31/12/2018
Art très modeste...
Décor en bordure de rue à S-Quentin-les-Anges (nom prédestinant?), entre Laval et Angers, à la frontière exacte de la Mayenne et du Maine-et-Loire ; une crèche, un père Noël, divers personnages richement costumés, et pourvus de masques peints ; ph. Patrick Métais, 2018.
Voici un insolite ensemble de personnages en plein air entrant dans la catégorie de l'Art modeste, plus que dans celles des environnements populaires spontanés. Cela fait partie de cette habitude développée au fil de ces dernières années qui consiste à décorer son habitat extérieurement aux couleurs de Noël, la plupart du temps de manière temporaire. C'est souvent kitsch (mot que l'on définira en fonction d'une volonté de dupliquer l'apparence de réalité par des moyens de copie facile, par exemple des moulages en résine)... Et manifeste, hormis l'étalage d'un savoir-faire spécial (ici les costumes qui ont demandé du travail et du temps, dues à un atelier du village appelé "l'Armoire aux saltimbanques"), un manque d'inventivité en ce qui concerne la création de formes. On cherche à faire réaliste, et on pallie le manque d'audace en matière de façonnage par l'assemblage de masques tout faits, de gants en caoutchouc parfois tout faits là aussi, d'habits propres, et neufs, à la différence des loques des épouvantails, qui sont leur contraire...
Épouvantails que je préfère infiniment.
13:53 Publié dans Art populaire contemporain | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : décorations extérieures de noël, patrick métais, créches, père noël, kitsch, art modeste | Imprimer
23/12/2018
Paradis perdus, une énigme iconographique
Je ne crois pas avoir déjà fait une note sur le tableau naïf anonyme ci-dessous, acquis il n'y a pas si longtemps à la défunte Foire de la Bastille qui était partie au Champ de Mars, puis derrière le château de Vincennes, avant d'être virée pour de bon (merci, Mme Hidalgo...)...
Anonyme, Adam et Eve chassés du paradis, avec Dieu qui joue du balai avec une branche (c'est en fait un chérubin, voir commentaire), des inscriptions bibliques: "Le serpent t'écrasera la tête", "tu enfanteras dans la douleur", "tu gagneras ton pain à la sueur de ton front"...), un poisson collé en bas à gauche, placé donc en dehors du paradis, sans explication..., huile sur toile, 23 x 41 cm, sans date ; coll. et photo Bruno Montpied.
Il y avait un éléphant violet au paradis donc, m'étais-je dit, en le contemplant. J'aime bien le rendu simplissime des personnages, la vision du jardin riant d'où le père Dieu en robe blanche chasse les deux amants sans ménagement, et eux qui ont l'air de gambader, plutôt que d'accuser le coup...
Et je l'avais rangé dans ma collection d'œuvres naïves anonymes, un beau spécimen, trouvé-je... Jusqu'à ce qu'aujourd'hui, en fouillant dans des publications liées à ce qu'on appelait, autour des années 1950, "l'art psychopathologique", à une époque où les médecins cherchaient à mettre en évidence des caractéristiques stylistiques inférées par les différentes maladies mentales chez leurs patients s'exprimant artistiquement, je finisse par tomber, stupéfait, sur une œuvre que j'avais oubliée, un dessin aux crayons de couleur, splendide, dû à un certain "Louis G.B.", comme l'appelle Robert Volmat dans ses livres, comme par exemple L'art psychopathologique, paru au moment de la grande exposition de Ste-Anne consacrée à l'art asilaire international, ou bien dans un de ces fascicules édités par les laboratoires Sandoz sur tel ou tel dossier interrogeant les rapports entre l'art et la maladie mentale... C'est dans un de ces fascicules, précisément, que se trouvait la reproduction de l'œuvre en question.
