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Rechercher : Pierre albasser

Libérez Pierre Etaix, ou du moins ses films

Je répercute cet appel que m'a transmis Mme Myriam Peignist, que je remercie ici:
"Chers amis,
A quatre-vingts ans, Pierre Etaix, clown, dessinateur et cinéaste ne peut plus montrer ses films !!
Ses cinq longs métrages (dont quatre co-écrits avec Jean-Claude Carrière) sont aujourd'hui totalement invisibles, victimes d'un imbroglio juridique scandaleux qui prive les auteurs de leurs droits et interdit toute diffusion (même gratuite)de leurs films.
Alors, si comme moi, vous souhaitez comprendre les raisons de ce rapt culturel et signer la pétition pour la ressortie des films de Pierre Etaix, visitez ce lien: http://sites.google.com/site/petitionetaix/
N'hésitez pas à faire suivre ce mail à tous vos contacts et amis avant le 10 mai 2009, date de remise de la pétition à  Madame Christine Albanel, Ministre de la Culture et de la Communication.
Par avance, merci de votre aide.
NB for English speaking friends: You can sign the petition for the re-release of Pierre Etaix'film HERE: http://www.ipetitions.com/petition/lesfilmsdetaix/index.h...
Thanks "

Pierre Etaix dans son film Yoyo (1964).jpg

Pierre Etaix dans son film Yoyo (1964), photo récupérée sur le blog "Globe Glauber et la médiathèque"

      Effectivement, je me demandais pourquoi on ne songeait nulle part à ressortir les films de Pierre Etaix, alors que celui-ci est toujours parmi nous, bien vivant, que c'est un immense créateur, peu commun, en marge de tout ce qui existe. Et notamment son film Yoyo que je me souviens avoir vu à sa sortie, alors que j'étais enfant et qui m'avait ennuyé à l'époque tout en me laissant un souvenir qui s'est bonifié avec le temps, me relançant périodiquement pour me dire, tu devrais le revoir, vérifier, c'était trop tôt, ce doit être un chef-d'oeuvre...

 

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Pierre Darcel nous a quittés

     Sa grande Statue de la Liberté est désormais orpheline, ainsi que toutes ses statues sœurs, noires, blanches et roses. Pierre Darcel (1934-2021), qui a créé, avec l'aide de sa femme Yvette, un jardin rempli de magnifiques statues naïves ou brutes dans la région de Saint-Brieuc (il m'avait demandé de garder la localisation imprécise), est parti en septembre dernier (merci à Lydie Bonnec pour l'information). Mon inventaire, le Gazouillis des éléphants (2017), où je parlais de lui, à la région Bretagne (après lui avoir consacré un chapitre dans Eloge des jardins anarchiques en 2011), commence décidément à ressembler de plus en plus à un cimetière (des éléphants). A peine découvre-t-on un environnement populaire spontané nouveau que son auteur s'en va sur la pointe des pieds avant qu'on ait eu le temps d'applaudir (façon de parler). Ces créateurs modestes sont en effet tellement discrets...

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Pierre Darcel, près de sa trayeuse de vache en train d'être façonnée par lui, avec Patou au premier plan qui tentait de lui voler la vedette, ph. Bruno Montpied, 2009.

 

        Ses statues à l'ordonnancement harmonieux, si singulières au milieu de ce pays de bocage, vont devoir affronter seules (?) les morsures du temps, jamais en retard d'appétit...

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En 2017, lors de ma seconde visite, en compagnie du camarade Régis, un œil avait perdu de son superbe bleu... , ph. B.M.

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Pierre Etaix a retrouvé les droits sur ses films

    J'avais récemment relayé l'information concernant Pierre Etaix et Jean-Claude Carrière qui ne parvenaient pas à recouvrer leurs droits à faire de nouveau diffuser leurs films (Le soupirant, Yoyo, etc... ). J'apprends que ces derniers ont gagné en justice contre la société de production qui bloquait ces diffusions. Voir le lien suivant... La réédition en DVD des films de Pierre Etaix, espérons-le, après restauration, est en bonne voie, donc...?

