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Déchiffrer les messages d'outre-tombe de l'abbé Fouré... (A propos du site de l'ancienne Croix de l'Ermite)
Non, tout n'est pas dit sur l'abbé Fouré, ses rochers et ses bois sculptés, sa bonne (oui, il avait une bonne du curé, comme nous l'a appris le livre paru récemment de Jean Jéhan, elle s'appelait Marie Lefranc et maintenant à Rothéneuf, les fins limiers de l'Association de Joëlle Jouneau sont à la recherche de ses descendants, avis à la population, s'il y en a un qui surfe sur internet, il est le bienvenu ici)... Tout n'est pas dit, et loin de là!
L'abbé Fouré lisant, vers 1906, son journal réactionnaire favori (Le Salut, devenu collaborateur pendant la guerre ultérieure de 39-45, si je me souviens bien...) ; à sa gauche, à terre on distingue le gisant d'un homme d'épée avec hermine à sa tête (symbole de la Bretagne), et inscription en latin "Olim fuit" ("Il fut, jadis")
Photo Bruno Montpied, 2010
En particulier, les amateurs se rappellent le gisant sculpté par l'abbé situé à quelque encablures du site principal des rochers, sur le chemin des douaniers (ou des contrebandiers, selon l'idéologie que l'on défend...), soit dans une zone pour laquelle personne n'eut jamais l'idée saugrenue de faire payer un droit de péage. A ce propos, on peut toujours s'étonner de la rupture qui est faite au niveau du site des Rochers sculptés de ce chemin qui aurait dû normalement suivre le littoral, or il a été détourné, et ce depuis des lustres, à la suite d'on ne sait quel passe-droit apparemment. Mais revenons à nos moutons et en l'occurrence au site actuellement appelé "de la Croix du Christ" (et anciennement appelé "de la Croix de l'Ermite", croix qui du reste était plantée à un endroit plus éloigné de quelques mètres de l'emplacement actuel).
Emplacement de la Croix du Christ, vue zoomée depuis les rochers, ph. BM, 2010
Il a été dit par Frédéric Altmann dans son livre de 1985, La vérité sur l'abbé Fouéré (éditions AM, Nice), que le gisant situé à côté de la croix était à n'en pas douter un certain "Saint-Judicaël, roi de Dommonée"... Il ajoute que ce n'est pas "Jean, duc de Bretagne", qu'il qualifie (légèrement, comme on va le voir) "d'inscription fantaisiste". De cette affirmation, il n'apporte aucune preuve (d'où sort-il cet invraisemblable Judicaël, je me le demande depuis des lustres?). Du coup, Jean Jéhan, dans son propre récent livre, lui emboîte allégrement le pas sur ce détail. Altmann apporte cette affirmation aux pages 113 et 114 de son livre. Il reproduit une carte qui ne porte pas le cachet de l'abbé (celui-ci authentifiait ses cartes avec un cachet surtout -je pense- pour contrer le commerce de cartes non autorisé par lui), carte où l'on peut lire, en guise de légende du gisant: "Rothéneuf, rochers sculptés. Jean, duc de Bretagne". Voir ci-dessous:
Certes, il n'y a pas le cachet de l'abbé. Altmann veut y voir une preuve que la carte est légendée de façon suspecte ; or, même si le commerçant qui l'édita ne paya pas de droits à l'abbé, cela n'implique pas qu'il ait mal travaillé automatiquement dans les légendes qu'il imprimait. Il fallait trouver un indice plus stable pour confirmer ou infirmer cette légende. La preuve que la légende est correcte m'a été enfin fournie par une autre carte que j'ai découverte tout récemment et que je ne me souviens pas avoir vue éditée ailleurs. Je la reproduis ci-dessous:
Ah, bien sûr, ce n'est pas évident à déchiffrer, surtout sur un écran d'ordinateur peut-être. La photo sur la carte n'est pas de très bonne qualité qui plus est. Alors, la maison ne refusant rien à ses lecteurs, je m'en vais vous l'agrandir en entourant d'un trait photoshoppeur l'inscription tracée à la main sur le rocher situé à gauche prés du gisant, ce même rocher contre lequel l'abbé s'appuie sur la carte où il lit "le Salut". Car, oui, il y a bel et bien une inscription!
