Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Philippe Lespinasse

”Sous le vent de l'art brut 2”, sous le vent, oui, mais pas forcément pour autant tous ”bruts”

     La Halle Saint-Pierre a confié sa communication à une agence (Pierre Laporte Communication) pour sa prochaine grande exposition prévue à la rentrée de septembre (à partir du 17 septembre exactement, et devant durer jusqu'au 17 janvier 2015). On commence à recevoir dans les boîtes e-mail un laïus à ce sujet, ce qui est peut-être un peu tôt, mais c'est sans doute pour prévenir le grand "oublioir" de la période estivale qui s'annonce à grands pas....

 

affiche sous le vent de l'art brut 2.jpg

 

      Ce sera pour moi l'occasion de revenir étrenner les cimaises de la Halle, dans ses deux grands espaces pour expositions principales du rez-de-chaussée (la zone noire) et du premier étage, où, présenté par deux petites toiles à ce dernier niveau du reste, je n'étais pas revenu depuis l'expo "Art Brut et cie" de 1995-1996 (où j'étais exposé dans la section consacrée à la Création Franche). Cette fois, on m'exposera une douzaine de peintures et dessins, dans le cadre de cette manifestation destinée à faire mieux connaître la collection néerlandaise "De Stadshof", autrefois présentée à Zwolle en Hollande et dorénavant hébergée depuis 2002) au Muséum du Dr. Guislain à Gand, animée aujourd'hui par Liesbeth Reith et Frans Smolders (après l'avoir été initialement par Ans Van Berkum, nom qui a été "curieusement" oublié dans la présentation de l'agence de com').

 

De Stadshof, maquette sculptée.jpg

Bertus Konkers, maquette sculptée de l'ancien bâtiment qui hébergeait la collection "De Stadshof" à Zwolle aux Pays-Bas donc initialement

Les-fumeurs-de-pipes,-1990(.jpg

Bruno Montpied, Les fumeurs de pipe, collage, acrylique et stylo sur papier et bois, env. 60x80 cm, 1990 ; ce tableau n'est pas reproduit sur le site internet de la collection De Stadshof mais fait bien partie de la donation que je leur ai consentie dans les années 90 (il ne sera pas exposé à la Halle St-Pierre)

 

    Un site internet, plutôt bien fait, permet de se promener parmi les œuvres des créateurs faisant partie de cette collection. Dont mézigue, qui ai fait une donation de quatre œuvres plutôt anciennes à la collection hollandaise du Stadshof. Tellement anciennes que la directrice de la Halle, Martine Lusardy m'a gentiment proposé d'opérer en quelque sorte une mise à jour de mes travaux apparus bien après cette donation (effectuée dans les années 1990). Dont acte, et ce dont je la remercie publiquement ici.

 

Bande-toi-les-yeux-pour-mie.jpg

Bruno Montpied, Bande-toi les yeux pour mieux voir, 24x18cm, encre et mine de plomb sur papier, 2013 (fait partie de la sélection pour "Sous le vent de l'art brut 2")

 

     Cependant, il me faut aussi apporter quelques précisions à propos de la communication actuellement transmise par newsletter par l'agence ci-dessus citée. La collection "De Stadshof" se proclamait autrefois collection "d'art naïf et outsider", ce dernier qualificatif ayant fait place plus récemment sur son site à "art brut". Même si "art outsider", à ce qui se répète souvent, serait l'équivalent dans le monde anglo-saxon du terme "art brut", il faut rappeler que pour les Anglo-saxons (que les Hollandais en l'occurrence imitaient) le mot sert surtout à mixer toutes sortes de corpus et de formes d'expression relevant de différentes catégories, comme l'art naïf, l'art populaire, l'art brut, les environnements populaires spontanés, et les artistes marginaux que l'on aurait plutôt tendance par nos contrées à qualifier "d'artistes singuliers" (terme que je ne dédaigne pas d'employer pour présenter mon propre travail graphique, même s'il me paraît passablement galvaudé par les temps qui courent). Le but principal étant de mettre en lumière une création plastique hors circuit officiel. L'agence Pierre Laporte Communication dans son laïus transmis actuellement par e-mail, dans une envolée généralisatrice, extrêmement discutable de mon point de vue à la fois de créateur et de critique, écrit ceci: « Martine Lusardy, directrice de la Halle de Saint Pierre avec Liesbeth Reith et Frans Smolders, conservateurs de la collection De Stadshof, ont sélectionné 350 oeuvres de 40 artistes emblématiques : peintures, sculptures, dessins, installations, broderies, signées par des figures incontournables de l’art brut (c'est moi qui souligne). »

     Eh bien, JE NE SUIS PAS une "figure incontournable de l'art brut" en ce qui me concerne. Incontournable, en termes d'embonpoint, je ne dis pas, mais en tout cas en ce qui concerne l'art brut, il y aurait malhonnêteté à me présenter ainsi. Et parmi les "40 artistes [toujours ce terme confusionniste] emblématiques", il doit bien y avoir d'autres personnes également peu concernées par ce label que l'on applique décidément trop à la louche par les temps qui courent: par exemple Marie-Rose Lortet, Christine Sefolosha, Philippe Azema, François Burland, Sylvia Katuszewski, Adam Nidzgorski, pour ne citer que ceux dont je connais (et respecte) le travail qui sera donc présent à la Halle Saint-Pierre à l'automne. Ces derniers noms recouvrent plutôt des artistes marginaux, effectivement situables dans une sorte d'orbite autour de l'art brut (orbite passant aussi sans doute autour d'autres corpus comme le surréalisme, le mouvement Cobra, and so on...). Je ne connais pas bien tous les créateurs hollandais présents dans la sélection, mais il y a fort à parier que plusieurs d'entre eux ont aussi à voir avec l'art naïf plutôt qu'avec l'art brut. Mais comme l'épithète "naïf" ne fait plus vendre, n'est-ce pas, on préfère "brut"... Donc, "Pierre Laporte Communication", si vous voulez être pris au sérieux, encore un effort, cernez davantage le champ proposé cet automne à la Halle Saint-Pierre.

 

halle st-pierre,sous le vent de l'art brut 2,bruno montpied,de stadshof,art singulier,art outsider,art brut,art naïf,musée du dr. guislain,pierre laporte communication,romain mangion

Bruno Montpied, Barbu bestial, encre et marqueurs divers sur papier, 21x29,7 cm, 2013 (Œuvre exposée à la Halle Saint-Pierre dans "Sous le Vent de l'Art Brut 2")

    Et pour être complet voici la sélection des artistes et créateurs retenus pour cette exposition d'automne à la Halle St-Pierre (cela fera 350 œuvres exposées):

ACM (France), Yassir AMAZINE  (Etterbeek, Belgique), Anonyme, Philippe AZEMA (France), Okko BOSKER (Pays-Bas), Herman BOSSERT (Pays-Bas), Bonifaci BROS (Espagne), François BURLAND (Suisse), Aaltje DAMMER (Pays-Bas), Siebe Wiemer GLASTRA (Pays-Bas), Martha GRUNENWALDT (Belgique), Lies HUTTING (Pays-Bas), Bertus JONKERS (Pays-Bas), Sylvia KATUSZEWSKI (France), Truus KARDOL (Pays-Bas), Jan KERVEZEE (Indonesia), Saï KIJIMA (Japan), Rosemarie KOCZY (USA), Davood KOOCHAKI (Iran), Marc LAMY (France), Hans LANGNER (Allemagne), Pavel LEONOV (Russie), Marie-Rose LORTET (France), Bonaria MANCA (Italie), Markus MEURER (Allemagne), Bruno MONTPIED (France), Michel NEDJAR (France), Adam NIDZGORSKI (France), Donald PASS (Royaume-Uni), Hans SCHOLZE (Pays-Bas), Christine SEFOLOSHA (Suisse), Joseph SELHORST (Pays-Bas), Paula SLUITER (Pays-Bas), William VAN GENK (Pays-Bas), Henk VEENVLIET  (Pays-Bas), Roy WENZEL (Pays-Bas), Johnson WEREE (Liberia), Karin ZALIN (U.S.A), Anna ZEMANKOVA (République Tchéque).

