Rechercher : l'autre de l'art
De l'art déchiré à Rouen
Voici qu'une nouvelle édition du festival Art et Déchirure s'annonce du 19 au 30 mai à Rouen. Je n'y suis jusqu'à présent jamais allé, question de décalages, de disponibilités. Car question sources de découvertes, je crois qu'on peut avoir là-bas des surprises, la quête des organisateurs (Joël Delaunay entre autres) étant d'aller plutôt du côté de l'inconnu pour y chercher du nouveau, en évitant la redite. C'est un festival consacré à diverses formes d'expression, il y a des expositions d'arts plastiques - ce qui m'intéresse avant tout - mais aussi de la danse, du théâtre (cette année, entre autres spectacles, j'ai noté qu'une actrice jouait l'histoire de Petit-Pierre sur scène), etc. Il faut aller butiner sur le blog du festival et de l'association, où chacun trouvera son miel dans le programme qui s'y trouve détaillé.
J'ai fait mon propre "marché" en consultant ce programme, et j'ai retenu, du côté des classiques de l'art singulier, ou en passe de le devenir, l'expo Marie-Rose Lortet (à Petit Quevilly), celle de Joël Lorand (pas forcément une nouveauté, là, mais on a plaisir à suivre son cheminement d'année en année), celle d'Alain Lacoste (qui a au même moment une rétrospective à Laval à l'Espace SCOMAM, du 10 avril au 4 juillet), ou du côté de l'art brut André Robillard dont on paraît exposer les fusils et autres créations faites en marge du spectacle Tuer la Misère .
Et puis du côté des créateurs moins connus, et nouveaux au bataillon, j'ai été intrigué par un portrait de femme imaginaire dû à Martine Mangard, un dessin de Catherine Ursin aussi (merci à elle pour nous avoir transmis l'info du festival), et plus encore par une oeuvre de Caroline Dahyot que présente sur le blog du festival le chercheur et collectionneur Alain Bouillet. Ce dernier, dont j'aurai bientôt l'occasion de citer une autre intervention prochaine, présente également, dans le cadre de ce festival, de l'art brut polonais, duquel il avait déjà eu l'occasion de parler dans le n° 31 de Création Franche (sept 2009).
11/05/2010 | Lien permanent | Commentaires (2)
De l'art brut en Mayenne?
Gustave Cahoreau, Patrick Chapelière, Céneré Hubert, Alain Lacoste, Joël Lorand, Robert Tatin sont les créateurs invités, certain post mortem (Tatin), par la médiathèque de Villaines-la-Juhel en Mayenne... Et, non, ils ne sont pas si vilains en passant par la Juhel... On y a eu l'excellente idée, loin des cénacles et des clubs de professionnels de la diffusion des fausses valeurs contemporaines de nous y proposer des créateurs vraiment inspirés et peu en vue durant toute la durée du mois de septembre.
16/08/2009 | Lien permanent
Devenir de l'art brut
L'art brut prend des aspects de plus en plus variés, éclectiques, hétéroclites, il recouvre des oeuvres et des personnalités qui peuvent être aussi cultivées que non cultivées. C'est l'évolution actuelle, depuis une dizaine d'années environ. Ce qui pose problème, je trouve, le terme et la notion dans cet élargissement du champ perdant de plus en plus de leur netteté (la netteté de la définition n'étant déjà pas évidente au départ, combinant à la fois des oeuvres médiumniques, des créations de bord des routes, de l'art produit par des aliénés, des oeuvres produites par des marginaux, retraités, exclus, dépressifs, êtres en manque affectif, etc.).
C'est une constatation que je me suis faite ces jours-ci, d'abord suite au colloque "L'art brut, une avant-garde en moins?" organisé par le LaM à l'auditorium de l'INHA à la galerie Colbert à Paris les 7 et 8 décembre derniers, puis en découvrant successivement l'expo consacrée à Fernand Desmoulin par la galerie Christian Berst, rue de Charenton dans le XIIe ardt, ainsi qu'à la lecture du journal de l'exposition "Anatomia metamorphosis" (Galerie ABCD, Montreuil), notamment la notice biographique et les reproductions centrées sur le cas de l'artiste Lubos Plny (là, on peut vraiment parler "d'artiste"). Sans compter l'annonce d'une expo prochaine à la Collection de l'Art Brut à Lausanne (de mars à août 2010) qui se tourne (avec clairvoyance) du côté de deux créateurs d'art brut africains (j'y reviendrai).
