22/03/2014
Hymne russe, traduction homophonique
Tiens, pour le gars qui connaissait pas le mot palindrome, faisons lui découvrir aussi le mot "homophonie". En quoi ça consiste? Donner des équivalents d'un mot, d'une phrase, voire d'un ensemble de phrases ou de vers en d'autres mots, phrases, etc., qui sonnent phonétiquement de façon quasi identique. J'écris "quasi", parce que c'est plus drôle quand c'est approximatif. Donnons des exemples tirés de cet excellent petit bouquin de Thierry Leguay, Dans quel état j'erre? Trésors de l'homophonie paru chez Mots et Cie en 2001. D'abord ces vers de Jacques Antel, par ailleurs spécialiste pataphysicien du contrepet (encore un mot à découvrir décidément):
En se pressant, qu'eut l'hôtesse encore sage
En ce pré, sans culotte et sans corsage?
Ou bien cette fable-express de Willy, l'ami de Colette, aux résonances chinoises, ce qui n'est pas nous déplaire en ces temps où le Poignard subtil héberge beaucoup d'art brut taiwanais:
Prêtre chinois au teint de bronze
La conteuse dont il s'éprit
Entassait récit sur récit.
Moralité:
Les bons contes font le bonze ami.
Je crois avoir déjà parlé des jeux de l'homophonie lorsqu'il m'arriva d'évoquer les Œuvres Complètes de Lord Charles lorsque ce blog était en ses jeunes années.
Un honorable correspondant venu d'Auvergne vient de me faire parvenir un lien vers une vidéo youtubesque assez hilarante où des plaisantins ont cru bon de traduire homophoniquement, plus que subjectivement, les paroles de l'hymne russe. Sur la vidéo les paroles sont sous-titrées, écoutez bien cela correspond assez bien et donne un résultat parfaitement bouffon. On espère que Poutine ne va pas s'en étouffer dans son bortsch.
A noter qu'à un moment, j'ai cru reconnaître parmi les figurants, servant à illustrer en contrepoint la "traduction", le surréaliste tchèque Jan Svankmajer... Ai-je ajouté ainsi, en prime, du délire d'interprétation (qu'induit l'homophonie)? Cela se pourrait.
12:01 Publié dans Curiosités, modifications et divertissements langa | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : hymne russe, poutine, bortsch, traduction homophonique, homophonies, traduction subjective, contrepet, jacques antel, thierry leguay, mots et cie, fables-express, willy, svankmajer | Imprimer
05/07/2008
La traduction optique, selon Alain Joubert et Nicole Espagnol
"Traduit optiquement du tchèque", d'après un recueil de poèmes et de dessins du surréaliste Roman Erben, intitulé Neilustrace et publié par lui en 1964, voici que l'éditeur Ab Irato (21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris, http://abirato.internetdown.org/) sort un essai de traduction analogique d'après le tchéque, langue inconnue des deux auteurs, Alain Joubert (qui écrit les poèmes) et Nicole Espagnol (pour les images), recueil intitulé L'Effet miroir.
En 1984 j'avais moi-même, sans connaître du tout ces expériences des deux surréalistes, essayé de la "traduction subjective" (avec ma compagne aussi, Christine Bruces, nous avions traduit par analogies de sons des textes roumains, langue totalement inconnue de nous ; deux textes en français différents furent ainsi produits à partir d'un seul et même texte en roumain, que j'éditais dans le n°3 de La Chambre Rouge ; cela a été réédité récement en 2004 dans le n°4 des Cahiers de l'umbo). J'associe traduction "optique", terme inventé par Joubert et Espagnol, à traduction "subjective" d'après ce que je comprends à la lecture du bulletin de souscription récemment reçu. Il est fort possible que les deux ne coïncident pas tout à fait cependant... Dans les deux cas, l'idée des poèmes (et des images) paraît cependant découler d'un besoin de comprendre une langue dont on ne connaît pas un traître mot. C'est par des à-peu-prés que Christine et moi (d'autres amis, les frères Gayraud, y avaient également participé) avions remplacé les mots roumains. Nous rajoutions, pour lier l'ensemble bien entendu, des mots que nous ne voyions pas mais que nous estimions devoir être dans le texte que nous croyions reconnaître, cachés qu'ils étaient par notre ignorance de la langue.
Alain Joubert, dans le même bulletin de souscription, explique à Roman Erben comment lui et sa compagne Nicole ont procédé (ils l'ont fait dix ans avant nos propres essais, à savoir entre 1974 et 1977, sans avoir eu l'occasion semble-t-il, à ce que l'on croit comprendre, de pouvoir publier le résultat de leur jeu). Il avoue que la chose est difficile à expliquer précisément: "Te dire exactement comment nous pratiquâmes est impossible ; sans doute chacun de nous devait-il proposer un mot, un membre de phrase, une image, que l'autre s'appropriait pour en modifier le sens, et réciproquement, jusqu'à ce que l'accord se fasse et que le poème optique de langue française prenne finalement forme à notre convenance. Nicole et moi éprouvâmes un grand plaisir à cet exercice, lequel nous permit de pouvoir enfin lire ce qui, dès lors, s'exprimait dans ta plaquette, à ton insu bien entendu!" Suit un exemple de poème publié dans le recueil L'Effet Miroir, le titre en tchéque étant Psenice, traduit par les surréalistes français par Pénis (il fallait s'y attendre). Il semble aussi qu'il y ait eu dans cette confection de poème traduit "optiquement" un aller-retour continuel entre images et mots, à la différence de nos essais de traduction subjective.
Pour en apprendre davantage, il faut bien sûr commander le recueil auprès des éditons Ab Irato, l'édition courante étant à 8€ (il existe aussi des tirages de tête sur Verger -90€- et sur Munken -20€-). Se reporter à l'adresse indiquée en haut de cette note.
16:51 Publié dans Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : alain joubert, nicole espagnol, roman erben, surréalisme, traduction optique, traduction subjective | Imprimer