Sur ce rocher, l'inscription, tracée de la main de l'abbé (la graphie est assez proche d'autres inscriptions qui étaient visibles autrefois sur le site des rochers, voir ci-dessous), peut se reconstituer ainsi: "Jean IIII (ou IV), duc de Bretagne"... L'abbé maîtrisait-il mal les chiffres latins? On croit lire en effet quatre I, mais peut-être est-ce seulement la faute à l'imprécison de la photo. Il me semble que nous avons là une preuve à peu prés certaine du sens que prêtait l'abbé à son gisant. On sait en effet (grâce à l'historien régionaliste Noguette, alias Eugène Herpin, qui se fit le mémorialiste partiel de l'abbé), que l'abbé était entiché de patriotisme breton. L'histoire de ce "Jean IV" ne pouvait que le retenir. Chef de la Bretagne, il en avait été chassé par le roi de France Charles V en 1378, qui voulait réunir la Bretagne à sa couronne. Jean IV avait dû s'exiler en Angleterre. Rappelé par les nobles bretons, il débarqua à Dinard (comme on sait ville toute proche de St-Malo), fit la guerre à Charles V et reconquit la Bretagne. Ces faits d'armes (encore chantés aujourd'hui en Bretagne paraît-il, voir Gilles Servat) ont dû grandement impressionner l'abbé!
Inscriptions qui se lisaient dans les rochers du vivant de l'abbé, apposées par lui ou en tout cas avec son accord, décrivant des personnages qui semblent avoir été inventés par l'abbé qui rêvait sur les anciens habitants de Rothéneuf ; leurs noms étaient apposés au-dessus des personnages sculptés qu'ils étaient chargés de légender, au nombre desquels se trouve un Jacques Cartier ; à noter aussi que le chiffre latin IV est correctement orthographié ici ("Jean IV fainéant"...) ; la graphie paraît très proche de celle du rocher du gisant
Sceau de Jean IV, Duc de Bretagne ; on notera les hermines sur son écu et son pourpoint, ainsi que l'épée, deux détails que l'on retrouve sur le gisant sculpté par l'abbé
A noter que l'association des amis de l'œuvre de l'abbé Fouré, animée par Joëlle Jouneau, se propose de faire nettoyer dans les mois qui viennent cette fameuse sculpture de gisant qui actuellement devient difficile à "lire", étant donné les nombreux lichens qui la couvrent.
28/05/2011 | Lien permanent | Commentaires (10)
7e Biennale de l'Art partagé à Rives (Isère), plus que quelques jours...
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de parler des biennales "d'art partagé" organisées par Jean-Louis Faravel dans le cadre de son association Œil-Art. Tantôt installées dans l'Île d'Oléron, à St-Trojan-les-Bains, tantôt, comme en ce moment et pour quelques jours encore (cela se termine le 18 novembre prochain), à Rives, en Isère, pas très loin de Grenoble, là où fut fondée la première de ces expositions, me semble-t-il.
Le grand intérêt de ces biennales est de nous faire découvrir à chaque fois, et à des prix la plupart du temps modiques, plusieurs créateurs ou artistes aux œuvres parfaitement attirantes. La dernière édition de cette Biennale (la 7e, pour celles qui sont organisées à Rives) ne déroge pas à la règle, comme en témoignent ci-dessous les quelques images reprises du site web d'Œil-Art parmi les plus frappantes que l'on peut voir, nombreuses, sur le site. On soulignera que ces festivals montés par Jean-Louis Faravel et son équipe, mêlant artistes singuliers et créateurs handicapés ou bruts, voire naïfs, sans hiérarchie aucune, constituent véritablement le haut du panier en ce qui concerne l'ensemble des festivals d'art singulier ou "hors-les-normes" qui se montent ici et là en France. A suivre donc, impérativement.
