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11/03/2012

L'art hors-les-normes italien, une nouvelle exposition à la Halle Saint-Pierre

    Le printemps sera italien cette année. Du moins en ce qui concerne l'actualité des événements concernant la planète des arts bruts, naïfs ou populaires. C'est fait personnellement pour me plaire, étant donné les informations que j'ai souvent mises en ligne ici même sur le sujet.

banditi-dell-arteaffiche 2.jpg Affiche de l'expo, Les "portes" de Francesco Nardi, coll privée, © Halle St-Pierre

      "Banditi dell'arte" est le titre choisi par Martine Lusardy avec Gustavo Giacosa, commissaire désigné de l'exposition (j'ai déjà mentionné son nom en divers points de ce blog). C'est joli, ça fait bien ce titre, c'est offensif, les "bandits de l'art", mais est-ce bien tout à fait juste?... Les organisateurs de l'expo se fondent sur le fait que des travaux et des objets venus de collections historiques à la fois psychiatriques et carcérales, comme le musée Cesare Lombroso, le musée d'anthropologie de Turin et l'hôpital San Lazzaro de Reggio-Emilia (musée d'histoire de la psychiatrie) ont prouvé depuis longtemps le regard criminalisant qui fut porté sur certaines figures populaires créatives. Lombroso par exemple, au XIXe siècle, cherchait à mettre en évidence, en collectant tous les documents et objets possibles produits par des "criminels", l'origine innée de cette criminalité. Il allait jusqu'à trouver des traits physiques susceptibles d'être des marqueurs de la dangerosité des individus. Il lia folie, génie et criminalité, exerçant ainsi une influence notable sur les théories réactionnaires qui apparurent après lui, critiquant les avant-gardes artistiques (théories qui débouchèrent sur l'exposition nazie "d'art dégénéré" de 1933 en Allemagne, où furent mêlés œuvres expressionnistes, surréalistes, et travaux d'internés de la collection Prinzhorn, internés dont certains, comble de l'horreur, furent mis à mort par la suite dans les hôpitaux allemands).

 

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Francesco Toris, Le Nouveau Monde, © Musée d'Anthropologie de Turin ; A noter qu'il manquerait selon Maria Teresa Dolfin, "découvreuse" de l'œuvre en 2002-2003, une pièce sculptée importante sur cette pièce, une "Chimère", que Toris considérait comme "la pièce maîtresse de son œuvre"

     L'expo est construite ainsi en deux parties. La première donc, avec des travaux venus de ces collections –dont j'attends personnellement de voir avec beaucoup d'impatience l'extraordinaire maquette architecturée, en os de bovins, de Francesco Toris, "Le Nouveau monde" (1899-1905), sorti des réserves du musée d'anthropologie de Turin, véritable Tour de Babel arachnéenne, dressée depuis l'ossement d'une existence saccagée (à l'âge de 33 ans, cet ancien carabinier fut interné en hôpital psychiatrique), qui fut présentée pour la première fois en 2002-2003 par la Collection de l'Art Brut à Lausanne–, sans oublier les travaux venus des ateliers d'art pour divers patients en souffrance, comme Blu Cammello à Livourne, La Maninca Lunga, à Crémone, la Tinaïa à Florence, etc...

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Quelques numéros de la revue Arte Naive dirigée par Dino Menozzi (69 numéros publiés à Reggio-Emilia de1974 à 2002), qui s'ouvrit à partir du n°59 (1997) à l'art "outsider" ; on y parlait déjà de plusieurs créateurs qui sont présentés à l'expo Banditi dell'Arte, voir aussi la note que j'avais consacrée à la donation Menozzi à la Bibliothèque Panizzi

