16/02/2009
Emmanuel Boussuge s'échappe de la brume
Emmanuel Boussuge sort de la brume, me suis-je dit, en repensant à une photo prise pendant une randonnée d'un jour vers le Puy Mary en juillet 2007, le brouillard tentant de nous cerner... Il s'efforce de marcher sur les traces de ses aînés... Le voici donc en train d'exposer (jusqu'au 28 février) à Clermont-Ferrand, sous le volcan, dans la ville noire et rouge, au Breschet, 6, rue du Breschet.
Qu'est-ce qu'il expose? Des dessins et des photographies. Lui aussi s'est mis ces dernières années à scruter les sols, les bitumes, les taches dues au hasard, le hasard, ce grand créateur, plus grand que tous les artistes qui s'efforcent en vain de l'égaler.
Certes, il n'est pas le premier, mais il apportera sûrement son oeil et sa façon de voir dans l'affaire. Car chacun dans cette auberge espagnole de la divination apporte son boire et son manger. Pas une tache qui ne ressemble peu ou prou à qui la choisit et la photographie. Tache ou tout autre assemblage de hasard. J'en apporte deux exemples ci-dessous pour compléter celui que j'ai inséré ci-dessus d'après Emmanuel (j'en profite pour remercier Louis Watt-Owen pour la transmission de sa photo).
Le photographe avait lui aussi remarqué les splendides dessins que l'on trouve à Paris sur les bandes blanches des passages pour piétons. Il avait cependant -tâche délicate et "casse-gueule" si l'on procède trop vite! - décidé de rehausser ses photos au crayon, afin d'accentuer certaines expressions trop absentes des figures devinées sur ses photos. Personnellement, je suis aujourd'hui tenté d'employer les moyens que donne l'informatique pour retoucher ces images de hasard, quand un coup de pouce reste nécessaire...
Les dessins qu'expose Emmanuel Boussuge en compagnie de ses photos sont en quelque sorte cousins des voyances tachomanciennes, puisqu'il travaille parfois à partir de couleurs posées au hasard, automatiquement aurait dit le surréaliste de passage. J'aime assez le dessin ci-dessus reproduit, qui me fait penser à un improbable croisement entre Eugen Gabritschewsky et Michel Boudin (pour ceux qui connaissent ces derniers).
16:47 Publié dans Art singulier, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : mmanuel boussuge, art singulier, poésie du hasard, poésie involontaire | Imprimer
Commentaires
A propos d'art mineur :
Un art moyen de Bourdieu.
"Nous pouvons dans un premier temps, résumer en quelques lignes le contenu de l’ouvrage étudié.
La photographie semble, au premier abord, échapper aux déterminismes sociaux. Ce préjugé est déconstruit tout au long de l’ouvrage un art moyen. La pratique photographique y est constituée comme un objet sociologique à part entière.
La pratique de ce médium serait largement déterminée par l’appartenance sociale ; ainsi l’analyse de cette même pratique nécessite la prise en compte de la position dans l’espace social de l’acteur concerné mais également de ses ressources en termes de capital économique et culturel. Suivant ces deux types de capitaux, l’acteur aura des pratiques culturelles types. Il est à cet effet, possible d’établir une certaine homologie entre classes sociales et pratiques de la photographie.
L’étude de l’objet photographique, de sa production, de son style et de son déploiement sont autant d’indices d’une culture, d’un comportement et de relations de classes. L’objet d’un art moyen est régi par des lois sociales, ses usages sont stéréotypés.
La photographie constitue une activité qui permet la mise en place de stratégies de distinction, différentes selon la classe d’appartenance.
Ainsi les classes populaires ont un usage de la photographie purement fonctionnel (photo de famille). Les classes moyennes ont tendance à davantage privilégier l’esthétique de la photographie, en imitant le plus souvent les codes de la peinture. De cette façon, elles cherchent à se distinguer des clichés familiaux des classes populaires. La photographie sert alors de substitut ; c’est un art à leur portée contrairement aux Beaux Arts ; un art en voie de légitimation (légitimable mais pas légitime).C’est en cela que la photographie constitue un art moyen, un art mineur destiné aux classes moyennes.
Les classes supérieures, quant à elles, affichent une indifférence et un certain dédain par rapport à la photographie. Pratique qu’elles jugent vulgaire et ordinaire.
Les dévots et les professionnels de la photographie, le plus souvent issus des classes moyennes remettent en cause cette définition sociale de la pratique. Définition qui érige la photographie comme un enregistrement parfaitement réaliste et objectif du monde visible."
A suivre
Écrit par : GiMa | 06/04/2009
Répondre à ce commentaireMerci de cette citation (qui accroît en ce qui me concerne la confusion de mes sentiments à l'égard de ce que je ressens face à la photographie, art mineur pour moi, mais pas au sens où cela est évoqué dans cette citation d'inspiration assez lourdement "marxiste", je trouve), cependant il faudrait qu'elle soit plus clairement référencée. Qui a écrit le texte que vous avez recopié entre guillemets? S'agit-il d'un extrait d'un livre de Pierre Bourdieu, à ce que l'on devine en lisant votre "chapeau"? De quel "ouvrage étudié" parle alors Pierre Bourdieu dans le début de votre citation? Merci de nous éclairer là-dessus, SVP...
Écrit par : Le sciapode | 06/04/2009
Répondre à ce commentaireCe texte est un extrait d'Un art moyen, essai sur les usages sociaux de la photographie écrit par Pierre Bourdieu, Luc Boltanski, Robert Castel et Jean-Claude Chamboredon et paru en 1965. Cet extrait est le quatrième point du chapitre Culte de l'unité et différences cultivées de la première partie de l'oeuvre. Ce chapitre a pour but de montrer la photographie comme instrument d'intégration, de montrer les différentes occasions de pratique, les différences entre les dévots de la photographie et les déviants et pour finir les distinctions entre les classes sur la pratique de la photographie
Écrit par : GiMa | 07/04/2009
Répondre à ce commentaireLe Temps: Spencer Tunick est l’un des photographes les plus célèbres des années 2000. Est-il aussi, à vos yeux, l’un des plus importants?
Michel Thévoz: A tous égards, que ce soit en termes de créativité, d’inventivité ou d’originalité. Surtout, il a le don de déplacer l’espace de l’art. (Etc,voir artraw.net)
Écrit par : GiMa | 08/04/2009
Répondre à ce commentaireBon, cher GiMa, je crois qu'il est temps de réserver vos citations à notre correspondance privée car elles résultent d'une conversation que nous eûmes au début en privé, et qui n'a pas selon moi vocation à être étalée sur la toile au risque de lasser ou de susciter quelques moqueries sur le trop grand sérieux que nous mettrions à ce genre de débat. Je n'ai pas créé ce blog pour ce genre de débat. Je vous invite donc à m'adresser vos prochaines citations à mon adresse privée. D'ac?
Écrit par : Le sciapode | 08/04/2009
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