Thomas Schlimm (un créateur handicapé allemand).
Gabriel Evrard
Imam Sucahyo, un auteur aux limites de l'art brut, indonésien, déjà exposé à la dernière biennale de St-Trojan-les-Bains ; il devrait être incorporé à une grande exposition d'art brut qui est en préparation en Indonésie, avec Ni Tanjung.
Raymond Goossens, créateur qui décline une série d'images campant un détective prénommé Raymond, sorte de projection de lui-même dans un univers de film policier... (Merci à Alain Dettinger et Fatima-Azzahra Khoubba qui me l'ont signalé dans la sélection de Jean-Louis Faravel)
Didier Hamey
Farchat Mobin, peintre naïf du genre "visionnaire", apparemment d'origine slave ; la scène ci-dessus se déroule durant la révolution russe de 1917 (la prise du Palais d'Hiver).
Et... Gilles Manero, un habitué, toujours habité, des biennales de Jean-Louis Faravel... Un surréaliste qui s'ignore, j'ajouterai...
12/11/2018 | Lien permanent | Commentaires (4)
”Des Pays Habitables”, six numéros, et ”Alcheringa”, trois numéros, des revues amies à la Halle Saint-Pierre
Cette rencontre (au sommet) de deux revues – auxquelles je participe (pour le n° 5 de Des Pays Habitables, et pour les numéros 2 et 3 d'Alcheringa) – aura lieu samedi 22 octobre prochain, à 15h dans l'auditorium de la Halle Saint-Pierre. Il y aura présentation de sa revue par l'animateur de Des Pays Habitables, Joël Cornuault, avec lecture de quelques textes de James Ensor par Nicolas Eprendre, et présentation de la leur – Alcheringa (Le temps du rêve, en langage aborigène d'Australie) – par trois membres du groupe surréaliste de Paris, Guy Girard, Sylwia Chrostowska et Joël Gayraud. Pour clore la réunion, qui devrait durer environ une heure (et plus si affinités), je serai également présent pour ajouter aux traits d'union entre ces revues cousines, en passant quelques images en rapport avec mes contributions dans les deux publications, contributions ayant bien sûr à voir, me connaissant – et connaissant ce blog –, avec les arts spontanés (bruts, naïfs, populaires). En l'occurrence, il s'agira d'oeuvres réalisées par divers autodidactes, certaines (celles d'Emile Posteaux, sculpteur de bouchons de champagne), datant des années 1930, d'autres plus récentes, plus ou moins en rapport avec des tentations infernales...
Gabriel Jenny, sans titre (crèche "païenne"), terre cuite vernissée, 43 x 35 cm, années 2000 (?) ; photo et collection Bruno Montpied ; cette photo sera projetée samedi parmi 13 autres ayant un un rapport avec deux de mes articles dans les revues.
Ce sera aussi l'occasion pour les deux revues de proposer à l'achat les derniers numéros parus, le 6 pour Des Pays Habitables et le 3 pour Alcheringa. Les anciens numéros seront églement disponibles bien sûr.
Des Pays Habitables n°5, couverture et 4e de couv'.
On en saura plus en consultant la newsletter des "événements" à la Halle Saint-Pierre: https://www.hallesaintpierre.org/2022/09/05/lectures/
Pour se procurer la revue Des Pays Habitables, on peut en savoir plus en allant sur le site web des éditions La Brèche. Ce sera aussi l'occasion de consulter les autres livres toujours séduisants que cette maison édite. A signaler en particulier la réédition par La Brèche du merveilleux Journal de neiges du poète Jean-Pierre Goff (un journal tenu uniquement les jours de neige à Paris) qui n'avait pas été republié depuis 1983 (voir ci-dessous la couverture de l'édition originale de 83 – qui a malheureusement pris un "coup de soleil"–, ainsi que le dessin (fait à la carte à gratter, il me semble) que Jean Benoît avait offert à Le Goff en guise de frontispice).
