28/08/2022
Guy Girard, le surréaliste de Saint-Ouen
Guy Girard expose bientôt à la galerie associative Amarrage avec un acolyte, Thierry Pertuisot (dont je ne sais pas grand-chose, sauf que son oeuvre ne relève pas, comme celle de Guy, du surréalisme).
Ce dernier a eu plusieurs périodes depuis le temps qu'il peint. Nous avons été quelques-uns à être frappés de ses "anagraphomorphoses", fût un temps, où des paraphes de personnages historiques figurant au Panthéon personnel de l'artiste se métamorphosaient sur la surface des toiles (il a toujours peint à l'huile sur toile, héritier de la peinture classique et de ses supports traditionnels) en images déduites des rubans d'écriture de ces signatures. Parfois, comme dans une très belle toile que je détiens de lui, le paraphe – en l'occurrence, celui de Freud – jouait à cache-cache avec des lettrines, imagées elles aussi, formant le nom de Merlin, le tout planant au-dessus de la ville de Paris, représentée selon son historique plan du XVIe siècle...
Guy Girard, Roi d'argot (la rencontre du nom de Freud et de celui de Merlin au-dessus du ciel de Paris), huile sur toile, 30 M, 1985 ; photo et collection Bruno Montpied. Non exposé à Saint-Ouen.
Guy Girard aime bien les mots rares, tarabiscotés, quasi ésotériques. De même son écriture (il est parfois aussi essayiste et théoricien) prend des tours parfois fort labyrinthiques. Il se cache derrière ou dedans, affublé d'une modestie indécrottable, tout en se faisant en interne une haute idée du rôle de l'artiste qui se confond bien sûr – selon une doxa surréaliste que je partage moi-même – avec l'image de poète. Un poète qui suit les préceptes du "Ne travaillez jamais!" surréalisto-situationniste... Sa (quasi maladive) modestie, son refus de la "ramener" – il se refuse à donner l'impression qu'il cherche à parader sur les mêmes tréteaux que les histrions, qui eux, cervelles d'oiseux, ne cherchent qu'à "communiquer" (quoi? nécessairement des contenus creux...) –, cela a amené notre Normand (il est originaire du Cotentin) à mener sa vie, et son art, au sein d'une ombre quasi complète. Il y a ainsi en ce temps, toutes sortes de créatifs qui répugnent à sacrifier à la maladie du paraître et du spectacle médiatique qui fascinent tant les faibles d'esprit contemporains. On retrouvera ces artistes secrets sur les trottoirs des Puces, et devenus à leur tour des énigmes. Car on ne peut compter sur les brocanteurs pour vous donner des biographies...
Guy Girard, Un café sur le boulevard, huile sur toile, 50 x 61 cm,, 2018 ; ph. B.M. Non exposé à Saint-Ouen.
Malgré ses différentes autres périodes (tribulations de Napoléon, une période que j'ai appelée en mon for intérieur sa période "spaghetti", une période "suédoise", une autre série de peintures stylisées en 2018 (voir-ci-dessus le dragon et la tasse remplie de personnages), ou encore ses portraits doubles de 1998 – cf. les tableaux reproduits dans le n°3 de la revue du groupe surréaliste auquel il appartient, Alcheringa, numéro qui vient de sortir, voir au bas de cette note), malgré une oeuvre désormais variée et conséquente, où l'imagination n'a jamais cessé d'être au pouvoir, qui a, en effet, jamais entendu parler de notre héros¹?
Guy Girard, Toyen et Victor Considérant (portrait double), huile sur toile, 1998., ph. Guy Girard. Non exposé à Saint-Ouen.
L'exposition (-vente!) qui débute le 1er septembre (jour du vernissage) pour se poursuivre jusqu'au 25 de ce même mois sera donc une occasion à ne pas rater si les amateurs de peinture souhaitent en découvrir davantage... Les tableaux qui seront présentés font partie des oeuvres oniriques inspirées à Guy par son voyage en Chine d'il ya quelques années. On pourra aussi se procurer durant l'exposition le n°3 de la revue Alcheringa, où, je le signale entre parenthèses, votre serviteur a donné un article pour défendre des inconnus de l'art, retrouvés aux Puces, et adeptes de tentations infernales.
Guy Girard et Thierry Pertuisot, "Passage du Sud-Est", exposition du 3 au 25 septembre 2022, Galerie Amarrage, 88 rue des Rosiers, Saint-Ouen, ouv. les samedis et dimanches de 14 à 19h et sur RV en semaine au 06 15 63 93 11 (c'est en lisière des Puces de Saint-Ouen).
Alcheringa n°3
La revue Alcheringa n°3 sera disponible (ainsi que quelques exemplaires restants du n°1 et du n°2), pour quelques exemplaires au nombre limité, à la galerie durant le temps de l'expo, et sinon, on pourra l'acquérir auprès des éditions Venus d'ailleurs, qui l'éditent, en cliquant sur ce lien, où l'on trouvera entre autres le sommaire très varié du numéro.
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¹ Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler le texte que je lui ai personnellment autrefois consacré: Bruno Montpied, « Guy Girard, peintre d’histoire d’un nouveau genre », catalogue de l’exposition Visions et créations dissidentes au Musée de la Création franche, Bègles, du 27 septembre au 30 novembre 2003.
