27/11/2018
L'auteur des Barbus Müller dévoilé désormais sur papier
En septembre dernier, je ne l'ai pas encore annoncé, est paru un condensé, dans une revue sur papier, de l'enquête en six chapitres que j'avais numériquement fait paraître sur ce blog en avril dernier (voir ici le chapitre un ; on pourra lire les suivants en regardant les liens en haut de chaque note). C'est dans le n° 17 de la revue de l'actuel Collège de 'Pataphysique, intitulée Viridis Candela, le Publicateur. Je suis très fier d'avoir été accueilli au sein de cette prestigieuse – et historique – revue. Mon article s'intitule "Faux art roman ou art brut populaire, les Barbus Müller retrouvent leur père"... Car, en effet, mon enquête, réalisée avec l'aide ponctuelle de mon camarade chercheur Régis Gayraud, aboutissait à l'identification de l'auteur, auvergnat, des fameuses statues en lave ou granit surnommées, vers 1947, par Jean Dubuffet, les "Barbus Müller".
On peut acquérir la revue pataphysicienne en s'adressant à l'adresse suivante: Collège de ’Pataphysique, 51A rue du Volga, 75020 Paris. On n'omettra pas, si l'on ne veut acquérir que ce numéro, de joindre un chèque de 15€ à sa commande. Si l'on veut s'abonner, lisez plutôt ci-dessous les coordonnées pour y parvenir, décrites sur le 4e de couverture de la revue.
Je ne m'en suis pas tenu là. Eva di Stefano, qui anime depuis l'université de Palerme, avec un courage admirable, son Osservatorio Outsider Art (OOA), avec la publication d'une revue du même nom, m'a demandé de leur offrir un article lui aussi destiné à résumer (c'est encore plus condensé!) mon enquête sur les fameux Barbus. C'est chose faite avec le n°16 d'OOA qui est paru cet automne de 2018. Pour le coup, on peut lire le numéro en intégralité gratuitement en cliquant sur ce mot. Mon article s'intitule "L'origine dei "Barbus Müller". Dal mito del falsario al mito dell'art brut". Il commence à la p.30 de la dite revue et se poursuit jusqu'à la p.37. Il commence avec cette citation de Michel Thévoz (que j'utilise de manière quelque peu narquoise, je dois dire...) :
"On ne saura probablement jamais rien de l’auteur (ou des auteurs) des « Barbus Müller », ainsi nommés parce qu’ils ont appartenu pour la plupart à un collectionneur suisse de ce nom ». Cette affirmation péremptoire de Michel Thévoz dans son livre L’Art brut de 1975 m’a toujours intrigué..." (B.M.)
Il est à noter bien entendu que cette revue est en italien... De ce fait, je n'ai pu prendre tout à fait la mesure des autres articles de la revue. A peine, ai-je compris que plusieurs articles tournent autour de la question du "faux" dans la perception des historiens d'art confrontés à l'art populaire inventif, et aussi, comme l'indique le titre de l'article d'Eva di Stefano, traitent de "l'imagination archéologique" ayant affaire à l'art brut. Ce qui correspond à mes révélations à propos des archéologues français qui découvrirent le sculpteur du Chambon-sur-Lac en le prenant pour un faussaire spécialisé en art roman...
