est en effet assez différent - par ses substrats culturels, et par les connaissances artistiques de ses auteurs - du jaillissement irrépressible de l'art véritablement brut. L'art singulier, produit de créateurs semi-artistes – "semi", parce qu'introduits de façon limitée dans le monde professionnel (c'est évidemment variable selon les cas) – l'art singulier est une pratique de l'art, la majeure partie du temps autodidacte, où l'on sent malgré tout une culture artistique à l'œuvre par-dessous. Culture artistique souvent forgée de manière personnelle, et influencée par l'exemple rude et direct des créateurs de l'art brut.

 

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Les semelles peintes d'Alain Pauzié, artiste atypique de la Création franche et de l'art singulier, n'ont en commun avec les sabots décorés de l'art populaire que le fait d'appartenir au monde de la chaussure ; la confrontation des deux arts débouche ici sur une confrontation art populaire/art contemporain (marginal): pourquoi pas? Mais l'étude devrait alors être infiniment plus vaste, ouvrant sur des perspectives beaucoup plus cruciales (l'usage social de l'art) qui ne paraissent pas faire partie de ce qu'ont recherché les organisateurs de "Brut de Pop' ")

 

      L'automatisme, même si il n'est pas revendiqué sous ce vocable, est largement pratiqué dans l'art singulier où l'on reconnaît des artistes tout à fait anticonformistes qui sont aujourd'hui diffusés par les médias, comme Gaston Chaissac par exemple, énormément imité çà et là par tant et tant d'épigones moins originaux. Cobra, Dubuffet, les surréalistes, Miro, l'art populaire, mais parfois aussi l'expressionnisme allemand, en plus généralement de tout ce qui se fait connaître à travers de grandes expositions évoquées par les médias, bouleversent et chamboulent les esprits de ces autodidactes qui se lancent dans l'art avec spontanéité. Un certain primitivisme dans l'expression, un goût des couleurs vives pour ne pas dire criardes, sont des caractéristiques récurrentes dans ces arts singuliers.

     Vanessa Doutreleau, qui s'intéresse visiblement beaucoup à l'art populaire (ce en quoi elle nous est sympathique, de même que le concept de cette exposition), s'efforce donc de trouver des parallèles entre les collections de son écomusée et certaines œuvres du musée de la création franche qu'elle assimile à la louche à l'art brut. Elle veut s'attacher à prouver que l'art populaire n'est pas mort, et qu'il survit aujourd'hui dans ce qu'elle prend pour de l'art brut à Bègles. Elle aurait dû je pense, tout en triant plus judicieusement dans la collection du musée de Bègles (garder Jean Dominique et Emile Ratier...), se tourner en outre du côté de plusieurs autres collections et peut-être notamment interroger des collections d'art populaire contemporain, comme celle du petit musée des Amoureux d'Angélique au Carla-Bayle dans l'Ariège, ou puiser dans l'histoire des expositions montées dans le passé par le Musée International des Arts Modestes à Sète et ailleurs. L'art modeste est en effet un concept qui recoupe assez largement celui d'art populaire contemporain, même si son défenseur, le peintre Di Rosa l'a tellement  élargi qu'il en est devenu un inénarrable fourre-tout (pin-ups sur camions, mouchoirs dessinés par des taulards, skate customisés, décors de flippers, collectionnites aiguës, jouets anciens, publicités, ex-voto contemporains, affiches peintes à la main, masques de catcheurs mexicains, etc.).

 

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Cette confrontation entre une machine à tailler la bruyère bricolée par Jean Cazenave (collection de l'Ecomusée de Marquèze) et la maquette de bois assemblés d'Emile Ratier apparaît ici parlante, mais l'on a affaire avec Ratier à un authentique créateur populaire, intégré à l'art brut

 

       L'art brut de son côté, s'il contient (s'il a contenu) beaucoup de cas de créateurs d'extraction populaire, coupés de la culture traditionnelle des anciens artisans ruraux, rassemble aussi des créateurs cultivés en situation de rupture, parfois fort cérébraux (des illuminés mystiques confus, des adeptes de la numérologie et des diagrammes ou schémas en tous genres, des handicapés non indemnes de culture artistique exhibée par leurs thérapeutes). Le concept d'art brut est devenu du coup de plus en plus flou.

      C'est là que je me dois de souligner mon évolution personnelle face à ces transformations. Personnellement, je cherchais autrefois dans l'art brut une dimension de naïveté et d'immédiateté, proche du regard enfantin, qui provenait de la part populaire de l'art brut (je m'y intéresse cela dit toujours). J'ai cherché, dans l'article des actes I du colloque sur l'art brut monté par Barbara Saforova dans le cadre d'un séminaire qu'elle mène, à dresser des passerelles entre art brut et art populaire. Cet article est cité par Vanessa Doutreleau dans ses textes du catalogue. Mais elle me range aux côtés d'un Michel Thévoz (ce qui m'honore grandement) pour conclure que j'aurais conclu à la mort de l'art populaire. Que nenni pourtant... Même si je réitère que l'art populaire rural d'autrefois, aux normes esthétiques assumées par les communautés, aux produits utilitaires, a bien quasiment complètement disparu en France, je trouve néanmoins qu'on peut encore trouver ici et là des formes de regain anarchiques, déconnectées d'une intégration à la vie du peuple.  

      De plus, si je ne le trouve plus beaucoup dans l'art brut new look qu'on cherche à mettre en avant entre autres à la galerie Christian Berst, je continue de le retrouver chez les créateurs d'environnements spontanés que j'ai étudiés dans mon livre Eloge des Jardins anarchiques (que Mme Doutreleau ne paraît pas avoir lu, ce qui est dommage car elle y aurait vu que j'y défends certains inspirés qui travaillent dans un esprit collectif, comme la famille Montégudet en Creuse par exemple), et aussi ailleurs, notamment chez toutes sortes de créateurs inaperçus ou complètement anonymes que l'on rencontre la plupart du temps plutôt en brocante que dans les galeries. Les ventes aux enchères, les vide-greniers sont des endroits où réapparaissent toutes sortes de créateurs la plupart du temps oubliés, peu remarqués parce que leurs œuvres sont restées peu nombreuses, et naïves. Ce blog en a présenté régulièrement plusieurs d'entre elles.

