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10/05/2020

De l'art involontaire à la poésie naturelle

     Voici un art qui n'a pas besoin de ministre de la culture auprès de qui aller pleurer pour défendre ses subventions. Car il est dans nos yeux, notre regard. Cela a à voir avec les ready made de Marcel Duchamp, l'artiste détesté de Mme Esterolle. Cet art, c'est par exemple un dispositif insolite dû à des dépôts de hasard sur un trottoir...

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Photo José Guirao, février 2020 ; une installation involontaire, comme un matelas amoureux d'une bouteille et qui fait tout pour la protéger...

 

... Un mannequin sanguinolent, trucidé par un surréaliste de passage...

Le mannequin sanglant, 2020 03 16, 10h52.jpg

Photo José Guirao, mars 2020.

 

      Ou encore une bouche d'incendie tentaculaire, prête à saisir quelque proie au passage, ou à partir en quête, à défaut...

Bouche d'incendie 2019 11 23.jpg

Photo José Guirao, novembre 2019.

 

      La poésie involontaire (pour emprunter ce terme à Eluard), ce peut être aussi ce que l'on a appelé la poésie naturelle, dont Camille Bryen et Alain Gheerbrant firent une anthologie en 1949. Ce peut être des dessins de lézardes dans les murs ou sur le bitume (je songe à mon petit film en Super 8 Sur les trottoirs de nos villes, de 1982), ou des contours signifiants dans des vitres trouées.

 

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Photogramme d'après Bruno Montpied, Sur les trottoirs de nos villes (6 min.), 1982.

 

     On se reportera avec fruit à la catégorie listée à droite de mon blog : Art involontaire. On y retrouvera plusieurs notes parues à ce sujet les années précédentes sur ce blog. Celle ici présente s'y ajoutera.

 

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La sorcière assise ; photo Bruno Montpied, Cannes, vers 1988 ou 1989.

 

      Une catégorie connexe, c'est la poésie du hasard naturel, et ce que l'on appelle les paréidolies, ces projections, ou ces reconnaissances, de notre mémoire durant la contemplation de formes significatives dans le spectacle du monde extérieur. J'en ai  déjà parlé, la dernière fois, c'était il y a un an. C'est un domaine assez vaste là aussi, qui débouche bien souvent sur des personnes fortement tentées d'interpréter, de jouer des formes trouvées dans la nature, pierres, bois flottés et tutti quanti (il y en a un certain nombre dans les arts populaires spontanés, qu'on se reporte entre autres à mon Gazouillis des éléphants)...

    Les arbres extraordinaires aussi sont un sous-ensemble des formes naturelles qui parlent à l'imagination.

Les deux troncs (2).jpg

Ancien tronc de tilleul à Lafauche (Vosges) ; ph. B.M., 2016.

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If millénaire, La Lande-Patry (Orne) ; ph. B.M., 2010 ; signalé par Remy Ricordeau.

 

       Mais revenons à notre art involontaire, expression parfois d'une autre nature, celle qui est inscrite dans l'homme, et qui pousse par exemple certains individus à triturer de la corde et obtenir de façon automatique, germinative, un dessin et une matière aussi singulières qu'inutiles...

Cordelette tressée  (sans doute machinalement par Bertand Massénat) (2).jpg

Cordelette triturée machinalement par M. Bernard Massénat, anc. coll. Alice Massénat.

 

      ... Ou à ces dessins d'animaux obtenus par le hasard de décollage de silhouettes publicitaires ou décoratives peut-être, en tout cas, sûrement involontaires.

Mur d'animaux en ombres, Nivolas-Vermelle (2).jpg

Traces de silhouettes animales Nivolas-Vermelle (2).jpg

Dessins laissés par de la colle, après décollage de silhouettes découpées en bois peint? ; aperçus en compagnie de Fatimazara Khoubba et Alain Dettinger, à Nivolas-Vermelle (Isère) ; ph. B.M., 2016.

