06/12/2011
Que rien ne délie plus nos amours
Nouvelle coutume aperçue sans nul doute par beaucoup de flâneurs parisiens ces temps-ci, le Poignard se doit de l'évoquer, car cela l'a touché, on accroche par centaines des cadenas aux grilles des rambardes de certains ponts de Paname ces temps-ci.
Ph. BM, novembre 2011, pont de l'Archevéché, derrière Notre-Dame, 5e ardt, Paris
Qui ça "on"? Des couples d'amoureux probablement qui usent de cadenas de formes, couleurs et aspects variés, sur lesquels ils tracent parfois leurs deux prénoms, plus parfois un petit mot, en les fermant à clé, attachés pour toujours aux brins de fer. Je les imagine fiers de leur acte, ayant ainsi symboliquement scellé le nœud de leur amour, et jetant dans les flots sombres de la Seine la petite clé qui risquerait de dénouer ce lien qu'ils veulent voir naïvement éternel. On s'aimera toujours, dit le cadenas rivé au pont, malgré le fleuve du temps qui coule par dessous. La barque de l'amour ne s'échouera pas, Maïakovsky.
Ph. BM, 2011
D'où vint ce rituel? Quand a-t-il commencé? Je parierai que ce n'est pas très vieux (même si cela a pris, notamment au pont de l'Archevéché, un tour assez massif ; j'ai vu la même pratique sur la passerelle du Pont des Arts). Et que cela procède de coutumes importées par des touristes étrangers. Paris étant vue comme une ville romantique. C'est un peu semblable aux piècettes propitiatoires que l'on jette au fond des fontaines. La monnaie a été ici remplacée par une clé. C'est plus joli.
Commentaires
"On s'aimera toujours, dit le cadenas rivé au pont", et puis si on ne s'aime plus -et si bien sûr on a gardé la clé- on peut toujours venir récupérer le cadenas là où on l'avait laissé. Ce qui est quand même un progrès par rapport aux coeurs gravés sur les troncs de nos platanes ou autres surfaces maléables. Lorsque j'en vois quelquefois de très anciens qui se sont transformés en boursoufflures comme de vielles blessures mal cicatrisées, je me demande toujours: combien de temps se sont ils aimés ces deux là qui ont gravé leurs deux prénoms ?
Écrit par : RR | 06/12/2011
Répondre à ce commentaireJ'ai constaté cette pratique pour la première fois à Vilnius en 2008 (les ponts du quartier d'Uzupis). Est-ce aussi vieux à Paris ? Plus vieux ?
Écrit par : Wood | 06/12/2011
Répondre à ce commentaireEt les clefs de cadenas de la poésie de l' ami Jean l' Anselme?
http://nouvellerevuemoderne.free.fr/jeanlanselme.htm
Et le poète de la main gauche, ami de Dubuffet...
Voir le blog :
http://soleildanslatete.centerblog.net/rub-jean-anselme-.html
Sympathique article!
Écrit par : versus | 06/12/2011
Répondre à ce commentaireCette mode du cadenas, qui fleure un subtil relent sado-masochiste, je l'ai découverte sur le pont de l'Archevéché voici une dizaine d'annnées, me promenant un jour en ces parages avec une belle amie londonnienne. Elle était aussi surprise que moi. Mais il y avait beaucoup moins de cadenas qu'aujourd'hui accrochés au garde-fou du pont. A cet endroit le lit de la Seine doit être tapissé de clefs rouillées. Garde-fou cadenassé pour amour fou fantasmé.
Écrit par : L'aigre de mots | 07/12/2011
Répondre à ce commentaireEn tout cas, il paraît évident qu'avec votre "belle amie londonienne" vous n'avez pas songé une minute à vous acheter un cadenas qui aurait symbolisé un amour durable...
Écrit par : Le sciapode | 11/12/2011
Répondre à ce commentaireIl est vrai que nous trouvions ce rituel à la fois touchant et un peu niais. Mais c'est surtout son aspect collectif qui le dévaluait à nos yeux. Nous lui préférions des rituels personnels réservés à notre intimité, donc destinés à demeurer rigoureusement secrets.
N'y a-t-il pas en effet quelque chose de paradoxal à signifier par le même symbole et dans le même lieu l'expérience par nature unique en toutes ses circonstances qu'est la rencontre amoureuse ?
Écrit par : L'aigre de mots | 11/12/2011
Répondre à ce commentaireEh bien, je ne partage pas du tout votre avis. Il est bon quelquefois de laisser tomber sa prétendue (et parfois prétentieuse) originalité pour venir se couler dans le fleuve du collectif, comme le proclament ces lieux eux-mêmes fort symboliques que sont les ponts. D'autant que tous ces cadenas, si on regarde bien (je les ai encore rephotographiés ce week-end), sont tous très différents les uns des autres, respectant bien l'aspect "expérience unique" de chaque rencontre amoureuse, tout en se réunissant simultanément à un rituel collectif. Cette rencontre de l'individualisme et du collectif me plaît bien.
Écrit par : Le sciapode | 11/12/2011
Répondre à ce commentairePlus pessimiste que vous, chez Sciapode, j'y vois plutôt une mode témoignant d'un élan grégaire. Et la répugnance à y participer ne trahit nulle prétention à l'originalité, elle exprime simplement le sentiment d'être "ailleurs". Mais je n'en trouve pas moins très esthétique cette floraison corallienne de cadenas de toutes sortes, accrochés à leur parapet comme des huîtres à leur rocher.
Écrit par : L'aigre de mots | 11/12/2011
Répondre à ce commentaireC´est étonnant car cette pratique des cadenas est très courante en Chine (et peut-être plus globalement en Asie, je crois me souvenir en avoir vu aussi en Inde), mais non pas pour sceller un amour (cela peut se faire aussi néanmoins) mais plutôt pour y garder des voeux ou un secret (des amours secrètes aussi pourquoi pas !!!). Cependant les cadenas en général sont accrochés auprès des temples, donc c´est un acte plus spirituel que païen, dans l´intention en tout cas...
Écrit par : Siam | 12/12/2011
Répondre à ce commentaireIl semblerait que les premiers cadenas furent utilisés pour fermer les chaînes des prisonniers et des esclaves il y a plus de deux milles ans. Qui sait s'il n'ont pas été utilisés immédiatement comme symboles de l'union solide et inaltérable ?
Écrit par : Dumas | 28/12/2011
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