22:09 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, barbus müller, le poignard subtil, le publicateur n°17, collège de 'pataphysique, osservatorio outsider art, université de palerme, ooa n°16, eva di stefano, l'origine dei barbus müller, michel thévoz, faussaire, archéologie et faussaires, imagination archéologique | Imprimer
20/11/2018
Emile Jouve et René Rigal, deux artistes rustiques modernes de plus
"La peinture rustique moderne", c'est un terme inventé par Gaston Chaissac dès 1946¹, pour qualifier sa propre peinture, avant de connaître Dubuffet et son Art brut². C'était pas mal trouvé, du point de vue de ce que ça signifiait. Un peu moins du point de vue publicitaire. L'"art brut", certes, cela a une autre allure sur le plan de la "communication" (pour quelque chose, le brut, qui ne se préoccupait pas spécialement de communiquer, comme le soulignait autrefois avec délectation Michel Thévoz). Exactement comme le "réalisme intellectuel" pour l'art naïf, terme inventé par Georges-Henri Luquet et repris par Georges Schmits, très précis dans ce qu'il voulait désigner mais peu aisé à mémoriser. Cette nécessité d'être repérée facilement, immédiatement, du public est souvent cause que telle ou telle invention conceptuelle, désignée de façon trop précise, est négligée et, peu à peu, tombe dans l'oubli.
Gaston Mouly (1922-1997), peinture sur bois (acrylique ou huile), ph. B.M. 1989 (chez Gaston Mouly), non localisée actuellement (peinture exécutée, donc, avant que l'auteur ne se mette à systématiquement dessiner aux crayons de couleur après une demande de Gérard Sendrey pour sa galerie Imago qui préfigura le Site, puis le Musée, de la Création Franche à Bègles) ; Mouly, ancien entrepreneur en maçonnerie d'origine rurale, marqué par la fréquentation d'artistes modernes qui avaient été ses clients (Bissière, Zadkine), à la retraite, se mit à peindre sur bois et sculpter le ciment, puis par la suite à dessiner ; il était conscient d'être un autodidacte, de culture rurale occitane, mais se piquait de faire "moderne" dans ses œuvres, adoptant une posture indubitablement artistique, se confrontant à d'autres formes d'art( lorsqu'il "montait" de sa région lotoise jusqu'à Paris par exemple ; je peux en témoigner, l'ayant souvent accompagné dans des galeries ou musées de la capitale).
Pour Chaissac – et cela peut s'appliquer à d'autres (Gaston Mouly par exemple, actif entre 1982 et 1997, alors que Chaissac était disparu depuis 1962) – il s'agissait de créer dans le respect d'une certaine tradition populaire, avec des naïvetés, des raccourcis expressifs, des couleurs franches, etc., tout en cherchant à faire nouveau (un sens de la composition encore plus affranchi du réalisme que dans l'art naïf, par exemple). Ce désir de novation s'enracine dans une imitation de l'attitude observée chez les artistes modernes, cherchant à s'affranchir des valeurs établies de leur temps.
Dans mon Gazouillis des éléphants, consacré à des créateurs œuvrant essentiellement en plein air, entre leur habitat et la route le bordant, on pouvait ainsi découvrir deux cas de créateurs populaires influencés par l'art moderne, Maurice Guillet à Olonne-sur-Mer (Vendée) – un ferronnier mêlant du démarquage de Calder à de l'imitation de nouveaux réalistes sans oublier une pratique de la sculpture allégorique ou symbolique – et François Llopis, de Céret (en pays catalan français), qui a produit des sculptures et autres bas-reliefs ou mosaïques, influencé par l'exemple des artistes qui fréquentaient autrefois sa ville comme Braque ou Picasso, mais surtout par des exemples artistiques plus lointains (les mosaïques de Ravenne, voire des croix de chemins de sculpteurs régionaux).
Chez Maurice Guillet, à l'arrière de sa maison, à Olonne sur-Mer, ph. Bruno Montpied, 2008.
François Llopis, une Vierge inspirée semble-t-il des Madones de croix de chemin du Massif Central, Céret ; ph. B.M., 2014.
Mais on peut également songer à rallier à ce corpus de l'art rustique moderne ("art", parce que cela ne se limite pas à la peinture, mais englobe aussi la sculpture) deux autres cas, d'origines ouvrière ou rurale.