En effet, l'art brut à mes yeux, dans les premiers temps où je me suis intéressé à lui (grosso modo à partir de 1980, date à laquelle je suis tombé sur les fascicules de l'art brut dans les locaux de la librairie Artcurial prés des Champs-Elysées), relevait d'une filiation avec les arts populaires qui sautait aux yeux, que ces derniers soient rustiques ou urbains, filiation qui s'établissait en dépit de la rupture évidente au point de vue esthétique entre les oeuvres populaires du passé et celles que Dubuffet et Thévoz défendaient sous le nom d'art brut (rupture esthétique qui était le reflet aussi d'une rupture sociale, les auteurs d'art brut étant des internés, des femmes frustrées, des marginaux de la société, des retraités, des clochards...). J'ai ainsi pu écrire en 1992: "l'art brut (qui est une forme hyper-individualisée et réprimée de la créativité populaire qui survit à l'anéantissement des liens communautaires)" (Bruno Montpied, Formes pures de l'émerveillement, dans Masgot, l'oeuvre énigmatique de François Michaud, éd. Lucien Souny, 1993). Définition qui tapa dans l'oeil de Madeleine Lommel qui me fit l'honneur de la reprendre en citation dans ses ouvrages (avec des coquilles dans la référence, cf la deuxième mouture de son livre où mes phrases sont attribuées à un "Art populaire en France" paru chez Arthaud, il y a là visiblement une confusion avec le livre de Jean Cuisenier du même titre, mais quel honneur qu'on puisse me confondre avec cet ancien conservateur des ATP!).
Bien sûr au départ dans le corpus des créations rassemblées sous le terme art brut, il y avait déjà, héritées en particulier des recherches précédentes des surréalistes (André Breton), des créateurs cultivés mêlés à des hommes et des femmes du peuple (notamment chez les médiumniques, que l'on pense au Comte de Tromelin, à Victorien Sardou, à Fernand Desmoulin, peintre post-impressionniste et symboliste, ami de naturalistes comme Emile Zola, peintre aux goûts visionnaires qui eut une brève période de dessin automatique médiumnique entre 1900 et 1902 - voir l'expo actuelle chez Christian Berst, où sont montrés quelques exemples (il y avait déjà eu une expo sur les dessins retrouvés de Desmoulin à la Galerie de Messine à Paris en 2002, organisée par cette dernière conjointement avec l'association ABCD) ; cependant on trouve d'autres créateurs cultivés dans d'autres secteurs de l'art brut comme par exemple Gabritschevsky, Aloïse elle-même, ou Juva, alias le prince Juritzky, ou encore Magali Herrera, fille d'aristocrate et de propriétaire foncier en Uruguay). D'autant que la notion d'art brut cherchait à prouver qu'existait une créativité artistique en dehors du champ artistique reconnu comme tel, en dehors du monde professionnel de l'art. Il fallait, de ce point de vue, ne pas se limiter à des créateurs issus du peuple. Cependant, ces derniers constituaient une bonne proportion dans l'ensemble des créateurs retenus (la majorité probablement). Parmi les internés des asiles psychiatriques, on rencontre ainsi nombre de créateurs issus des classes sociales défavorisées (ce qui paraît logique, le monde du travail est rarement lieu d'épanouissement et d'harmonie, plutôt un champ de bataille).
Avec l'internationalisation des découvertes de créations associées à l'art brut de Dubuffet, ou à l'art outsider des Anglo-saxons (concept encore plus ouvert que celui d'art brut), ce dernier ayant beaucoup d'influence sur le vacillement amplifié des limites du concept d'art brut, avec le développement de la connaissance de l'art brut américain, anglais, chinois, japonais, slave, sud-américain, bientôt africain, etc., le nombre de créateurs qui pourraient être aussi bien rangés sous la bannière d'un art visionnaire, d'un surréalisme instinctif, ou d'une inspiration cultivée hétéroclite, est en voie d'expansion considérable.