 

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Des bouteilles peintes de Louis Beynet, coll. privée, Paris ; j'ai présenté ce travail naïf insolite dans le n°3 de la revue L'Or aux 13 îles

 

 

     Je ne crois donc pas à la disparition de l'art populaire. Il s'est fait seulement plus individualiste, plus libre partant de là, toujours aussi marqué par un regard d'enfant préservé, et n'intéressant que peu le marché de l'art (et tant mieux!). Les catégories d'art populaire contemporain ou d'art populaire insolite que j'ai insérées  dans la colonne de droite sur ce blog atteste de mon intérêt pour cette permanence de l'art populaire.

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¹ Ce terme d'art marginal est revendiqué pour cet été dans un communiqué de presse rédigé par Oana Amaricai annonçant un festival du même nom à Montcuq dans le Lot (je ne sais s'il y a eu malice dans le choix de ce bourg...). La manifestation est organisée par elle (du 1er au 15 août ) en collaboration avec Jean-Luc Bourdila et Marcel Benaïs, présenté par ailleurs comme  "artiste ufologue" (c'est-à-dire qui voit des soucoupes volantes partout?). Je souscris assez au texte de cette dame. Oana Amaricai et Jean-Luc Bourdila sont par ailleurs animateurs de cet autre festival d'art marginal le "Grand Baz'Art à Gisors" qui s'est tenu le récent week-end du 4-5 juillet dernier. Si j'ai le temps, j'y reviendrai bientôt, afin d'évoquer un créateur que j'y ai rencontré.

² Cette sculpture populaire contemporaine est une catégorie qui prend parfois l'allure d'un sous-ensemble de l'art brut, quoique ce dernier ait tendance à évoluer considérablement du fait de l'emprise de certains marchands, puisqu'on y intègre de plus en plus des œuvres d'esprits savants en rupture, du type Lubos Plny ; l'œuvre de ce dernier est stylistiquement à des années-lumières de la naïveté d'un Vergez ou d'un Jean Dominique. L'art brut est ainsi associable plus facilement avec les œuvres d'un certain type d'art  plastique contemporain. On voit ce que vise

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17/07/2015 | Lien permanent

”303” n°119

      C'est bien énigmatique comme titre, n'est-ce pas?303,eva prouteau,art brut,art immédiat,art singulier,bruno montpied,laurent danchin,armand goupil

    303, arts, recherches et créations est en réalité le titre complet de cette belle revue qui existe depuis au moins trente ans, financée par la région des Pays de la Loire, dans un premier temps consacrée en grande partie au patrimoine de cette région, puis depuis quelques années plus spécialement à la recherche en art. Le n°119, daté de janvier dernier, est un numéro spécial "art brut, outsider, modeste", concocté par Eva Prouteau qui collabore régulièrement à la revue.

    Au sommaire, on n'a pas joué forcément la carte du foisonnement comme ce fut le cas lors du numéro spécial de la revue Area sur le même sujet l'année dernière. Les textes sont plus longs que dans ce dernier magazine qui privilégie les entretiens synthétiques plutôt que les textes de fond. Eva Prouteau a préféré placer l'éclairage sur certains points permettant de souligner l'éclectisme des productions classées avec plus ou moins de rigueur dans l'art soi-disant "brut", toutes relevant cependant d'une forme de poésie singulière. Derrière son entreprise de "décloisonnement" des catégories et des appellations –ce qui ne signifie pas pour elle confusion des genres et des catégories, mais plutôt besoin d'établir des passerelles dans le respect de la valeur des uns et des autres– on sent chez elle un goût marqué pour les petites collections secrètes, notamment d'art populaire insolite, comme celle du musée des traditions de la Guérinière à Noirmoutier, ou celle des cibles de tir du Cercle de Chemazé (sud de la Mayenne ; déjà évoquées par Pascale Mitonneau dans le n°78 de la même revue 303 en 2003 avec des illustrations différentes), passionnantes œuvres d'art forain destinées à être criblées de balles, goût également apparent lorsqu'elle évoque avec sagacité l'existence de la Folk Archive, ce collectage par la photographie de "formes esthétiques non valorisées" (graffiti, sculptures de sable, motos et voitures customisées, épouvantails... Que des sujets que sur ce blog nous prisons particulièrement comme nos lecteurs l'ont sûrement remarqué) établi par deux artistes anglais, Jeremy Deller et Allan Kane. Il est aussi question ici et là dans la revue de l'art des douilles d'obus ciselées par les Poilus (article de Laurent Tixador et Eva Prouteau), et aussi d'un environnement belge, celui de Jean-Pierre Schetz, à Jupille, prés de Liège (dont Brigitte Van Den Bossche, collaboratrice du MADmusée dans cette dernière ville, auteur de l'article dans 303 a contribué à sauver des vestiges à la Fabuloserie, comme je l'avais constaté en juillet dernier –voir également la note que j'avais consacrée à ce site sur ce blog ; les quelques sculptures conservées par Caroline Bourbonnais ont été installées sur une sorte de ponton)

 

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Le cochon, 1963, contreplaqué, collection des cibles de l'Union de Chemazé, photo extraite du n°78 de la revue 303 (article de Pascale Mitonneau) en septembre 2003

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Cible peinte, collection Jean Estaque, ph. Bruno Montpied, 2009 (collection donc distincte de la collection des cibles de Chemazé)

 

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Fragments préservés de Jean-Pierre Schetz à la Fabuloserie dans le parc d'environnements, et au loin les statues de Camille Vidal, ph. BM, 2011 (ceci n'est pas dans le n° spécial de 303)

   A propos d'environnements, j'ai participé à ce numéro avec deux textes, l'un sur les sites d'habitants-paysagistes dans les Pays de la Loire (Aux jardins des délices populaires, texte où sont évoqués Louis Licois, Marcel Baudouin, Camille Jamain, Emile Taugourdeau, André Pailloux, Michel Chauvé, Henri Travert, Bernard Roux, et les maisons de Rossetti et Pennier dans la périphérie du Mans), plus un autre sur Armand Goupil, ce peintre amateur étonnant, ancien instituteur, originaire de la Sarthe, dont j'ai déjà eu l'occasion de donner sur ce blog maints autres aperçus.