René Rigal tout d'abord, ancien cheminot originaire de Capdenac, qui arrivé à la retraite se prit d'amour pour les branches choisies parmi les plus filiformes d'entre elles, qu'il écorçait scrupuleusement et interprétait ensuite en leur trouvant à chaque fois une incarnation. C'était une sorte de Giacometti populaire, qui pouvait en sculptant enfin se permettre, loin des trains où il avait bossé toute sa vie, de "dérailler" en toute liberté. C'est du reste ce qu'évoque le titre de l'article que j'ai publié à son sujet dans le n°36 de la revue Création Franche en juin 2012 : « René Rigal, hors des rails ». Certes, on peut lui trouver des ressemblances avec d'autres sculpteurs populaires travaillant comme lui à partir de la forme des arbres et arbustes ( par exemple Michel Maurice à Cornimont, dans les Vosges, voir le "Musée des Mille et une racines" dont j'ai aussi parlé dans le Gazouillis des éléphants et dans Création Franche n°45, en décembre 2016), mais il a un style qui lui est propre, avec ses figures systématiquement longilignes (voir ci-dessous). Cette signature plastique proche d'une certaine forme d'"abstraction" est peut-être la cause de son adoption par les galeries aveyronnaises, comme celle de la Menuiserie, de Jeanne Ferrieu, à Rodez, qui l'ont régulièrement exposé au milieu d'artistes contemporains. Peu d'amateurs d'art populaire ou d'art brut ont su le repérer jusqu'à présent. Personnellement, je le découvris grâce à un film de messieurs Pennet et Macary, "René ne tape pas la belote" (2000), vu au Festival de cinéma autour des arts singuliers organisé par l'association Hors-Champ à Nice. En projetant ce film dans un contexte de documents autour des arts spontanés, les animateurs de ce festival réintroduisaient malicieusement (et peut-être sans y penser plus que ça?) René Rigal parmi les créateurs spontanés, où est sa véritable place, à mon sens.
Salle d'exposition dans la maison de feu René Rigal, ph.B.M., 2012.
Livret de "petites histoires et anecdotes" (des témoignages des uns et des autres qui ont connu René Rigal) paru aux éditions La Menuiserie en juillet 2016, archives B.M.
Cela faisait plusieurs années que, par ailleurs, j'avais entendu parler d'Emile Jouve, sculpteur et peintre autodidacte qui habitait St-Côme d'Olt dans l'Aveyron et qui était né plus haut, en Aubrac, à Laguiole, ville célèbre pour un excellent fromage souvent associé au Cantal même s'il est fabriqué dans l'Aubrac voisin. Jean Estaque, le sculpteur de la Creuse, m'avait évoqué ce Jouve, connaissant mon goût pour ces créateurs de l'ombre venu des milieux populaires, mais sans pouvoir me montrer des images de ses œuvres. Il avait été éleveur de bovins la plus grande partie de sa vie, les bovins qui sont une autre spécialité de Laguiole où un fier taureau trône sur la place du village, spécialité qui ne doit pas faire oublier cependant l'autre produit qui a fait la renommée du lieu, le couteau avec son célèbre design...
Emile Jouve, sans titre (il me semble), 50x0cm, technique mixte, coll. privée (Aveyron), ph. B.M..
Autre tableau d'Emile Jouve, sans titre (il me semble), pastel ou craie sur bois, 40x60cm, coll. privée (Aveyron), ph. B.M.
Je finis par tomber sur deux de ses tableaux par hasard, chez un sympathique amateur de bonne chère et de vie au grand air, habitant tout près de Marcillac (Aveyron encore), au secret d'une gorge oubliée...
Là encore, cet artiste autodidacte avait été exposé (plusieurs fois, semble-t-il) à la galerie La Menuiserie de Jeanne Ferrieu. Mais, loin de Rodez, comment le savoir? Il aurait fallu scruter tous les jours la presse régionale du coin, où de rares magazines relayant l'information artistique en province (comme Artension, dont c'est un des principaux mérites). La femme de René Rigal, Micheline Rigal, intervint opportunément en me prêtant le catalogue que là encore la Menuiserie avait édité sur ce créateur d'origine populaire (édition de 2001).