    La seconde partie est constituée, au premier étage (traditionnellement consacré à la Halle, sous un éclairage plus naturel, à l'art "ouvert"), aux "insiders" populaires par opposition aux oeuvres du rez-de-chaussée, espace du marginal, des créateurs enfermés, à tous les sens du terme, exposées du coup dans un espace noir, sans lumière venue de l'extérieur, "des représentants de l'art populaire contemporain" (selon les mots du dossier de presse de l'expo). Ces créateurs nous sont présentés comme des indépendants vis-à-vis du système des beaux-arts traditionnels, créant une "contestation institutionnelle et culturelle" (là aussi, je trouve cela exagéré). On y retrouve des "portes détournées" par Francesco Nardi, des peintures de Pietro Ghizzardi (que l'on a vu récemment exposé chez Christian Berst), des sculptures de Luigi Buffo (sauvées par le Musée des Amoureux d'Angélique dans l'Ariège ; voir photo Bruno Montpied ci-contre),art brut italien,art hors-les-normes,banditi dell'arte,cesare lombroso,francesco toris,le nouveau monde,art dégénéré,francesco nardi,pietro ghizzardi,luigi buffo,boudra,gabriele mina,costruttori di babele,galerie rizomi,marcello cammi des sculptures de Joseph Barbiero (préférées aux dessins du même). Y sont également évoquées les figures, récemment mises en lumière dans le livre sur les environnements spontanés italiens de Gabriele Mina, Costruttori di Babele, (les Bâtisseurs de Babel, éd. Eleuthéra), de Luigi Lineri, Vincent Brunetti, Mario Andreoli, Maurizio Becherini ou encore Marcello Cammi, ce créateur d'un jardin empli de centaines de statues à Bordighera, que j'ai chroniqué dès 1990 dans le Bulletin des Amis d'Ozenda, puis dans Raw Vision, et sur ce blog aussi.

 

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Le livre de Gabriele Mina récemment paru en Italie, avec la collaboration de divers auteurs (dont mézigue)

     A noter que la galerie Rizomi à Turin consacre à partir du 16 mars prochain, et ce jusqu'au 22 avril une sorte de rétrospective consacrée à Cammi, dont les sculptures furent balayées par une inondation de la rivière qui passait au milieu de son terrain. Un catalogue de 80 pages paraît à cette occasion (qui reprend mon texte de 1990 sur Cammi, Hôtel angoisse et jardin bachique, entre autres documents, et cette fois traduit en italien). (Voir ci-dessous dessin de Cammi à partir d'une tache de vin, coll. BM, et un détail de son jardin disparu à Bordighera, ph. BM, 1990)

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     Beaucoup de noms de créateurs sont mentionnés sur le carton d'invitation à l'expo, beaucoup étant à découvrir, d'autres à retrouver comme Filippo Bentivegna (connu depuis très longtemps par la Collection de l'Art Brut et le livre de Michel Random, l'Art Visionnaire, paru en 1979), Giovanni Podesta ou Carlo Zinelli, tous deux fort connus dans l'Art Brut, d'autres encore à confirmer comme Bonaria Manca, souvent chroniquée entre autres par Roberta Trapani, ou encore Giovanni Bosco, Marco Raugei, Oreste Nanetti, etc., etc.

 

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Francesco Borrello, Atelier La Maninca Lunga, expo Banditi dell'Arte

        Il reste qu'on s'étonne que les initiateurs de l'expo aient à ce point focalisé sur la notion de "bandits de l'art" qui évoquent une attitude offensive pas forcément patente chez les réprouvés ou les solitaires dont on met en évidence la créativité. Cette dernière s'exerce la majeure partie du temps, du reste, au sein d'une attitude non-violente. Ce qui colle mal avec cette vision activiste de l'art hors-les-normes ici mise en avant. Une posture hors-la-loi de pirate ou de brigand n'est pas spécifiquement l'attitude de la majorité de ces créateurs. Leurs expressions ne sont pas des brûlots dirigés vers la caste dominante. Mais plutôt le moyen de reprendre pied dans leur vie, dans un écart absolu vis-à-vis de la société de la multitude moutonnière. Un écart qui ne s'accompagne pas d'une prise d'armes pour autant... Tant et si bien que j'arrive à me convaincre que les commissaires de cette exposition, qui s'annonce certes passionnante, se sont faits surtout plaisir en titrant ainsi leur manifestation.

     Enfin, une autre remarque. Il est loisible de déplorer que la Halle Saint-Pierre n'ait apparemment pas demandé de collaboration à Eva Di Stefano qui effectue depuis déjà un certain temps un travail remarquable de défrichage et d'étude sur l'art brut et outsider italien à l'ombre de l'Université de Palerme en Sicile. On se convaincra aisément de la qualité de son travail en allant télécharger les numéros de sa revue virtuelle Osservatorio Outsider Art qui a mis en ligne jusqu'ici trois numéros.