 

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Armand Goupil, Barbe blanche, 11-X-61, huile sur carton, rassemblement Jean-Philippe Reverdy (image inédite, non publiée dans le numéro de 303)


    Laurent Danchin publie une contribution à propos de la distinction à faire selon lui dans l'art des médiumniques entre les créateurs savants et les créateurs plus populaires. Oubliant peut-être de préciser que l'art brut n'a pas insisté sur cette distinction parce que ses thuriféraires cherchant à mettre en évidence l'existence d'un art intime, surgi des profondeurs de l'inconscient, n'avaient que faire d'opérer de telles distinctions (de même qu'entre art des fous et art des non-fous). En fait, l'intervention de Danchin participe d'une remise en cause de la validité conceptuelle de l'art brut, ce qui peut paraître surprenant de la part de quelqu'un qui fait désormais partie du comité consultatif de la collection d'Art Brut à Lausanne. Personnellement, dans l'art des médiumniques, à qui je trouve généralement de l'unité, (s'il fallait opérer des distinctions, ce serait plutôt au niveau formel, les architectures, les symétrisations d'Augustin Lesage, Fleury-Joseph Crépin, Victor Simon d'un côté, face aux sinuosités botaniques des spirites tchèques par exemple), dans l'art des médiumniques donc, je trouve un raffinement qui n'est lui pas plus le fait des autodidactes populaires que des savants en rupture de ban (comme Victorien Sardou ou Marguerite Burnat-Provins), provenant en fait plutôt du recours à l'automatisme graphique, ce qui avait fasciné André Breton en 1933 (dans Le Message automatique), mais n'avait pas empêché un peintre comme André Masson de pratiquer le dit automatisme dans son dessin et sa peinture dès les années 20.

 

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Cecilie Markova, sans titre, daté 22-5-1960, coll. BM (illustration non insérée dans le numéro de 303)

    Ce numéro se focalise sur certains autres points, les écrits de Chaissac, l'art d'Hélène Reimann, le point de vue de Savine Faupin sur la réouverture du LaM avec son extension vouée à l'art brut, et surtout avec son opinion sur l'art brut aujourd'hui, cohérente avec la position d'une conservatrice de musée. Ce qu'elle dit de la façon dont André Breton envisageait l'art brut, et de son clivage avec Dubuffet me paraît discutable mais ce serait trop long d'en parler ici.

 

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Hélène Reimann, sans titre, avant 1987, donation L'Aracine, LaM de Villeneuve-d'Ascq ; reproduit dans 303


     La coordonnatrice de ce numéro a également donné l'occasion à Jean-Louis Lanoux alias Animula Vagula (le pseudo a été révélé publiquement sur internet) de se lancer dans un grand numéro impérialiste de "mère des blogs" qu'il espère sans doute, comme à son habitude, masquer sous l'humour (jamais exempt de coups de pied de l'âne). Le chapeau de cette intervention intitulée "les  Dérives d'Animula Vagula" définit comment, avec sa femme Catherine Edelman, il a orienté leur projet de blog fin 2005, en élaborant une autofiction campant une "jeune blogueuse affairée" imaginaire, "qui adore jouer avec les codes identitaires de la blogosphère"... [Ce chapeau, rédigé par l'éditeur du dossier sans que cela soit indiqué par un artifice typographique distinctif – voir commentaire de J2L ci-après – reflète assez bien le concept du blog animulesque selon moi, à tel point qu'y sentant à ce point l'influence des auteurs de ce blog, je suis fondé à considérer ce chapeau comme étant écrit par eux...]. Lanoux cherchant ainsi comme souvent à paraître rester "djeune", non déconnecté de la réalité, toujours "in", comme on disait autrefois. Cette explication permet aussi, bénéfice secondaire, de noyer le fait que ce genre de "cybercarnet" n'est en réalité qu'un support d'expression nouveau pour des intellectuels marginaux qui faisaient
auparavant, par exemple, des fanzines tapés à la machine, et qui, désolé Jean-Louis, pour le coup, l'avaient du reste cette fois précédé, en particulier dans l'intérêt pour les formes d'art populaire les plus hétéroclites ("Animula" ne cesse de le répéter, elle se veut la prem's, belle imposture). "Mère des blogs", tu parles! Sa dérive dérape vite dans le gonflage de chevilles (comme il s'en aperçoit d'ailleurs, car il est lucide le bougre, trop peut-être), et dans un narcissisme échevelé dont le lecteur n'a que faire. Laissons-le se caresser avec ces qualifications de "référence dans le monde de l'art brut" et passons à autre chose. 

   On regrettera dans ce numéro spécial, au chapitre des absents, qu'on n'ait pas plutôt interrogé ou demandé des contributions à la Collection ABCD qui s'interroge sur l'art brut aujourd'hui, ou bien qu'on ne se soit pas intéressé à l'évolution, en direction de l'art singulier, du musée d'art naïf de Laval, musée de la région des pays de la Loire pourtant. Etait-ce par manque de place? Le numéro en l'état actuel suscitera déjà, rien que dans les régions ouest, de bien fécondes questions sur les nouvelles façons d'envisager et de pratiquer l'art aujourd'hui. 