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01/07/2009 | Lien permanent

Recoins à la Halle Saint-Pierre

     La revue Recoins est accueillie à la Galerie de la Halle Saint-Pierre à partir du 3 jusqu'au 27 avril. Une exposition est prévue aux cimaises du rez-de-chaussée (l'espace circulaire qui ceinture le hall) de ce centre culturel désormais bien connu pour héberger temporairement de l'art brut, de l'art singulier, et de l'art populaire. Recoins, revue basée à Clermont-Ferrand et animée par un collectif de jeunes dessinateurs, graveurs, collagistes et et écrivains, en plus de s'intéresser au rockn'roll, au blues, aux musiques hors-les-normes, à la littérature, à la boxe, traite régulièrement des environnements spontanés, notamment cantaliens, mais aussi de l'art des handicapés mentaux.

 

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Bernard Jugie, à Billom, un lion sculpté en bas-relief, coll. Bruno Montpied

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Bernard Jugie, sans titre (trot attelé), peinture sur carton, coll. BM

 

 

  L'exposition qui s'annonce devrait réunir plusieurs créations d'autodidactes populaires, comme Pierrot Cassan (sous réserve), René Delrieu (des dessins prêtés par le musée du Veinazès et donc très peu connus en dehors de ce lieu), des sculptures de Bernard Jugie, créateur de Billom, Puy-de-Dôme, que j'ai évoqué il y a deux ans dans Création Franche n°37, voir sur ce blog mes infos-miettes n°21) et de François Aubert, inspiré du Cantal, des peintures de Paul Cuni, des girouettes naïves d'Antoine Rouchès et des œuvres de créateurs venus de la Passerelle, cet atelier d'arts plastiques pour handicapés animé par Romuald Reutimann à Cherbourg (avec entre autres Kevin Raffin et Béatrice Bourguillot) que j'ai souvent évoqué sur ce blog.

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Recoins à la Halle St-Pierre, le programme complet, avec un dessin de René Delrieu en illustration

     Comme l'indique l'affichette ci-dessus, il y aura un vernissage le samedi 5 avril avec un diaporama d'Emmanuel Boussuge, le directeur de la publication, sur les "irréguliers du Cantal" à l'auditorium. Sans nul doute que nous aurons à cette occasion quelques surprises et quelques aperçus des dernières découvertes d'EuBée concernant l'art populaire contemporain qui nous est cher.

 

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E.Boussuge avec Raymond Poulalion un inspiré du Cantal, 2007

 

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Pierre Sourisseau sculpteur de souvenirs en chemin creux

     J'ai découvert un nouveau site de création en plein air dû à un autodidacte encore en Vendée, dans le même département que celui d'André Pailloux, ce bon Pailloux qui est en passe de devenir célèbre désormais depuis que ses coordonnées ont été jetées  en pâture au public (inconsidérément, je ne le répéterai jamais assez).

 

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Autoportrait du créateur Pierre Sourisseau en chef de chantier, ph. Bruno Montpied, 2012

         Le monsieur qui l'a créé depuis déjà quelque temps, depuis qu'il a pris sa retraite de maçon (encore un), s'appelle Pierre Sourisseau. Ses terrains où il a semé diverses sculptures et peintures, ainsi que des textes,  se situent dans la région des Herbiers, dans les terres donc. On peut donner son nom, car son travail, son œuvre, qui tiennent à la fois du mémorialiste et de l'artiste, tantôt naïf, tantôt réaliste (au point d'en être ici et là presque kitsch), sont assez particuliers pour qu'on tente de leur faire un peu de publicité. De plus, il a déjà fait l'objet d'une courte évocation dans un magazine diffusé à l'intention des retraités "entre Sèvre et Loire", le magazine Racines (article n°221 de juillet 2011 dû à Yvelise Richard).