Catalogue consacré à Emile Jouve par la galerie La Menuiserie, Rodez, 2001.
L'ouvrage contenait, un peu comme dans le cas du livret récemment édité sur Rigal (voir ci-dessus), de nombreux témoignages et surtout plusieurs illustrations en couleur, de peintures mais aussi, ce qui achève de permettre de se faire une opinion favorable sur les talents de ce monsieur Jouve, de sculptures peintes réalisées à partir de bois trouvés et de bois flottés qui sont, à mon goût, ce que Jouve a fait de mieux, dans l'état actuel de mon information. On sent chez cet homme de pleine nature un appétit évident pour les recherches formelles qui l'apparente aux élaborations sophistiquées d'artistes des villes.
Emile Jouve, Le Dragon du Golfe, 30cm de hauteur ; reproduit (en image compressée) d'après le catalogue de la Menuiserie.
Emile Jouve, Brigitte Bardot et les animaux, 20 cm de hauteur. Extrait du catalogue de la Menuiserie (image compressée).
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¹ Cf. Gaston Chaissac, "Peinture rustique moderne", paru initialement dans le n°3 de la revue Centres, 1946, et réédité dans Je cherche mon éditeur, Rougerie, 1998.
² Dubuffet enrôlera, au début de sa collection, Chaissac dans l'Art Brut avant de l'en retirer, à juste titre si l'on se rapporte à ses critères (art brut = inventivité hors des milieux artistiques), pour le verser dans la collection annexe rebaptisée "Neuve Invention" par la suite. Chaissac lui était apparu au fil du temps trop en contact avec les milieux littéraires et artistiques (avec lesquels cependant Chaissac pratiquait des rapports relativement réservés). Cela n'empêchait pas ce dernier de développer, selon moi, une expérimentation à tout va, et de déployer une grande inventivité plastique et littéraire.
00:18 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art rustique moderne, Art singulier, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés, Lexique et définitions des arts populaires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture rustique moderne, art rustique moderne, chaissac, gaston mouly, maurice guillet, françois llopis, rené rigal, emile jouve, galerie la menuiserie, art naïf, art singulier, le gazouillis des éléphants, croix de chemin, poésie naturelle interprétée, association hors-champ | Imprimer
17/11/2018
Caroline Dahyot au café-galerie La Potinière, Dieppe
Expo Dahyot, photo et affiche Darnish, La Potinière, 18 rue du 19 août, Dieppe.
L'ami Darnish m'assure que la nouvelle expo de Caroline, la femme peintre de la Villa Verveine à Ault-Onival (pas loin de Dieppe), dans un café-galerie qui lui est cher dans le centre de Dieppe, La Potinière, vaut le détour. Faisons-lui confiance. Caroline a investi le lieu au point de faire oublier, paraît-il, la destination initiale du lieu d'exposition qui lui est offert temporairement, en y projetant ainsi un pan de son univers d'Ault, où l'on baigne, une fois entré dans sa maison, décorée du sol au plafond, dans son graphisme, son imaginaire, ses obsessions affectives.
Caroline Dahyot envahit les murs et grimpe au plafond... Ph. Darnish, 2018.
Caroline Dahyot, le plafond est conquis, les portes aussi, ph. Darnish, 2018.
Caroline aime à s'essayer à des formes d'art total, à de multiples formes d'expression. Elle a logiquement tendance, dans ses accrochages, à se répandre, à ruisseler, à occuper le terrain. Donc, en matière d'introduction à son univers, un petit tour à la Potinière s'impose...
Expo Dahyot, Café-Galerie La Potinière, 18 rue du 19 août, Dieppe, du 13 novembre au 14 décembre 2018.
00:08 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : la potinière à dieppe, art singulier, caroline dahyot, darnish, art total, ruissellement artistique | Imprimer
16/11/2018
Exposition galerie Rizomi de quelques artistes de la Création Franche, dont votre serviteur...