A signaler le samedi 21 avril, au Lieu Unique à Nantes, la présentation de la revue, dans le cadre d'un "week-end singulier" organisé par Patrick Gyger (auteur également dans la revue d'un article sur Daniel Johnston), où sera également projeté le film Bricoleurs de Paradis, Le Gazouillis des éléphants de Remy Ricordeau, avec un débat pour suivre, animé par Eva Prouteau. Durant la période du 7 mars au 20 mai, se tiendra au Lieu unique une expo consacrée à Daniel Johnston, Welcome to my world! D'autres intervenants sont également annoncés durant ce week-end comme Bruno Decharme, Barbara Safarova, Mario Del Curto, etc. Voir le site web du Lieu unique.

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Création Franche n°30

     Les animateurs de Création Franche ont loupé le virage de 2008 à 2009 et font paraître leur deuxième numéro annuel sur l'année suivante, ce qui va encore fait crier certains à la confusion sur le rythme de parution de cette revue à laquelle je reste fidèle par delà le temps...

    Mais baste! Peu importe le rythme de parution, l'essentiel est que la publication continue à se maintenir en dépit des inévitables difficultés financières qui guettent toujours ce genre d'initiatives. Nous arrivons désormais au n°30, en cette année de vingtième anniversaire du Site (c'est peut-être la passion des chiffres ronds qui a fait décaler la parution du n°30, du reste?).

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     Qui l'eut cru lorsque l'on vit paraître en 1990 le premier numéro de cet organe émanant du Site, devenu depuis le Musée, de la Création Franche...?

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Création Franche, l'éventail des trente numéros parus depuis 1990, ph.B.M.

    Je profite de cette note pour un faire un petit retour et une mise au point d'ordre historique.

    Les deux premiers numéros de Création Franche étaient du point de vue de leurs maquettes tout simplement calamiteux, le contenu restant de son côté bien timide. La direction en avait été confiée à messieurs Lanoux et Maurice. On vit à cette occasion ce qu'ils étaient capables de mettre en chantier. Je fus fort marri d'avoir été mis à l'écart du projet alors que depuis plusieurs années, j'essayais de lancer l'idée d'une revue qui traiterait de l'ensemble du champ des arts populaires. On me trouvait trop remuant, "sans humour" (dixit Sendrey dans ses Histoires de Création Franche, éd. de l'Authenticiste, 1998), et peut-être aussi trop fidèle à l'esprit surréaliste ("Bruno Montpied se veut sans complaisance, sans concessions; voue une vénération absolue à André Breton...", Gérard Sendrey, même source).

   "...l'idée d'une revue est venue se nicher au Site de la Création Franche. Des contacts que j'avais avec lui, Jean-Louis Lanoux m'apparaissait comme un homme censé [sic], raisonnable, bien posé dans la vie, avec une bonne connaissance du milieu sur lequel nous étions branchés. Je le voyais très bien remplir le rôle du rédacteur en chef ; et je le lui dis. Il ne pensa pas que j'avais tort et me le fit savoir. Mais il exprimait une crainte. L'éventuelle présence de Bruno Montpied dans le comité de rédaction lui semblait représenter un grave danger pour la cohérence et l'efficacité de l'entreprise (...) Jean-Louis considérait que Bruno ne pouvait s'inscrire raisonnablement dans un projet sans essayer d'en bousculer les données"... (Gérard Sendrey, même source, p.46). Bousculer les données, quel beau projet pourtant... C'est sans doute ce qui manqua dès le départ à cette revue comme on le voit à lire les propos de Sendrey. On me proposait d'écrire dans la revue mais il fallait accepter de passer sous les ordres d'un directeur qui craignait donc les "bousculeurs de données"... Je refusai (ce qu'a oublié de préciser Sendrey dans son livre, préférant me présenter comme un opportuniste qui aurait accepté sa mise à l'écart de peur de perdre l'occasion de placer sa prose).    

    Dès le troisième numéro, où Lanoux n'était plus directeur (c'était le rôle qui lui avait été finalement imparti, tandis que Jean-François Maurice était le rédacteur en chef) et où Gérard Sendrey, le véritable initiateur de toute l'affaire en réalité, qui avait voulu rester en retrait tel le Vieux de la Montagne (comme il se rêve souvent), reprit la direction des opérations, les choses commencèrent à s'améliorer, petit à petit. Les collaborateurs se retrouvèrent sous la direction de Gérard Sendrey (au reste assez débonnaire) sur un pied d'égalité, ce qui me poussa à proposer alors, et alors seulement, ma participation. Les collaborations diverses et variées que je fus amené à produire dans la suite des numéros montrèrent je crois que le soupçon que j'aurais représenté "un grave danger pour la cohérence et l'efficacité de l'entreprise" était parfaitement infondée. 

    Jean-Louis Lanoux introduisit une secrétaire de rédaction que Gérard Sendrey nomme "Aline" dans son livre qui se rendit coupable, aux dires de Sendrey, de ce qu'on pourrait qualifier comme des abus de pouvoirs... ("...elle corrigeait les textes, mettait un mot de son choix à la place d'un autre voulu par le rédacteur, tronquait des phrases, changeait des sous-titres, en modifiant le sens...", Gérard Sendrey, même source, p.51-52). Sendrey proposa dés lors à Lanoux d'abandonner le poste sacro-saint de directeur de la publication... Se fermait une période où finalement beaucoup de bruit avait été fait pour pas  grand-chose.