Lire la suite

Petit calendrier d'expositions très potables

*    Bernard Pruvost expose à la Galerie Dettinger-Mayer, 4, place Gailleton, Lyon, du 26 octobre au 24 novembre, et Ô coïncidence, montre aussi des oeuvres, un peu plus tôt, au Musée de la Création Franche à Bègles (Gironde ; du 29 septembre au 25 novembre), dans ce dernier cas avec d'autres créateurs (Exposition "Visions et Créations Dissidentes", dont Pascale Vincke, qui est défendue avec raison par le MAD musée à Liège, ou le Batave Herman Bossert, présenté par la Galerie Hamer de Nico Van Der Endt à Amsterdam qui a apparemment des Mouly dans ses réserves -tiens, puisque vous êtes sages, on peut cliquer ici pour en voir un...). Bernard Pruvost, c'est un spécialiste des encres arachnéennes.

e62fccca5c5af9f241252591149bc4d8.jpg
Oeuvre de Bernard Pruvost (Photo Galerie Dettinger-Mayer)
e48ce45ce74068d767a30b6255b27aee.jpg 

*   Plus prés dans le temps, commence le 17 septembre une expo consacrée à Yolande Fièvre, artiste au patronyme très évocateur, amie de Jean Paulhan, spécialiste des éléments naturels ovoïdes et glandulaires assemblés dans des coffrets, artiste très influencée au préalable  par le dessin et l'écriture automatiques. Elle a devancé de très loin tous les "singuliers" qui sont venus à partir des années 80. Ce sera l'occasion de le vérifier, à la Halle Saint-Pierre du 17 septembre 2007 au 9 mars 2008. En même temps que cette expo, qui comme d'hab dure un temps un peu trop immense (6 mois...), il y aura une expo pour évoquer la courageuse figure de Varian Fry, cet Américain qui vint sauver des griffes nazies nombre d'intellectuels et d'artistes européens qui se pressaient à Marseille au début des années 40, une des rares issues qui restait encore après la Débâcle. Il a d'ailleurs écrit le récit de son aventure dès 1942. Elle ne fut publiée aux USA qu'en 1945, et traduite en français seulement en 1999 chez Plon (l'édition est épuisée et l'éditeur serait bien inspiré d'en faire des retirages...).

33562208e31d029e8da91f0fed4ae070.jpg

    C'est bien sûr l'occasion pour les organisateurs de l'expo de montrer des oeuvres de plusieurs surréalistes dont Fry put s'occuper, comme Breton, Max Ernst, Jacques Hérold, Jean Arp (qui resta en Europe), Wifredo Lam, Victor Brauner, André Masson, Jacqueline Lamba ou Matta (alors que Camille Bryen, Alberto Magnelli, Lipchitz, Wols, eux aussi exposés, malgré ce qu'avance avec confusion le laïus de présentation de l'expo sur le site de la Halle, si ce sont bien des artistes parfaitement honorables, ne furent  pas pour autant surréalistes...).

d21fb337dc9e177ec288a0ed5dcf23f9.jpg

    Des "dessins collectifs" (sans doute des cadavres exquis et des épreuves originales  du "Jeu de Marseille" que les surréalistes et leurs amis, réunis dans le petite communauté de la Villa Air-Bel confectionnèrent, histoire d'inventer un jeu nouveau porteur derrière ses nouveaux emblèmes de mythes nouveaux) sont également promis.

1896e95e77626d7e6e77a4b7bd8856ec.jpg
("Dessins collectifs" surréalistes, photo récupérée sur le site de la Halle Saint-Pierre)

   "Varian Fry était comme un cheval de course attelé à un chariot rempli de pierres" (Jacques Lipchitz, selon Pierre Sauvage, texte dans le dossier de presse de l'exposition)

0eab6fed2511755a4e33b88324705a17.jpg

*    Sinon, il me semble que peu d'amateurs auront remarqué qu'une rétrospective des oeuvres de Philippe Dereux (1918-2001) avait été organisée à la Galerie Chave durant cet été. Des dessins, des collages d'épluchures, des peintures et des livres illustrés de 1960 à 2000 sont montrés dans cette prestigieuse galerie jusqu'au 30 octobre 2007, soit une bonne partie de cet automne encore, donc. J'ai une tendresse toute particulière pour l'oeuvre et le personnage de Philippe Dereux qu'il m'est arrivé de rencontrer un soir dans la Presqu'île à Lyon avec son fils... Ce qui me fascine toujours chez Dereux, c'est justement le travail de sa vie, cette épluchure de l'expression, d'abord peut-être recherchée à travers l'écriture, puis ensuite dans les arts plastiques (il a mixé les deux approches dans différents livres, comme Le Petit Traité des Epluchures paru en 1966 chez Julliard). Pour se rapprocher au plus prés de la vérité, du parler juste, sans emphase, sans fioritures, sans tricherie, sans afféterie mensongère. Et qui passait peut-être par le recyclage de ces épluchures dans une combinatoire dédramatisant cette obsessionnelle quête d'épure.

   La galerie Chave annonce pour l'occasion une monographie en préparation qui s'intitulera "La Mémoire des épluchures".

   (Galerie Alphonse Chave, 13, rue Isnard, 06140 Vence, Tél: 04 93 58 03 45.)  

Lire la suite

Le griffonneur de Rouen

Graffiti, Alain R., à Rouen, ph Bruno Montpied, 2005.jpg
Graffiti d'Alain R. sur une armoire électrique rue Jeanne d'Arc, Rouen ; photo Bruno Montpied, 2005

   

     J'ai déjà évoqué, quoique subrepticement (dans Création Franche n°26, sept.2006 ), ce vagabond des mots graffités sur les murs de Rouen. Je l'ai découvert dans le livre de Pascale Lemare, le Guide de la Normandie Insolite (éd. Christine Bonneton, juillet 2005). Rencontré au tout petit matin en compagnie de  mon camarade Philippe Lalane, il nous avait glissé son nom, Alain R., susurré serait plus juste, au coeur d'un flot de paroles fort difficiles à saisir. Et ce nom, ces mots mis bout à bout dans une kyrielle de sons quasi inintelligibles, ressemblaient aux mots que l'on trouve en différents lieux de Rouen, plus lisibles, plus intelligibles sur les murs que dans sa propre parole. Pas de phrases, des mots seuls, et beaucoup de noms propres.