Dino Menozzi, critique d'art naïf et d'art singulier (outsider) italien, monte une expo à la galerie Rizomi à Parme du 24 novembre jusqu'au 15 décembre prochain (normalement), galerie connue en Italie pour exposer souvent des auteurs d'art brut. Or, en l'occurrence les artistes exposés, sous la bannière d'Adam Nidzgorski, mis en tête de gondole apparemment, par un choix subjectif du "curateur" Menozzi, sont tous des artistes, et des singuliers, ce qui est synonyme de "créateurs francs", ou de Neuve Invention (étiquette usitée à Lausanne en annexe de la Collection d'Art Brut), plutôt que des auteurs d'art brut au sens strict.
J'ai été moi-même associé à cette monstration, et, à ce que j'ai découvert grâce à l'affiche ci-dessus, mis à l'honneur par un détail d'une des huit peintures que j'ai envoyées là-bas. Cela n'est pas indiqué sur l'affiche malheureusement. Je dis "malheureusement", car il serait souhaitable que les concepteurs de l'affiche ne découpent pas une œuvre sans en informer les spectateurs de l'affiche (et l'auteur de la peinture!). Les spectateurs sont en effet logiquement fondés à croire que l'œuvre est bornée à l'image que l'on nous présente ici. Et, par conséquent, que "le songeur en aparté", titre apposé à droite dans le fond blanc en réserve, se rapporte à la femme jaune en jupette juchée sur des chaussures à talons qui se trouve juste à côté, alors que dans la peinture originale, il n'en est rien... Comme on pourra le constater ci-dessous, en zieutant la dite peinture...
Bruno Montpied, Songeur en aparté, 30,5x23cm, 2018 ; Le "songeur" ce n'est donc pas la femme jaune, mais le personnage violet au profil gigantesque triangulaire qui domine la scène en haut à droite... (Son corps se limite à une tête colossale, sa crinière, plus une forme serpentine, et un bras qui tâte une poitrine de femme naissante...) ; on mesure l'étendue du tranchage rizomiesque qui ne le signale nulle part sur l'affiche...
C'est un exemple de la nuisance qu'un affichiste indélicat peut apporter en tronquant la reproduction d'une œuvre. Sans compter qu'avec le titre de l'expo, un lecteur inattentif et non connaisseur peut également croire que la peinture est d'Adam Nidzgorski, l'artiste mis en tête de gondole dans le titre de l'expo.
On va dire que je râle toujours, mais avouez que je n'ai pas tort pourtant de faire cette remarque. Non? Il y va d'une forme de respect aux artistes. Faut-il toujours ne rien dire et s'écraser mollement?
Bruno Montpied, Gestation dans la matrice rouge, 32x24 cm, 2018 ; autre peinture sur papier également proposée à la galerie Rizomi et à Dino Menozzi.
10:24 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : adam nidzgorski, création franche, dino menozzi, galerie rizomi, bruno montpied, reproductions tronquées | Imprimer
12/11/2018
7e Biennale de l'Art partagé à Rives (Isère), plus que quelques jours...
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de parler des biennales "d'art partagé" organisées par Jean-Louis Faravel dans le cadre de son association Œil-Art. Tantôt installées dans l'Île d'Oléron, à St-Trojan-les-Bains, tantôt, comme en ce moment et pour quelques jours encore (cela se termine le 18 novembre prochain), à Rives, en Isère, pas très loin de Grenoble, là où fut fondée la première de ces expositions, me semble-t-il.