La réédition du Journal de neiges de Jean-Pierre Le Goff par La Brèche éditions, 2022.
L'édition originale aux éditions le Hasard d'être, 1983.
Dessin en frontispice de l'édition originale de Jean Benoît ; le petit homme moustachu sur le chemin, c'est Le Goff bien sûr.
19/10/2022 | Lien permanent
Noix de coco liégeoise
Aperçue à Liège, la face de noix de coco ci-dessous, histoire de rebondir une nouvelle de fois sur les noix de coco sculptées, depuis les notes que j'avais posées il y a quelques lustres (2010 et 2012, je fais dans la noix tous les deux ans faut croire), notamment à propos d'un étrange personnage moustachu qui me fait penser à une sorte de Fu Manchu rigolard et qui lui aussi est taillé dans une noix aussi volumineuse qu'une calebasse (dans ma collection perso).
Photo Bruno Montpied, 2014
La noix sculptée ci-dessus gîte à Liège, et est aussi moustachue, quoique plutôt à la manière de Charlot (ou de Hitler?), et a été chinée par M. Jean-Louis Clément qui s'intéresse beaucoup à l'art populaire autodidacte à qui il donne de temps à autre un nom original, le "déchant", terme emprunté au vocabulaire musicologique. Ce déchant (et non pas ce déchet, ne pas confondre) correspond selon Clément à une forme d'improvisation dans les arts visuels analogue à l'improvisation dans le domaine de la musique médiévale et plus près de nous dans le domaine du jazz par exemple (Clément est un féru de cette forme de musique). Cependant, je ne suis pas sûr que Jean-Louis Clément n'utilise pas ce terme avant tout dans le cas de peintures trouvées en brocante, dues à des inconnus ou des anonymes, que je rapprocherai personnellement plutôt de ce que nous avons évoqué sur ce blog sous le terme d'art de dépôt-vente, d'art de croûtes, voire de bad art comme on dit aux USA (c'est-à-dire de "l'art naze".
01/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (8)
Un peu d'éclairage supplémentaire du côté de Martine Doytier
Un de mes lecteurs me signale, grand bien lui fasse, du nouveau du côté de Martine Doytier dont j'ai déjà parlé ici à plusieurs reprises. Le galeriste Jean Ferrero a donné en décembre dernier à la ville de Nice plus de huit cents œuvres de l'Ecole de Nice (César, Arman, Ben, et tutti quanti) à condition que celles-ci puissent être montrées dans un local à part. Ce serait dans un bâtiment situé au cœur de la vieille ville (local auparavant lié à l'urbanisme). L'Ecole de Nice, moi personnellement, ça ne m'emballe que fort modérément (Ben par exemple à mes yeux est une véritable supercherie). Mais dans le tas, il y a des tableaux de Martine Doytier, dont un que l'on aperçoit dans une vidéo un temps diffusé sur le site de Francetvinfo et sur une photo qui paraît représenter l'artiste, les yeux comme morts, assez effrayants, au milieu des figures connues de la dite "Ecole". Ce tableau semble être celui qu'une autre correspondante m'a récemment décrit comme "le dernier" aperçu par ma correspondante dans l'atelier de Martine Doytier avant le suicide de cette dernière.
Jean Ferrero, devant une toile de Martine Doytier (dont n'est montrée qu'une partie), sur le site de FrancetvInfo
Décidément, plus je vois d’œuvres de Martine Doytier, plus je me dis qu'elle s'est fourvoyée dans ce milieu de l'Ecole de Nice, où elle manifestait infiniment plus d'originalité que tout le reste de la bande...
26/02/2014 | Lien permanent | Commentaires (3)
L'étrange fontaine de Soleymieux, passons une deuxième couche...
La réaction de Régis Gayraud, surtout son deuxième commentaire à ma note précédente, me conduit à proposer une nouvelle hypothèse.