Alain R., graffiti Boulevard des Belges, ph David Thouroude, 2006.jpg
Boulevard des Belges, Rouen ; photo David Thouroude, extraite de "Playboy Communiste"
Alain R., photo de David Thouroude, 2008.jpg
Alain R., photo David Thouroude, 2008, blog "Playboy Communiste"

     Coluche, Jesse James, Antoine, Lutte Ouvrière, Langevin, Humanité, Karl Marx (auquel Alain R, sur certaines photos, commence à ressembler...), Capa, SNCF, Martine, Louis XVI, Robinson Crusoe (comme lui, Alain R. a fait naufrage),Portrait d'Alain R. par David Thouroulde, 2006.jpg Essaouira, Tintin, Gai Luron, Chateaubriand, Carlos, Aznavour, Ysengrin, Géronimo, Jean Gabin, Arsène Lupin, Gaston Doumergue, Les Garçons Bouchers, Perpignan (un rare nom de ville), Cavanna, Ribeiro (peut-être Catherine), Crochet (le capitaine), Don Quichotte, Mauritanie, Sidi Brahim, Ali Baba, Oncle Picsou, Haribo, Laguiller, PCF, Mitérand (sic), Patrick Bruel, Gagarine, Olivier Besançonot (sic),graffiti d'Alain R., ph David Thouroude, 2008.jpg Socrate, Gotlib, Polidor 1854, Mandrika, Landru... Que de noms semés au hasard des murs plâtreux, avec une orthographe rarement en défaut, ce qui est à noter. Cela pourrait correspondre à un besoin de rassembler en une gerbe éclatée ce qui reste d'une mémoire, d'une culture (très contre-culture du reste) en danger de dissolution...? Les murs étant les pages du sans domicile fixe (mais Alain R. en est-il un?).

Graffiti quai Gaston Boulet, Rouen, ph David Thouroude, 2008.jpg
Graffiti d'Alain R., quai Gaston Boulet, Rouen, ph David Thouroude, 2008, blog "Playboy Communiste"

    Dans cette litanie, on trouve aussi des noms communs. Les mots: playboy (qui revient à quelques reprises), toise, enchaîné, chéri, goupil (à moins que ce ne soit "Romain Goupil"), ciné, bijou, petit bouchon, dérailleur, occultistes, gaufres, flûte, aligator (sic), mosquée, pied, parole, femme, ménate, regard, devin, trique, tambourinement, paparano...Graffiti d'Alain R.,rue Lecanuet, ph B.Montpied, 2005.jpg Les graffiti laissent parfois les mots bien distincts, mais parfois aussi ils se chevauchent, rendant la lecture difficultueuse. Le support devient alors palimpseste, agrégat de lettres confusément entassées, comme si dans ces moments-là la mémoire s'affolait et ne pouvait plus empêcher la grande mêlée, la grande confusion... Pour moi qui travaille dans l'animation avec des enfants ces inscriptions pulsionnelles ressemblent fort aux efforts enfantins d'apprentissage du langage qui passent par des accumulations de mots écrits laborieusement, en tirant la langue ou pas, les mots s'entassent en vrac, dans une disposition brute sans souci d'ordonnancement, absolument hors de toute norme d'affichage...

Alain R. graffiti rue des Bons Enfants, Rouen, ph B.Montpied, 2005.jpg
Alain R. graffiti rue des Bons Enfants, ph B.Montpied, 2005

    Il n'y a pas très longtemps, un blog s'est créé sur internet entièrement voué à notre griffonneur, avec un inventaire photographique de David Thouroude, recensant un maximum d'inscriptions dans la ville de Rouen (tenant le registre qui plus est des inscriptions effacées ou disparues... Travail de fourmi passionnée qui laisse pantois!). Les animateurs du blog en outre ne se sont pas contentés de faire des photographies mais ils ont aussi relevé tous les mots inscrits par leur héros... Alain R. s'y trouve portraituré à différents endroits de la ville, avec son accord à ce que dit Pascal Héranval sur le blog. Comme je n'ai pas recueilli cet accord (lorsque nous l'avons rencontré, il fut impossible d'établir un véritable dialogue), je m'en tiens à son prénom et à l'initiale de son nom comme cela été déjà utilisé dans un article de Jean-François Robic, Le texte des villes,  qui l'évoque dans l'ouvrage collectif Dessiner dans la marge (textes réunis par Boris Eizykman, éd. de l'Harmattan, 2004). Le nom du site s'inspire des mots d'Alain R.: PLAYBOY COMMUNISTE.Alain R., graffiti rue de l'Ecole, Rouen, ph David Thouroulde, 2006.jpg Avec ce blog, est apparu aussi récemment un film tourné sur Alain R., qui a fait l'objet de plusieurs projections dans le cadre du festival Art et Déchirure à Rouen (selon Philippe Lalane, les séances multiples ont toutes été complètes ; il y a visiblement autour de ce griffonneur un intérêt du public, des habitants de la région, Jean-François Robic le signalait déjà dans l'article cité ci-dessus). Les auteurs du film sont David Thouroude et Pascal Héranval, et sa durée est de 52 min. Ce sont eux aussi qui sont à l'origine du blog "Playboy Communiste", sur lequel on peut aussi apercevoir des fragments de leurs vidéos.

plancher d'Alain R., photo David Thouroudejpg
Graffiti sur une paroi verticale d'Alain R. route de Bonsecours, qui, photographiés ainsi par David Thouroude en 2007, montrent leur ressemblance avec le plancher gravé de Jeannot qu'on peut voir devant l'hôpital Ste-Anne à Paris

Lire la suite

Il y a de l'art brut parisien, le saviez-vous?

 

esat de ménilmontant,exil,handicapés mentaux,réfectoire des cordeliers,philippe lefresne,art brut,art singulier,art-thérapie

Vue partielle de l'exposition Exil, ph Bruno Montpied

    "Exil, l'art brut parisien", c'est une exposition au Réfectoire des Cordeliers dans le Ve ardt qui n'est pas une salle de cantine comme les autres, c'est une architecture fort ancienne où sont montées depuis quelque temps des manifestations fort bien mises en scène. La dernière prévue entre le 1er décembre 2011 et le 12 janvier 2012 ne déroge pas à cette règle. Elle est très soigneusement présentée, les œuvres sont fort bien mises en valeur. On nous y annonce 59 "artistes" (c'est moi qui rajoute les guillemets) venus de 9 ateliers médico-sociaux et de 4 ateliers d'art-thérapie tous situés à Paris. On en retrouve un, l'ESAT (ex-CAT) de Ménilmontant dont j'ai déjà eu l'occasion de mentionner une intéressante expo au Carré de Baudouin dans les hauteurs de Ménilmontant naguère. Reviennent ainsi dans cette expo faire un petit tour une grande peinture de Joseph Tibi (décidément remarquable peintre d'origine tunisienne), et quelques pièces de Philippe Lefresne et de Fathi Oulad Ben Abid qui paraissent toujours assez en forme. A noter aussi que c'est la troisième expo d'envergure sur l'art des handicapés mentaux que l'on nous présente à Paris en l'espace d'un an et demi, la première ayant été l'expo du Madmusée à la Maison des Métallos (plutôt réussie, voir la note où je la signalais) en avril 2010.

 

esat de ménilmontant,exil,handicapés mentaux,réfectoire des cordeliers,philippe lefresne,art brut,art singulier,art-thérapie

Philippe Lefresne, sans titre, 65x50cm, 1985, (ESAT de Ménilmontant), ph B.M.

     Mais, à part quelques cas comme ceux que je viens de citer, il ne se produit pas de choc véritable à parcourir cette grande et belle salle des Cordeliers. On nous y annonce de "l'art brut", mais qui en a décidé, hormis les organisateurs? Suffit-il de sortir quelques productions, au reste de qualité (sans aller jusqu'à la surprise bouleversante), la plupart du temps vraiment trop en référence à des courants divers de l'art moderne (un zeste de COBRA, un peu d'expressionnisme, un peu de peinture enfantine, beaucoup "d'art brut" déjà vu), sans qu'on en sache la raison (on soupçonne tout de même l'influence occulte de l'animateur de l'atelier), pour obtenir à coup sûr le sacro-saint "art brut"? L'impression dominante est d'assister à une sorte de revue d'influences mal digérées de l'art moderne. Comme si les animateurs avaient fait réaliser leurs rêves secrets de créateurs par les participants interposés de leurs ateliers.