 

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Vue d'une partie du petit musée de Pierre Sourisseau, 2012, ph. BM

 

         Grosso modo, il y a trois zones d'intervention. La première est en intérieur, il s'agit d'un petit musée où dans deux pièces, situées dans un petit bâtiment en annexe de son habitation principale, on trouve des peintures, des sculptures, et des objets divers, des textes visant à fixer les souvenirs de l'auteur, notamment de sa participation à la guerre d'Algérie durant un an, dans l'Oranais. L'autre grand sujet qui fascine M. Sourisseau étant les guerres de Vendée, ainsi que les filiations qu'il entretient via la lignée de sa femme avec les acteurs vendéens de ces conflits de l'époque révolutionnaire, notamment avec un certain Charles Deslandes. Il a établi l'arbre généalogique de sa famille en lien avec cette histoire (arbre illustré d'un tableau naïf).

 

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Pierre Sourisseau, peinture dans son petit musée, scène de la guerre de Vendée, ph.BM, 2012

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Pierre Sourisseau, souvenir de la guerre d'Algérie

 

      Un parallèle curieux entre ces deux séries d'événements s'est esquissé par la suite en moi lorsque je revisitai les photos que j'ai faites de ces œuvres. C'est étrange comme les soldats républicains venant menacer les paysans vendéens dans certaine peinture de Sourisseau paraissent ressembler aux soldats français face aux Arabes d'Algérie. Il s'agit de semblables affrontements de soldats de l'état républicain face à des populations indigènes qu'il s'agit de mettre au pas. Pourtant, dans l'esprit de M. Sourisseau, ce parallèle est loin d'être patent, m'a-t-il semblé, Quoiqu'il ne m'ait pas donné son opinion à l'égard de la guerre à laquelle il avait participé ("sans tuer personne", ajouta-t-il tout de même, et fréquemment, pendant nos entretiens).

 

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Le jardin de M. Sourisseau, au premier plan Charles Deslandes, l'ancêtre de la famille, le cavalier à l'arrière-plan, le Chevalier du Landreau, autre personnage historique régional et au loin, les bustes de Sarkozy et de sa femme Carla Bruni... Ph BM, 2012

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Pierre Sourisseau, Sarkozy et sa Carla, qui paraît représentée telle un pesant fardeau, ph. BM, 2012

 

     La deuxième zone concerne le jardin qui entoure sa maison et longe la route, d'où l'on peut apercevoir, si l'on ne passe pas trop vite, de la voiture, les quelques statues, point trop nombreuses, qui l'agrémentent avec sobriété.pierre sourisseau,environnements spontanés,archéologie naïve,guerres de vendée,guerre d'algérie

De haut en bas sur l'image ci-contre, Mitterrand, De Gaulle, Chirac, Sarkozy, Giscard, Pompidou, ph. BM, 2012

     La troisième zone s'étire sur près de 500 mètres, tout au long d'un chemin creux d'âge respectable, dont l'histoire fait rêver grandement l'auteur, qui passe devant sa maison et s'enfonce dans le bocage en direction d'une ancienne gare où allaient s'embarquer les appelés militaires, où passèrent aussi, à une époque encore plus ancienne, les Vendéens insurgés. Pierre Sourisseau, qui nous en fit faire la visite, tel un guide de monument historique, paraît toujours peu ou prou entendre les cliquetis des faux, ou des baïonnettes, ou les cris des hommes se pressant sur l'étroit et profond chemin chargé d'une histoire invisible à tout autre oeil que le sien.

 

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Pierre Sourisseau devant sa "hutte gauloise" sur le chemin creux, ph. BM, 2012

 

      Le chemin égrène sur une très grande longueur (originalité unique à ma connaissance) des statues, taillées directement dans le bois des arbres (naïves et visionnaires) ou modelées dans l'argile (très, trop, réalistes), des installations du genre écomusée, bricolées en plein air par cet historien autodidacte, des panneaux explicatifs, des installations plus ludiques aussi à l'intention de ses petis enfants (une fusée qui décolle à la manivelle un peu plus bas dans le chemin). On y évoque pêle-mêle les Gaulois, des saints chrétiens (St-Roch), les guerres vendéennes encore et toujours, des figures politiques (Sarkozy, Ségolène Royal, séquelles de la campagne présidentielle de 2007), certaines plus régionales (des maires locaux). De temps à autre, comme émergeant du fond d'une mémoire ancestrale plus païenne, des figures féériques ou fantastiques, hélas trop rares, poussent vers le spectateur leurs trognes ou leurs corps de racines, ce qui je dois bien l'avouer m'enchante davantage que tout le reste.