Louis B.G., Adam et Eve chassés du Paradis terrestre. Extrait du fascicule Sandoz sur les Expressions plastiques de la folie, 1956 (le nom de l'auteur n'est pas donné dans le fascicule mais dans le livre de Volmat paru en 1950) ; si l'on compare avec notre première image, les paroles bibliques sont recopiées comme dans l'autre tableau ; l'objet que Dieu brandit ressemble davantage à une sorte de rayonnement qu'à une "branche" (en réalité, si l'on s'en rapporte au récit de la Genèse, il s'agit une épée flamboyante que tient un chérubin, voir commentaires ci-après, c'est vrai qu'on discerne la poignée et la garde de l'épée...) ; le style est plus graphique que pictural ; le personnage en haut à droite, qui paraît s'enfoncer dans le sol, dit:"Regrets éternels" (comme un commentaire, de l'auteur du dessin lui même?)... Le dessin n'est pas daté, il provenait à l'époque de la collection du Dr. Jourdran (de Saint-Egrève, en Isère) et avait donc pu être exécuté longtemps avant les années 1950.
Et voici, au verso de la reproduction, la notice de Robert Volmat au sujet du dessin et de Louis B.G. (1956).
Très frappante – non? – est la confrontation avec le tableau que je possède donc. On se dit dans un premier temps que l'un a copié sur l'autre (plutôt le mien, du reste ?). Ce pourrait être, me dis-je même, un autre cas de démarquage d'une œuvre naïve par un autre Naïf, comme j'en ai déjà rencontré un exemple avec cette version ultra réduite (comme on dit d'une tête qu'elle a pu être réduite par les Jivaros, ou réduite à la cuisson...) de la Carriole du père Junier du Douanier Rousseau, que j'ai un jour acquise avec amusement auprès d'un camarade brocanteur.
Anonyme, la Carriole du père Junier, copie simplifiée d'après Rousseau (notamment avec une réduction de personnel)..., sans date, peinture sur bois, ph. et coll B.M.
A comparer avec ...
Henri Rousseau, dit "le Douanier", La Carriole du père Junier, 97 x 129cm,1908 ; Musée de l'Orangerie.
Mais à bien y réfléchir, on finit par se dire que ce serait tout de même très étonnant qu'il ait pu y avoir rencontre entre ces deux individus, dont l'un était enfermé dans un asile (depuis 1917), souffrant d'une maladie de la persécution (selon Volmat). A moins qu'on imagine un infirmier, tâtant du pinceau en amateur, et s'inspirant du dessin aperçu par dessus l'épaule de son patient... Très improbable... On se représente la rareté de la situation. Ou alors, pourrait-on imaginer un peintre naïf passant en 1950 à la célèbre exposition de Ste-Anne et recopiant en croquis d'abord, puis en peinture, le dessin aux crayons de couleur de Louis B.G....?
Mais il me paraît plus plausible d'imaginer une source iconographique commune aux deux compositions. Reste à trouver laquelle. J'ai un peu cherché, mais pour le moment je suis revenu bredouille. Encore une énigme à faire démêler par les lecteurs, s'il en croise encore par ici...
Et, ci-dessous, voyez ces deux autres dessins de "Louis B.G.", qui ont aussi l'air tous les deux d'être tracés aux crayons de couleur, en dépit des reproductions en noir et blanc, et toujours d'inspiration religieuse, thématique qui paraît être une marque de fabrique de l'auteur...
Louis B.G, Le Sacré-Coeur de Jésus, crayons de couleur sur papier (probablement), sd, sans dimensions, reproduit dans l'Art psychopathologique de Robert Volmat, 1950 ; à noter en bas un détail reproduisant les paysans de l'Angélus comme chez Millet...
Louis B.G, Vive le Christ-Roi, crayons de couleur sur papier (probablement), sd, sans dimensions, reproduit dans l'Art psychopathologique de Robert Volmat, 1950 (alliance du sabre et du goupillon?).
