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24/10/2021

Hamid Aït Dadda et Jaber Al Mahjoub, si ce dernier s'en va, le premier est toujours là

        Jaber était très connu des Parisiens qui croisaient autour de Beaubourg, du moins à une époque, quand il y faisait de la musique sur les trottoirs. Il était aussi connu du petit milieu des amateurs d'art singulier ou brut (difficile de le classer dans l'une ou l'autre catégorie). Il était amusant de noter aussi tous les endroits improbables (j'avais fait une note à ce sujet) où il avait réussi à se faire exposer, jouant probablement de sa faconde, séduisant par son épate. Il avait un côté camelot déjanté en effet, le Jaber.

     Après avoir vécu ces dernières années, d'après ce qu'il s'en disait, dans des conditions matérielles difficiles tout en étant âgé (il avait 83 ans, puisqu'il était né en 1938), il est parti ce 21 octobre, juste après que la Fabuloserie-Paris lui a consacré une petite exposition au vernissage de laquelle, paraît-il, il n'avait pu se rendre ; elle est prolongée au 1er étage de la galerie jusqu'à une date indéterminée pour le moment, en parallèle de celle qui débutait ce samedi 23 octobre, consacrée au créateur brut marocain Hamid Aït Dadda, prévue pour se terminer, elle, le 27 novembre. On trouvera sur Jaber nombre de renseignements, par exemple sur le site de la Collection Cérès Franco, installée à Montolieu (cette dernière l'ayant exposé dans les tout premiers, et ayant de ce fait acquis des œuvres de très bonne qualité, comme on pourra s'en convaincre aisément ici ; en effet, ce n'est pas faire injure à sa mémoire que d'avancer que les productions de Jaber avaient un peu perdu en inspiration dès les années 2000, je trouve, sauf exceptions). On trouvera également des pistes dans les deux livres qui lui avaient été récemment consacrés (disponibles à la librairie de la Halle Saint-Pierre).

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Jaber, sans titre, plâtre peint à la gouache et plexiglas, 46 x 43 cm, Collection Cérès Franco 162.

 

      Toujours vivant, lui, est présenté à la Fabuloserie-Paris donc – en collaboration avec la galerie Escale Nomad de Philippe Saada, qui le défend depuis plusieurs années (en compagnie d'autres artistes d'Essaouira au Maroc, comme Mohamed Babahoum, Asmah ou encore Ahmed Gnidila) –, Hamid Aït Dadda, âgé de 92 ans...

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Etrange portrait d'Hamid Aït Dadda, photo Escale Nomad/Fabuloserie.

 

      Voici quelques mots de présentation tels qu'ils se présentent sur le site de la Fabuloserie:

       "Agé de 92 ans. Né dans la région d’Essaouira, de la tribu des Haha, Hamid vient d’une famille assez aisée. Très affecté par la mort de sa mère, il souffre du remariage de son père et ne se sent pas de vivre avec sa nouvelle famille.

       Très jeune, il quitte donc le foyer pour aller à Essaouira, puis voyager dans les grandes villes du Maroc. Il vit de petits boulots : marchand, vendeur de rue…

         Grâce à ses voyages et à son retour à Essaouira, où vivent de nombreux étrangers, il apprend le français, l’espagnol, l’anglais et le portugais, ce qui lui permet de devenir guide touristique.

       Tous les visages, qui reviennent de façon obsessionnelle, sont les gens qu’il croise dans les rues et qui se moquent de lui. "

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Œuvres reproduites sur le site de la Fabuloserie

 

       Cette remarque sur les moqueries des passants à son égard, très touchantes je trouve, et ne grandissant pas ceux qui les profèrent, a tout l'air d'un leitmotiv:

    "Aït Dada est un homme intelligent, discret, qui s’est fait lui-même et qui a toujours été la risée des habitants d’Essaouira, ce dont il souffre. Il traîne sa douleur de vivre..."

     Les différents peintres d'Essaouira – j'en ai souvent causé ici – sont toujours aussi passionnants à prospecter. J'ai acquis personnellement, il y a quelques années, deux œuvres d'Aït Dadda. Je les mets en ligne ci-dessous.

 

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Hamid Aït Dadda, sans titre, 26x23 cm, peinture sur carton, ph. et coll. Bruno Montpied.

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Hamid Aït Dadda (à noter que dans sa signature, Hamid ne met pas toujours deux D à son patronyme, son orthographe en caractères romains n'étant pas nécessairement fixée), ss titre, 28 x 20 cm, sd (années 2010), ph. et coll. B.M.

 

LA FABULOSERIE-PARIS. 52 rue Jacob 75006 - 01 42 60 84 23. Du mercredi au samedi 14h - 19h. fabuloserie.paris@gmail.com

23/03/2019

Imam Sucahyo à Marseille

     J'ai déjà évoqué le nom d'Imam Sucahyo, il me semble. Mais sans en dire grand-chose, et surtout sans dire tout le bien que j'en pense. Il n'est pas Balinais comme je l'avais dit trop vite dans un premier temps, mais originaire de Tuban (près de Surabaya, cette ville dont le nom sonne dans une chanson de Brecht et Weil, accolé à celui d'un certain "Johnny") et vivant à Java.podcast
Tout cela toujours en Indonésie, état-archipel, comme on sait.