Le cas de Lubos Plny, artiste découvert par l'association ABCD paraît exemplaire de ces nouveaux cas-frontières. Dessinateur, collagiste, peintre, auteur de performances, intervenant sur son corps par des piercings ou de la couture, qui pourraient relever de ce que l'on nomme ailleurs le body-art, modèle en académie, il paraît être un homme de grande culture artistique. Ceux qui le rangent dans l'art brut semblent le faire en regard de son état - passager? - de schizophrène, associé à une inventivité indéniable. A ce compte-là, Van Gogh, Edvard Munch, pour ne citer que deux artistes du passé, pourraient être eux aussi catalogués rétrospectivement dans l'art brut.
Ce dernier en vient à signifier un corpus incroyablement hétéroclite de créations tous azimuts (on y incorpore aussi les environnements de bords de routes faits par des autodidactes, secteur où la culture apparaît facteur de distinction marquée cependant entre créateurs, que l'on compare par exemple le facteur Cheval avec le Jardin des Tarots de Niki de Saint-Phalle). Ce corpus contient de plus en plus de véritables oeuvres se confrontant ouvertement au monde de l'art professionnel. L'adjonction, ces dernières années, de l'art produit par des handicapés mentaux, tels ceux venus de Belgique - issus d'ateliers supervisés par des animateurs dont la culture et le discernement artistiques ne paraissent pas compter pour du beurre... - cette adjonction paraît jouer à plein pour la fusion qui semble se préparer entre art brut et art professionnel. Le colloque sur l'art brut, que je citais au début de cette note, initié par le musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut de Villeneuve-d'Ascq, a semblé vouloir avancer ce genre de proposition, même si cela n'affleurait qu'entre les lignes, au gré des interventions, elles-mêmes assez hétéroclites ( à l'image du champ actuel de l'art dit brut -de moins en moins "brut" du reste?) de plusieurs étudiants et chercheurs surgis ces dernières années dans le sillage d'un engouement nouveau dans le monde des nouvelles générations de chercheurs. Intégrées à un musée d'arts moderne et contemporain, les oeuvres d'art brut, que les intervenants du colloque disaient avec une hésitation perplexe produites tantôt par des "artistes" tantôt par des "créateurs" (montrant par là que la question de l'usage social de la création dans l'art brut n'est pas prise en compte véritablement par les chercheurs formés avant tout sur un plan esthétique), les oeuvres de l'art brut paraissent devoir être associables dans les prochaines années aux oeuvres des artistes professionnels classés dans l'histoire de l'art, sur le même rayon, en effaçant l'origine sociale, le contexte de production de ces oeuvres(1) (c'est dans ce sens qu'il fallait je crois interpréter les mots "d'avant-garde en moins?": l'art brut aurait pu être une autre avant-garde, une avant-garde oubliée en quelque sorte, selon les concepteurs du titre de ce colloque, idée pour le moins étrange et plutôt erronée). Il se passe peut-être en ce moment le même phénomène de vitrification esthétique, par rapport à l'art brut, que celui qui affecte les objets ethnologiques muséifiés dans un espace peu défini comme le musée du Quai Branly (le fait que ce dernier musée n'ait pas de qualification plus précise est déjà remarquable en soi).
(1) Je suis ici en accord avec ce que m'écrivait récemment en privé Mme Bénédicte Lefebvre, gardienne de la mémoire de l'autodidacte Jean Smilowski en tant que présidente de l'Association La Poterne à Lille, qui renâcle avec ses camarades de l'association à la perspective d'offrir toutes les productions de leur protégé à un musée qui ne prendrait pas en charge l'ensemble de cette oeuvre d'art total, véritable environnement. L'approche muséale, privilégiant des accrochages classiques d'oeuvres égrenées sur des cimaises, peut paraître en effet fort réductrice de ce point de vue et peu en accord avec le sens complet de ces créations brutes, déployées dans l'espace de la vie quotidienne, oeuvres indissolublement liées à des comportements marginaux, à des conduites de vie en rupture bien souvent avec l'environnement normalisé.