21:01 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art Brut, Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : anonymes naïfs, art brut, art psychopathologique, robert volmat, hôpital ste-anne, expressions de la folie, louis g.b., le douanier rousseau, la carriole du père junier, foire de la bastille, adam et eve, paradis, dieu, éléphants | Imprimer
13/12/2018
Na-na-na-nère
Rue Bouvier, 11e ardt, Paris, décembre 2018, ph. Bruno Montpied (en compagnie de Régis Gayraud.
19:09 Publié dans Art immédiat, Graffiti, Tel quel | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
11/12/2018
De quelques correspondances autour d'un "Gazouillis"
Vue (partielle) du Parc Bruno Weber (disparu en 2011), géré par la Fondation Bruno Weber.
Nous sonnons et le créateur (c'est ainsi qu'on peut le nommer, il réfute le terme d'artiste) vient à notre rencontre pour nous commenter ses créations après avoir souligné : « vous n'êtes pas d'ici, je vois cela » !
Guy Souhard accepte volontiers les photographies et souligne à notre demande qu'il fait l'objet d'articles dans la presse et sur internet.
(...) nous découvrons les haies de tuyas taillées en bas relief , les formes cernées de couleurs vives depuis 2016, les animaux, objets ,bustes peints directement sur la haie puis parcourons la serre d'hiver, les ateliers et le garage-atelier. (...)
Bien cordialement,
Josiane Burzholz."
Chez Guy Souhard (Mayenne), © Josiane Burzholz (2018).
Détail de la haie peinte par Guy Souhard, © Josiane Burzholz (2018).
Capture sur Google Street, vue de juin 2015.
Réponse le 5 avril, par l'auteur :
"Merci, Josiane, de ce reportage au pays de Guy Souhard (que je n'ai toujours pas eu l'occasion d'aller voir). L'évolution récente des œuvres de ce monsieur me laisse particulièrement perplexe. En particulier, son idée de peindre sur le végétal de la haie me laisse quelque peu interloqué. Je ne suis pas sûr que cela améliore son bas-relief original de type topiaire, qui était très beau sans ces couleurs. Les autres interventions, qui se trouvent apparemment derrière, me paraissaient déjà manifester une tendance fort marquée ver le kitsch (...). Seule la haie taillée paraissait véritablement surprenante et réalisée avec une certaine finesse poétique. En peignant par-dessus, il souligne beaucoup trop et, par là, gomme la poésie délicate du végétal taillé de départ.
La maison de Mme et M. C., Le Grand Quevilly (Normandie), ph. Bruno Montpied, 2010.
Ancien état du terrain de Maurice Lellouche à Champigny, avec ses décors de mosaïque de cailloux peints, et, à gauche, la maquette du paquebot France, en mosaïque de pierres lui aussi, enfoui dans le sol... ph. B.M., 1989.
20:40 Publié dans Art immédiat, Art insolite, Correspondance, Environnements populaires spontanés, Environnements singuliers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musée de l'insolite, environnements populaires spontanés, monsieur jourdain de l'art, art immédiat, le gazouillis des éléphants, art sans artiste, bruno weber, alfonso calleja, guy souhard, vandalisme des voisins, les bâtisseurs du rêve | Imprimer
07/12/2018
Dictionnaire du Poignard Subtil
09:46 Publié dans DICTIONNAIRE DE CITATIONS DU POIGNARD SUBTIL | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : dictionnaire du poignard subtil, fernand khnopff, devise, avoir | Imprimer
05/12/2018
Dictionnaire du Poignard Subtil
BOIRE :
" Dans ce grand désœuvrement, nous buvions comme boivent les clochards sur une berge, sans envie, pour boire, pour assoupir la bête noire qui vivait dans nos têtes."
Claude Seignolle, extrait de La Gueule, et cité dans le n°70 de La Grande Oreille (Contes, conteurs, arts de la parole et du récit), été 2017.
10:22 Publié dans DICTIONNAIRE DE CITATIONS DU POIGNARD SUBTIL | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : boire, clochards, claude seignolle, dictionnaire du poignard subtil, citations, la gueule, la grande oreille, conteurs | Imprimer