 

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Pierre Sourisseau, figure fantastique dans un arbre creux, ph.BM, 2012

 

      Pierre Sourisseau paraît ainsi hésiter, comme bon nombre d'autres autodidactes point trop sûrs de leur langage et déférents envers l'art savant, entre un réalisme de santons et un art naïf qui paraît d'emblée, en ce qui le concerne, correspondre pourtant à son langage naturel. Dans l'épaisse brochure de souvenirs qu'il a laissée derrière lui en 2008, il se recommande, comme pour asseoir une légitimité d'artiste qu'on pourrait lui contester puisqu'il n'a pas fait d'école, de l'enseignement et de l'appui d'un sculpteur local de monument aux morts, Yves Guiberteau. Parler de lui sur ce blog, qui est comme on sait acquis aux langages plus ingénus qui nous touchent davantage que les langages pompiers, pourra peut-être aider ce créateur original à choisir une voie plus en accord avec la langue féérique de la nature qui visiblement l'interpelle et nous enchante comme lui.

 

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Pierre Sourisseau, au bout du chemin creux, avec son "Tractosaure", voiture-arbre... qui fleurit encore, ph.BM, 2012

 

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Jean Benoît prend sa pierre tombale et nous laisse le monde

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POUR SALUER JEAN BENOÎT 

               De l'œuvre de Jean Benoît, que je considère comme l'une des plus flamboyantes qu'ait données le surréalisme dans ces cinquante dernières années, je ne parlerai pas ; de nombreux catalogues d'exposition ainsi que des articles de presse ou de dictionnaire en ont, avec plus ou moins de bonheur, rendu compte. Mais, malgré tout le talent et toute la puissance d'imagination qu'elle  manifeste, du plus tellurique au plus aérien, alliant la grâce et la tendresse aux ténèbres, l'œuvre cédait le pas à l'homme ; et la perte, toujours irréparable, est ici à la mesure de ce dépassement.

               Doué d'une présence et d'une spontanéité souveraines, dans les gestes comme les paroles, Jean était la figure même de l'excès. Mais de l'excès délicat, sans pesanteur et sans pose. Aucune affectation ne venait alourdir la virulence de ses détestations ni l'insolence de ses provocations délicieuses. Il pouvait déclarer en toute ingénuité que le seul rêve qu'il n'avait pu réaliser était celui de « tuer un missionnaire » ; et c'est avec la même candeur dans la voix qu'en se penchant sur la main d'une inconnue pour y déposer un baiser, il n'oubliait pas de lui dire: «Mes hommages irrespectueux, mademoiselle». Rien ni personne ne pouvait lui faire obstacle, lui en faire accroire ou lui en remontrer. Et cela, sans inflation de l'ego, sans prurit de puissance ; il se contentait de vivre, de marcher dans la vie en rêveur éveillé, il était une cause libre.