13/12/2009 | Lien permanent | Commentaires (5)
Friches de l'art, le blog
Joseph Ryczko, un des accros des arts singuliers sur la planète des amateurs d'art spontané, auteur d'un fanzine intitulé Les Friches de l'Art , qui était plutôt confidentiel il faut bien le dire, et traitait souvent davantage d'art des Singuliers que d'art brut proprement dit (je me base sur les rares numéros auxquels j'ai été éphémèrement abonné) - continue-t-il d'être publié (il semble que oui, ils en étaient il y a peu encore au n°33 et des brouettes... de facteur Cheval bien sûr)? L'information ne me parvient que difficilement, par bribes... - Joe Ryczko s'est lui aussi mis au blog depuis 2008. Il semble que ce fut un départ bref, suivi d'un long silence - pas de notes après 2008, durant toute l'année 2009. Cela reprend plus énergiquement puisque les notes tombent à présent comme à Gravelotte. Mais peut-on faire remarquer qu'on aimerait tout de même lire sur ce blog autre chose que des resucées des dossiers de presse, et autres copiés-collés d'anciens articles repris du fanzine, et davantage d'articles écrits spécialement pour le blog, des interprétations ou des opinions personnelles, et surtout inédites? Je sais qu'on me rétorquera que cela permet de donner les articles non lus au public qui n'est pas abonné, mais cela donne en même temps l'impression aux internautes qu'on ne trouve pas internet digne de recevoir autre chose que les copies des éditions papier, cela marque ainsi un certain dédain préjudiciable à la lecture de ce blog. Au point de vue de l'esprit critique, cela reste aussi pour le moment largement consensuel et plutôt timide.
Je suis loin, également, de partager les mêmes enthousiasmes que lui vis-à-vis de tel ou tel sujet ou créateur, mais enfin, il fait partie du paysage des amateurs qui militent pour une reconnaissance des différentes formes d'art spontané depus tellement d'années qu'il serait malhonnête de ne pas signaler ce nouveau blog éponyme de ses Friches de l'Art donc (plus je le regarde, plus je me dis que le blog est conçu comme la vitrine du fanzine). Je le joins à ma liste de liens pour que le lecteur se fasse une idée. A souligner la note que Joe Ryczko - le premier? - a écrit sur Gabrielle Decarpigny, créatrice de Bagnères-de-Luchon (Non! Bagnères-de-Bigorre, voir commentaire ci-dessous...) à qui il avait d'abord consacré un article dans Création Franche, que j'avais signalée en son temps sur ce blog. Cette dame a elle aussi créé un site que j'ajoute également dans mes liens.
20/03/2010 | Lien permanent | Commentaires (9)
Aux frontières de l'Art Brut
La Halle Saint-Pierre, à Paris, va bientôt ouvrir une nouvelle exposition (qui durera du 20 septembre 2023 au 25 février 2024) consacrée à "15 artistes inclassables, selon les critères de l’art brut ou de l’art naïf traditionnel". La présentation de l'expo sur le site de la Halle poursuit en expliquant: "Sans formation artistique pour la plupart mais possédés par le démon de la création, tous sont des expérimentateurs intarissables, obsessionnels, proliférants, dont l’univers a sa marque particulière, reconnaissable au premier coup d’œil. Peu habitués aux circuits professionnels de l’art, ils sont restés méconnus..." Sans formation artistique pour la plupart, certes (on y retrouvera en particulier Babahoum, Jean Branciard, Gabriel Audebert, ou Roger Lorance). Et d'ailleurs, on y rencontre même Marc Décimo, le célèbre universitaire pataphysicien et historien de l'art brut, qui cherche peut-être à acquérir une virginité toute neuve. Un de nos correspondants à l'étranger l'a ainsi surpris en plein stage de déconstruction intellectuelle, au fond d'un rade des plus populaires. Qu'on en juge ci-dessous:
Marc Décimo?
Ce que l'art recherche avant tout, c'est l'incognito, comme disait (à peu près) Dubuffet, autre pataphysicien (plus célèbre mais plus éphémère)...