Le fait est, qu'à ma grande honte (je n'avais pas vérifié), Soleymieux et Saint-Jean-Soleymieux, comme nous le signale Régis, sont bien deux communes distinctes. Cela a une conséquence importante pour mes raisonnements précédents. D'autre part, je reconnais que moi aussi j'étais quelque peu chiffonné devant la carte Cim de St-Jean, montrant la statue avec un casque, statue que je proposais de voir déplacée ensuite plus bas sur la place de Soleymieux, quand je la comparais à la photo de cette dernière place où l'on voit mal la fontaine et surtout le personnage qui la surmonte. Je pensais que cette photo pouvait peut-être dater des mêmes années que la carte Cim parce que j'étais persuadé que la statue du triton provenait de St-Jean, trompé que j'étais par les affirmations de l'instituteur mentionnées dans ma note précédente... Les détails que nous indique Régis sur son ancienneté probable font déduire que la statue qui se trouve dans ces années de début XXe siècle devant le bureau de tabac ne peut être la même que celle qu'on voit, bleutée, sur la carte montrant la fontaine de St-Jean-Soleymieux. Il est possible qu'une confusion se soit opérée dans la mémoire des habitants puisque les légendes des deux fontaines donnent le même château de Chénereilles comme lieu d'origine des statues des deux fontaines.
Je parlais ci-dessus d'une conséquence importante qu'apporte l'information que les deux communes sont distinctes. Le rapport sur la délibération du conseil municipal que j'ai cité dans ma précédente note indique formellement qu'une fontaine surmontée d'un triton a été érigée en 1808 sur la place de Soleymieux (et non de St-Jean). Il est dès lors possible d'imaginer que le triton est resté en place pendant les deux siècles sur la place, et que c'est lui qui, victime d'un dégât à une date indéterminée (probablement après-guerre, et peut-être même dans les années 70, voir les images ci-dessous?), a été "métamorphosé" dans l'état où je l'ai photographié, état étrange, Ô combien... L'autre statue de St-Jean, qui ressemble elle davantage au fameux "soldat romain" (et moins à un triton à dire vrai) proposé par un témoin le jour de notre rencontre de cet été, et qui fait passablement rêver notre ami Régis, cette autre statue est probablement complètement distincte de celle de Soleymieux. L'hypothèse d'un déplacement de statue n'était étayée que par les souvenirs trompeurs de notre ami instituteur, qui n'en était pas tout à fait certain du reste (comme dit Régis, et c'est bien sûr cela qui nous séduit infiniment dans cette petite recherche qui ne se voudrait rationnelle en apparence que pour laisser en sous-main l'imagination se déployer, "ainsi naissent les légendes"...).
J'ai cherché sur la toile d'autres cartes montrant la fontaine de Soleymieux. L'objectif étant d'en trouver une qui montrerait enfin plus exactement l'état antérieur de la fontaine de Soleymieux. Voici quatre images qui font progresser le schmilblic, je trouve.
Une carte aux alentours des années 20 peut-être... On voit la fontaine et son personnage sur la droite...
qui en dépit de son aspect d'amas blanchâtre accentué par la pixélisation ne paraît vraiment pas ressembler à un soldat, mais bien plutôt à une sorte d'animal...
Autre vue de la même place, toujours à Soleymieux, la statue est à droite, même difficulté à la discerner précisément, mais ce ne paraît décidément pas être un soldat...
Carte moderne dentelée (1971), la "bestiole" de la fontaine paraît pourvue d'yeux proéminents, à la différence de l'aspect lissé d'aujourd'hui, sa cuisse gauche est bien dessinée, et à la réflexion ne correspond en rien à la statue de la fontaine de St-Jean... Cependant, il est à noter que l'on n'a toujours pas vu sur ces images quelque chose qui pût ressembler à une queue de poisson...
Une photo (date indéterminée) telle qu'on peut la trouver sur le site de la mairie de Soleymieux ; à noter un aspect lissé de la statue comme si elle était en argile... (Un peu comme mes hypothèses, remodelables à volonté?)
