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02/07/2020

Disparition d'un grand collectionneur

      Désormais, il faudra écrire sur les pages d'histoire de l'art brut l'inscription  Gerhard Dammann (1963-2020).

      Directeur médical de la Clinique psychiatrique de Münsterlingen et directeur des services hospitaliers psychiatriques du canton de Thurgovie, en Suisse, Gerhard Dammann, d'origine allemande, était psychiatre, psychologue et psychanalyste. Sa femme Karin et lui étaient des collectionneurs passionnés d’œuvres créées dans le contexte psychiatrique, associées à l’art brut et l’art outsider, avec des incursions aussi du côté de l'art médiumnique.

       J'adresse toutes mes condoléances à sa femme et à ses quatre filles. Cette nouvelle m'a, je l'avoue, passablement ému, même si je ne faisais pas partie des intimes.

Lit sculpté de Bonneval, coll Dammann, voir collecting madness vol 1.jpg

Le lit sculpté de Bonneval, photo extraite du catalogue "Collecting Madness, outsider art from the Dammann Collection" (exposition 2006 à la Fondation Prinzhorn à Heidelberg).

 

           Dans le cadre de l'OAF, vers 2016, on s'était croisé lui et moi au détour d'un couloir. J'avais apprécié la finesse, la simplicité et la courtoisie du personnage. On était entre collectionneurs au fond, même si je n'avais guère les mêmes moyens. Simplement, on était avant tout entre sincères amateurs. Il s'était spécialisé, en accord avec son métier, dans la collection de la folie, comme le titre d'un catalogue de la Fondation Prinzhorn à Heidelberg, "Collecting madness", le rappelait, en accompagnant une exposition de sa collection. Catalogue Collecting madness, outsider art from the Dammann collection001.jpgMais il ne se limitait apparemment pas à ce champ d'exploration, puisque, outre certaines pièces remarquables en provenance d'asiles divers (comme un lit étonnant à l'auteur énigmatique, venu d'un asile près de Chartres, peut-être celui de Bonneval), il lui arrivait de mettre la main sur des œuvres dites "médiumniques", peut-être pour masquer l'absence totale d'informations les concernant, comme le tableau ci-dessous, intitulé au sommet de la bâtisse représentée: "Le Château des deux sœurs jumelles".

Capture.JPG

Auteur inconnu, Le Château des deux sœurs jumelles, 123 x 135 cm, sans date, provenance France, collection Gerhard et Karin Dammann.

 

      Lorsque Gerhard Dammann m'a interrogé sur ce que je pensais de ce tableau, je n'ai pas pu lui rétorquer grand-chose, comme je n'avais guère donné d'éclaircissements non plus à François Vertadier de la galerie Polysémie qui l'avait détenu auparavant et qui lui aussi avait demandé aux internautes via sa newsletter des informations. Il est d'ailleurs intéressant de donner les précisions suivantes que m'avait délivrées M. Vertadier (en janvier 2016):

"Des inscriptions : au dos rien, mais impossible à décoller de son support, car il est fait de plusieurs morceaux.

Sur le dessin, pas de  signature mais quelques mots :

Gros, devant les jambes d’un personnage entre deux fenêtres.

Bas nylon, au centre en bas.

Galilée, pour le  personnage dans la partie haute de la tour de droite.

Et surtout au tampon T SCHEWEICHLEIN au dessus du personnage en dessous. Est-ce l’auteur ou quelqu’un d’autre ? A ce jour, mystère. Je n’ai trouvé aucune trace d’artiste ou de personnalité de ce nom."

      Je gage qu'aujourd'hui, quatre ans après, on n'a guère progressé au sujet de ce tableau. De plus, pour bien l'analyser, il faudrait, de prime abord, une reproduction en meilleure résolution. Le château en question avec ses loges me fait penser personnellement à un théâtre de marionnettes. Les "sœurs jumelles" n'ont pas l'air très jumelles justement. Certains détails, comme la caravelle (du moins est-ce ainsi que je l'identifie) survolant la composition, permet de dater l'oeuvre des années 1960 environ... 

      J'ajoute que M. Vertadier m'avait également informé que le tableau aurait été connu d'André Breton, et que parmi les nombreuses mains entre lesquelles il est passé, avant d'atterrir, donc, finalement, chez Gerhard et Karin Dammann, il y aurait eu une femme très connue des milieux surréalistes, amie avec  Breton (Joyce Mansour par exemple? Hypothèse gratuite que je lance ici...).

 

Conférence et présentation de la collection du couple Dahmann par Gerhard Dammann, en 2011, dans les cadre des Hôpitaux Universitaires de Genève.

