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10/10/2022

Les Barbus Müller (d'Antoine Rabany ou non) continuent de "sortir du bois"...

     Le 14 octobre, à Drouot, das le cadre de la vente de la collection Canavy par la maison de ventes Ferri (sous le contrôle de l'experte Martine Houzé, spécialiste de l'art populaire, notamment de curiosité), intitulée "Curieux, étranges et exotiques, les objets de Monsieur Canavy", sera présenté au feu des enchères un nouveau Barbu Müller peu connu que ce M. Canavy abritait depuis bien longtemps dans sa collection parmi divers objets, plus classiquement populaires (magnifiques cannes, casse-noisette, battoirs à linge, gobelets, tabatières, affiquets, sifflets sculptés, cuillères sculptées, quenouilles, des éléments étonnants de charrettes siciliennes, etc.).

46 Rabany anc coll Canavy  vente Ferri d'oct 2022 (2).jpg

46 ter Rabany anc coll Canavy (2).jpg

Barbu Müller d'Antoine Rabany en vente chez Ferri le 14 octobre ; photos Bruno Montpied, 2022.

 

       Les lecteurs fidèles et attentifs de ce blog savent que j'ai identifié avec sûreté, avec l'aide de divers amis et connaissances (dont Régis Gayraud et les enquêtes que je lui avais demandé de mener dans les Archives Départementales du Puy-de-Dôme, où il résidait), l'auteur d'une bonne partie de ces sculptures surnommées par Dubuffet, au début de sa collection d'art brut en 1946-1947, des "Barbus Müller" (Müller, collectionneur suisse qui en possédait un certain nombre, et "barbus" parce que Dubuffet, qui prisait cet attribut pileux – voir son poème "As-tu cueilli la Fleur de Barbe?" –, en avait vu quelques-unes sur les effigies des sculptures). C'est un paysan, ancien soldat (on le surnommait le "Zouave"), Antoine Rabany, né en 1844 et mort en 1919, ayant vécu, et sculpté à partir du début des années 1900 apparemment, dans le village de Chambon-sur-Lac (Puy-de-Dôme). Pour identifier avec certitude les sculptures dues à ce Rabany, je me suis appuyé sur les photos prises par un photographe anonyme sur place, vraisemblablement dans les années 1910, montrant le jardin utilisé par Rabany pour présenter en rangs d'oignon – comme dans un garden-center! – ses oeuvres en pierre volcanique ou en granit. J'ai publié deux couples de clichés stéréoscopiques en verre, prises à la belle, puis à la morte saison, ainsi que des photos montrant six pièces dues à l'archéologue Albert Lejay vers 1912. Cela a servi de documents fort utiles pour comparer avec les photos de divers Barbus entrés dans diverses collections, publiques ou privées.

     Actuellement, je suis ainsi arrivé à reconnaître d'après les photos anciennes onze Barbus Rabany-Müller, et non plus huit ou neuf comme je l'ai écrit dans le catalogue de l'exposition des Barbus Müller du Musée Barbier-Mueller de Genève en 2020. Et parmi ces onze, il y a le Barbu reproduit ci-dessus de la collection Canavy. C'est Martine Houzé qui l'a reconnu parmi d'autres qui figuraient sur le cliché verre pris à la morte saison dont je viens de parler (cf. le catalogue de l'expo 2020 du Musée Barbier Mueller). Je n'ai pas eu de mal, invité par elle à le découvrir dans ses bureaux, à le lui confirmer. Voir ci-après :

Deux barbus reconnus en juin 22 (avec flèches).jpg

Détail du cliché-verre pris à la morte saison à Chambon-sur-Lac par un anonyme vers les années 1910 ; la flèche de droite indique le Barbu de la collection de Monsieur Canavy qui passe en vente chez Ferri le 14 octobre. ; et la flèche de gauche montre une tête à côté,que, en la regardant de plus près, j'ai reconnu comme étant un Barbu Müller conservé au Museum of Everything, après avoir transité par une autre collection, celle du docteur Léon Fouks ; archive numérique B.M.