Pour moi, la vérité commence peut-être enfin à se dessiner. La fontaine de Soleymieux était surmontée d'un triton, ce qui est assez banal au fond pour une fontaine, mobilier urbain de transition entre milieu aquatique et milieu terrestre, dont le symbole peut facilement être un homme- poisson. Il y a eu une "restauration" à un moment donné. Qui en fut l'auteur? On peut chercher à le savoir sans pouvoir attirer les foudres sur lui, car contrairement au christ de Mme Gimenez à Borja, la profanation est ici bien moindre. Qui se soucie d'un triton? Du coup, l'insolite de la statue actuelle a plus de chance d'apparaître aux yeux de tous. Quant au soldat romain, cher Régis, on ne sait où il s'en fut, car il est désormais bien absent du socle entrevu à St-Jean.
Triton de Qasr Lybia, époque byzantine (il me semble...)
11/09/2012 | Lien permanent | Commentaires (7)
L'étrange fontaine de Soleymieux
Cette note contient des mises à jour (signalées en rouge) suite aux commentaires de Régis Gayraud
Nous descendions en direction de Montbrison dans le département de la Loire, cet été, quand l'un d'entre nous (Régis Gayraud pour ne pas le nommer qui en bon conducteur avait l'oeil à tout, ce qui explique qu'il ait perçu en premier l'étrange objet) s'avisa d'une fontaine qui nous faisait face, sur une petite place, dans la commune de Soleymieux, qui jouxte celle de St-Jean-Soleymieux placée légèrement plus haut qu'elle sur les contreforts du Forez.
Fontaine de Soleymieux, Photo Bruno Montpied, 2012
Ô, la bizarre fontaine... Nous récriâmes-nous en choeur. Comme vous pourrez vous-même en juger d'après l'image ci-dessus (une de ses faces)... Quel était cet animal à la tête glabre, à la cuisse musculeuse, le dos comme couvert d'écailles, les yeux faits de deux billes incrustées..., vaguement écroulé, plié en avant ? Spontanément, je pensai pour ma part à une sorte de tortue.
Un autre aspect de la statue ; c'est ce côté qui me fit penser d'abord à une tortue, ph.BM, 2012
Nous fîmes bientôt cercle autour de la dite fontaine, et voyant notre curiosité, un homme vint à nous, le maire du village qui paraissait sortir d'une réunion, à qui je demandai bien vite la signification de cette statue fort hybride et difficile à interpréter. Il ne s'était, nous confia-t-il, jamais vraiment posé la question, occupé qu'il était par bien d'autres problèmes plus urgents (mais notre curiosité l'intéressait). Une seconde personne arriva, puis une troisième, qui se révéla être l'instituteur du lieu. Chacun faisait assaut d'imagination devant le personnage énigmatique. On se mit à déambuler dans le village, allant frapper à la porte des uns et des autres, réveillant des siestes, interrogeant les érudits disponibles. Une légende se mit à prendre corps au gré de notre balade. De la tortue, on était passé à l'évocation d'une grenouille, enfin à celle d'un "soldat romain" (ce qui me parut sur le moment une interprétation à 180° d'écart par rapport aux deux précédentes ; mais on verra qu'une hypothèse pour le moment considérée comme finale tient dans un mixte des deux, ce qui correspond finalement assez bien à une statue de type nettement hybride...). Puis l'instituteur parut se rappeler que la fontaine avait un rapport avec celle placée sur une place dans le bourg situé plus haut, celui de St-Jean-Soleymieux. Qu'une légende la disait en provenance d'un château des environs (enfin... Tout de même assez distant), à Chénereilles (plusieurs cartes postales des deux bourgs indiquent cette provenance).
Soleymieux, carte postale des années 50? 60? La statue est à droite, sur la même place où nous la trouvâmes en juillet 2012
Au bar-tabac du coin, une ancienne carte postale encadrée montrait la place avec sa fontaine surmontée d'une statue disparaissant malheureusement dans l'ombre d'une frondaison (voir ci-dessus). Remontés jusqu'au bourg de St-Jean, nous constatâmes que la fontaine indiquée par l'instituteur ne diposait que d'un simple socle ou fronton orné de motifs floraux sans grande originalité.