Le grand intérêt de ces biennales est de nous faire découvrir à chaque fois, et à des prix la plupart du temps modiques, plusieurs créateurs ou artistes aux œuvres parfaitement attirantes. La dernière édition de cette Biennale (la 7e, pour celles qui sont organisées à Rives) ne déroge pas à la règle, comme en témoignent ci-dessous les quelques images reprises du site web d'Œil-Art parmi les plus frappantes que l'on peut voir, nombreuses, sur le site. On soulignera que ces festivals montés par Jean-Louis Faravel et son équipe, mêlant artistes singuliers et créateurs handicapés ou bruts, voire naïfs, sans hiérarchie aucune, constituent véritablement le haut du panier en ce qui concerne l'ensemble des festivals d'art singulier ou "hors-les-normes" qui se montent ici et là en France. A suivre donc, impérativement.
Thomas Schlimm (un créateur handicapé allemand).
Gabriel Evrard
Imam Sucahyo, un auteur aux limites de l'art brut, indonésien, déjà exposé à la dernière biennale de St-Trojan-les-Bains ; il devrait être incorporé à une grande exposition d'art brut qui est en préparation en Indonésie, avec Ni Tanjung.
Raymond Goossens, créateur qui décline une série d'images campant un détective prénommé Raymond, sorte de projection de lui-même dans un univers de film policier... (Merci à Alain Dettinger et Fatima-Azzahra Khoubba qui me l'ont signalé dans la sélection de Jean-Louis Faravel)
Didier Hamey
Farchat Mobin, peintre naïf du genre "visionnaire", apparemment d'origine slave ; la scène ci-dessus se déroule durant la révolution russe de 1917 (la prise du Palais d'Hiver).
Et... Gilles Manero, un habitué, toujours habité, des biennales de Jean-Louis Faravel... Un surréaliste qui s'ignore, j'ajouterai...
17:50 Publié dans Art Brut, Art naïf, Art singulier, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : farchat mobin, imam sucahyo, gille manero, biennale de l'art partagé, art partagé, jean-louis faravel, rives, art brut, art singulier, art naïf, raymond goossens, gabriel evrard, thomas schlimm, art des handicapés en allemagne, œil-art | Imprimer
11/11/2018
La femme dans la graine guettée par un poignard
Une œuvre d'art? Ce n'est pas toujours ce que l'on croit usuellement. Ce peut être, plutôt qu'une œuvre peinte ou sculptée, une histoire que l'on raconte à son propos. Il faut cependant un objet, un point de fixation pour cette histoire. Et si une aventure s'attache à cet objet et à son histoire première, cela enrichit l'œuvre.
Je vais vous narrer un de ces objets que j'ai acquis récemment, pourvu d'une de ces histoires.
Une statuette, venue d'une graine d'un centimètre à peu près au départ - paraît-il (je crains qu'il y ait beaucoup de "paraît-il" dans cette note -, me fut présentée par un marchand dont je visitais la galerie avec curiosité. Sa boutique exhibait à la fois de l'art d'Extrême-Orient, et des objets aux formes naturelles insolites, des ready-made de hasard, pierres et bois trouvés mis en valeur grâce à un soclage adroit. On voyait aussi par places des statues rongées, ruinées, auxquelles l'usure, la dissolution conférait une beauté composée de tout ce que l'on imaginait à partir de leurs manques sans doute.
Photo et coll. Bruno Montpied.
La statuette, une femme nue, se tenant raidie sur son socle, était constituée d'une matière végétale de couleur jaune, et brun clair par endroits. Elle provenait, aux dires du cartel que le marchand avait placé à ses pieds, d'un chaman birman qui avait ainsi représenté son épouse symbolique. Le plus extraordinaire tenait en ceci, qui faisait tout son prix, qu'elle aurait été conçue en germe à partir de sa graine (dont le marchand ne parvenait pas à se rappeler du nom...), mesurant donc un centimètre. Elle aurait été ainsi "orientée" (par des retouches minuscules!) à même la branche de l'arbre où cette graine était née (il fallait croire aussi au fruit d'un arbre, par conséquent). Le chaman, connaissant fort bien la forme étirée que prendrait cette graine en poussant, avait prévu d'intervenir sur l'embryon du fruit de manière à figurer les jambes, les pieds aux doigts nettement dessinés, les bras le long du corps, la taille marquée, le mont de Vénus, le ventre légèrement renflé, les seins, les fesses au verso, la tête et sa chevelure, les yeux, le nez, la bouche, les épaules... C'était à n'y pas croire, mais c'était fascinant, et j'avais envie de l'admettre.