              Je l'ai rencontré, il y a près de trente ans, dans un café où l'esprit surréaliste jetait encore quelques feux timides parmi une époque particulièrement hostile. Il en imposait sans s'imposer ; son rire, qu'on entendait dès l'entrée, était la plus certaine manifestation de sa présence. Je ne faisais pas partie du cercle de ses intimes, mais nous n'avons pas cessé de nous voir au fil des années, de façon discontinue, par hasard le plus souvent, à la faveur d'un vernissage, ou quand il lui prenait envie de venir saluer les amis réunis dans tel ou tel débit de boissons. Un jour, il m'a invité à lui rendre visite, et, depuis lors, je suis monté plusieurs fois dans son atelier de la rue de la Cossonnerie puis dans celui de la rue de la Tour d'Auvergne, le plus souvent avec une amie, qu'il courtisait aussitôt. En sa compagnie, on buvait beaucoup, et il parlait plus encore ; la seule fois où je suis allé dans son appartement de la rue des Grands-Champs, ces champs dont il incarnait la clé même, nous avons descendu en quelques heures une bouteille de Chivas : il avait pourtant 85 ans, et une demi-douzaine d'infarctus derrière lui. Lors de ces rencontres, il m'a montré le fameux rouleau où il couchait sur le papier le labyrinthe de toute une vie aimantée par l'amour et m'en a lu, comme à bien d'autres visiteurs, quelques passages ; mais surtout, il m'a souvent parlé, à mon grand enchantement, de ses séjours dans les années soixante, chez les Papous du fleuve Sépik et sur l'île de Nouvelle-Irlande, qui restait dans sa mémoire comme le modèle d'une société libre et heureuse.

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 Rouleau-manuscrit de Jean Benoît tel que reproduit dans le catalogue de l'expo 1996 à la Galerie 1900-2000

 

             Certains le comparaient à un bûcheron canadien ; moi, je le voyais plutôt comme un arbre indéracinable. Hélas, en juin 2009, au moment où se tenait une grande exposition de son œuvre et de celle de Mimi Parent, il a été frappé d'une attaque qui l'a paralysé du côté droit et l'a privé de la parole. Je me suis rendu à l'hôpital Tenon où il avait été pris en charge ; nous sommes parvenus à communiquer par un système de questions et de réponses auxquelles il répondait par des gestes signifiant oui ou non. Il était bien sûr très malheureux, et aurait voulu en finir au plus vite avec une situation où, par un paradoxe cruel, il devenait prisonnier d'un corps pour lequel il avait toujours revendiqué la liberté suprême. Je suis sorti de l'hôpital en larmes, et ne l'ai plus revu. 

             Il y avait une dimension mythique chez Jean Benoît, qui éclatait dans son amour inépuisable pour les femmes, toujours renouvelé, toujours émerveillé. Son érotisme solaire avait le regard limpide des enfants. Aucune fascination chez lui pour les affres de la transgression, il était d'emblée au-delà. Il était parfaitement païen, en totale harmonie avec ces préadamites des îles heureuses où il a abordé juste avant qu'elles ne succombent aux ignobles prestiges de la civilisation.            

            Avec la disparition de Jean Benoît, une nouvelle page vient de se tourner, de cet immémorial traité des passions écrit et déchiffré seulement par les rêveurs et les poètes. Notre Dionysos au masque de plumes de ménure est parti, le jour de Vénus, sur la barque malangan, de l'autre côté de sa légende.

JOËL GAYRAUD, le 7 septembre 2010.

 

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15/09/2010 | Lien permanent

Dessins du sciapode à la Halle Saint-Pierre

    Prévue pour débuter le 3 mars, il y aura bientôt une exposition intitulée "A chacun son dessin" à la Halle Saint-Pierre, dans l'espace consacré à des présentations quelque peu alternatives, à des essais si l'on veut (sur place, ils appellent cela la galerie). Et l'éternel débutant que je suis se trouve donc fort aise de se retrouver présent dans cette sélection de dessins (des encres dans mon cas), en compagnie de sept autres dessinateurs. Le vernissage est programmé pour le 24 mars, le même jour que le vernissage de la double exposition Michel Macréau-Anselme Boix-Vives qui commence à cette date. Rendez-vous est donné aux amis qui aimeraient se rendre compte plus physiquement - si je puis dire - de mes travaux, car le virtuel, ça va bien un temps...