Côté gauche de la statue "tortue-grenouille-soldat romain", ph.BM, 2012
Il fallait enquêter. Des cartes postales anciennes montrent que l'instituteur avait peut-être raison... La statue située à Soleymieux sur l'actuelle fontaine paraît provenir de la fontaine de St-Jean-Soleymieux (celle qui a une base décorée de motifs floraux). Est-ce cette dernière qui a été créée en 1808, selon un rapport de délibération du conseil municipal de Soleymieux comme me l'a aimablement signalé le maire de Soleymieux, M. J-L.Jayol? La statue représentait à l'origine, aux dires de ce rapport, "un triton à tête humaine, comme un dieu marin mi-homme (pour le buste) mi-poisson"... Et cette statue ainsi que sa base ornée proviennent bien du château de Chénereilles, toujours selon le même rapport, ce qui rejoint les légendes des cartes postales. Comme quoi j'étais retombé avec mes camarades sur le mythe de la sirène, cette fois dans une version masculine...
Carte montrant la fontaine dans le bourg de St-Jean-Soleymieux, non encore déplacée à Soleymieux ; années 1920, 1930?
Le triton...? Avec à sa base, peut-être sa queue de poisson?
Plusieurs cartes postales difficiles à dater – peut-être des années 1920 ? – montrent peut-être le fameux triton, homme-poisson de la mythologie gréco-latine, fruit des amours de Poséidon et d'Amphytrite, en place sur la fontaine du bourg supérieur de St-Jean. Une autre – nettement postérieure avec son enseigne des PTT qui paraît remonter aux années 1950? – la montre toujours à la même place, alors que celle vue dans le bar-tabac de Soleymieux montre la statue déplacée sur la fontaine du bourg inférieur.
Carte avec enseigne PTT, prise à St-Jean-Soleymieux, avant le déplacement de la statue donc...
Et c'est ce qui fait le noyau du principal mystère qui me retient dans la découverte de l'actuelle statue. A quelle époque s'est effectuée le transfert du triton de St-Jean-Soleymieux à son emplacement contemporain dans le bourg inférieur de Soleymieux (s'il y a eu transfert)? Et surtout, qu'est-ce qui s'est passé pour que cette statue se soit ainsi métamorphosée, à coup de greffes et emplâtres de ciment, en l'actuel bizarroïde bestiole hybride qui ressemble de loin à une verge au repos? Est-ce le fruit d'une "restauration" de type Cecilia Gimenez? Car cela y ressemble fortement, je trouve, depuis qu'à peu de temps de notre passage dans la Loire, je suis tombé sur l'affaire de la restauration du Christ de l'église de Borja...
L'actuelle statue paraît être le résultat d'une modification "brute" due à un quelconque autodidacte populaire qui peut-être à la suite d'un pari farceur a réalisé là une création tout à fait humoreuse, mutation artistique basée sur une dérivation et un détournement de statue académique à la base. C'est le mystère qu'il reste à éclaircir et j'attends donc avec curiosité les réactions des chercheurs sur la question...
Triton ou verge molle, Soleymieux, ph.BM, 2012
08/09/2012 | Lien permanent | Commentaires (4)
Le Plein Pays continue sa route, jalonnée de prix...
Bon, ça ne vous aura pas échappé sans doute mais le Plein Pays, le formidable film d'Antoine Boutet consacré à Jean-Marie Massou, est sorti en salle, et a reçu plein de prix. Il est également passé sur Arte apparemment le 15 novembre (voir commentaires), et il est diffusé sur le site web de la chaîne. La prochaine diffusion sur la chaîne si j'ai bien compris sera pour le mercredi 24 prochain à 5h00... Faudra programmer ou être bien matinal...
Si vous voulez savoir où passe le film sur grand écran, et particulièrement s'il passe prés de chez vous, veuillez cliquer sur cette liste que l'on trouve sur le site des Films du Paradoxe, cela va jusqu'en février il me semble...