 

esat de ménilmontant,exil,handicapés mentaux,réfectoire des cordeliers,philippe lefresne,art brut,art singulier,art-thérapie

Anne et Cyril, L'Oiseau, 100x80cm, 2009 (CAJ Robert Job) ; tiens? On dirait du Acézat... Ph BM

     L'affirmation, placée en préambule de l'exposition par Véronique Dubarry (adjointe au maire de Paris chargée des personnes en situation de handicap), comme quoi on aurait ici affaire à de l'art brut parisien, m'apparaît donc quelque peu aventurée (on retrouve son "éditorial" sur le site internet consacré à l'exposition, www.exil-artbrutparisien.fr ; à lire sur ce site aussi le texte du professeur François Robichon, petit chef d'œuvre de passe-passe intellectuel où l'art brut se voit retourné comme un gant, assimilé à l'art contemporain, ce qui permet de légitimer toutes les insuffisances côté inventivité et tous les mimétismes aussi de ces productions d'art-thérapie). Une autre affirmation de Mme Dubarry prête à sourire, il n'existerait à Paris en effet aucun lieu voué à présenter de l'art brut (« Existe-t-il à Paris un lieu dédié où les artistes parisiens en situation de handicap mental et psychique, issus de n’importe quels ateliers, puissent exposer? De cette question, et de sa réponse négative, a émergé la volonté collective de sortir hors les murs le travail d’artistes jusqu’ici cloisonné »). Il faudrait emmener de toute urgence Mme Dubarry visiter la Halle Saint-Pierre (qui n'a jamais réservé des expos uniquement à l'art issu des handicaps, préférant l'intégrer à des ensembles plus vastes et moins cloisonnés)... Il est vrai qu'en ce moment à la Ville on se préoccupe de moins en moins de la Halle, préférant lui augmenter sans cesse son loyer, et diminuer les subventions dans l'espoir sans doute de voir ses animateurs actuels (Martine Lusardy et son équipe) enfin abandonner les lieux, pour les livrer aux associations de quartier justement, peut-être même ces associations qui promeuvent de ce simili art brut style Réfectoire des Cordeliers.

    Ceci dit, je n'ai rien contre le fait qu'on puisse créer à Paris un nouveau lieu voué aux "artistes parisiens en situation de handicap mental et psychique" (pour les y "recloisonner", Mme Dubarry?) pourvu que cela ne  se fasse pas au détriment de lieux déjà existants comme cela semble être parfois la politique de la Ville de Paris qui adore créer par ailleurs des nouveaux lieux complètement artificiels (voir le 104 ce complexe culturel créé dans les locaux des anciennes pompes funèbres municipales...) ou ressusciter des salles de spectacle d'un autre temps (les trois Baudets, le Louxor...).

 

esat de ménilmontant,exil,handicapés mentaux,réfectoire des cordeliers,philippe lefresne,art brut,art singulier,art-thérapie

Lydie Boisset, Autoportrait, mai 2008,(production Atelier de la Passerelle, coll. BM)


       Il existe des endroits en France où l'on produit des œuvres autrement inventives qui pour le coup sont davantage dignes d'être rangées dans l'art brut (par le fait de cette inventivité), comme par exemple les productions de l'Atelier La Passerelle à Cherbourg que je défends sur ce blog depuis quelque temps. On aura l'occasion très bientôt de découvrir quelques œuvres venues de ce Cotentin où souffle le vent de l'art brut dans les locaux de la Maison Rouge bd de la Bastille (voir bientôt la note à ce sujet sur ce blog).

Exil, l'art brut parisien, Réfectoire des Cordeliers, du mardi au samedi, 10h30-19h, nocturne les jeudi de 10h30 à 21h30, 15 rue de l'Ecole de Médecine, Ve ardt. Renseignements: 01 40 33 19 19.

Lire la suite

Tirer sur l'art

musée de la chasse et de la nature,exposition cibles,annie le brun,claude d'anthenaise,gilbert titeux,tir sur cibles peintes,art populaire insolite,cibles foraines     Il faut se presser si vous n'avez pas encore eu l'occasion de visiter le musée de la Chasse et de la Nature dans le IIIe ardt parisien, ses collections permanentes organisées en envoûtant cabinet de curiosités (licorne, plafonds tapissés de plumes et d'animaux empaillés, sa salle des trophées où surgissent des murs des dizaines et des dizaines de museaux d'animaux)musée de la chasse et de la nature,exposition cibles,annie le brun,claude d'anthenaise,gilbert titeux,tir sur cibles peintes,art populaire insolite,cibles foraines et surtout son exposition actuelle, intitulée "Cibles", qui se terminera le 31 mars (le musée bien entendu sera toujours disponible aux visiteurs après, mais il sera organisé sans les cibles qui sont actuellement disséminées dans les diverses salles, mêlées aux objets et aux animaux naturalisés, des lions, des ours, un sanglier qui se cachent au détour des murs...).

 

musée de la chasse et de la nature,exposition cibles,annie le brun,claude d'anthenaise,gilbert titeux,tir sur cibles peintes,art populaire insolite,cibles foraines

Lions regardant une vidéo de l'exposition "Cibles", ph. Bruno Montpied, 2013 ; (ci-dessus plafond aux chouettes, et bison de la salle des trophées, au Musée de la Chasse et de la  Nature)

musée de la chasse et de la nature,exposition cibles,annie le brun,claude d'anthenaise,gilbert titeux,tir sur cibles peintes,art populaire insolite,cibles foraines

Détail d'une cible peinte, allégorie du soleil, 1660, huile sur bois, diam 112 cm, Tittmoning, Heimathaus Rupertiwinkel, expo "Cibles" au Musée de la Chasse et de la Nature

 

      Elle a trait (c'est le cas de le dire) aux sociétés de tir qui commandaient, à l'occasion de joutes et de fêtes, des cibles peintes à des artistes locaux, restés le plus souvent anonymes, dans différents pays d'Europe Centrale, région du monde d'où semble issue cette tradition qui remonte au moins à la fin du Moyen-Âge. C'était à la fois "des souvenirs et des trophées", explique Gilbert Titeux, dans un texte du catalogue (qui constitue une rare, et bien tardive documentation sur un sujet pourtant passionnant qui soit disponible en français). Il précise également: "Une fois trouées des balles des tireurs (...) elles étaient ensuite soit offertes en trophée aux gagnants, soit conservées en souvenir par les confréries organisatrices des concours concernés". Ceci explique peut-être que les cibles exposées au musée de la Chasse et de la Nature ne paraissent pas si abîmées que cela en définitive (certaines cibles étaient rebouchées pour pouvoir servir plus longtemps).