 

     Je ne me suis cependant pas arrêté là. En regardant le détail ci-dessus, j'ai été stupéfait de découvrir que je n'avais pas assez regardé la voisine de ce Barbu Canavy moustachu. Or, il m'est apparu que la sculpture est la même que celle qui provint de la collection du psychiatre Léon Fouks (qui eut, entre parenthèses, une correspondance avec Antonin Artaud), Barbu Müller qui passa en vente à Drouot en 2009, et fila, via un galeriste très bien informé, au Museum of Everything... Qu'on en juge plutôt en regardant les images en vis-à-vis ci-dessous (ne pas s'attacher aux différences de netteté, d'éclairage, d'angle de vue qui pourraient faire croire à deux sculptures distinctes) :

                11 Barbu Rabany au long cou reconnu en juin 22, coll M of Ev.jpg      11. BM Rabany, Passé chez R-F 4., vente drouot 2009, puis m of ev.png

Regardez la lèvre supérieure avec cet aspect bizarrement plat, la forme en olive allongée des deux têtes, les pommettes identiques., et le cou allongé similaire aussi...

 

     Ces onze Barbus attribuables de manière sûre à Antoine Rabany sont à distinguer de tous ceux appartenant à des collections diverses, rangées dans le corpus des "Barbus Müller" en raison de leurs caractéristiques stylistiques communes et de leur matériau similaire (des roches volcaniques). Même si j'ai tendance à penser que les Barbus les plus "ronds" proviennent tous du même auteur, ce Zouave Rabany, il n'en reste pas moins que la preuve par la photo n'en a pas encore été administrée.

        Signalons enfin une nouvelle qui m'est venue il y a peu des USA par la conservatrice du département d'art brut du Musée d'Art Folk Américain de New-York, Valérie Rousseau. Elle a repéré deux statues aux poitrines bien pleines dans les collections de la Fondation Barnes de Philadelphie, qu'elle  reconnaît comme des Barbus Müller. Je n'en ai que des reproductions médiocres, voir ci-dessous :

 

49 Barbu à la Fondation Barnes, vu par V Rousseau.jpeg           50 Barbu Fond Barnes (Phlladelphie), vu par V Rousseau.jpeg

 

   Si celui de gauche (sur fond gris) a une allure qui le rapproche en effet du corpus des Barbus Müller/Rabany, celui de droite me paraît plus "africain", plus fétiche (les trois traits blancs au sommet de sa tête, vers l'arrière ressemblent à des nattes ou des scarifications). Mais il faudrait que Valérie Rousseau nous en dise plus, notamment pour nous dire comment ces sculptures sont arrivées à Philadelphie, par quel collectionneur...

 

Vente Canavy chez Ferri, Drouot-Richelieu, 14 octobre, salle 4. Pour voir le catalogue de la vente et les renseignements supplémentaires (les expositions au préalable de la vente) voir ICI.

 

Commentaires

De Chambon-sur-Lac à Philadelphie en passant par Genève et New-York! Cette enquête nous fait voyager! Cette découverte est décidément incroyable!

Écrit par : Darnish | 10/10/2022

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Bonjour, j'aimerai vous montrer des photos de 4 sculptures que j'avais acquises lors d'une vente aux enchères à Clermont-Fd.

Écrit par : marchewka | 12/10/2022

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Cher Sciapode avez vous des nouvelles de la vente chez Drouot?

Écrit par : Darnish | 16/10/2022

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J'ai donné une petite nouvelle sur mon profil Instagram (qui s'intitule Zoufi 54). Si ta copine passe non loin, tu peux lui demander de te montrer.
Le Barbu Rabany a finalement battu des records, puisqu'en sus des 90 000 € finaux proposés par un acheteur anonyme, il fallait compter aussi sur les frais versés à la maison de vente: ce qui a donné 115 000 €, sans préemption d'aucun musée en France. Ce qui est, à ce que je crois, 5000€ plus haut que le dernier "Barbu" passé en vente...
Pour ma part, j'ai acquis trois petites créations du collectionneur dont on dispersait la collection (dont le Rabany), car ce dernier créait aussi, pour lui-même (je compte en parler bientôt sur ce blog). Et c'était pas si mal. Même si la plupart de ses oeuvres se sont retrouvées invendues, en définitive. Les amateurs de cette vente n'avaient l'air que de brocs à l'affût de bonnes affaires, ou de collectionneurs déshabillant Jacques pour habiller Paul. Il me semble qu'il n'y avait pas, le jour de la vente, beaucoup de vrais amoureux de l'art, aimant ce dernier intrinséquement, et non pas pour des raisons seulement monétaires.