Jean-Marie avec une photo de jeunesse où il brandissait une icône personnelle..., ph Antoine Boutet, site web des Films du Paradoxe
Pour les Parisiens, et les habitants de sa périphérie, il y aura bientôt une occasion de le revoir, en présence (présumée) du réalisateur, dans une soirée organisée par Nicolas Reyboubet au cinéma Kosmos à Fontenay-sous-Bois, et consacrée aux personnages singuliers. Un autre film sur Chomo, d'Antoine de Maximy, plus ancien (1985), sera projeté en même temps, lui aussi en présence du réalisateur. Le tout aura lieu samedi 18 décembre à 21h.
Cinema Kosmos. 243ter Avenue de la République. 94120 Fontenay-sous-Bois.
19/11/2010 | Lien permanent | Commentaires (4)
MASSIF EXCENTRAL (14): Soulier, Masseboeuf, Canis et Mamelle
Clermont-Ferrand, ville des prédestinants, pourrait-on ainsi l'appeler? Notre correspondant Régis Gayraud y chasse pour nous depuis quelque temps déjà ce que d'autres sur d'autres sites ont appelé des "aptonymes" et que je me contente d'appeler des noms prédestinants. Quel régal, qu'on en juge...
Notre correspondant naguère nous avait aussi envoyé un entrefilet sur une affaire de "chiens écrasés" (paru dans La Montagne du 17 janvier 2002), comme on dit en argot journalistique, ou plutôt en l'occurrence de chiens volés... Ce n'était pas les noms des jeunes prévenus dans l'affaire qui faisaient réfléchir mais bien le patronyme de leur avocat, le bien nommé Maître Jean-François CANIS... Ce qui, pour nos lecteurs non latinistes, veut dire "chien". Normal, dés lors, qu'il ait tenu à défendre ces amoureux trop zélés des animaux?
Régis, enfin (tout au moins dans le cadre de cette note...) lit le Monde avec attention et y déniche certaines perles à la rubrique nécrologique... Comme au sujet de cette Nicole Mamelle, "chercheuse engagée au service de la santé périnatale", hélas décédée en novembre 2005:
20/05/2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Exposer chacun dans un jardin, une riche idée...
Jean Branciard m'adresse un dossier concernant plusieurs expositions d'artistes contemporains qui vont se tenir en Isère dans deux semaines, durant le week-end des 1er et 2 juin prochains. L'art contemporain comme on s'en doute si on lit régulièrement ce blog est pourtant loin d'être ma tasse de thé quotidienne...
Ce qui m'a retenu pour l'occasion, c'est, outre des nouvelles de l'avancée des créations singulières de Jean Branciard, qui en est à construire une "cité lacustre" dans les mêmes matériaux que d'habitude (vieux bouts de tôle rouillée, fils de fer, chiffons, bois d'épaves...), "cité" qui me fait furieusement penser aux maquettes de constructions babéliennes qu'élabore parallèlement en Bretagne le fameux Darnish évoqué dans cette colonne récemment, ce qui m'a retenu surtout donc, c'est l'idée d'un parcours à la recherche des œuvres présentées dans des JARDINS. La manifestation s'appelle du reste JARTdins 2013, et elle se tient dans les villages de Saint-Aupre et Saint-Etienne de Croissey à 5 minutes de Voiron, organisée par l'association Sur 1 coin 2 table. Le parcours et les artistes présentés ainsi en plein air sont détaillables sur le programme que je vous mets en lien. Heureux passants de l'Isère, vous pourrez ainsi augmenter vos balades de la rencontre d'oeuvres pas désagréables à affronter. Pour ma part j'en reste à Branciard, seul représentant dans cet ensemble de l'art dit singulier, mais les deux artistes qui voisinent avec lui sur la page que je reproduis ci-dessous ne sont pas inintéressants pour autant. Exposer des papiers découpés (Stéphanie Miguet) dans un jardin, sous nos climats actuels, s'avère en outre des plus périlleux...
20/05/2013 | Lien permanent | Commentaires (1)