      Et rappelons, au titre des manifestations ayant précédemment attiré l'attention sur l'art brut et hors-les-normes italien, l'exposition internationale d'art irrégulier, Beautés insensées, de 2007, qui, sous la direction de Bianca Tosatti, s'était tenue à la Salle d'Expositions du Quai Antoine Ier à Monaco. On y découvrait déjà, entre autres, les peintures de Tarcisio Merati, créateur que l'on retrouve annoncé dans Banditi dell'Arte.

 

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Tarcisio Merati, Petite machine, sans date, Bergame, Association Merati ; photo extraite du catalogue Beautés insensées

"Banditi dell'arte", exposition ouverte du 23 mars 2012 au 6 janvier 2013, vernissage le jeudi 22 mars. Halle Saint-Pierre, 2, rue Ronsard, 18e ardt Paris. T: 01 42 58 72 89.

"Marcello Cammi", exposition à la galerie Rizomi, Turin du 16 mars au 22 avril, corso Vittorio Emmanuele II, 28, 10123 Turin. T: 01 15 78 88 08.


Commentaires

Je ne partage pas votre point de vue, "Banditi dell'Arte" c'est un beau titre qu'il ne faut pas prendre au premier degré dans le sens auquel vous semblez vouloir le limiter. Certes, rien de plus pacifique dans l'acte créateur de ces réprouvés et de ces solitaires. La vision activiste de l'art hors-les-normes ici mise en avant est évidemment le point de vue des organisateurs, pas celui des créateurs qu'ils présentent. Mais défendre l'idée, (si tel est le cas, je n'ai pas lu le dossier de présentation) que ce type de création, par son expression, est une forme d'insurrection inconsciente contre un certain type de formatage social et esthétique, me semble intéressante et juste (C'est d'ailleurs le point de vue que j'ai défendu dans l'avant propos que j'ai rédigé pour votre "Eloge des jardins anarchiques"). Elle permet en effet de porter sur ces créations un autre regard que le regard d'esthète dans lequel on voudrait aujourd'hui enfermer l'art brut.

Écrit par : RR | 12/03/2012

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Effectivement, j'ai un peu de gêne vis-à-vis de ce terme que je trouve outrancier. Oui, ce sont peut-être des "bandits" dans le regard des carabiniers, des bien-pensants, des hommes de pouvoir, des castes au pouvoir, des privilégiés arbitres d'un bon goût qu'ils voudraient imposer à tous. Mais ce n'en sont pas, de leur point de vue à eux. C'est toute la différence entre inconscience et conscience (vous parlez d'insurrection "inconsciente"). Ca fait une grosse différence de mon point de vue.
Je reste toujours gêné quand on risque d'enrôler ces jardiniers anarchiques (c'est-à-dire sans autorisation de créer) sous la bannière d'une théorie de la révolte, si sympathique qu'elle soit par ailleurs. Nous en avions discuté. Nous portons cela en place publique, bien. A d'autres de donner leur avis.

Écrit par : Le sciapode | 12/03/2012

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Je suis entièrement d'accord avec RR pour considérer l'art-hors-les normes ou l'art brut en général comme une manière d'insurrection inconsciente contre les valeurs esthétiques dominantes; mais, en outre, cher Sciapode, le terme «bandit» n'évoque pas pour moi le malfaiteur, voire le gangster, mais plutôt le hors-la-loi, le banni, conformément à son origine étymologique, sans doute plus sensible encore dans l'italien «bandito».

Écrit par : L'aigre de mots | 12/03/2012

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Je ne vois pas en quoi l'emploi du terme banditi supposerait un enrôlement sous la bannière d'une théorie de la révolte. Le terme de banditi ne sous entend rien de tel (et en tous cas rien qui relèverait d'une théorie quelconque), il désigne juste des gens qui s'adonnent à des actes "d'appropriation" considérés comme hors la loi et à leur seul bénéfice. Ainsi, rapporté à l'acte de création, on peut dire qu'ils s'approprient une pratique qu'ils développent hors les normes esthétiques et ne créent que pour leur seul plaisir. Qu'ils en aient ou non conscience, il s'agit donc bien là d'une activité transgressive par l'acte même, d'insubordination dans la forme à l'égard des valeurs esthétiques dominantes, et asociale (au regard des normes admises) par le caractère quelquefois sollipsiste des relations que ces créateurs entretiennent avec leurs semblables. Comme dit l'Aigre, des bannis, quoi !