 

Commentaires

Encore un qui s'en va, et un jeune. Quant au "Château des deux soeurs jumelles", belle oeuvre au charme fascinant. Dommage que la photo soit si mauvaise. Même agrandie, elle ne livre pas grand chose. On dirait qu'il y a quelque chose d'écrit et de vaguement effacé, en haut à droite dans le ciel au-dessus de la tour. En bas à gauche, la voiture, sorte de Fiat 850 (modèle populaire produit entre 1964 et 1972) à laquelle on aurait greffé une calandre rappelant la Peugeot 403 (1955-1966), confirme l'hypothèse des années soixante (la Caravelle de Sud-Aviation est produite de 1958 à 1973 - mais vous êtes sûr que c'est une Caravelle?). André Breton étant mort en 1966, s'il est vrai qu'il a vu ce tableau, c'est au cours des dernières années de sa vie (d'où vient ce renseignement?). Scheweichlein est un nom mosellan. Le fait que le nom figure sur un tampon pourrait laisser croire qu'il ne s'agit pas du nom du créateur mais plutôt celui d'un médecin (il est fréquent, que les médecins - d'hôpitaux, notamment - aient des tampons à leur nom). A moins que le créateur ait, par son métier, l'usage de tel tampons, ce qui le place dans un certain milieu social assez élevé. Est-ce bien un T. à l'initiale du prénom? Le seul T. Schewelchein que j'aie repéré pour l'instant en France est un "optant" nommé Théophile qui vivait dans les années 1870 et était musicien. Aucun T. Schewelchein n'est mort en France depuis qu'existe les fichiers de décès de l'INSEE, c'est-à-dire depuis 1970. Mais le nom peut errer aussi en Sarre, au Luxembourg probablement, et en Suisse.

Écrit par : Isabelle Molitor | 02/07/2020

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J'ai l'impression que ce tableau date de la fin des années cinquante. La voiture me semble bien être une 403 Peugeot vue en perspective, et les jupes des femmes, évasées, rappellent celles de cette époque. Parmi les femmes proches de Breton, on pourrait penser aussi à Manou Pouderoux.

Écrit par : L'aigre de mots | 03/07/2020

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La 403 est une quatre-portes, celle-ci est clairement une deux-portes. Ici, c'est un modèle indéterminé, fruit de l'imagination du dessinateur, mais qui reprend les codes stylistiques des modèles des années cinquante-soixante.

Écrit par : Isabelle Molitor | 05/07/2020

Bien sûr, mais alors là, vous vous foutez du monde, Colombo à la gomme. La voiture, sur le dessin, c'est-y un cabriolet?

Écrit par : Isabelle Molitor | 06/07/2020

Oui, avec tout mon respect, mademoiselle, cette voiture est un cabriolet 403. Vous remarquerez d’ailleurs que son toit amovible en tissu est rouge, ce qui était le cas de tous nos cabriolets décapotables proposés à cette époque.

Écrit par : Mr Peugeot | 06/07/2020

Pour préciser ce qui précède, quelques capotes amovibles ont pu être noires, mais dans tous les cas elles étaient de couleur différente de la carrosserie, ce qui plaiderait donc pour un modèle cabriolet décapotable.

Écrit par : Mr Peugeot | 06/07/2020

On peut aussi trouver un tampon par terre et tamponner, juste pour le plaisir de tamponner...je veux dire qu'il est envisageable que même l'auteur de ce tableau ne sache pas à quoi Scheweichlein fait référence...Par ailleurs, il me parait un peu trop "figuratif", d'une composition trop "bordélique" pour être une oeuvre médiumnique, non? Cette composition m'évoque plutôt un collage, comme si l'auteur avait décalqué des images pour peupler son décor, un peu à la Henry Darger.

Écrit par : Darnish | 03/07/2020

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Ça me fait penser aux Galeries Lafayette.

Écrit par : Micket | 06/07/2020

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D'accord avec vous, Darnish, moi non plus, je ne trouve guère ce tableau rattachable aux oeuvres médiumniques. Cela me paraît plus aller du côté d'une certaine exaltation mentale...

Écrit par : Le sciapode | 06/07/2020

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Toutes ces échelles qui cohabitent, les personnages de différentes tailles mais bien proportionnés, l'avion en perspective etc...me font vraiment penser à des décalquages.
L'architecture par contre ne l'est pas, à mon avis, et la perspective est du coup beaucoup moins réaliste. La pratique alors du décalquage éloignerait cette oeuvre des pratiques médiumniques, plus spontanées et naissant directement de la main de l'auteur.

Écrit par : Darnish | 07/07/2020

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Il est difficile d'aller beaucoup plus loin dans les analyses, en l'absence d'une excellente reproduction.

Écrit par : Le sciapode | 09/07/2020

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