Écrit par : Le sciapode | 16/10/2022

Merci bien! Le collectionneur-créateur c'est Cavany non? Marrante la proximité des noms...Cavany, Rabany...

Écrit par : Darnish | 16/10/2022

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Relisez ma note. Il s'appelait CaNavy, François Canavy. Rien à voir avec Cavani, qui est un joueur de foot qui fait de la pub pour les shampoings.

Écrit par : Le sciapode | 16/10/2022

Ah oui, j'ai mal lu...Mais CaNavy et RaBany c'est un pas loin! CaVany aussi d'ailleurs...

Écrit par : Darnish | 17/10/2022

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Dear Sciapode,

Below 2 links that will bring more information about the sculptures you mentioned in your blog.

Thanks a lot for the great work you are doing !

Warm regards from Amsterdam.

https://collection.barnesfoundation.org/objects/7899/barnes-collection-object/
https://collection.barnesfoundation.org/objects/8103/barnes-collection-object/

Enjoy your weekend :-)

LR

Écrit par : Reitalov | 25/11/2022

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Oui, merci pour ces liens, M. Reitalov.
Ces deux statues, que la Fondation Barnes s'imagine du 9e siècle (!) - on croit toujours avoir affaire, lorsqu'on se confronte à des sculptures archaïsantes d'autodidacte, à des pièces extrêmement reculées dans le temps... -, paraissent en effet s'apparenter de fort près aux autres sculptures appelées par Dubuffet "Barbus Müller" (et que j'ai reliées, sûrement, de manière prouvée, pour au moins onze d'entre elles, au paysan Antoine Rabany en Auvergne).
Les yeux en particulier, avec leurs protubérances très particulières, le nez en goutte, la bouche aux lèvres marquées, le matériau qui ressemble à de la pierre volcanique, tout cela milite pour l'hypothèse "Barbus Müller"...
Mais les seins très fermes, aux tétons marqués (e qui est peu courant dans les autres BM), et surtout les chevelures qui paraissent très travaillées (l'une des deux têtes arbore trois stries curieuses qui plus est), ce sont d'autres indices qui peuvent nous éloigner des BM. Ces figures plus généralement ont une allure très aboutie qui les différencie d'autres sculptures de Rabany/BM qui sont elles beaucoup plus frustes parfois. Mais peut-être que le sculpteur a pu travailler certaines pièces davantage que d'autres.
Il faudrait savoir si la Fondation Barnes possède des renseignements sur la provenance de ses deux sculptures.

Écrit par : Le sciapode | 26/11/2022

Dans la fiche de Barnes au sujet de la provenance, c'est précisé "probably french"...Par contre c'est précisé aussi qu'elles mesurent une quarantaine de centimètres, c'est pas un peu grand pour des Rabany?

Écrit par : Darnish | 26/11/2022

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Non, non, mister Darnish, 40 cm, c'est tout à fait dans les dimensions des sculptures des Barbus Müller/Rabany. La dernière qui a été vendue récemment chez Drouot faisait à peu près ça. Et beauoup d'autres aussi. C'est en fait un argument supplémentaire qui plaide pour la réunion de ces deux sculptures de chez Barnes au corpus des "Barbus".

Écrit par : lesciapode | 27/11/2022

Vous voulez dire des « Barbues », féminin oblige. Des Barbues sans barbe, par-dessus le marché.

Écrit par : L'aigre de mots | 28/11/2022

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Terme qui reste masculin quand ça se rapporte à cette série de sculptures... En plus, des barbues, on penserait trop à de la poiscaille, et d'ici que l'on songe par mauvais esprit aux morues, ce serait par trop tendre la perche (tiens, encore un poisson) aux amateurs de vulgarités.

Écrit par : Le sciapode | 28/11/2022

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