A CHACUN SON DESSIN 

Exposition collective
du 3 au 30 mars 2009

Jean-Michel CHESNE • Annie COHEN • Caroline DEMONGEL 

Jean DEMELIER • Joseph KURHAJEC • Bruno MONTPIED

Jude MORNIER • Sylvia K. REYFTMANN

Bruno Montpied,Le château qui prend vie, 2006.jpg 

Bruno Montpied, Le Château qui prend vie, 30x37cm, 2006 

Galerie Halle Saint Pierre
2, rue Ronsard - 75018 Paris
Entrée libre.Tous les jours de 10h à 18h
Renseignements : 01 42 58 72 89 

(En partenariat avec le Salon du dessin contemporain)

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Anselme Boix-Vives, Trois personnages, 80,8x109 cm, 1964
    Pour le vernissage, les animateurs de la Halle Saint-Pierre exigent le carton d'invitation ci-dessous inséré. Imprimez-le, et ainsi, vous n'aurez pas de souci pour entrer, car Samson est  plus inflexible que le gardien des Enfers... Par la même occasion je montre aussi le carton officiel d'annonce de l'exposition que j'ai détourné ci-dessus en y insérant un dessin à mézigue.
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Dictionnaire du Poignard Subtil: Sur cette pierre, je bâtirai...

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  PIERRE:

   "Rien de plus immédiat et de plus autonome dans la plénitude de sa force, rien de plus noble et de plus terrifiant non plus que le majestueux rocher, le bloc de granit audacieusement dressé. Avant tout, la pierre est. Elle reste toujours elle-même et elle subsiste ; et ce qu'il y a de plus important, elle frappe. Avant même de la saisir pour frapper, l'homme se heurte à elle. Pas nécessairement par son corps, mais au moins par son regard. Il constate ainsi sa dureté, sa rudesse, sa puissance. Le rocher lui révèle quelque chose qui transcende la précarité de sa condition humaine: un mode d'être absolu. Sa résistance, son inertie, ses proportions, de même que ses étranges contours ne sont pas humains: ils attestent une présence qui éblouit, terrifie, attire et menace. Dans sa grandeur et sa dureté, dans sa forme ou dans sa couleur, l'homme rencontre une réalité et une force qui appartiennent à un monde autre que le monde profane dont il fait partie."

Mircea Eliade, Traité de l'Histoire des Religions, cité par Gwenc'hlan Le Scouezec et Jean-Robert Masson dans Bretagne Mégalithique, Ed. du Seuil, 1987.

(Inutile d'ajouter qu'à mes yeux, la pierre est bien perceptible ainsi, à l'exception de ces notions "transcendantes" de "mode d'être absolu" et de monde "autre" auxquels appartiendrait la roche et que veut nous refiler subrepticement Eliade . Il me paraîtrait plus exact de dire que l'homme perçoit dans les rochers un mystère qui le dépasse, ce qui n'implique pas qu'on doive en déduire que ce mystère est celui d'une divinité.)

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Cette maison ne craint pas le gros rocher qui paraît la surplomber de façon menaçante, elle l'enlace, telle une moule rivée au bouchot, c'est un rapport profane ici, M.Eliade...
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Ici, le christianisme s'est empressé de coloniser la roche majestueuse d'un "autre" monde, tels les Américains débarquant sur la Lune, se hâtant de ravaler la puissance étrange qui dépasse l'homme en y plantant un ridicule petit bout d'étoffe étoilée... Ou ici, cette affreuse croix ostentatoire.

 

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11/11/2007 | Lien permanent

L'art clandestin de Pierre Caran

      Est paru en secret l'an dernier un bel ouvrage d'art auto-édité par Mme Thérèse Joly, la compagne de Pierre Caran, un créateur fort original (1940-2008), décédé d'un cancer qu'il avait essayé d'oublier, ou de surmonter, grâce à son activité humoreuse d'artiste recycleur qui se déploya durant les six dernières années de sa vie.

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Pierre Caran, ouvrage édité à l'initiative de Thérèse Joly, novembre 2015 ; en couverture, Totem, peinture à l'eau sur bois et collage, 2004.