15:00 Publié dans Art moderne ou contemporain acceptable, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : guy girad, galerie amarrage, surréalisme actuel, groupe surréaliste de paris, alcheringa n°3, anagraphomorphoses, portaits doubles, huiles | Imprimer
17/08/2022
L'Objet X (une découverte dans l'histoire de l'Art Brut)
L’OBJET X
(une découverte dans l’histoire de l’Art Brut)
Je suis en train de revisiter les débuts de la constitution de la collection d’Art Brut en partant des œuvres d’art naïf que Dubuffet, le fondateur de la notion d’art brut, commença par interroger comme pouvant faire partie de ce qu’il commençait d’envisager ‒ dans les années 1940 ‒ comme la découverte d’un corpus d’œuvres d’art oubliées, non reconnues, exprimant pourtant avec la force la plus intense la vérité humaine la plus crue en matière d’expression. Défilent devant mes yeux des tableaux surtout, jusqu’à ce que je m’arrête sur ce fameux objet indéterminé, si difficile à décrire, car composite et extrêmement indistinct, rétif à être appréhendé, on dirait…
J’écris ce « fameux » objet, car il est en effet connu dans l’histoire des origines de l’Art Brut, il fait partie de ces objets orphelins, impossibles à situer, que des collectionneurs épris de curiosité ont su abriter chez eux¹.
Il est monté sur une sorte de coque noirâtre (brune peut-être, mais comme il est plongé dans la pénombre, il apparaît sombre), un morceau de bois d’une forme approximativement proche du parallélogramme, qui est destiné à faire flotter l’assemblage entier, ou bien à se déplacer, car on a pu le flanquer de roulettes. Ces dernières ne sont plus visibles aujourd’hui… Sur ce bloc, se dressent deux ou trois autres parties de l’assemblage : une sorte de morceau de branche élancée en forme de long doigt dressé vers le ciel, des formes plus ramassées, comme des coquillages blanchâtres agrippés à un bouchot. L’ensemble n’est pas un objet naturel de hasard, comme ceux que l’on trouve le long des grèves. Il résulte d’une volonté humaine qui a présidé à l’assemblage de ses parties. Il émane un mystère de cet objet, renforcé par son statut d’objet mythifié dans l’histoire de la recherche autour des débuts de l’art brut.
Son propriétaire, un collectionneur ‒ qu’au réveil je me reprocherai de n’avoir pas interviewé afin d’en apprendre plus sur l’auteur de cet assemblage mythique des débuts de la collection d’Art Brut ‒ est présent, mais en retrait. Il possède encore l’objet qui n’a jamais été incorporé à la collection d’Art Brut de Dubuffet, en raison du rejet de ce dernier, considérant l’objet comme par trop insituable, par trop indéterminé. On sait que le peintre construisit sa collection par intégration et rejets successifs de divers artefacts qu’il regardait de manière évolutive au fur et à mesure que s’affirmait sa vision de ce qu’il poursuivait avec son « art brut » : un art du « jamais vu », hors champ de la culture artistique.
L’art naïf des débuts, l’art des enfants, les arts lointains, l’art populaire rural se virent ainsi successivement rejetés, à mesure que s’affermissait sa conception. L’objet X, ici retrouvé par moi, avait été ainsi repoussé dans les poubelles des prémisses de l’Art Brut, où ses thuriféraires avaient méthodiquement organisé son enterrement…
Je suis pour sa réévaluation, me dis-je, au fond de ce rêve. Ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à le décrire ‒ déjà, parce qu’on n’arrive pas à le voir correctement! ‒, à le situer, à en déterminer l’auteur, qu’on ne peut prendre en charge sa force brute, essentiellement tissée d’énigme…
[Hélas, je me réveille sans avoir pu en apprendre davantage…]
Vers 23h30, après m’être assoupi, fiévreux et enrhumé, le 13 février 2018…
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¹ Il va de soi que cet objet ne correspond à aucun objet historique précis. Le rêve fait seulement écho à la question des œuvres collectionnées au début par Jean Dubuffet comme pouvant être de l’art brut, mais qu’il finit par rejeter au fil du temps dans sa collection « annexe », rebaptisée ensuite par lui et Michel Thévoz (le premier conservateur suisse de la Collection à Lausanne à partir de 1976), « collection Neuve Invention ». Cette collection, longtemps restée marginale par rapport à l’Art Brut proprement dit, se révèle très souvent tout aussi passionnante que la collection qui s’est développée par la suite jusqu’à aujourd’hui.
08:58 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Rêves | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : objet x, histoire de l'art brut, récit de rêve, dubuffet, collection de l'art brut, objets orphelins, réévaluation, objets mythiques, collectionneurs | Imprimer
11/08/2022
La Clinique de La Chesnaie à Chailles sera-t-elle reprise par son personnel soignant?
Cette clinique, située au sud de Blois, le long de la Loire, est un lieu ouvert où l'on pratique la psychothérapie institutionnelle (une psychothérapie plus démocratique en somme, où l'on est plus à l'écoute du patient), et où, en gros, les soignants travaillent en collaboration avec leurs malades dans différents projets liés à la vie quotidienne. Personnellement, j'en avais entendu parler en lisant des livres qui parlent de la vie de l'ami de Guy Debord, Ivan Chtcheglov, qui y séjourna. J'avais même remarqué qu'il y était passé aux mêmes dates que la peintre et écrivaine Unica Zürn, cette dernière hélas s'étant suicidée peu de temps après son séjour là-bas (a priori, aucun rapport).
Salle du Boissier, où des concerts et autres spectacles sont montés, Clinique La Chesnaie, Chailles.
Le médecin-directeur revend la clinique. L'équipe des soignants, s'inquiétant d'une reprise par une société qui serait peu encline à poursuivre le même travail que le leur, a décidé de s'organiser en une société coopérative qui rachèterait la clinique. Une pétition tourne d'ores et déjà sur Change.org. Je l'ai personnellement signée: