02/06/2024
Un parallèle Jauvion/Logez...
"Jauvion", c'est François Jauvion, illustrateur et artiste qui se fait remarquer depuis quelques temps pour ses "Imagiers singuliers" contenant une galerie de portraits d'artistes singuliers ou d'auteurs d'art brut et qu'il fait éditer en livres format album (le n°2 est paru récemment).
Couverture du premier Imagier Singulier de François Jauvion.
Le personnage portraituré est ainsi placé en miniature (quelque peu dénudé) au centre de ses compositions pleines des accessoires et/ou fragments représentatifs de ses œuvres, mobilières ou immobilières, fourmillant autour de lui.
Or, voilà-t-y pas que, consultant récemment un catalogue du LaM sur l'expo (de 2019-2020), "Lesage, Simon, Crépin, peintres, spirites et guérisseurs", je suis tombé sur un autre artiste-graphiste, Frédéric Logez (né en 1963), présenté dans le catalogue pour ses portraits d'artistes médiumniques (il y a trois reproductions de ses œuvres, où l'on aperçoit la figure de la personne traitée, entourée d'un récit en cases, manière bande dessinée, retraçant probablement un épisode marquant de sa vie, plus quelques accessoires liés à elle). "Diplômé de l'ESSAT à Roubaix et de l'Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, Frédéric Logez (...), en 2014, commence le projet Portraits debout consacré à des personnes peu connues ayant toutes eu des destins singuliers." C'est ainsi qu'il a fait les "portraits d'Augustin Lesage, de Fleury Joseph Crépin, de Victor Simon et celui de sa grand-mère Andrée Valdiguier (...), adepte du spiritisme" entre autres. Il paraissait à l'époque s'être quelque peu spécialisé sur certains artistes spirites du Nord de la France.
Frédéric Logez, Portrait debout n°19 : Yvonne Cazier, juin 2019, 200x100cm, technique mixte (230 heures), coll. particulière, catalogue de l'exposition du LaM,"Lesage, Simon, Crépin, etc."
Il n'est pas question pour moi de dénoncer un quelconque imaginaire démarquage qu'aurait opéré François Jauvion d'après le concept de Frédéric Logez (Jauvion, avant d'éditer son premier Imagier singulier en 2020 – ce qui lui a pris très probablement un sacré délai, tant il est difficile et long de réaliser ce genre de projet de longue haleine –, produisait ses planches de portraits depuis un bout de temps). Je me borne à signaler le parallélisme des deux démarches. Démarches qui ont un certain rapport avec la bande dessinée et l'illustration.
Je me souviens ainsi d'un grand album, qui s'intitulait "Gens d'En France", je crois, dû à Jean Teulé, qui était une sorte de roman graphique avant la lettre (?) où apparaissait la figure de Jean-Claude Ladrat avec sa soucoupe volante/flottante créée à Germignac, en Charente. L'illustrateur Lolmède également a campé dans au moins un de ses propres journaux graphiques (Carnet Brut, vers 2006?) des figures de "singuliers" ou de "bruts", comme Chaissac, Jaber, Antonio Lavall, voire le musée de l'Aracine quand ce dernier était à Neuilly sur Marne...
Les pages consacrées à l'Aracine au Château-Guérin de Neuilly-sur-Marne dans les années 1990, dans Carnet Brut de Lolmède.
09:55 Publié dans Art Brut, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : imagier singulier, françois jauvion, portraits d'auteurs singuliers, frédéric logez, lam, art médiumnique, jean teulé, roman graphique, lolmède, l'aracineè | Imprimer
14/06/2020
François Jauvion et son panthéon singulier
L'imagier singulier de François Jauvion, graphiste, "maquettiste pour l'industrie à l'origine", dixit Françoise Monnin qui signe l'introduction du livre – après une préface de Michel Thévoz –, est une sorte de Panthéon des admirations de l'auteur pour des auteurs d'art brut, des artistes d'art singulier ou moderne, ainsi que de quelques auteurs de bande dessinée (Gotlib), édité par Le Livre d'Art (également propriétaire du magazine Artension) et la galerie Hervé Courtaigne. Pas d'art naïf dans ce choix (on ne trouvera pas le Douanier Rousseau, pas plus que Bauchant, Vivin, Peyronnet, Séraphine, ou encore Bombois), si ce n'est Germain Van der Steen (mais ce dernier est parfois plutôt rangé du côté de l'art brut).
Sur la couverture du livre, l'auteur s'est auto-portraituré, entouré de ses outils de graphiste, plus quelques éléments de son atelier suppose-t-on...
Son titre, où je remarque surtout le mot d'"imagier", fait référence, de manière lointaine, aux imagiers pour enfants (qui servent à l'apprentissage du vocabulaire). Au centre de chaque planche, du reste, distribués autour de la figure centrale du créateur, présenté nu (sans être ressemblant particulièrement au véritable auteur traité : les voyeurs en seront pour leurs frais, on ne voit pas les anatomies d'Aloïse Corbaz, de l'abbé Fouré ou de la charmante Caroline Dayot, entre autres...), sont étalés les accessoires caractéristiques des vedettes de ce panthéon.
Les planches originales du livre de François Jauvion seront exposées à la Galerie Courtaigne, rue de Seine dans le VIe ardt à partir du mardi 16 juin jusqu'au 19 juin ; une signature de l'artiste y sera possible durant cette période ; le 20 juin, le samedi, à partir de 14h, l'artiste sera ensuite à la Halle Saint-Pierre, qui inaugurera ainsi son premier événement post-confinement.
Pour André Pailloux, dont j'ai signé dans ce livre la présentation, par un court texte placé en vis-à-vis de la planche à lui consacrée, rare auteur d'environnement populaire spontané présent dans cette sélection (on compte aussi l'abbé Fouré, le Facteur Cheval, Stan Ion Patras et ses stèles sculptées du cimetière roumain de Sapinta dans le Maramures, Petit Pierre – à ne pas confondre avec Pierre Petit, également présent dans ce livre), est ainsi entouré par les moulinets colorés, hypnotiques, dont il a hérissé son bout de jardin en Vendée et dont mes livres, Eloge des Jardins Anarchiques et le Gazouillis des Eléphants, ont déjà parlé ; il apparaît également dans une séquence de Bricoleurs de paradis, le documentaire que j'avais co-écrit avec Remi Ricordeau).
Le livre de Jauvion se situe dans un art hésitant entre la bande dessinée et le roman graphique, rempli de déférence à l'égard de l'art brut (en revanche, les personnalités choisies pour illustrer l'art singulier me paraissent choisies avec moins d'acuité ; il paraît y avoir prime à ceux qui font avant tout acte de présence sur les tréteaux, mais leurs oeuvres sont-elles si intrinsèquement valables que semble le croire François Jauvion?).
08:19 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art rustique moderne, Art singulier, Environnements populaires spontanés, Environnements singuliers, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : françois jauvion, l'imagier singulier, galerie hervé courtaigne, artension, halle saint-pierre, imagiers, bande dessinée, art brut, art singulier, andré pailloux, bruno montpied, roman graphique | Imprimer
24/05/2020
Des nouvelles du front brut: les expos, les musées de nos chères passions, les livres...
Déconfinement oblige, certains musées ou collections d'art brut, ou naïf ou populaire, ou hors-les-normes, ou singulier, ou "of everything", vont-ils enfin redevenir accessibles? Pour tous les drogués de ces formes d'expression, le manque est immense. On ne peut pas se résoudre, en effet, à ces messages faussement guillerets de certaines adresses qui promettent ces derniers temps de faire débouler leurs collections sur nos canapés...
Lorsque nos bibliothèques sont déjà bien fournies, les restitutions des œuvres sur écran – si on ne devait aborder ces dernières que sous l'angle de leur reproduction – me paraissent assez peu capables de rivaliser avec celles d'un beau livre, plus sensiblement appréciables. Et par ailleurs, ce qui reste irremplaçable – n'en déplaise à tous ces mortifères qui voudraient nous coller et nous séparer à jamais les uns des autres par écrans interposés – c'est la confrontation physique avec l'œuvre.
La route avant Lanaja (Espagne), photo Bruno Montpied, 2015.
De plus, dans le domaine de l'art brut, de l'art sans artistes, épars dans le décor de nos vies quotidiennes, mêlés à l'air ambiant, il est encore plus urgent de pouvoir repartir sur les routes (d'autant que, là, on est dans l'espace de la vie quotidienne, et que, donc, rien ne devrait nous y être fermé, hors espace privé individuel bien sûr).
Et les Puces, et nos chers brocanteurs fournisseurs de perles rares, d'énigmes insolites et ingénues? Quand tout cela va-t-il rouvrir? Ce "monde d'après" doit-il donc être celui d'une société totalitaire ressemblant à l'univers infernal de 1984?
J'ai appris pourtant que celles de Vanves avaient repris depuis le 16 mai dernier, sur un seul côté de trottoir, changeant en fonction des semaines – les brocs exposant tantôt côté rue, tantôt côté grille... A St-Ouen, aussi, les Puces ont repris, le week-end du 23-24 mai, il y avait foule. Avec la bouteille de gel hydro-alcoolique en poche pour s'essuyer les pognes sans arrêt, car les contacts avec les objets sont fréquents, et les brocs ne sont pas de la première jeunesse le plus souvent, pas aussi âgés que les objets qu'ils vendent, mais presque !
Couverture du catalogue de l'expo "Les Barbus Müller" (contenant une deuxième réédition en fac similé du fascicule n°1 de l'Art Brut, consacré aux Barbus Müller, édité à l'origine par Dubuffet et Gallimard en 1947).
Côté musées, le musée Barbier-Mueller à Genève, avec son expo sur les Barbus Müller et le catalogue auquel j'ai collaboré avec le dévoilement du nom de l'auteur des fameux Barbus, est de nouveau accessible (elle avait fermé quelques jours après que je suis venu présenter ma découverte sur place, la faute à Covid...). L'expo doit se tenir de maintenant à la fin de l'été. Le catalogue sera disponible en France à partir de fin septembre seulement, sa date de sortie ayant été repoussée par le distributeur In Fine (voir la couv' ci-dessus).
Je ne parle ici que des lieux qui ont eu la bonté de me faire de l'info. il n'est pas interdit de donner d'autres infos en commentaire à la suite de cette note, si les lecteurs en savent davantage.
Le Musée de la Création Franche rouvre quant à lui le 26 juin avec une rétrospective consacrée à Alain Lacoste, qui fut le premier artiste à être présentée à ce qui préfigura le Site de la Création Franche (devenu ensuite le Musée de la...), à savoir dans la galerie Imago de Gérard Sendrey (le patriarche fondateur des lieux) en 1988. C'est prévu pour durer du 26 juin au 6 septembre. Il faut profiter de ce musée car il a prévu de fermer au début de l'année prochaine, je crois, pour des travaux qui doivent durer deux ans au moins, afin de pouvoir disposer ensuite de plus grands locaux.
La Collection de l'Art Brut à Lausanne est également rouverte. Pour leurs expos, suivre le lien du mot Lausanne.
La Halle Saint-Pierre n'a rouverte que du côté de sa librairie pour l'instant (j'y suis passé le 13 mai, donc mon info date un peu). Ni l'expo Ballen, ni la caféteria n'étaient accessibles. Il est recommandé d'y suivre, bien sûr, les fameux gestes-barrières. Mise à jour (du 2 juin): le 8 juin, l'expo Ballen rouvre.. Pour ceux que cela attire...
La galerie Christian Berst a rouvert...
Objet de Jean Bordes, dit Jean de Ritoù, dit aussi "le Pec de Matiloun" (1916-1985) ; expo à la Fabuloserie dans l'Yonne.
Fait capital, la Fabuloserie à Dicy a rouvert ses portes elle aussi (depuis le 21 mai) pour sa saison estivale, adaptée aux précautions anti-Covid bien entendu elle aussi (ne pas oublier son masque). Puisque l'Yonne est paraît-il le département où les Parisiens se sont le plus confinés, ce sera l'occasion pour eux d'aller jeter un coup d'œil à la collection fabulosante... Dans le parcours permanent, une expo Jano Pesset-Loli-Jean Bordes les attend, avec un livre sur Bordes, écrit par Pesset, dans une édition augmentée de celle qui avait paru à l'égide de la Halle Saint-Pierre et de l'Œuf Sauvage la revue de Claude Roffat (texte qui avait paru aussi dans le n°11 de la revue, je pense), à l'occasion d'une expo à l'ancienne mairie de Galey en Couserans (mai 2018). Il ne faut pas oublier de mentionner le parcours à l'extérieur du bâtiment labyrinthique conçu vers 1982 par son fondateur Alain Bourbonnais, où sont rassemblées les principales oeuvres de la Fabuloserie (du moins, celles qu'on ne peut décemment exposer à l'air libre...). Ce parcours a lieu autour de l'étang, avec un musée en plein air d'environnements variés quasi unique en France – dont l'extraordinaire manège de Petit Pierre toujours animé à heures fixes (pour revoir son lieu d'origine voir le film d'Emmanuel Clot édité sur Youtube) –, avec les distances qui s'imposent. A l'air libre, de toute façon, il y a encore moins de risques.
Une belle collection de sculptures en argile vernissé d'Alain Genty, à un moment exposé ; ph. B.M. 2015 ; un exemple parmi d'autres du foisonnement d'œuvres dans cette collection d'art-hors-les-normes...
Jano Pesset, j'ai en ai déjà parlé à l'occasion d'une expo à la Fabuloserie dans sa galerie parisienne. Je ne savais pas qu'en dehors de ses oeuvres en relief, il avait à une époque plus ancienne aussi pratiqué le dessin. J'ai récemment eu l'occasion d'acquérir une des oeuvres de cette partie de sa production. Il est dommage que personne n'ait eu l'idée, à commencer par la Fabuloserie qui le défend depuis si longtemps, de nous proposer un panorama plus complet de cette activité graphique. Combien de temps dura-t-elle? Combien d'oeuvres ainsi créées en deux dimensions furent produites? Je ne connais pas de textes sur Jano Pesset qui donneraient des explications là-dessus.
Jano Pesset, sans titre, dessin aux crayons de couleur, 29,7 x 21 cm, sans date ; photo et coll. Bruno Montpied.
Le Palais Idéal du Facteur Cheval a également rouvert dans la Drôme à Hauterives.
Le Musée des Arts Buissonniers dans l'Aveyron, quant à lui, annonce sa réouverture pour le 6 juin, avec une présentation de "l'Imagier singulier" de François Jauvion, prévu pour paraître le 11 juillet (date qui sera aussi la date d'ouverture de l'expo). Des planches originales du livre devraient être exposées au musée de St-Sever. François Jauvion se passionne pour les créateurs de l'art brut et de l'art singulier depuis quelques années et il a donc eu l'idée de leur consacrer un premier volume d'une sorte de panthéon personnel. Il a demandé à divers contributeurs de donner un texte pour accompagner chacun des 80 portraits. A titre personnel, je lui ai confié un texte sur André Pailloux.
Signalons également qu'à partir du mois d'août le musée des arts buissonniers accueillera en résidence l'artiste singulier, amateur de maquettes architecturales visionnaires, Sylvain Corentin.
A Lyon, la Galerie d'Alain Dettinger rouvre ses portes elle aussi, et elle prolonge l'expo consacrée au Néerlandais Huub Niessen, sur le thème des "Dialogues", jusqu'au 20 juin.
Huub Niessen.
Comme on le sait peut-être, les librairies rouvrent également, et avec elles, leurs rayons Beaux-Arts où l'on peut trouver des catalogues d'expos qui n'ont pas rouvertes pour leur part, voire même ont fermé (comme par exemple la merveilleuse expo du musée d'Orsay consacrée à Léopold Chauveau et ses sculptures et dessins de monstres drolatiques si originaux – j'espère avoir l'énergie d'y revenir sur ce blog ; le catalogue lié à l'expo remplace avantageusement la visite que vous auriez ratée de l'expo ; j'ai pu comparer en m'y précipitant, juste avant le confinement de merde).
Côté librairie, j'ai ainsi pu me procurer, dès les premiers jours de ce déconfinement, le catalogue de l'expo du Centre Pompidou-Metz, "Folklore", étudiant les rapports entre arts populaires et artistes modernes (entre folkloristes et artistes), expo qui a fermé avant de pouvoir être montrée, en espérant qu'elle rouvrira bientôt (elle devait être organisée à Metz jusqu'au 21 septembre) et, du moins, au cas où elle resterait derrière des portes closes – le Centre Pompidou de Metz doit être bien vaste je suppose... –, qu'on pourra la voir à Marseille au MUCEM où elle doit se rendre après Metz (dates prévues: du 20 octobre 2020 au 22 février 2021).
21:35 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne méconnu, Art naïf, Art populaire insolite, Art singulier, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Littérature jeunesse | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : confinement, déconfinement, puces de vanves, puces de st-ouen, barbus müller, musée barbier-mueller, musée des arts buissonniers, françois jauvion, andré pailloux, librairie de la halle st-pierre à paris, fabuloserie dicy, jean bordes, jano pesset, alain genty, art hors-les-normes, galerie dettinger, huub niessen, léopold chauveau, exposition folklore, centre pompidou metz, mucem, musée de la création franche, alain lacoste | Imprimer