Écrit par : RR | 12/03/2012

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Le terme "bandits" n'évoque pas le seul sens de "bannis", le seul sens de "réappropriation", et vous le savez bien, Aigre et RR. Il évoque aussi les malfaiteurs volant et tuant pour leur propre profit ou celui de commanditaires, comme le font les services secrets, les mafias, les truands égoïstes.
Je veux bien vous accorder que le sens que vous choisissez de privilégier au détriment des autres (la réappropriation) recueille mon assentiment. Je trouve seulement le terme trop ambigu, trop radical.
Les inspirés de bord des routes ne sont pas, ne vous en déplaise ou non, complètement identiques aux bandits de grand chemin. Ce sont aussi des gens bien ordinaires, qui décident seulement de s'exprimer au sein de la masse inerte, brandissant leurs propres bannières, s'appropriant le langage à leur manière. Les qualifier de bandits (pourquoi pas de pirates?), même en le justifiant comme vous le faites par le détour de votre subtile dialectique, cher RR, reste exagéré et inadéquat me semble-t-il.
Jardins "anarchiques" restait de son côté plus raisonnable, plus juste, moins maximaliste.

Écrit par : Le sciapode | 13/03/2012

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"Ils brandissent leurs propres bannières, et s'approprient le langage à leur manière". Absolument d'accord avec cette description qui évoque pour le coup plutôt la piraterie ou le hold-up, (même s'ils n'ont pas le couteau entre les dents). Tout ça reste bien sûr de l'ordre de la métaphore, rappelons-le quand même pour éviter de glisser vers un débat sémantique de peu d'intérêt.

Écrit par : RR | 13/03/2012

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Bonjour à tous.
Sans avoir préalablement lu les commentaires, j'avais pensé qu'une formulation plus juste eût été, précisément, "Les bannis de l'art". D'ailleurs, en matière artistique, je trouve dans le terme de banni une charge poétique beaucoup plus forte, indirectement plus déflagrante et moins simplement dirigée, que dans celui de bandit. Tous deux, bien sûr, ont leur noblesse, et il n'est pas sûr que leur rencontre dialectique se trouve exclusivement dans la figure mythique du forban.
L'exposition s'annonce passionnante, "Le nouveau monde" de Toris y incarnant, je crois, un véritable pilier recosmisant - s'il ne s'agit pas plutôt d'une nouvelle forme de trou noir. En tout cas, c'est magnétisant. Difficile d'y résister.

Écrit par : Mauro Placì | 13/03/2012

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Les bandits ça change des escrocs de l'art contemporain !

Écrit par : Cosmo | 13/03/2012

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Il semble extrêmement difficile de parvenir à ne pas s'approprier, d'une façon ou d'une autre, ce que l'on aime. Aimer la liberté absolue de l'autre est une élégance et un principe moral qui, s'ils étaient pratiqués sans faiblesse, changeraient le visage de la terre. "Banditi" ou quelque autre terme qui n'aurait pas été choisi par les auteurs eux-mêmes relève de l'appropriation, mais il répond aussi en nous au désir de nommer, qui est impérieux en amour, et l'on semble tentés de charger le nom de la force de tous les fantasmes qui nous enflamment ou nous rongent ; or ce désir de nommer parle davantage de celui qui baptise que de celui qui reçoit le nom. On voit bien à quelles querelles ou guérillas de vocabulaire les amateurs se livrent autour des termes de l'art brut, outsider, etc. A quelle nécessité profonde répondent ces joutes ?
Alors comment nommer sans trahir, donner un nom qui n'encombre pas ces sillages libres ?
Je me souviens de cette réponse de l'un de vos jardiniers dans le film "Le Gazouillis des éléphants" (voilà un titre fidèle à l'esprit du sujet) : "Un nom ? Pour quoi faire."

Écrit par : Jean-Christophe Belotti | 13/03/2012

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Cela dit, malgré les atténuations étymologiques très pertinentes avancées par ses contradicteurs (in amicitia !), je me trouve assez d'accord avec le Sciapode. Bandit est sans doute plus accrocheur eu égard aux attentes "culturelles" en présence, mais c'est au risque, je crois, d'orienter l'intention (conscience, inconsciente, ou absente !) des "artistes" dans une direction qui n'est pas forcément la leur, et cela, sans doute, au bénéfice de la promotion du spectacle.
Etre en dehors, par ailleurs, ne revient pas toujours à être volontairement contre (ce que pourrait supposer ce titre, fascinant il faut le dire), et je crois que l'on est d'autant plus purement dehors que l'on évite de partir d'une opposition voulue (stratégique, sémantique, poétique), qui suppose de toute façon une certaine contamination par l'opposant (cependant, qui peut être aussi purement à l'ouest ?). On me répondra que si l'on n'a pas volonté et conscience d'être contre, on risque de se retrouver dedans en se croyant naïvement dehors. C'est une autre histoire, et ce n'est pas toujours vrai.