 

     Enfin, évoquons en conclusion provisoire, ces petites compositions, du hasard toujours, fragments de couleurs encadrés dans un but non artistique, plutôt avec une finalité professionnelle...

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Anciennes couches de peinture, dégagées par des peintres en bâtiment probablement, peut-être pour des restaurations à venir : le "pas toucher!" prend un sens ambivalent assez drôle, plutôt sacralisant ; Galerie Vivienne, à Paris ; ph. B.M., 2018 (merci à Régis Gayraud avec qui je découvris ces petites œuvres du hasard).

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19/12/2008

Une forêt brute cachée derrière des poèmes?

    Les éditions Simili Sky de Véronique Loret éditent depuis quelque temps des plaquettes de poésie aux couvertures à chaque fois illustrées d'une photographie (quatre plaquettes parues, dues à Eric Ferrari, Pierre Peuchmaurd, Laurent Albarracin, et Alice Massénat). Les amateurs de poèmes contemporains y trouveront là de quoi satisfaire leur goût d'une poésie exigeante, tandis qu'en ce qui me concerne, j'avais l'oeil plus particulièrement attiré par une photographie insérée sur le recueil d'Alice Massénat, Ci-gît l'armoise.

Simili Sky, sa collection de recueils de poèmes.jpg

    

 

Simili Sky, couverture de Ci-gît l'armoise d'Alice Massénat, 2008.jpg

     Cette image a été prise, renseignements pris auprès de Véronique Loret, par Antoine Peuchmaurd, animateur et auteur de deux blogs, la Vie Palpitante d'Antoine P., ainsi que Le Bathyscaphe (voir ci-contre ma liste de "doux liens"), ce dernier renvoyant à une revue d'aspect fort soigné et de contenu idem. La photo de "l'armoise gisante" intriguera tous ceux que l'intervention dite "brute" sur des matériaux naturels titillant l'imagination interpelle. On a à l'évidence affaire ici à une sorte de land art brut ou je ne m'y connais pas. Antoine Peuchmaurd (qui vit et palpite à Montréal où il est aussi libraire) avait transmis deux photos aux animateurs de Simili Sky (merci à Véronique et Joël de me les avoir retransmises) qu'il a prises sur une côte de la Gaspésie (la région du Rocher Percé cher à André Breton, voir Arcane 17).

 Troncs sculptés en Gaspésie, photo Antoine Peuchmaurd.jpg
Troncs sculptés, Gaspésie, photo Antoine Peuchmaurd (2006)
     On y voit donc des troncs posés comme en lévitation sur des racines émergeant du sol sur un talus dominant la plage. Arbres morts? Et façonnés en tout cas par un créateur dont je ne sais rien pour le moment. Des têtes comme de cadavres, aux expressions douloureuses semble-t-il. L'aspect désert du lieu, sa désolation, ajoutent beaucoup à cette mienne impression. D'autres poteaux placés en arrière-plan, sur la deuxième photo (ci-dessous), sont-ils eux aussi sculptés? Mystère et boules de gomme... (Suite à une prochaine note).
Troncs sculptés, détail de certains d'entre eux, Gaspésie, photo Antoine Peuchmaurd.jpg
Photo Antoine Peuchmaurd, 2006

Pour toute commande, écrire à Simili Sky, c/o Véronique Loret, 9, rue Garibaldi, 93400 St-Ouen. E-mail: v.loret@orange.fr

11/01/2008

Les Cahiers de l'Umbo n°10 et 10bis

     On me pardonnera j'espère de ranger cette note sous la catégorie "surréalisme" alors que les auteurs publiés dans les Cahiers de l'Umbo ne se revendiquent pas clairement d'un mouvement organisé en tant que tel, mais il y a cependant d'incontestables filiations, des signatures, Guy Cabanel (le poème Les Surprises du Paradis), Alain Joubert (qui écrit: " Finalement, les poètes qualifiés de "surréalistes" se reconnaissent beaucoup plus à l'infinie capacité d'invention dont ils font preuve, à la puissance de leur imagination et, par-dessus tout, à l'esprit de révolte qui les anime. Pas à la forme qu'ils utilisent", dans Grains de Sel, Cahiers de l'Umbo n°10bis), Georges Goldfayn, Pierre Peuchmaurd, Antonio José Forte, Marie-Dominique Massoni, Dusan Matic, Stanislas Rodanski (sur qui François-René Simon revient aussi dans une plaquette éditée en supplément de ce numéro double, qui se lit de façon réversible comme une carte à jouer...)...