28/08/2023 | Lien permanent | Commentaires (1)
La revue ”Des pays habitables” accueille l'art populaire insolite d'Emile Posteaux
Emile Posteaux (1866-1936), vous ne vous rappelez pas? Il vous faut, en ce cas, retourner en 2011, où subsiste sur ce blog la seule note, ultra courte, que j'ai consacrée au dada de cet ancien représentant en brasserie (et ancien charcutier), à savoir la sculpture sur bouchons de Champagne usagés, représentant des dizaines de têtes de différents types populaires de sa ville (dandy local, pompier notoire, clown, ou femme typique de Lille), voire de célébrités de l'époque (Maurice Chevalier par exemple). Depuis les quatre petites têtes que je présentais dans cette brève évocation, j'ai grandement étoffé, grâce à un antiquaire de l'Yonne, ma collection. Et j'ai recueilli par la suite un certain nombre d'informations qui m'ont servi à bâtir un article où sont, en particulier, reproduites en couleur mes nouvelles acquisitions (je suis désormais à la tête d'une quarantaine de petites figures sculptées par M. Posteaux). Internet bien sûr m'y a grandement aidé, cette vaste Toile où attendent patiemment telles et telles révélations quant aux créateurs autodidactes, connus régionalement durant un temps, puis progressivement oubliés. Nationalement, n'en parlons pas...
"Etudes humoristiques sur l'originalité et la diversité du masque humain sur VIEUX BOUCHONS de Champagne par E. Posteaux, peintre sculpteur", légende de ce qui semble être une carte postale sans indication de localisation, communiquée par. J-P. Delhemme ; on dénombre sur ce tableau 77 têtes, certaines ayant été dispersées ailleurs, comme par exemple la tête de singe figurant tout en bas à l'extrême droite, que j'ai retrouvée pêle-mêle avec huit autres, séparées du cadre où les disposait usuellement Posteaux; voir ci-dessous...
Neuf bouchons sculptés par Emile Posteaux retrouvés par moi chez un antiquaire qui ne les avait pas identifiés ; Cf. le singe au rang du bas, à droite, le même que sur le tableau des 77 ci-dessus ; ph. et coll. Bruno Montpied.
Personne ne s'était manifesté à l'échelle nationale, suite à ma première note où je demandais aux internautes si par hasard ils auraient des infos. Ce ne fut qu'au niveau régional que deux membres de la famille, des descendants de cet ancien sculpteur autodidacte, réagirent – l'un pour me dire en 2012 que "l'on se souvenait toujours, à Orchies, dans le Nord, de cet as de la sculpture sur bouchons de Champagne", mais sans prolonger outre mesure l'information dont il disposait ; l'autre, J-P. Delhemme, beaucoup plus récemment, en février 2022, cette fois, put me donner des éléments plus concrets par voie privée (voir ci-dessus en particulier un document qu'il m'a communiqué, semblant être une carte postale). Ce monsieur s'est avéré être le petit-neveu d'Emile Posteaux, gardant en sa possession lui aussi des bouchons sculptés hérités de son père, Léon Delhemme, qui les avait lui-même reçus en héritage de son oncle, le fameux Emile. Un article, vraisemblablement, de La Voix du Nord, de 1964, revenait sur cet héritage (voir ci-contre).
Ce qui est aussi intéressant pour moi dans cette communication, c'est la reproduction de deux peintures (j'en reproduis une ci-dessous) d'Emile Posteaux en possession de M. Delhemme. Je m'interrogeais, en effet, au sein de mon enquête sur les peintures que Posteaux exécutait parallèlement à ces petites sculptures, vantées par un journaliste localier des années 1930, comme étant de véritables chefs-d'œuvre. Je n'avais pas trouvé jusqu'ici de photos de ces tableaux. Force est de constater cependant qu'à mon humble avis, les bouchons sculptés en forme de mini-trognes restent la partie la plus originale des travaux d'Emile Posteaux...
Tableau d'Emile Posteaux représentant des roses, certes troussées avec réalisme, mais sans grande originalité, je trouve ; coll. J-P. Delhemme.
Trois boîtes de quatre bouchons de la collection de J-P. Delhemme, conservés par héritage de Léon Delhemme ; le cartel présent sur les boîtes du haut provient probablement du musée originel d'Emile Posteaux à Orchies ; l'homme au canotier en bas est probablement une caricature de Maurice Chevalier ; ph J-P. Delhemme.
Les nouveaux éléments communiqués par J-P. Delhemme me parvinrent alors qu'un mien article pour la revue (excellente) de Joël Cornuault, Des Pays habitables, numéro 5, était déjà à l'imprimerie, toute proche de la parution. Le timing n'était pas au rendez-vous...