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Imam Suchyo ; photo Georges Breguet dans la galerie Cata Odata à Ubud (île de Bali).

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Imam Sucahyo, sans titre relevé, technique mixte sur papier, avec inscription au bas de la composition, 39 x 27 cm, 2015, ph. et coll. Bruno Montpied.

 

     Sa peinture est très foisonnante, très colorée, très embrouillée aussi parfois, mais toujours très rude et brute. D'après différentes sources trouvées sur la Toile, il semblerait que l'artiste soit au carrefour de la culture islamique de sa communauté d'origine et de croyances plus animistes, le conduisant à des rapports étroits avec les morts. C'est en Indonésie qu'existe un endroit, le pays du Toraja, dans le sud Sulawesi (île plus connue sous le nom d'îles Célèbes), où l'on installe les morts (plus exactement, les représentations des morts) au balcon de cavités creusées dans les falaises. J'en ai déjà parlé à propos de l'auteur de buissons de figures dessinées sur papiers enfilés sur des fibres de bambou, la créatrice brute, Ni Tanjung (à signaler une expo consacrée à cette dernière très prochainement, pour laquelle j'ai un peu aidé en faisant l'intercesseur, à la Fabuloserie-Paris, avec des œuvres prêtées par Georges Breguet ; ce sera la première expo de Ni Tanjung à Paris!).

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Statues représentant des morts au Toraja ; photo extraite du blog de voyages One chaï.

 

     La vie d'Imam Sucahyo aurait été plutôt accidentée jusqu'à présent. On parle d'usage de drogues à une époque de sa vie. L'art serait ainsi perçu par lui comme une planche de salut à laquelle il se raccroche pour se consoler et fuir  une société où ses semblables ne lui ont guère fait de cadeau jusqu'à présent.

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Ima Sucahyo, dessin exposé à la Biennale de l'Art partagé de Jean-Louis Faravel, à St-Trojan-les-Bains, en 2017.

 

     On rencontre de nombreuses inscriptions mêlées aux circonvolutions de ses figures, dans une ornementation dense. Ce serait des bribes de conversations entendues au vol autour de lui. Son graphisme et sa production variée (il est capable d'installations qui n'ont rien à envier comparées à celles d'artistes occidentaux, je pense par exemple à Roger Ballen, qui occupera en septembre 2019 la Halle Saint-Pierre,, sur les deux niveaux s'il vous plaît (on lui déroule le tapis rouge à celui-ci !)) pourraient  le faire rapprocher d'auteurs d'art brut, mais il paraît plus exact de le comparer, plutôt, avec des artistes marginaux, comme Noviadi Angkasapura, qui a été exposé naguére au Musée de la Création franche à Bègles.

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Installation d'Imam Sucahyo. DR

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Exposé chez Polysémie à Marseille.

 

    La galerie Polysémie, qui se tourne de plus en plus souvent vers des créateurs et artistes extra-occidentaux (Afrique, Iran, Indonésie), vient de commencer de consacrer une exposition à Imam Sucahyo. Cela se tient depuis le 9 mars, et est prévu pour durer jusqu'au 20 avril (dommage que cela n'ait pas été en même temps que l'expo "Dubuffet, un barbare en Europe", qui devrait commencer en mai au MUCEM, les amateurs auraient pu faire d'une pierre deux coups). Voici le dossier de presse.

01/02/2018

Gazouillis à l'Ecume des pages, à St-Germain-des-prés (où il n'y a plus d'après?)

     Plus que quelques jours – une semaine exactement – pour pouvoir profiter d'une vitrine historique que nous avons installée dans la librairie L'Ecume des pages, à côté du Flore et des Deux Magots, en plein St-Germain-des-Prés, avec quelques objets et photos tirés de ma collection.

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Photos Bruno Montpied, livre Le Gazouillis des éléphants de Bruno Montpied, collection de Bruno Montpied (n'en jetez plus...Charité bien ordonnée commence par...), vitrine de L'Ecume des pages, janvier-février 2018.

 

     Accessoirement, ce fut l'occasion d'exposer en plein centre de l'intelligentsia parisianiste (qui se décompose petit à petit, cela dit, grignoté par les boutiques de fringues...), un peu d'art frais venu de nos campagnes: de gauche à droite sur la dernière photo ci-dessus, un roi, sculpté dans un rondin, de Paul Waguet, une peinture sur bois de Joseph Donadello, une photo d'une saynète de Jean Grard,, une photo, un portrait d'Hubert Bastouil (en arrière-plan), un panneau sculpté et peint sur bois de Bernard Jugie, une grenouille en ciment d'Emile Taugourdeau, une photo de racine sculptée dans un arbre creux par Pierre Sourisseau et une sculpture de tireur de langue (pied de nez à l'intelligentsia?) de François Llopis.

    Sinon, pour les retardataires, il reste quelques exemplaires du Gazouillis à vendre dans cette (excellente) librairie. De même, à quelques encablures de la librairie, au 52 de la rue Jacob, on trouve le Gazouillis à la galerie de la Fabuloserie. Et toujours à la librairie de la Halle Saint-Pierre rue Ronsard, à Montmartre. Entre autres...

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Un exemplaire du Gazouillis plaisamment installé (de manière éphémère) dans un appartement parisien en train d'être déménagé... Photo Jacques Burtin, janvier 2018.