Écrit par : Mauro Placì | 13/03/2012

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A Mauro Placi:
Pour l'étourdissante virtuosité de vos commentaires, et pour le soutien que vous voulez bien apporter au sciapode dans un moment où même ses plus proches amis viennent lui contester le bien fondé de ses opinions (qui a dit "Occupez-vous de mes ennemis, mes amis je m'en charge?"...!), in amicitia, comme vous dites (mais l'amitié ne suppose pas que nos amis nous donnent des blancs-seings à propos de tout ce que nous sommes amenés à dire, il faut que leur lucidité ne s'accommode d'aucune indulgence, car nous avons besoin d'une lucidité mise en commun, pour aboutir à une mieux fondée qui nous soit propre), le sciapode vous offre une invitation au vernissage de ces fameux "banditi" le jeudi 22 mars, vers 19h.

Écrit par : Le sciapode | 13/03/2012

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A J-C. Belotti:
C'est Arthur Vanabelle qui dit: "un nom? Pourquoi faire?" dans "le Gazouillis des Eléphants". J'ai été content qu'on puisse obtenir de lui cette réponse qui éclaire fort bien ce que ce genre de créateur pense de sa production. Il ne fut pas pendant longtemps -alors qu'aujourd'hui, après tant et tant de visites, il se résout parfois à lancer un os à ronger à ses visiteurs affamés d'un nom à mettre dessus sa création, genre le mot "art brut" par exemple qui domine les commentaires ces derniers temps, avec la visite des conservateurs du LaM de Villeneuve-d'Ascq- il ne fut pas pendant longtemps en position de vouloir décrire ce qu'il faisait, étant donné qu'il le faisait avant tout pour lui-même sans souci de médiation (hormis à l'égard de sa famille, à qui il présenta ses réalisations du début comme des "girouettes", afin qu'ils lui foutent la paix, les girouettes c'est accepté...).
Mais je fais partie des médiateurs, comme tant d'autres qu'il a vu défiler devant chez lui depuis quarante ans. Et j'ai besoin de mots pour en parler à d'autres. Comme tu dis, quand on aime, on a besoin de mettre un nom sur l'objet de son amour.
Peut-être faudrait-il seulement les appeler au bout du compte "les innommables de l'art".

Écrit par : Le sciapode | 14/03/2012

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Cher Sciapode, très heureux pour la manne de cette invitation imméritée ! Quant à l'amitié, c'est en effet le terrain privilégié (il y en a quelques autres) où puisse fructifier une véritable "coincidentia oppositorum". Dès lors, profitons-en: la critique lucide est meilleure que l'assentiment stupide !
Je salue au passage la très belle intervention, à mon sens, de M. Belotti.

Écrit par : Mauro Placì | 15/03/2012

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C'est amusant, cette tempête dans un verre de Chianti à propos de "banditi", surtout quand on sait que "banditi" dit moins que "ladri" en italien et que "bandits" en français, qu'il est même parfois affectueux (c'est ainsi qu'une mère sermonne ses bambini quand ils ont fait une bêtise, par exemple). C'est amusant surtout quand on regrette dans l'écho initial que les organisateurs de l'expo se soient "focalisés" sur ce terme... Enfin, m'étant éloigné de votre blog pendant quelque temps, happé par de nombreuses activités, je suis heureux de voir que les bonnes habitudes de coupage de cheveux - n'y voyez d'allusion à nulle calvitie - ne se perdent pas... Mais revenons à cette exposition que j'ai eu le plaisir de voir hier. Elle est en effet absolument superbe, je ne sais que préférer de toutes ces merveilles (Toris? Bellucci? Ghizzardi? Podesta? Lattuca? Barbiero?... en citer un serait déprécier les autres et ce n'aurait pas de sens. Je sais en revanche ce que j'aime moins (les portes de Nardi, bof...) Mais le premier étage est souvent moins brillant, crois-je avoir noté. Tout de même, j'ai beaucoup aimé aussi Melina Riccio. Plus généralement, d'ailleurs, il y a un fond mystique chez nombre de ces Italiens (et en tout cas un positionnement par rapport au religieux), finalement assez logique. Une autre chose m'a énormément plu et m'intéresse vivement au premier étage, c'est l'entreprise de classement des pierres mené par Luigi Lineri. J'en profite pour signaler et pas seulement pour notre cher RR sinophile, la très belle exposition "Rochers de lettrés" du Musée Guimet. Il s'agit de pierres récoltées par les lettrés chinois des époques Tang, Ming et autres pour leurs formes ou leurs dessins évocateurs, qu'affectionnaient les lettrés pour les méditations qu'elles leur inspiraient. Entre Lineri et le lettré chinois cherchant un souffle de sagesse fixé au fond du minéral, il y a une résonance que je vous convie à aller vérifier par vous même jusqu'au 25 juin dans cette exposition.