4e et 1ère de ouverture de la revue Des Pays habitables, où l'on peut détailler son sommaire à droite, avec l'annonce de mon article sur Posteaux.
Pages finales de mon article dans la revue : "Emile Posteaux, chantre et rédempteur des vieux bouchons".
Il faut donc que mes lecteurs fidèles du Poignard, si le sujet les intéresse, se procurent la revue – une des meilleures revues poétiques et littéraires du moment, soit dit en passant, en dépit de sa mise modeste, qui me rappelle la revue Plein Chant d'Edmond Thomas à laquelle moi, comme Cornuault du reste, avons collaboré par le passé – pour compléter leur information, à côté des quelques nouvelles illustrations que je donne ici, grâce à l'obligeance de M. J-P. Delhemme. Sur la revue Des Pays habitables, on pourra consulter la présentation rédigée par son auteur sous ce lien. Et pour se la procurer, voici comment faire... suivez les indications ci-dessous données à l'intérieur de la revue... On peut aussi aller faire un tour sur le site web de l'éditeur (La Brèche éditions).
Emile Posteaux, à ses heures de loisirs, dans les années 1930, se prit de passion pour les bouchons de Champagne dont il déplorait l'abandon funeste dans lequel on les rejetait, une fois qu'on les avait fait sauter du col des champenoises. Sans doute trouvait-il une analogie entre leur sort et celles des gens modestes comme lui. Au point de se mettre à les tailler, les ciseler, les ouvrager en faisant naître toute une galerie de tronches variées, campant des personnages de sa ville d'Orchies, la plupart du temps fort rubiconds...
Quatre têtes, dont celle d'un pompier ; ph. et coll. J-P. Delhemme
Photo de la famille Delhemme montrant Emile Posteaux en compagnie de sa femme, années 1930 ; archives J-P. Delhemme.
19/06/2022 | Lien permanent | Commentaires (2)
Quand le foot mène à l'art
Voici déjà quelque temps que je voulais mettre en ligne ces images, le recto et le verso d'un panneau peint et collé de quelques éléments empruntés à des photos, fabriqué à l'évidence vers 1982. C'est de l'art modeste ou je ne m'y connais pas.
Il a été trouvé dans une décharge ou un dépôt de rebuts par Jean-Louis Cerisier, peintre primitiviste lavallois bien connu dans le Landerneau de l'art naïvo-singularo-brut, du côté de la Brière. L'artiste inconnu qui l'a confectionné a pris un panneau de contreplaqué quelconque, à peu prés 1,50m sur 1,60m, de format proche du carré, et a utilisé de la peinture, et des éléments photographiques pour plus de réalisme. Il y a une volonté publicitaire naïve sur le côté où l'on voit un Platini dont on a retiré les yeux (par accident ou volontairement?), avec ces lettrages rouges voyants. Sur le verso, le ballon sert de O, jeu graphique commun qui prend ici une valeur quelque peu touchante. De même du reste que la couleur bleue de la photo décolorée du joueur qui brandit le ballon de la victoire, on n'a pas songé avec ce panneau à faire une oeuvre impérissable... Or, justement, ne pourrait-on pas la conserver? Il me semble que le Musée International des Arts Modestes pourrait s'y intéresser, ou les distingués collectionneurs de la CAPUT (voir les liens de ce blog). Le propriétaire actuel du panneau le leur céderait volontiers, il me semble (si ce n'est déjà fait pour quelque autre destination plus anéantissante)...
19/02/2010 | Lien permanent | Commentaires (3)
Charles Daucin, l'art souterrain
Il y a quelques années, au début des années 2000, plusieurs amis et relations avaient attiré mon attention par leurs témoignages de rencontre avec un clochard qui hantait un certain couloir de correspondance à la station Montparnasse, entre les lignes 6 (Nation-Etoile par Denfert-Rochereau) et 13 (St-Denis-Châtillon-Montrouge). Ces témoignages campaient un clochard dessinateur qui vendait à l'occasion ses petites productions aux (apparemment rares) passants intéressés. Le fanzine Zon'Art de Denis Lavaud avait publié trois pages illustrées de quatre dessins qu'accompagnait un texte d'"Eric G." dans son n°8 (automne-hiver 2002-2003). Un dessinateur mendiant dans le métro parisien, je trouvais ça extrêmement rare -et je dois dire que cela fait des années que je me demande pourquoi on n'en rencontre pas plus étant donné que cela pourrait représenter une possible source de revenus pour ces personnes en difficulté, tout aussi valable que le fait de faire de la musique, forme d'expression ultra majoritaire dans le métro au contraire.