 

musée de la chasse et de la nature,exposition cibles,annie le brun,claude d'anthenaise,gilbert titeux,tir sur cibles peintes,art populaire insolite,cibles foraines

Sérénade, signée I.I. , 61x76 cm,  1839, cible peinte à l'huile sur bois, Banska Stiavnica, République tchéque (image empruntée au livre d'Anne Braun, Historische Zielscheiben, de 1981 ; il s'agit ici d'une cible peut-être plus franchement naïve que celles qu'on voit dans l'expo du Musée de la Chasse et de la Nature, qui manifestent un savoir-faire réaliste plus élaboré et plus baroque ; les cibles tchèques de la collection de Banska Stiavnica paraissent du reste nettement plus naïves que dans d'autres collections)

 

      Claude d'Anthenaise, le commissaire de l'exposition, de son côté, met le doigt sur une dimension anthropologique de ces tirs sur œuvres-cibles : "On ne tire pas sur la mort ou le diable mais bien sur ce que l'on désire. En effet, il s'agit moins d'éliminer que de saisir, d'anéantir que de posséder. Une des grandes fonctions de l'art depuis les origines consiste en "la capture par l'image". De ce point de vue, la cible peinte pourrait en être le développement ultime dans la mesure où, à travers sa destruction, le tireur vise l'appropriation de la réalité que l'image représente". C'est la même problématique qui est développée par Annie Le Brun qui signe le texte initial du catalogue.

 

musée de la chasse et de la nature,exposition cibles,annie le brun,claude d'anthenaise,gilbert titeux,tir sur cibles peintes,art populaire insolite,cibles foraines

Autre exemple de cible dont la naïveté touche ici presque à l'art dit brut ; celle-ci, évoquant un mariage, empruntée également au livre d'Anne Braun cité ci-dessus (et non exposée au Musée de la Chasse et de la Nature), date de 1804, faisant 112x112 cm, et provient du Schützenmuseum de Berne

 

     Une remarque cependant. Les auteurs soulignent l'appartenance géographique des cibles peintes comme étant prépondérante dans les pays germaniques et d'Europe Centrale, ne citant qu'un seul lieu en France qui conserve des cibles peintes (un musée de l'archerie dans le Valois), par ailleurs plutôt pauvres picturalement parlant. Il existe pourtant en France au moins une autre collection, celle du Cercle de tir de Chemazé en Mayenne, rassemblant des cibles assez naïves s'échelonnant de 1842 à 1972, que j'ai eu l'occasion de signaler déjà ici lorsque j'ai évoqué l'année dernière la parution du n° 119 de la revue 303, spécial art brut et art outsider, où Eva Prouteau signait un article à son sujet (après celui de Pascale Mitonneau paru dans un numéro plus ancien de la même revue, le n°78, en 2003). Il est vrai que Pascale Mitonneau soulignait dans son article la rareté d'une telle collection, qu'une conservatice des ATP le lui avait confirmée paraît-il. Cela me surprend quelque peu cependant, car on voit ici ou là en brocante - pas souvent, c'est vrai - ou dans des collections privées réapparaître des cibles. Elles relèvent parfois plutôt de l'art forain, étant peut-être des cibles de stands de tir. Ou comme celle que j'insère ici (signalée récemment par le brocanteur Philippe Lalane), elles proviennent peut-être de bistrots, où elles furent bricolées par besoin de divertissement (jeu de fléchettes), d'une manière qui fait beaucoup penser aux fabrications de fanny pour les jeux de boules. Il reste qu'il paraît étonnant qu'il ne se soit pas trouvé en France d'autres cercles de tireurs qui aient généré des cibles peintes. Pourquoi des cibles n'auraient-elles été créées qu'au fond de la Mayenne?

 

musée de la chasse et de la nature,exposition cibles,annie le brun,claude d'anthenaise,gilbert titeux,tir sur cibles peintes,art populaire insolite,cibles foraines

Cible pour fléchettes, ph. Philippe Lalane (le coeur en bois blanc est évidemment une restauration)

 

Lire la suite

D'étonnants jardins en Nord-Pas-de-Calais

     On avait eu naguère (2011) un cahier de l'Inventaire du Patrimoine de la région Poitou-Charentes entièrement consacré à un créateur autodidacte, Gabriel Albert à Nantillé (Charente-Maritime), qui avait décoré son jardin d'environ 400 statues en ciment polychrome des années 60 aux années 90 de l'autre siècle. C'était le premier cahier de l'Inventaire entièrement dévolu à un autodidacte d'extraction populaire (plus naïf que brut dans ce cas). Je m'en étais fait l'écho sur ce blog.

couv d'étonnants jardins en nord-pas-de-calais, images du patrimoine.jpg    Voici que les collaborateurs de l'Inventaire du Patrimoine récidivent, cette fois dans la région Nord-Pas-de-Calais, avec un cahier, le n°293, entièrement axé sur une enquête explorant les sites encore en place et dont les auteurs dans plusieurs cas ont pu être interrogés. Quelques sites plus anciens, dont les auteurs sont disparus, sont également évoqués, comme celui de Remy Callot, sur qui nombre d'informations sont apportées dans le livre par Tiphaine Kempka, ou encore celui de René Pecqueur (à ne pas confondre avec Charles Pecqueur), dont les réalisations, des grands candélabres-arbres (on pourrait créer tout spécialement pour lui le mot-valise "candélarbre"), ont malheureusement été détruites, hormis quelques bricoles conservées ici ou là, notamment au LaM à Villeneuve-d'Ascq). Ce site est chroniqué avec sensibilité et intelligence dans l'ouvrage de l'Inventaire par Michel Cabal.

pecqueur_vuegenerale.jpg

René pecqueur_maneges.jpg

Site ancien de René Pecqueur (1933-2003) à Louches (Pas-de-Calais), photos Marguerite Tartart et Michel Cabal

 

     Ce dernier Pecqueur était connu des chercheurs depuis déjà quelque temps, s'ils avaient comme moi découvert son existence au hasard d'internet en tombant sur lui alors qu'ils cherchaient de l'information sur l'autre Pecqueur, prénommé Charles. Un site web, animé par le même Michel Cabal était en effet dédié à René. La revue Pays du Nord lui avait également consacré un entrefilet.

Charles Pecqueur, pho Voix du Nord.jpg

Photo parue dans La Voix du Nord (voir notre lien ci-dessous au mot "Turenne"), probablement tirée des archives de la famille Pecqueur ; Charles pose devant la tête de Blanche-Neige

    D'étonnants jardins apporte aussi une information actualisée sur son homonyme, Charles Pecqueur, créateur d'un site important à Ruitz, constitué de fresques et de statues et qui fut photographié et décrit à de nombreuses reprises dans les ouvrages centrés sur les environnements créatifs populaires, comme ceux de Bernard Lassus (1977), Jacques Verroust (1978) ou encore Francis David (1984). Dans ce livre de l'Inventaire, on trouve du reste un texte de Lassus qui revient sur sa propre enquête des années 60, époque à laquelle il découvrit le site de Pecqueur et lança le terme d'"habitant-paysagiste". Nathalie Van Bost, dans la partie du livre plus spécifiquement attachée à montrer des images des sites (fort belles), ajoute quelques informations, notamment sur l'état dégradé des réalisations de Charles Pecqueur, même si sa fresque consacrée à Blanche-Neige paraît tout de même étonnamment bien conservée, cinquante ans après sa confection. N'entendant plus parler de cet environnement, pourtant remarquable (Pecqueur, profitant de sa position de maire de la commune de 1946 à 1965 avait décoré au départ un rond-point de la petite ville avec Blanche-Neige et ses sept nains ; lorsqu'il n'exerça plus ce mandat, il rapatria comme il put des fragments de ce décor dans son propre jardin, une photo dans le livre nous montrant au passage qu'existe toujours la Blanche-Neige du rond-point), n'entendant plus parler de ce site donc, je m'étais figuré qu'il ne devait rien en rester. Dans les explorations que je fis, en 1989 d'abord, puis par la suite pour les besoins du film Bricoleurs de paradis, je ne poussai pas jusqu'à Ruitz. Or, il faut toujours aller vérifier sur place les sites, même s'ils furent indiqués à des époques éloignées. C'est grâce à son fils, aujourd'hui sexagénaire et prénommé joliment Turenne, que la maison de son père a pu être préservée, même si on peut se demander jusqu'à quand... L'endroit pourrait constituer un jour -rêvons un peu- un de ces centres de documentation et de ressources qui serait spécialisé sur la question des environnements populaires et singuliers. La municipalité de Ruitz ne se sentirait-elle pas concernée?