Écrit par : Régis Gayraud | 09/04/2012

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Nous sommes en France, et le terme "banditi" ne peut y résonner pareil qu'en Italie. Tout le monde n'est pas aussi polyglotte (poly-grottes?) que Régis G. et l'aigre de mots.
Cependant, une fois ce terme mieux compris, une fois lu le texte du principal commissaire de l'exposition, Gustavo Giacosa, dans l'acception où les inspirés sont avant tout des "bandits" dans le regard de ceux qui voudraient les refouler, comme le fascisme italien voulut, paraît-il, refouler et enterrer le folklore italien, la culture populaire italienne enracinée pourtant au fond des âges païens, au bénéfice pour ce fascisme d'une réaffirmation de la culture classique gréco-latine (il paraît selon Giacosa que cette problématique fut évoquée par Antonio Gramsci dans ses "Carnets de Prison"), je n'ai pu qu'aller féliciter Giacosa de cette merveilleuse expo qu'il nous a fait l'honneur d'installer à Paris, puisque l'Italie semble-t-il est trop frileuse pour en monter de telles. Si on compare avec notre extrême-droite pétainiste -c'est une histoire instructive je trouve-, les fascistes Italiens ont procédé à partir des années 20, vis-à-vis des cultures populaires, à rebours de ce que tenta le pouvoir pétainiste en cherchant à récupérer les cultures de terroir, "la terre qui ne ment jamais", pour enraciner le nationalisme qu'il voulait promouvoir. Deux errements différents, opposés, chez deux pouvoirs analogues.

Écrit par : Le sciapode | 09/04/2012

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Sur l'exposition "Rochers de Lettrés", je suis bien d'accord avec vous, Régis. J'ai moi-même pris le catalogue que je n'ai pas encore eu le temps de parcourir à mon aise, ni n'ai non plus eu le temps d'aller voir l'expo au Musée Guimet. Je comptais faire une note sur cette expo qui s'annonce passionnante, à rapprocher peut-être d'une plus ancienne qui s'appelait "Résonances" au Musée Dapper.

Écrit par : Le sciapode | 09/04/2012

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Je n'y suis pas encore allé non plus mais cette exposition doit assurément mériter le détour. A la lecture du texte de présentation j'ai cependant été surpris de ne pas voir mentionnées les fameuses "pierres de Dali" (dites quelquefois"pierres de rêve") dont je suis particulièrement friand et qui font également partie du décor traditionnel des cabinets de lettrés. Sans doute y en a t'il en incrustation sur les meubles présentés dans l'exposition mais je trouve qu'elles mériteraient une exposition à elles toutes seules, ou au moins d'être mentionnées. Pour ceux qui l'ignoreraient peut être, je précise que ce sont ces tranches de marbre extraites à proximité de la ville de Dali (dans la province du Yunnan) dont les nervures naturelles forment des paysages imaginaires propres à la méditation. Certaines peuvent être très grandes et sont dans ce cas présentées sur des socles bas munis de pieds. D'autres plus petites, sont simplement encadrées, destinées à être accrochées, et sont souvent dans ce cas de forme ronde ou ovale.

http://www.guimet.fr/fr/expositions/expositions-a-venir/rochers-de-lettres-itineraires-de-lart-en-chine

Écrit par : RR | 09/04/2012

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Il était naturel que ces pierres de rêve vinssent du village de Dali, annonçant ainsi à l'avance l'apparition de la paranoïa-critique...

Écrit par : Le sciapode | 09/04/2012

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