 

      Totalement inconnu des amateurs d'art brut, d'art naïf ou singulier, d'art d'autodidactes – ce qu'était en matière artistique Pierre Caran apparemment, qui fit carrière comme médiateur culturel dans la région de Thonon-les-Bains, et donc était largement pourvu en matière de connaissances de toutes sortes – ce poète clandestin réalisa en secret une œuvre des plus attachantes, si l'on s'en rapporte aux nombreuses pièces présentées dans ce livre, variées et surprenantes, manifestant par leurs titres, mais aussi par les matières, couleurs, techniques mises en œuvre, le raffinement culturel de l'auteur, mixé paradoxalement à un dessin archaïsant, aussi stylisé que l'art enfantin, que ne reniait sans doute pas Pierre Caran.

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Pierre Caran, L'enfant, collage et assemblage d'éléments divers sur racine, peinture à l'eau, 2006. 

 

     Cette œuvre fut produite dans l'intimité, seulement connue d'un cercle de proches, dont deux d'entre eux, fort célèbres, Valère Novarina et Michel Butor ont donné des textes pour les besoins de l'ouvrage, la biographie du créateur et la description de l'œuvre étant pour leur part confiées à Emmanuel Boussuge, que les lecteurs de ce blog connaissent quelque peu. Même le livre aurait pu ne pas dépasser le cercle des proches, si Thérèse Joly n'avait pas eu l'heureuse idée d'en déposer quelques exemplaires¹ à la librairie de la Halle St-Pierre, où son animateur, Pascal Hecker, me le fit voir (une petite exposition, peut-être pas très "lisible", se tenait sur les murs de la librairie au même moment). Toutefois, on peut noter une unique exposition organisée après sa disparition, à la Chapelle Saint-Bon, à Thonon en 2009.

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Pierre Caran, Hommage à Valère Novarina, peinture à l'eau sur bois et pierre, 2006.

 

      L'œuvre comprend beaucoup d'assemblages, de galets, pierres, ou bois trouvés dans sa région, près du lac Léman², qu'il laissait tels quels, ou bien sur lesquels il intervenait, les repeignant selon les cas plus ou moins intégralement, les mettant en scène (c'était un homme qui aimait le théâtre et le cinéma), les associant parfois à des références littéraires (car il était aussi féru de littérature), les mêlant à d'autres matières réemployées. Il ne se contentait pas de ces interprétations sur objets naturels,pierre caran,thérèse joly,emmanuel boussuge,art clandestin,art d'autodidactes cultivés,art singulier,art récup',valère novarina,michel butor il peignit et dessina aussi (voir ci-contre son Autoportrait, de 2005), écrivit divers textes, toujours dans le même bref laps de temps  durant lequel la maladie lui mit le grappin dessus. Plusieurs de ces œuvres sont des évocations de scènes liées à sa maladie et aux traitements. Ce qui me frappe dans cette production, outre le raffinement dont il faisait preuve, c'est qu'il ne s'abandonne jamais à la facilité, comme tant d'autres artistes dits "singuliers" peuvent au contraire s'y vautrer. Ces derniers se contentent généralement de rapprochements évidents (produisant à la pelle des "Têtes à Toto", à l'aide par exemple de deux enjoliveurs et d'un peigne). Chez Caran, nulle paresse, un souffle poétique, greffée sur un vécu et une souffrance – jamais complaisamment mise en avant –, se déploie authentiquement.

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Pierre Caran, L'enfer sur terre, peinture à l'eau sur toile, 70x60cm, 2008 ; terrible peinture à mon avis.

 

      Emmanuel Boussuge, dans sa contribution, se demande où le situer : art brut? Art singulier?... Peut-être que pour ce genre de créateurs cultivés, autodidacte en matière artistique, on pourrait créer une nouvelle étiquette: l'Art clandestin? Il ne serait pas seul sous cette appellation, les jardins secrets d'écrivains par exemple étant légion (exemples, ceux de Victor Hugo, August Strindberg, Marguerite Burnat-Provins, etc.)...

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Pierre Caran, Reflets dans l'eau, peinture à l'eau sur papier, galets collés, 40x50cm, 2007.

 

      J'incite fortement mes lecteurs à acquérir cet ouvrage, histoire de distinguer un peu mieux où se situe aujourd'hui le véritable génie "singulier".