     La revue a, depuis ses débuts balbutiants, changé plusieurs fois de look, comme perpétuellement insatisfaite de ses atours (et de ses atouts?). J'avoue préférer sa dernière parure, mise en place depuis le n°26, avec son dos carré qui lui donne une allure plus professionnelle. Mais la période où son titre était composé avec des caractères contenant des fragments d'oeuvres "franches", du n°12 au n°17, me séduit aussi assez du point de vue de cet effet de maquette. Son contenu ne me plaît pas toujours, mais ce n'est pas mon entreprise, et je n'y suis qu'invité. Quand on regarde dans le rétroviseur, on s'aperçoit que s'il y a bien du déchet, il y a aussi un certain nombre de papiers fort instructifs sur toutes sortes de créateurs (la revue ne s'est jamais départie de son côté catalogue de notices, en dépit de tentatives trop rares d'insérer des "news" sur des actualités non liées directement au musée de la Création Franche -mes "Billets du sciapode" par exemple, dont le principe ne fut que peu repris par d'autres dans la revue). Avec le temps, on s'aperçoit que cette publication, jamais diffusée en librairie, mais seulement au Musée et sur abonnement, aura été utile pour l'information rare qu'on peut y trouver.

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Dessins de Charles Paris, présentés par Paul Duchein dans Création Franche n°30

    Dans le dernier numéro qui paraît donc ces jours-ci, on trouve en particulier un fort intéressant article de Paul Duchein sur des dessins retrouvés de Charles Paris, cet ancien chauffeur de maître qui à partir de 1958 (si l'on suit le catalogue de l'exposition de l'Art Brut au Musée des Arts Décoratifs en 1967) se mit à dessiner sur des pierres ou des coupes de bois d'olivier (voir également le livre de Michel Thévoz, L'Art Brut, de 1975, p.73). Comme le signale Duchein, la Collection de l'Art Brut et ses différents animateurs ne parlent pas du fait que cet auteur dessinait aussi. Les quelques dessins reproduits dans la revue sont de ce point de vue une première. On sent que leur auteur prisait particulièrement les images médiévales, ou de fantasy montrant le diable, ou une iconographie en rapport avec les lutins (un "personnage" de lui évoque les gremlins du cinéaste Joe DanteGremlin.jpg - qui, lui-même, soit dit entre parenthèses, serait allé les pêcher du côté de Roald Dahl...), tout en amplifiant cette imagerie d'une façon très personnelle beaucoup plus visionnaire.

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Jean Branciard, deux oeuvres de lui (non reproduites dans CF n°30), à gauche L'Oiseau, et à droite le Sarcophage, ph.BM, 2008
 
    Dans ce même numéro, j'apporte une petite contribution pour faire mieux connaître l'oeuvre de Jean Branciard, découvert par le truchement de ce blog, et sur qui j'ai déjà laissé diverses mentions
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Robillard dans le spectacle Tuer la Misère, photo publiée dans CF n°30 et non créditée

      A noter également un article enthousiaste de Michel Leroux sur André Robillard, qu'il a l'habitude d'aller visiter à son domicile près d'Orléans, et un entretien de Pascal Rigeade avec Charlotte Ranson et Alexis Forestier qui sont les maîtres d'oeuvre de la pièce "performance" Tuer la Misère à laquelle Robillard participe sur scène (voir ma note du 3 juin 2008). La pièce continue de tourner. En ce mois de janvier elle est présentée à Lyon au théâtre des Subsistances, puis ira ensuite les 7, 8 et 9 avril à Bordeaux au "TNT Manufacture de chaussures". Pour l'occasion, du 28 mars au 19 avril, une exposition consacrée à Robillard se tiendra au Musée de la Création Franche.

Pour tous contacts, voir www.musee-creationfranche.com. Adresse: 58, avenue du maréchal de Lattre de Tassigny, 33130 Bègles. Tél: 05 56 85 81 73 ou 05 56 49 34 72.

(Nota-bene :CETTE NOTE EST UNE VERSION REMANIEE, DIFFERENTE DE LA VERSION INITIALEMENT MISE EN LIGNE ; remaniement intervenu le 17 février 09; les deux commentaires qui l'avaient accompagnée avant cette date ne s'appliquant plus, étant donné le remaniement des termes, ont été supprimés)   

 

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Création Franche n°38

    Juste avant le mois de juillet et le départ sur les routes des plus chanceux est paru le dernier numéro de la revue Création Franche émanant du musée du même nom.

 

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Création Franche n°38, juin 2013


    Au sommaire, on retrouvera un nouvel article de mézigue, consacré à un site d'art brut en plein air très peu décrit et présenté. Je crois bien avoir ici publié le premier texte à son sujet. Mon article s'intitule "Un carnaval permanent dans l'Aubrac, les "épouvantails" de Denise et Pierre-Maurice". J'étais allé le visiter, après avoir été alerté à son sujet par une page du catalogue du Musée des Amoureux d'Angélique à Le Carla-Bayle et la recommandation également de François Sarhan.

 

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Dense et Pierre-Maurice, la colline aux mannequins dans l'Aubrac, 2012, ph. Bruno Montpied


    Denise et Pierre-Maurice, dont je ne donne pas les patronymes puisqu'il m'a semblé qu'une certaine discrétion était demandée par les auteurs (mais tant d'autres ne se donneront pas ce mal, soyez-en assurés), Denise et Pierre-Maurice sont des habitants ruraux des contreforts de l'Aubrac. Denise a pris plaisir, à la suite de la confection d'épouvantails destinés classiquement à faire fuir les rapaces qui s'attaquaient à leur volaille, à les faire se multiplier hors de cette fonction, peut-être pour épouvanter d'autres types de prédateurs...

     Cela leur fait en tout cas de la compagnie, et constitue un panorama à coup sûr insolite sur la colline où elle les installe l'été, bien nippés et assez ressemblants à une armée de morts-vivants chorégraphiés figés. De quoi sont-ils les emblêmes ou les symboles? Des esprits anciens de la nature? Des aïeux passés comme nous passerons à notre tour? Du dérisoire statut d'êtres provisoirement installés sur cette Terre? Un peu de tout ça certainement...