Charles Daucin, alias "Charlemagne", un couple et leur fille, un avion, une barque parachutée, des soleils partout..., 2002, coll. Musée du Veinazés (dans la Châtaigneraie cantalienne) ; à noter que la photo ne montre pas le dessin complètement, à gauche il y a vraisemblablement une bande violette qui entoure les saynètes centrales, constituant le cadre par lequel le dessinateur semblait toujours commencer son dessin
Charles Daucin, alias "Charlemagne", couple de part et d'autre d'une voiture, maison, 2001
Charles Daucin était le nom que donnait Eric G. dans Zon'Art. Ce dernier décrivait les dessins qu'il présentait comme étant "toujours vendus par 4". Cela semblait être des sortes de séries, représentant la plupart du temps sur deux niveaux les mêmes saynètes, des membres d'une famille se tenant la main, faisant la fête ("les verres n'étant jamais vides", fantasme indépassable du clochard), des véhicules, des arbres, des maisons, des intérieurs d'appartements avec postes de télévision (voir ci-dessus et ci-dessous des exemples).
Charles Daucin dit "Charlemagne", la maison idéale avec poste de télé, les verres jamais vides, le couple faisant la fête... 2002, coll. Musée du Veinazès
Je partis à la recherche de cet homme mais ne le rencontrai jamais, le divin hasard ne voulant pas me favoriser pour ce cas. Mais je ne l'oubliai pas. Le hasard me permit seulement, récemment (2013), les voies de ce dernier étant décidément impénétrables, de tomber sur Bernard Coste et son camarade Jean-Pierre, qui animent dans le Cantal le musée du Veinazès (Emmanuel Boussuge nous en a déjà entretenu si vous vous en souvenez) et passent aussi souvent par Paris. Ils avaient eux aussi dans ces mêmes années 2001-2002 rencontré le fameux Charles Daucin qui signait "malicieusement", écrit Bernard Coste, ses dessins "Charlemagne" (c'est le genre de blague en faveur chez les gueux qui se fabriquent aisément des titres bouffons en rapport avec des royautés imaginaires, inversées..., cela va parfois jusqu'à la sculpture de trônes). D'après les souvenirs de Bernard Coste, ce M.Daucin vendait ses dessins cette fois par 6 et plus par 4 comme à Eric G. Peut-être voulait-il plus rapidement s'en débarrasser. Il lui arrivait apparemment aussi de travailler d'après des commandes et des modèles (des reproductions de tableaux, Munch, une Madone...). Il semble qu'au-delà de 2002, on ne trouve plus de témoignage de la présence de Charles Daucin dans les couloirs du métro à Montparnasse. Sa présence paraît attestée seulement entre 1999 (Eric G.) et juin 2002 (Bernard Coste). Les dessins que je reproduis ci-dessus et ci-dessous (un dessin au sujet plus rare) appartiennent tous à la série de douze dessins acquis par Bernard Coste pour le musée du Veinazès (qu'il en soit donc chaudement remercié ici). Si des lecteurs avaient des informations complémentaires à apporter sur notre héros, qu'ils n'hésitent pas à nous faire part de leurs témoignages.
Charles Daucin, dit "Charlemagne", personnage seul (un fumeur), 2002, coll. Musée du Veinazès
Musée du Veinazès, Lacaze, 15120, Lacapelle del Fraisse (entre Aurillac et Montsalvy), tél. : 04 71 62 56 93 - 04 71 49 25 81. Le musée se visite en été tous les après-midis. Ajoutons que ces dessins de Charles Daucin ne sont pas actuellement accrochés dans les collections visibles du public.
18/12/2013 | Lien permanent | Commentaires (10)
L'art à la recherche des doudous
Cela fait longtemps que je n'ai pas parlé de doudous. Ca m'est revenu récemment en voyant des poupées de chiffon fort séduisantes d'Alexis Nivelle que m'a laissé photographier au milieu de ses collections ce grand dénicheur devant l'Eternel qu'est Michel Boudin. A n'en pas douter, voici un artiste qui se souvient des doudous dans son art.