J'achetais la statuette (de 15 cm environ) et la rapportais chez moi.
Le lendemain matin, mal réveillé, d'un geste malencontreux, je la fis tomber au sol où elle se brisa net au niveau des jambes au milieu, à peu près, des cuisses. Vite, je me précipitai sans réfléchir, catastrophé par ma maladresse, sur de la colle du genre super glu que je m'empressai d'étendre à la jointure des jambes cassées... Hélas! Qu'avais-je fait là? Une tache apparut immédiatement se répandant dans la rainure des jambes et en suivant la ligne de fracture des jambes...
Mais c'est là qu'intervient le paradoxal enrichissement généré par ma double maladresse : éberlué, je constatai bientôt que la tache sombre créée par la colle se diffusant par capillarité dans le végétal jaune affectait à s'y méprendre un poignard, que je pouvais interpréter comme subtil...! Et il était pointé vers le sexe de la femme symbolique du chaman birman. Comme acte manqué, si c'en était un, on ne pouvait guère faire plus complexe...
01:54 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art immédiat, Art insolite | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chamanisme birman, poésie naturelle, graine sculptée et germée, art immédiat, hasard objectif, poignard subti, art birman, histoires d'objets, acte manqué, femme symbolique, objets blessés | Imprimer
03/11/2018
L'Empire des sens, à la Renaissance, en Quercy
Au cours d'une conversation récente avec Thierry Coudert, par ailleurs grand connaisseur en art populaire, le sujet de nos palabres a légèrement dévié. Il me fit part de son étonnement à propos d'un bas-relief qu'il avait vu (et photographié) au Château de Montal dans le Quercy.
Bas-relief du Château de Montal ; ph. Th. Coudert.
Une femme nue, échevelée, tient à la main droite un phallus, apparemment sectionné, et, à la main gauche, un coutelas (pas un poignard subtil, je vous prie de le croire). Image frénétique s'il en en est... Qui pourrait se déchiffrer ainsi, s'il se rapporte au commanditaire de l'œuvre (et du château), Jeanne de Balsac, qui venait de perdre son fils aîné dans une bataille pendant une campagne en Italie (en 1523) : désespérée par la mort de son fils chéri, sa mère se lamente de lui avoir donné le jour, en vouant aux gémonies le sexe masculin qui l'avait engrossée (et ne s'étant pas contentée, comme on le voit, de l'avoir "voué aux gémonies"...). Une description publiée sur le site qui délivre une notice historique sur ce château (site des monuments nationaux) paraît accréditer ce déchiffrement : "Le décor des lucarnes est en revanche dédié à l'humaine colère d'une mère désespérée par la mort de son fils : folie furieuse agitant ses grelots, allégories du désespoir accompagnées de la fameuse devise « Plus d'espoir »." Le bas-relief reproduit ci-dessus entretient-il des rapports étroits avec les décors de ces lucarnes...?
Cette scène n'est pas sans me faire penser à la séquence du film du réalisateur japonais Nagisa Oshima, L'Empire des sens, où l'on voit une amante poussant la passion amoureuse à un paroxysme effrayant, jusqu'à trancher le sexe de son amant, sexe qu'elle garde contre son cœur, telle une poupée chérie...Un peu trop chérie... Mais que l'on puisse trouver une illustration de ce genre de folie passionnelle dans un château du XVIe siècle en France, n'est-ce pas incroyable?
15:04 Publié dans Art immédiat, Art insolite, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jeanne de balsac, thierry coudert, art insolite de la renaissance, bas-reliefs, l'empire des sens, castration, désespoir, château de montal | Imprimer