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    Les "Cahiers de l'Umbo"? C'est quoi? Une revue de poésie éditée à Annemasse par un dandy, peintre et collagiste de grand talent, Jean-Pierre Paraggio. Quelquefois, je batifole (je "bouffonne", aurait dit un ancien ami  de ma belle jeunesse, Amrindo Sisowath),je m'amuse à l'appeler les "Cahiers de Dumbo". C'est que ce n'est pas commun cet "umbo"-là... il paraît que cela aurait trait à une histoire de bouclier celte (dixit Littré), je n'ai pas envie d'approfondir la question.

    Ce n° double s'ouvre sur une photo de Nicole Espagnol avec des pigeons alignés en rang sous un (minaret?), une critique implicite? On y glane son miel en butinant, ces lignes de Jean Durançon par exemple sur David Goodis: "Comment devient-on clochard alcoolique? Telle est peut-être le sujet central, central et le plus obsédant, des romans de David Goodis. Comment devient-on cette vie qui s'écroule dans un monde qui s'écroule, accompagnement funèbre et, pour ainsi dire parfait d'un parcours, d'un processus de démolition qui est celui-là même qui nous mène d'un point de naissance à un point de disparition?" Cette vie qui s'écroule est-elle celle de ces pigeons alignés inertes à l'ombre d'un minaret? Plus loin, Esther Moïsa trace ces lignes: "Chacun replâtre son mort chacun plante ses pavois dans l'artichaut des mémoires". On vit de souvenirs...

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    Il y a des poètes moins connus comme Laurent Albarracin (remarquable texte: "Du Papillon ", introduit et éclairé par un autre texte de Joël Gayraud, "Ralentir Image", qui montre l'apport d'Albarracin à l'art poétique par l'affirmation de la tautologie comme "sommet caché, impossible, de la poésie" ) ou Alice Massénat et ses vacillantes ruptures syntaxiques, ses obscurités pathétiques:

 "La hargne s'élabore, les viscères sont là

  et quand de passe-partout l'autre devient peur

  de quels violons d'Ingres sinon la paume?

  Sans le lui des tripes

  le haro sous le goitre"

(Extrait d'un poème sans titre)

      Mais de tous les auteurs, ma préférence va sans conteste à un nom inconnu de moi, Olivier Hervy, dont les fragments et aphorismes réunis sous le titre de Notice  me séduisent, dans une veine cousine des  chères Gregerias de Ramon Gomez De La Serna:

"Qui sommes-nous pour user les eaux alors que les baleines elles-mêmes n'y sont pas parvenues?

Juste des moustiques écrasés sur le pare-chocs anti-buffles de son ridicule 4x4.

Chaque année supplémentaire donne du poids à ce vieux lustre qui prépare sa chute depuis le premier jour.

Le coquelicot ne tient pas en vase. On a sa dignité.

Est-ce un hasard si la salade grecque, avec ses cubes de feta brisés sur le rouge de la tomate, ressemble aux ruines du même pays?

Ils ont beau être ceux du futur, leur nom même d'extraterrestres a déjà un petit côté vieillot."

     On trouve aussi des images dans cette revue, du Ody Saban, incontournable celle-ci, elle se glisse absolument partout, mais aussi des oeuvres d'auteurs moins répandus, comme les collages de Philippe Lemaire, de Georges Lem, ou de Romuald Roudier.

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Pour se procurer la revue: Jean-Pierre Paraggio, 33, avenue Jules Ferry, 74100 Annemasse, e-mail: jeanpierreparaggio@yahoo.fr