RC,-fresque,-le-char-de-l'a.jpg

Un détail des mosaïques de Remy Callot à Carvin (Pas-de-Calais), ph. Bruno Montpied, 2008

     L'ouvrage de l'Inventaire contient beaucoup d'informations donc, et des études historiques sur la fonction des jardins de mineurs qui étaient destinés à leur assurer un complément alimentaire de qualité pour leur santé. Le temps passant, les mines fermant les unes après les autres, la notion de jardin évolua pour certains héritiers ou nouveaux arrivants vers une utilisation plus créative ou commémorative (plusieurs habitants aimant à préserver la mémoire des mines).

Vue-du-jardin-depuis-la-rue,-allée-à-gauche,-Bouddha rose (2).jpg

Le jardin de mineur de Concetta et Michele Sassano à Wingles ; lui aussi se retrouve dans l'ouvrage D'étonnants jardins ; ph. BM, 2008

     Des sites de qualité naïve affirmée, comme celui de Jean Cathelain par exemple, à Billy-Montigny, ou celui du "Jardin au titan" d'Alain Lefranc à Waziers, sont par ailleurs dévoilés, à ma connaissance, pour la première fois dans ce livre, tandis que d'autres, du genre accumulatif et sans grande mise en scène (tendance hélas de plus en plus fréquemment rencontrée, comme si tous savoir-faire et techniques avaient été perdus dans les milieux ouvriers), ou du genre miniaturistes et faiseurs de maquettes, peuvent laisser assez indifférents (sites de Jean-Philippe Carlier, ou de François Golebiowski par exemple)... On rencontre aussi ici et là dans ce mini-inventaire des sites actuels du Nord-Pas-de-Calais des environnements qui paraissent davantage relever d'une création cultivée, et donc  plus d'un environnement d'artistes, ce que j'appelle personnellement un "environnement singulier" (exemple de Philippe Hermez, et du sculpteur anonyme de Marchiennes, ou encore de "la maison du pirate" repérée par les enquêteurs dans la région de Dunkerque).

     Cependant, on trouvera là, au final, un ouvrage que tous les mordus des environnements populaires spontanés auront à cœur de se procurer pour compléter leur documentation sur le sujet. Entre autres librairies où on peut le trouver, à Paris, à la librairie de la Halle Saint-Pierre bien sûr, mais aussi à la librairie de la Caisse des Monuments Historiques dans l'Hôtel de Sully, rue Saint-Antoine dans le Marais.

Lire la suite

Tourisme brut et populaire en été, poésie de l'immédiat (1) : Visitez le Musée alsacien à Strasbourg

     L'époque des transhumances s'approche, au temps béni des grandes vacances, avec ses riches et insoupçonnées possibilités de découvertes au cours de nos baguenaudages et autres dérives interminables. Un bon fil rouge à suivre me paraît constitué, comme autant de perles distribuées sur un collier sans fin, par les lieux voués à la présentation des curiosités de l'art populaire, de l'art brut, ou encore de l'art naïf, voire de l'art singulier, musées historiques, ou collections méconnues, voire sites d'art insolite et primesautier en plein air, sans oublier que dans les intervalles il n'est pas interdit de repérer les inscriptions curieuses, les noms prédestinants, les caviardages volontaires ou involontaires, les affichages naïfs, les noms de communes hilarantes, les graffiti, distribués au hasard de vos promenades rêveuses, les coques des navires vues comme des tableaux surréalistes ou abstraits... Ouvrons l'œil!

Musée alsacien (2), vu de la cour intérieure.jpg

La cour intérieure du Musée alsacien, avec les coursives, où sont accrochés entre autres les dégorgeoirs de moulins et une série de dossiers de chaises en bois sculptés de divers motifs ornementaux (qui avaient, paraît-il une fonction propitiatoire vis-à-vis de l'homme qui s'y asseyait, fonction qui dépendait du motif ornemental), ph. Bruno Montpied, mai 2017.

Le sonneur de cloche (2), musée alsacien.jpg

Sur cette statuette de sonneur de cloche, installé sur un balcon au Musée alsacien, je n'ai pas trouvé d'explication ; est-ce un vestige de jacquemart, automate articulé pour que son bras puisse venir frapper la cloche?, ph.B.M., 2017.

 

    A Strasbourg, belle ville légèrement empesée (un peu comme sa gastronomie, c'est une ville roborative), on trouve par exemple entre autres sources d'émerveillement le labyrinthe d'escaliers et de coursives du Musée alsacien, tracé dans les étages d'une vieille maison de style Renaissance achetée par une société d'amateurs d'art traditionnel au début du XXe siècle, à un moment où l'Alsace ayant été annexée par les Allemands, certains de ses habitants, des écrivains et des artistes,  s'inquiétaient de la sauvegarde de la culture alsacienne. Une amie québécoise m'avait, il y a déjà quelque temps, alerté sur l'importance de ce musée (et de la Revue Alsacienne Illustrée qui avait inspiré sa fondation, lui qui fut un des premiers parmi les musées d'arts et traditions populaires de France, avec le museo Arlaton de Frédéric Mistral à Arles) qui contient beaucoup d'objets (cinq mille œuvres). J'insiste sur le mot, car ce fut une des toutes premières collections, semble-t-il, à collecter, outre des preuves de la culture populaire immatérielle (chansons, coutumes, croyances...), aussi des preuves des productions matérielles (ex-voto, peintures sur coffres, verres gravés, mobilier, reliquaires, bannières, panneaux commémoratifs, etc....). Plusieurs amateurs et collectionneurs, comme par exemple Robert Forrer, rassemblèrent des ensembles d'objets qu'il serait, paraît-il, impossible de retrouver aujourd'hui.

Sirène de verrou de fût, musée alsacien.jpg

Verrou de fût en forme de sirène, Musée alsacien, ph.B.M., 2017.

Trois déversoirs (2) de moulin.jpg

Trois dégorgeoirs de moulin, Musée alsacien, ph. B.M., 2017.

 

       Forrer, qui était antiquaire, a fait en effet don au musée, dès 1902, avant qu'un lieu soit trouvé pour les présenter, d'ensembles d'objets qui aujourd'hui encore, parce qu'ils sont particulièrement beaux et insolites, font la fierté de ce musée. Au premier rang desquels on trouve les verrous de fûts, avec leurs sirènes à double queue. Ou bien encore les déversoirs – aussi appelés dégorgeoirs, ou dégueuloirs – de moulins, sculptés en forme de têtes aux bouches largement ouvertes, qui avaient semble-t-il une fonction propitiatoire, visant à protéger le son qui s'écoulait par leurs bouches des contaminations qui causaient cette maladie appelée "mal des ardents", consistant en troubles convulsifs et psychotiques que Matthias Grünewald a représentés dans le retable d'Issenheim conservé au musée Unterlinden de Colmar (autre lieu à visiter, du reste, entre autres, avec l'Ecomusée d'Ungersheim, près de Mulhouse ; le musée de Mulhouse lui-même recèle des œuvres d'art tout à fait passionnantes par ailleurs...).