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¹ On peut toujours les y trouver, et sinon, on peut commander l'ouvrage (35€, port compris) à Mme Thérèse Joly en écrivant à joly.photos@free.fr , ou aux Editions des Amis de Pierre Caran, 4 avenue du général de Gaulle, 74200 Thonon-les-Bains.

² Thonon-les-Bains, rappelons-le, est située juste en face de Lausanne, de l'autre côté du lac Léman. Ville où s'abrite la Collection de l'Art Brut... On ne sait si Pierre Caran eut l'occasion d'aller visiter ce mirifique endroit, où il aurait trouvé de nombreux cousins par l'esprit, sinon par le style et la technique, de son art...

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Souvenir des Pierres qui Parlent, Marie-Antoinette Bassieux

     Qui se souvient des "Pierres qui Parlent" et de leur petit musée à Dieulefit dans la Drôme?

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée, vers 1985 ; photographe inconnu

      Une dame fort âgée, Marie-Antoinette Bassieux l'avait créé dans une boutique vitrée où elle abritait sur des rayonnages des dizaines et des dizaines de cailloux, galets de rivière ou autres. Elle avait perçu des images inscrites à leur surface. Convaincue que bien entendu le public distrait n'a pas toujours la disponibilité requise pour reconnaître ces signes, à ses yeux pourtant évidents, Mme Bassieux avait consenti à souligner d'une légère touche de pinceau trempé dans l'encre noire les contours des personnages qu'elle avait reconnus.

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée, vers 1985 ; ph.inc.

      L'inconscient naturel de ces pierres, ou l'imaginaire de Dieu (m'est avis que c'était l'hypothèse envers laquelle penchait en premier le coeur de Mme Bassieux...), n'était pas tout à fait naïf en l'occurrence.  Ces images trahissaient une culture artistique moyenne, comme si Dieu, avec un coeur qui ressemble parfois  à celui d'une midinette, avait beaucoup regardé des estampes, des profils enclos dans des médaillons, des scènes animalières quelconques. Un Dieu bien provincial somme toute (à la mode de jadis, je dis ça pour "G.M."), qui avait glissé ces copies en catimini dans les pierres, poursuivant je ne sais quel but, mais les voies du Seigneur ne sont-elles pas impénétrables?

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée (une souris grignotant une partition), vers 1985 ; ph.inc.

      Cependant, ces pierres interprétées finissaient par charmer. Sans doute parce que quel que soit le motif aperçu dans les matériaux naturels, l'oeil du spectateur reste amusé, intrigué devant tel phénomène de divination. Il y a comme une magie qui opère lorsqu'on se rend compte que l'interprète a sorti un personnage de rien, de l'informe, où pourtant elle l'avait perçu à l'état embryonnaire. Et peut-être que cette magie est d'autant plus opérante lorsqu'elle se manifeste dans le cas de ce genre de création aux sujets à la limite du banal, du convenu.

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée, vers 1985 ; ph.inc.

      La collection de Mme Bassieux, dont a parlé en son temps Pierre Bonte (il l'avait interviewée) dans un de ses Bonjour M.le Maire, fut un moment transférée dans un "Naturodrôme", à Crest dans la Drôme toujours et comme le nom de cette collection consacrée à la poésie naturelle l'indique. Puis elle revint de guerre lasse à son point de départ, à Dieulefit (dont le nom, on s'en convaincra aisément, était déjà tout le programme de Mme Bassieux...). L'interprète des pierres m'écrivit quelques lettres pour me faire part des avatars affectant ses collections. Elle aurait bien aimé trouver un lieu qui protége de façon assurée ses pierres "parlantes" aprés son séjour terrestre. Que sont-elles devenues aujourd'hui? C'est ce que je me demandais ces jours-ci. Alors, si vous le saviez, ne vous privez pas d'éclairer nos lanternes... 

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Marie-Antoinette Bassieux, Tintin, pierre interprétée, vers 1985 ; ph.inc.

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