 

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Denise et Pierre-Maurice, mannequins ayant l'air de dire "nous ne sommes que de passage"..., 2012, ph.BM


     Denise les aime propres, ses mannequins (ce sont davantage désormais des mannequins que des épouvantails) ; dès qu'ils s'abîment, elle les détruit par le feu, redonnant vie par la même occasion à la tradition des feux de la Saint-Jean ou de la mort du roi Carnaval que l'on brûlait je crois après Carême. Les vêtements, les nippes dont ils sont affublés, c'est sa partie à elle, Pierre-Maurice son mari se spécialisant plutôt dans la taille des masques en bois qu'elle peint ensuite de façon assez sauvage, souvent dans les mêmes couleurs, rouge, blanc et noir, les mêmes teintes qu'elle applique ausi à certains petits sujets en bois et matériaux recyclés qu'il lui arrive de céder moyennant quelque don en échange. Un tronc est aussi placé bien en vue pour ceux qui s'aventurent à prendre des photos. On ne vient pas pour prendre seulement...

 

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Masques taillés par Pierre-Maurice et peints par Denise, 2012, ph.BM

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Denise et Pierre-Maurice ont aussi des espaces de stockage qu'ils ont organisés en salles d'expositions particulièrement populeuses, dans un ancien garage et une ancienne étable ; ces ruraux développent ainsi des pratiques créatrices qui tout en s'inspirant de pratiques anciennes traditionnelles (les épouvantails) les subvertissent savamment, allant jusqu'à reconvertir tous les anciens espaces à leur disposition, remettant en cause leur fonction (la colline, l'étable, le garage, la nature)...

 

     Au même sommaire de ce numéro 38 de Création Franche, on trouvera des articles de Jean-Louis Cerisier (première participation, ce me semble) sur Jacques Trovic, de Paul Duchein sur Fernand Michel, de Denis Lavaud sur Mr.Imagination, d'Anic Zanzi qui réussit l'exploit de publier dans Création Franche le même texte sur Yves-Jules Fleuri, quoiqu'illustré différemment, que celui qu'elle vient d'insérer dans le dernier fascicule de la Collection de l'Art Brut (n°24), etc... Pour plus de détails, on se reportera au site web du Musée de la Création Franche auprès duquel on trouvera les moyens de se procurer le numéro (également en vente en ce moment à la librairie de la Halle Saint-Pierre à Paris).

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Le visage d'Ali, le créateur oublié d'Essaouira

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Ali, photo (détail) Patricia Allio, 2001, extrait du catalogue de l'exposition à Dol-de-Bretagne, "L'art brut à l'ABRI"

    Donc nous voyons ci-dessus à quoi ressemblait le Ali que le texte de Darnish, et le commentaire de Marianne Boussuge-Brault, récemment mis en ligne sur ce blog (voir ci-dessous), évoquaient. Cette photo fut publiée par Patricia Allio dans le catalogue de l'exposition "L'art brut à l'ABRI" qu'elle avait montée au Cathédraloscope de Dol-de-Bretagne (étaient exposés: des sculptures de Jean Grard, de Pierre Jaïn et de René Raoult, des peintures d'Ali, d'Asman Saïd et d'un autre peintre inconnu d'Essaouira, des photos d'Olivier Thiébaut, des cartes postales de l'Abbé Fouré (venues de ma collection), des peintures de Bruno Montpied, de Patricia Allio, des assemblages d'os sculptés de Gaston Floquet, des sculptures de Dominique Ronsin, et des "mécaniques apprivoisées" de Dino Pozzo). Couv-catal art brut a l'Abri 2001.jpg

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Ces deux peintures d'Ali (photo Bruno Montpied) étaient accrochées dans l'expo de Dol-de-Bretagne en 2001 de même que la jarre peinte ci-dessous dont on voit les deux personnages peints au pourtour (elle corrobore l'indication de Marianne Boussuge-Brault qu'Ali affectionnait de peindre sur des supports variés, notamment en trois dimensions)

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    Pour faire bonne mesure, je remets ici, annobli en texte de note, le témoignage de Marianne Boussuge-Brault à propos de cette "Maison des Artistes" qui est à Essaouira décorée avec des peintures d'Ali. Dommage que l'hôte dont elle parle ait été si rétif que cela à ce qu'elle puisse prendre des photos.

      "A Essaouira au mois de septembre, nous avons logé dans une maison d'hôte nommée la maison des artistes. S'y trouve exposée l'œuvre géniale d'Ali (brèves biographiques glanées auprès de notre hôte qui lui voue un culte: plus ou moins SDF durant toute sa vie (aujourd'hui terminée), ancien soldat de la guerre d'Algérie dont il a gardé un profond traumatisme, a vécu à la maison des artistes pendant un moment: le propriétaire lui a laissé "carte blanche" dans la maison en échange d'un toit, à manger et de leur amitié). Ali peint sur tout et utilise tous les supports: fenêtre, tables, chaises, toile etc. Des œuvres variées, parfois brutales rappelant les horreurs de la guerre, parfois très colorées et souvent oniriques. L'âne est une figure qui revient dans la plupart de ses toiles. Nous n'avons pas pris de photographies, notre hôte étant rétif à cette idée mais je pense qu'il suffit de frapper à la porte ...et de découvrir Ali." (Marianne Boussuge-Brault)

 

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La salle de l'exposition "L'art brut à l'ABRI" où se trouvaient les œuvres de quelques créateurs d'Essaouira, dont Ali, découverts par Patricia Allio (l'ABRI était le nom de –la paradoxalement éphémère!– association qu'elle avait fondée avec Frédéric Nef dans le but de protéger des créations d'art brut... ; autour étaient disposées des pièces sculptées de Jean Grard, des photos, au fond, d'Olivier Thiébaut..., ph. BM, 2001



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Pierrot Cassan, un imagier de l'immédiat: MASSIF EXCENTRAL (10)

   Il tenait un dépôt de pain sur la place Pompidou à Mauriac dans le Cantal. C'était une figure du bourg, modeste, discrète, qui ne fit que passer, et n'ayant que peu quitté sa région natale.