Déversoir de moulin, ill Philippe Fix Il y a cent ans déjà.jpg

Sur cette illustration de Philippe Fix, pour son livre à destination de la jeunesse intitulé Il y a cent ans déjà (Gallimard, 1987 ; à noter que cette référence n'est pas signalée dans le musée), on aperçoit un déversoir au débouché de la cuve ; ces sculptures, que l'on peut rapprocher des gargouilles de cathédrales, datent des XVIIIe et XIXe siècles.

Déversoirs de moulin.jpg

Toute une série de dégorgeoirs, tels qu'on peut les découvrir magnifiquement présentés dans le livre grand format édité à l'enseigne du Cabinet de l'amateur (n°3, intitulé Effroyables gardiens, figures protectrices de moulins dans le Rhin supérieur, musée alsacien ; édition des musées de Strasbourg, 2015 ; dans cette édition brochée, par contre, est indiquée la référence à Philippe Fix...).

un déversoir.jpg 

Un autre dégorgeoir du Musée alsacien ; ces masques (involontairement des masques) font penser à ceux de la tragédie grecque... Ph. B.M., 2017.

 

      Il y aurait beaucoup d'objets (ainsi que des situations liées à des coutumes d'autrefois) à décrire, conservés au gré des salles de ce charmant musée, mais ce n'est pas l'endroit idéal pour ce faire. Je me contenterai de citer un peu en fonction de mes propres goûts, tel reliquaire d'enfant-Jésus dans une boîte vitrée, telles statuettes du même Jésus (quoique un peu plus vieux), des ex-voto peints mais aussi sous l'apparence de figurines en métal noir présentées en panoplie, ce qui les rehausse en les apparentant à ces silhouettes découpées connues sous le nom de canivets (la Suisse proche a vu cet art-là se développer avec beaucoup de raffinement, que l'on se reporte au magnifique livre l'Art populaire de Nicolas Bouvier aux éditions Zoé), une lanterne en verre gravé où caracole un cerf dont le dessin se réfléchissait sur les murs, donnant probablement une illusion de mouvement, dès qu'on allumait la lanterne, des verres décorés de gravures en couleur, des aquarelles sur papier, soit des commémorations de campagnes militaires, soit des images pieuses, etc.

Lanterne (2) avec dessins gravés sur verre.jpg

Lanterne aux parois de verre gravées de dessins, Musée alsacien, ph.B.M., 2017.

Reliquaire (2) avec enfant-jésus.jpg

Reliquaire avec enfant-Jésus, Musée alsacien, ph. B.M., 2017.

 

      On trouvera à la sortie de la visite un catalogue très bien fait, et richement illustré permettant d'emporter un souvenir plus permanent des collections. C'est grâce à lui que j'ai pu documenter cette note. A signaler aussi un prix de visite tout à fait modeste (et les retraités sont bénéficiaires de réductions dès l'âge de 60 ans... Attention délicate à laquelle j'ai été fort sensible...). Couv catalogue du musée alsacien.jpg 

Lire la suite

Une lettre de Paul Duchein à la ministre de la Culture Aurélie Filipetti sur l'occultation des ATP

A Madame Aurélie Filipetti,

Ministre de la Culture et de la Communication

3, rue de Valois, 75033 Paris

                                                                                             Montauban, le 7/7/2013

Madame La Ministre,

Vous m'avez fait le grand honneur de m'accorder le titre d'officier dans l'ordre des Arts et Lettres ; cette décoration m'a été remise par Monsieur Henri Michel Comet, Préfet de la région Midi-Pyrénées. Je vous remercie infiniment pour cette haute distinction.

Depuis près de cinquante ans l'association dont je suis président présente au musée Ingres un exposition au cours de laquelle je m'efforce de faire cohabiter, souvent, des créations contemporaines avec des oeuvres d'Art Premier ou d'Art Populaire tout cela à titre bénévole.

J'ai d'ailleurs écrit un ouvrage La France des Arts Populaires paru aux éditions Privat et préfacé par Pierre Bonte.pau dichein,aurélie filipetti,mucem,atp

Il se trouve que j'ai été assez proche des principaux acteurs qui ont conçu le musée des Arts et Traditions Populaires qui resta ouvert au public (notamment aux jeunes) jusqu'à sa fermeture il y a quelques années sous le prétexte qu'il serait transféré au MUCEM de Marseille ; or il n'en est rien.

Nous sommes nombreux à nous poser la question de savoir ce qu'il est advenu de ces collections. Or il est difficilement acceptable, dans un temps où nous devons plus que jamais retrouver nos racines pour resserrer le lien social, que ce musée soit rayé de la liste des établissements publics français.

N'attendons pas que d'autres (avec des arrière-pensées populistes) viennent nous donner des leçons pour nous apprendre à savoir d'où nous venons.

Nous sommes nombreux à déplorer cette fermeture, certains petits musées privés tentent, avec très peu de moyens, de faire revivre ces objets porteurs de poésie, quelquefois de mystère, mais derniers témoins d'un mode de vie qui a totalement changé.

pau dichein,aurélie filipetti,mucem,atpVous voudrez bien excuser cette démarche, mais je vous sais attentive aux choses simples qui ont un sens et qui témoignent de notre passé.

Sans doute le qualificatif de "populaire" associé aux objets les dévalorise aux yeux d'une partie du public qui les méconnaît. Cependant au cours de conférences avec projections, j'ai été ravi de constater que les spectateurs étaient enthousiasmés par la qualité des pièces présentées. A côté des objets utilitaires, des créateurs anonymes nous ont laissé des œuvres surprenantes et dignes d'admiration par le pouvoir créatif et imaginatif qui les anime.


pau dichein,aurélie filipetti,mucem,atp

Cet objet incroyable de 67,5 x 54 cm, probablement créé à la fin du XIXe siècle, décrit par Philippe Audouin dans L'Archibras n°1 en 1967, a été republié dans le livre La France des arts Populaires de Paul Duchein ; ne pourrait-il s'agir d'une œuvre créée en milieu psychiatrique? En tout cas, c'est une pièce d'une incontestable originalité, en tous points égale en qualité au "Nouveau monde" de Francesco Toris, cette magnifique sculpture d'assemblage en os, montrée récemment à la Halle Saint-Pierre dans le cadre de l'exposition "Banditi dell'Arte"

 

D'ailleurs je prépare une exposition "Le regard ébloui" dans laquelle des artistes plasticiens loin de toute culture vont dialoguer avec d'insolites objets "d'art populaire". J'ai eu le grand privilège de déménager la maison d'André Breton à St-Cirq-Lapopie et certains objets viendront de là.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l'assurance de mes respectueuses salutations.

Paul Duchein

Lire la suite

Les Nefs des Fous

   Que nos confrères de Belvert et d'Animula nous pardonnent (ça commence comme une prière), mais nous allons devoir leur repomper (pour le premier) et pomper (pour la seconde) certaines images d'esquifs qui traînent dans leurs colonnes (en y ajoutant cependant nos forts grains de sel).

    Notre excuse est d'avoir initié la confrontation bateaux pop/bateaux bruts (sur Belvert, s'entend, et en fournissant déjà les photos), du temps où nous hésitions encore à franchir le Rubicon de la création de blog.