Et puis de passage dans le Cézallier, j'ai retrouvé un dessin que j'avais fait il y a quelques années du doudou du fils de mes hôtes, une espèce de lapin mangeouillé, défiloché, harassé...
16/06/2009 | Lien permanent | Commentaires (5)
L'art singulier anonyme, ça existe?
(Cette note contient une mise à jour du 21 mars 2016)
Ma question paraîtra devoir recevoir une réponse affirmative évidente, si l'on prend le terme "art singulier" dans le sens général, amalgamant art brut et art de contemporains marginaux, primitivistes, surréalistes ou cobraesques réchauffés. Mais si on le cantonne à la deuxième catégorie, les marginaux de l'art contemporain, aussi qualifiables "d'outsiders" (les concurrents du mainstream qui pourraient un jour décrocher la timbale et tirer toute la couverture à eux), dans lesquels on peut aussi mettre quelques inclassables, quelques enfants perdus de l'automatisme, des peintres du dimanche new look qui au lieu de refaire pour la cent millième fois le coup de l'impressionnisme se seraient enfin convertis à la peinture gestuelle, abstraite ou figurative, détachés des modèles pris dans la réalité, alors le terme de singulier anonyme peut paraître étrange. Car ces singuliers-là font en général tout pour se faire connaître. Ils colonisent les festivals d'arrière-province dédiés à cette étiquette. Alors si on en trouve qui soient tout de même restés anonymes en dépit de tous leurs efforts, ou plus exactement, si on considère le tableau ci-dessous, chiné je crois en Belgique par son propriétaire, Jean-Louis Clément, qui soient simplement restés sur le carreau, le terme les associe soit aux peintures de dépôt-vente (la bad painting, les croûtes), soit les remet paradoxalement en selle du côté des inclassables de l'art, pas très éloignés de l'art brut, sans pouvoir y être rigoureusement associés, en raison de caractères qui indiquent que les peintres avaient eu vent de certaines modes en art, qu'en somme ils étaient davantage des "artistes" que les auteurs d'art brut, œuvrant complètement à l'écart du cirque et des écoles artistiques.
Sans titre, peinture d'un certain Michaël Bertiaux, coll. Jean-Louis Clément, Liège, ph. Bruno Montpied, 2014 ; aux dernières nouvelles, c'est la peinture d'un gourou américain lovecraftien, selon J-L. Clément, voir note ci-dessous¹
Partant de là, on s'aperçoit que ces "singuliers anonymes" pourraient être aussi bien des laissés pour compte de l'art contemporain marginal, des artistes ayant raté la marche qui aurait pu les conduire à la gloire. Il ne leur reste plus que l'anonymat des puces et autres brocantes pour pouvoir espérer sortir de leur purgatoire et gagner une seconde chance de venir faire un tour chez les valideurs et les sacralisateurs. Ces peintures qui ont des airs d'autres peintures plus connues sont comme des brouillons, des simulations faites dans le même goût que celui qui présida aux œuvres plus glorieuses, et l'artiste qui passe à côté d'elles se met à redouter qu'un jour, lui aussi, puisse voir ses propres œuvres rejetées sur le trottoir, jetant désespérément des œillades à la ronde: "M'aimez-vous? M'aimez-vous bien...?", pendant que les quidams pressés et indifférents ne daigneront pas même y jeter un œil...
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¹Michael Paul Bertiaux est un occultiste américain connu pour son ouvrage Voudon Gnostic Workbook (1988), un recueil de 615 pages d'enseignements occultes mêlant vaudou, néo-pythagorisme, thélémisme et gnosticisme. Il est également l’une des figures majeures de la magie lovecraftienne et se trouve actuellement à la tête du Monastery of the Seven Rays, une branche de l’OTOA basée à Chicago. Certains le créditent de rêver de rituels unissant de belles prêtresses en train de copuler avec des monstres écailleux venus de profondeurs aquatiques, sur le modèle de ceux que ressasse l'écrivain fantastique H.P. Lovecraft. (Renseignements tirés d'informations fournies par J-L. Clément)
07/03/2016 | Lien permanent | Commentaires (12)