   Pourtant il a laissé de nombreuses traces dans la mémoire et les légendes locales. On se souvient de lui de manière tenace. Né en 1913, il est disparu en 1982. Pierre Cassan, dit plus communément Pierrot Cassan, fut charcutier avec ses parents de nombreuses années avant de tenir le dépôt de pain.

  Chétif de constitution, il se fit un point d'honneur à devenir moniteur de gymnastique, initiateur bénévole des gosses de son pays à la natation dans un bassin naturel, et sauveteur d'une quarantaine de personnes sur le point de se noyer. Cela à lui seul lui aurait assuré une place durant quelque temps dans la mémoire locale.

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Photo B.Montpied

  Il eut envie de faire plus. Il se mit sur le tard à peindre la vie de son village. Sur des pauvres cartons qu'il distribuait à l'occasion (car les témoins le répètent, il ne vendait pas). Par exemple à son ami peintre Pierre Mazar (peintre plus académique apparemment), qui les garda pour les sauvegarder. Ou à d'autres amis. Il les exposait sous la vitrine de sa boutique modeste, sans que les passants n'y prêtent beaucoup d'attention.

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Photo publiée sur l'affiche de l'exposition de la médiathèque de Mauriac

  Le temps aidant, les éloges ayant été réitérés par quelques supporters de la région (Pierre Mazar, ou l'écrivain Pierre Chaumeil, un ami de Robert Giraud ce dernier, le blog du "Copain de Doisneau" nous en a déjà parlé à l'occasion...), parfois venus de plus loin (Bernard Buffet...), plusieurs expositions lui ont été régulièrement consacrées, la dernière en date étant celle de la Médiathèque de Mauriac en février 2007. Cette même médiathèque se propose de conserver du reste l'oeuvre afin de la montrer de temps à autre.

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Photo B.M.

   La chasse et ses exploits rarement exempts d'innocentes fanfaronnades, que ce soit après des lièvres, un ours (cantalien?) ou des sangliers, étaient souvent sujets prisés par Pierre Cassan.

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Photo B.M.

   A d'autres moments, ce sont comme des grâces rendues aux compagnons animaux, l'âne, le boeuf, aux nécessaires travaux de tous les jours, à la bonne cuisine (où l'on retrouve le malheureux lièvre qui passe à la casserole "aurillacoise")...

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Photo B.M.

   De même que les saynètes galantes, parfois traitées avec un certain sens du grotesque, comme dans le cas de ces "poutous" échangés entre un certain "Jean-Claude Lassale" et une brune répondant au doux prénom de "Pétuninia"... 

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"Pour l'amour d'une poule, combat de coq à Mauriac"... Le peintre se fait à l'occasion moraliste (Photos B.M.)

   Il n'oublia pas non plus de rendre hommage à celui qu'il appelle, peut-être de manière un peu trop grandiloquente - avec quelque malice bon enfant?- le "maître", Pierre Mazar, plus simplement et avant tout "son ami".

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Photo B.M.

   Ce sont ainsi autant d'instantanés qu'il fixa avec simplicité, ou comme je préfère dire, avec immédiateté, réussissant avec une grâce sans apprêts à traduire directement  son appréhension sensible et truculente des spectacles qui l'environnaient dans son village, approche où il reste cependant difficile de faire la part entre malice et naïveté.

Remerciements à Jean Estaque qui me parla de Cassan aux environs de 1991, ce que je n'avais pas oublié, à Emmanuel Boussuge qui m'en reparla ces derniers temps, à Agnès Barbier qui m'a signalé l'expo de Mauriac, à Régis Gayraud qui nous y a conduits, et à Monique Lafarge de la Médiathèque de Mauriac qui m'a confié gentiment la trop rare documentation qui existe sur ce peintre, que je souhaite ardemment plus connu, spécialement de tous ceux qui s'intéressent aux limites de l'art brut et de l'art naïf. 

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Les femmes à l'honneur, Marie et Judith, des branches et des cocons

    Le hasard veut qu'aux cimaises de deux lieux voués à l'art, à Cahors et à Paris, vont être montrées au même moment deux créatrices que l'on peut ranger toutes deux dans l'art brut, Marie Espalieu (1923-2007) qui sculptait les morceaux de bois qu'elle trouvait dans les châtaigneraies du Ségala (dans le Lot), et Judith Scott, auteur d'intriguants et remuants "cocons" (c'est moi qui les appelle ainsi) aux USA (elle est défendue par les animateurs du Creative Growth Center qui comme je l'avais signalé en son temps avaient ouvert durant une courte période la Galerie Impaire à Paris).

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Sculptures de Marie Espalieu (photo Nelly Blaya), reproduite ssur l'affiche de l'expo "L'Esprit des Branches" au musée Henri Martin à Cahors du 15 octobre 2011 au 31 janvier 2012

     Marie Espalieu est exposée bientôt avec environ 120 sculptures au musée Henri Martin de Cahors. Un catalogue (et ici je cite le blog de J-M. Chesné), "réalisé par Jean-Michel Chesné sous la houlette", notamment, du conservateur du lieu, Laurent Guillaut, sort à cette occasion, apparemment cette fois davantage centré sur des reproductions des sculptures peintes de cette dame que dans les publications qui ont précédemment parlé de cette créatrice (c'est du moins ce que je souhaite, comme je l'ai déjà dit). N'est-ce pas en effet l'essentiel, révéler d'abord à quoi ressemblent les statues que cette dame nous a laissées, plutôt que d'apprendre sur l'air des lampions qu'elle a été photographiée par le célèbre Doisneau?