    Nous voudrions maintenant réaliser un petit rassemblement des objets maritimes en question, des bateaux, sur une SEULE page, bien persuadé que le thème contient sûrement d'autres éléments à verser au dossier, mais en permettant aux amateurs de s'instruire des différences à relever, des parallèlismes, de la plus ou moins grande dose de fantaisie appliquée à ces diverses rêveries flottantes: 

Pour commencer, une maquette de bateau anonyme photographié dans le département "Marine populaire" du musée rural des arts populaires de Laduz:

24a3763bbaba2376ee4ed2dca4ffe77d.jpg
Puis un bateau sculpté par un créateur rangé dans l'art brut, Auguste Forestier, intitulé "Le Myra" (ancienne collection Docteur Ferdière, photo 1990: Bruno Montpied):
21269615896ecb63971e523417e2f948.jpg
Restons dans l'art brut en ajoutant ce bateau de Carlo M. (à ne pas confondre avec Carlo Zinelli). Sa maquette s'appelle "Le sozialist" et fait partie des collections du musée de la Waldau près de Berne (photo Paul F.Talman). Nous l'avons extraite du catalogue de l'exposition de 1996 au Centre Culturel Suisse à Paris, "Le Dernier Continent, ou la Waldau, asile de l'art": 
 
7d4dee42d62d647ea695b54c00525b57.jpg
 A présent de l'art fait en prison par un certain Agostini ("fait à la prison St-Paul en 1936", dixit  Animula Vagula qui l'a récemment remis en lumière en allant dénicher sa reproduction dans un vieux numéro de magazine):
a7e73ea534005a88fe67c96566d585b5.jpg
Cela n'est pas loin de Carlo M., non? Peut-être dans une variante plus rigolarde...
Ce qui nous amène à une veine plus enfantine, une poterie populaire trouvée sur la base Joconde (photo Philippe Motte, Zoom Studio) et qui appartient au musée du Berry à Bourges (le même musée qui héberge des Pierre Petit mais ne les montre jamais...). C'est une arche de Noé dûe aux potiers Jean Lerat et Armand Bedu (second quart du XXe siècle):
9e68b9045498a53bf4ba2404cd0bc788.jpg
Puis, pour ne pas quitter le cher André Bindler (voir note précédente), voici le bateau que le catalogue "Un Art autre, un autre art" (expo organisée par Traces+Signes Sundgau en 1982 à Altkirch en Alsace, présentait, en précisant que sa coque avait été taillée avec la technique du sabotier:
1659079e25a42c3183cadd938af9d7a8.jpg
Art naïf?
Et que penser alors de ce brave Claude Poulllaouec, natif de Plougonvelin dans le Finistère posant devant les escadres anglaises au cours d'un passage en rade de Brest  qu'il a si poétiquement représentées dans les années 1900 (une inscription parle de 1905), et dont, semble-t-il, il ne reste comme traces que d'anciennes et rares cartes postales, du type de celle que je présente ci-dessous?
J'avoue avoir une toute particulière prédilection pour ce type de peinture. Qu'est-elle devenue hélas...:
acd10ecae7e7d0c899af2e415e49e353.jpg
Je dois marquer ma gratitude une fois de plus à la collection Humbert du musée de Laduz ainsi qu'à Marie-José Drogou à qui je dois la découverte de Poullaouec dont quelques cartes (il semble qu'il y ait quatre cartes différentes sur ce créateur) sont présentées dans leur département de sculpture populaire.
Agrandissons son coin inférieur droit, on y reconnait le fort Berthomme (avec à côté peut-être la propre maison de Poullaouec, à Trez-Hir, un lieu-dit de par là-bas?), le phare de la Pointe Saint-Mathieu...
c39c6d538175f32e1725485a9347fce5.jpg
Pour finir, un dernier hommage à ce musée en concluant sur les bateaux en bouteille qu'il ne faudrait pas oublier de citer dans un rassemblement de corpus comme celui que nous tentons ici:
e4d663a0bc84ccd4b038ab453aac9ff0.jpg

 

 

Lire la suite

Le Sciapode au soleil

   Et voici un autre monopode qui se dore la pilule, transmis par M. Stehr, qu'il en soit remercié ici.

5f986725be6eea188e1466411f208d1f.jpg

      Au fait, monopode et sciapode, ce n'est pas tout à fait identique. Monopode veut dire "n'a qu'une jambe", sciapode, "n'a qu'une jambe, mais peut vivre à l'ombre (scia), protégé qu'il est par le pied (pode) qu'il  possède au bout". Le monopode se rapproche beaucoup plus des sirènes qui ont leurs jambes fondues en une queue, ou des ondins s'il est du sexe masculin. Par contre,  il se différencie d'eux par le fait qu'il vit sur terre. Comme un ondin de terre donc.

       On ne nous dit que trés rarement comment il se déplaçait, en sautillant sans doute, comme un kangourou? Un indice est donné dans  Les Chroniques de Narnia de C.S.Lewis (que nous avons la faiblesse d'aimer, malgré leur soubassement chrétien -paraît-il, car il ne nous apparaît pas si évident que cela- mais même s'il est avéré, après tout, la mythologie chrétienne a aussi ses charmes, si l'on ne s'en tient qu'à l'imagination), dans le tome V ("L'odyssée du passeur d'aurore"), chapitre 11.

fac0632ee37e3f5f22743de9ea24c524.jpg

     L'héroïne, Lucy, en compagnie de ses amis, rencontre des nains qu'un magicien a transformés en monopodes qui se déplacent en bondissant (on les appelle aussi des "Nullards" en raison de leur grande stupidité ; eux-mêmes s'appellent entre eux des "Nullipotes", car ils ne parviennent pas à comprendre le terme "monopodes").

     "Sont-ils stupides à ce point-là?" [fait Lucy]

     Le magicien soupira:

     "Vous ne pourriez croire les problèmes que j'ai eus avec eux. Il y a quelques mois, ils étaient tous partisans de faire la vaisselle avant le dîner ; ils disaient que ça faisait gagner du temps pour après. Je les ai surpris en train de planter des pommes de terre cuites à l'eau, pour s'épargner d'avoir à les cuire quand ils les déterreraient."

     En réalité, ces monopodes sont des sciapodes (un mélange inédit de lutins et de sciapodes donc, à ma connaissance), je suis heureux d'avoir créé ce blog pour corriger cette légère défectuosité de la traduction de Philippe Morgaut (coll Folio Junior, Gallimard Jeunesse). Le texte nous le dit sans détours, ils sont à un moment couchés sur le dos (voir l'illustration de Pauline Baynes), la jambe tendue vers le ciel, un énorme pied les protégeant tantôt de la pluie, tantôt du soleil.

b39c4a7ed686ee87bd1dc74f65eccc54.jpg

 

(Les deux dernières illustrations ci-dessus sont donc de Pauline Baynes)

 

    P.S.: un petit supplément sciapodique spécial dédicace pour l'Ombrageux de Belvert (je voulais garder ce sciapode enluminé pour une prochaine distillation mais puisque vous me pressez je le lâche):

fd83628c6e41e2f6b46f009bdd3356cf.jpg

(publié sur Wikipédia à l'article Sciapodes)

b2728c414362745695927b085c86679c.jpg
B.Montpied, "L'ondin poursuit sa route", 2002
 
 
 
Et puis encore un, extrait d'une toile de 12 mètres carré intitulée (par plagiat assumé du roman éponyme du surréaliste danois Jens-August Schade) "Des êtres se rencontrent et une douce musique s'élève dans leurs coeurs" que je fis en 1999 avec la peintre-photographe Petra Simkova:
 
e4008219ac707c85f4c6f85862c4b82d.jpg

Lire la suite

Page : 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13