 

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Judith Scott, fil et matériaux divers, expo à la Galerie Impaire en juin 2008 (rien ne dit que cette pièce fera partie des oeuvres bientôt exposées au Collège des Bernardins à Paris), ph. Bruno Montpied

 

     Pour Judith Scott (1943-2005), c'est moins d'oeuvres (une douzaine sont annoncées), mais qu'importe la quantité en ce qui la concerne. Ses emberlificotages sont tellement prenants, au delà de la surprise déroutée qu'ils font de prime abord naître, que le nombre n'a aucune importance. Dans le Collège des Bernardins qui les accueille du 11 octobre au 18 décembre 2011,  dans cet espace quelque peu ascétique et désincarnée, nul doute que le contraste jouera en faveur des cocons de Mlle Scott, et qu'ils persisteront à cheminer longtemps dans le coeur des spectateurs présents. Et cela n'aura rien à voir, n'en déplaise au commentateur qui a pondu le texte du dossier de presse, avec le reste de l'art contemporain. Parce que toute la personne de cette créatrice (non, nous ne sommes pas dans le cas de figure d'une "artiste", une fois de plus avec l'art brut) est investie dans l'objet produit (l'objet, pas "l'œuvre", monsieur le chargé de communication), mystérieusement, inexplicablement. Sans le moindre recul, sans la moindre distance.

 

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Photo communication Collège des Bernardins 

Pour plus d'informations sur l'expo Judith Scott, cliquez sur les termes "dossier de presse" (surlignés) ci-dessus. Et pour une biographie voir le site de Creative Growth Center aux USA. Une programmation "d'événements" est également prévue au Collège des Bernardins: 17 octobre: « A la frontière de l’art : les sculptures de Judith Scott ? », conférence avec Tom Di Maria, Bruno Decharme, et Barbara Safarova, 20h-22h. 9 novembre « L’art de la dissimulation : la notion de "secret" dans l’œuvre de Judith Scott », conférence avec Jean de Loisy, Jérôme Alexandre, et Bertrand Hell, 20h-22h. 11 décembre, visite guidée de l’expo avec le directeur du Creative Growth Center, Tom Di Maria.

 

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30/09/2011 | Lien permanent

Brises de Nice, un nouveau festival hors-champ

    Le chiffre 13 va sûrement leur porter bonheur à ce festival Hors-Champ, treizième du nom. Treize rencontres  de cinéma autour de l'art singulier, pour un festival qui devait s'arrêter au bout de dix éditions, il semble que le pli ait été pris et qu'à Nice on ait décidément pris goût à réunir son monde au printemps. Cela aura lieu cette fois sur deux jours, le vendredi 4 juin tout d'abord, dans l'auditorium de la Bibliothèque municipale de Nice, quelques films (déjà montrés dans les éditions précédentes) à l'usage des nouveaux spectateurs (sur Gilbert Peyre: que devient ce dernier au fait? ; sur Petit-Pierre et sur les châteaux de sable de Peter Wiersma, les deux films par le légendaire documentariste mort trop jeune Emmanuel Clot ; sur Yvonne Robert...). Et le samedi 5 juin surtout, dans l'auditorium du MAMAC de Nice, où là les films et autres documents présentés auront une toute autre importance, au point de vue de leur rareté.

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     Le gros morceau (probablement, mais surtout pour un amateur "d'archive") sera sans doute la reprojection des photographies de Gilles Ehrmann, intitulées "Les inspirés et leurs demeures", à savoir sans doute des images (en couleur?) des sites évoqués par Ehrmann dans son livre au titre éponyme de 1962, ceux de Frédéric Séron, Malaquier, Chaissac, Fouré, Picassiette, etc., qui avaient été présentées à la fameuse exposition des "Singuliers de l'Art" au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris en 1978 (on se référera au catalogue de l'expo trouvable encore ici ou là, ou en bibliothèque). Mais bien entendu, la présentation du film de Michel Zimbacca et Jean-Louis Bédouin, L'invention du monde, avec des commentaires de Benjamin Péret, permettra aussi à d'autres amateurs, plus tournés vers les arts dits premiers, de découvrir là aussi un film mythique que l'on attend depuis bien trop longtemps en réédition sous forme de DVD (c'est pour aujourd'hui ou pour demain en effet?).

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     Les organisateurs de ce festival, qui se voue comme on le voit à un éclectique programme de documentaires d'art sur la créativité vivante, pas seulement borné à l'art brut ou singulier, se sont aussi tournés cette année vers la rediffusion du film de Jean Painlevé consacré à Calder qui fut tourné en 1955 et qui avait été un peu occulté par l'autre film tourné sur le cirque de semi-automates fait par Calder en fil de fer et autres bouts de chiffon, à savoir "le cirque de Calder" de Carlos Vilardebo en 1961. Le documentaire de Painlevé s'intitule "Le grand cirque Calder 1927" et il est disponible en DVD (édité par le Centre Pompidou et les documents cinématographiques dirigés par Brigitte Berg qui viendra à Nice présenter le film). Avec ses figures en matériaux précaires, il devance de plusieurs décennies des créations populaires comme celle de Petit-Pierre Avezard, aujourd'hui conservée à la Fabuloserie.

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Michel Nedjar, quelques poupées pour la fête de Pourim, ph Adam Rzepka, Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, extrait du livre "Poupées Pourim" paru chez Gallimard, coll. Giboulées en 2008

   Egalement présents, on pourra voir à Nice Alain Bouillet et Adam Nidzgorski présenter des images relatives à l'art brut et l'art populaire polonais (pour une confontation? Le programme ne le précise pas). On retrouvera aussi un film de Philippe Lespinasse et Andress Alvarez sur les reliquaires du Suisse Marc Moret, et un autre film consacré à la "grotte" de Maurice Dumoulin (autre créateur présenté à l'expo sur l'art brut fribourgeois naguère à la Collection de l'art brut à Lausanne). Bref, comme on le voit, du beau, du bon, rien que du bonheur.  

   

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