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Jacques Reumeau, par Jean-Louis Cerisier (1)

Page de titre expo Laval 84 Hernandez Reumeau.jpg     Jacques Reumeau, cela fait des années que j'en entends parler par un ami peintre lavallois, Jean-Louis Cerisier, qui le connut dans les années 70 et 80 comme d'autres jeunes gens dans cette bonne ville qui fut le berceau de plusieurs peintres naïfs et singuliers, au premier rang desquels le fameux Douanier Rousseau bien sûr, mais aussi, Henri Trouillard, Jules Lefranc, puis pour les Singuliers, Robert Tatin, Alain Lacoste, Sylvie Blanchard, et Jacques Reumeau, cet artiste vagabond, semi clochard, à l'œuvre diverse, inégale, hétéroclite d'où émergent cependant de nombreuses pépites, conservées comme la majorité de l'œuvre (voir le texte de Cerisier ci-dessous) au musée du Vieux Château à Laval, musée qui vient de commencer une mue spectaculaire de l'art naïf à l'art singulier (l'art naïf qu'il possède restant présent bien entendu, puisqu'il s'agit d'une collection de réelle qualité bâtie autour de celle qu'avait commencée Jules Lefranc et qui servit de fondation et de racine à l'essor de la collection ; je rappelle que ce musée a ouvert ses portes au public en 1967). Il faut ajouter que la Sarthe voisine contient d'autres créateurs singuliers ou bruts tout à faits frappants, comme François Monchâtre, Gaston Floquet (voir l'article sur lui par Eva Prouteau dans le récent numéro de 303 sur l'art brut, outsider, modeste), Fernand Chatelain et Emile Taugourdeau. Sans compter que dans les générations actuelles sont apparus des créateurs tout à fait originaux comme Jean-Louis Cerisier justement, ou Serge Paillard, voire Patrick Chapelière et Joël Lorand (un non natif lui pour le coup), qui tous ont un lien avec la figure de Jacques Reumeau, cet artiste qui un jour abandonna l'usine pour se consacrer corps et âme à la peinture (comme le signalait la notice du catalogue de l'expo "De face et de profil" en 1984 au musée de Laval).

 

Les coqs mangeurs de champignons,95x75cm, pastel, MANS de Laval.jpg

Jacques Reumeau, Les coqs mangeurs de champignons, pastel sur papier, sans date, 95x75 cm, Musée d'art naïf et d'art singulier du Vieux-Château, Laval


       Jean-Louis, comme il l'explique lui-même ci-après dans ce texte inédit datant de 2007, se consacre régulièrement à restituer la mémoire de cet artiste atypique, véritable figure de la vie artistique lavalloise (patrie également d'Alfred Jarry).


"Pour que Reumeau ne meure

 

       Jacques Reumeau est décédé il y a 20 ans, le 29 juin 1987, à l’âge de 38 ans. Je voudrais, à l’occasion de cet anniversaire¹, revenir sur la destinée posthume de son œuvre. Le peintre a mis sa vie au service de sa création, engagement total  lié à un désir de reconnaissance, lui-même né d’un sentiment d’abandon ressenti par le peintre dans son enfance.

        Reumeau a commencé à effectuer des donations au Musée de Laval, alors dirigé par Jean-Pierre Bouvet². Le conservateur du musée et le suivant Charles Schaettel ont montré curiosité et intérêt pour l’œuvre et l’ont accueillie favorablement, ce qui a rendu possible  la décision finale de l’artiste de léguer par testament la totalité de son œuvre au musée. Les idées d’éparpillement, de disparition et d’oubli hantaient l’artiste à la fin de sa vie.

 

Portrait de JR auteur inconnu.jpg


       L’amitié et la confiance qu’il m’avait témoignées le poussèrent à me faire promettre de ne pas laisser son nom et son œuvre tomber dans l’oubli. Après sa mort, j’ai mis toute l’ardeur nécessaire à la publication d’un article dans la revue 303 (« Jacques Reumeau, peintre mayennais », n° XXXIX, 1993)

      La conservatrice du musée, Marie-Colette Depierre, au début des années 90, a engagé un inventaire du legs imposant consenti par Reumeau, constitué d’environ 2000 dessins, encres, pastels et peintures. Elle confia un travail de recherche  à des étudiantes en histoire de l’art de l’université de Rennes.

 

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Jacques Reumeau, La Spatule et la baignade des singes, pastel e tfusain sur papier, 1975, Musée d'art naïf et d'art singulier du Vieux-Château de Laval, ph. Bruno Montpied

 

         Estelle Soleillant rédigea ainsi un mémoire de Maîtrise en 1999-2000 (Etude, sous forme de catalogue raisonné, d’un choix d’œuvres de l’artiste mayennais Jacques Reumeau, Université de Rennes 2 / Haute Bretagne, Directeur de recherches : M Poinsot). Ce mémoire présente une synthèse de la vie, de l’œuvre et de l’environnement artistique du peintre, enrichie de propos recueillis auprès de personnes ayant côtoyé le peintre. Anne Archenoul a poursuivi le travail d’inventaire, ce qui a donné lieu à la publication d’un article dans la revue Maine Découvertes : « Au Musée d’Art Naïf de Laval : la redécouverte du fonds Reumeau », (n° 42, septembre 2004).

    Deux expositions posthumes ont été organisées par Marc Girard, artiste-peintre qui avait connu le peintre à Mayenne à la fin de sa vie, l’une en 1987 au château de Juhel à Mayenne, la seconde en 1988 à la chapelle du Géneteil à Château-Gontier. En 2000, à l’initiative d’Alain Guesné et Serge Paillard, une exposition fut organisée au prieuré d’Olivet sur la base d’un choix d’œuvres prêtées par le Musée de Laval sous la conduite d’Estelle Fresneau. Cette exposition a été remarquée pour la qualité de la sélection et de la présentation des œuvres. A l’occasion de cette exposition, Jean-Claude Leroy a publié un recueil d’entretiens qui prolonge le travail entrepris par Estelle Soleillant (revue Tiens, n° 8, mars 2000).

       La Biennale 2007 peut constituer un début de reconnaissance pour des artistes demeurés à la marge. Les vœux de Jacques Reumeau n’auraient alors pas été vains."

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¹Texte rédigé  par Jean-Louis Cerisier dans le cadre de la 6e Biennale internationale de Laval en 2007. Non publié.

²Jean-Pierre Bouvet fut conservateur du musée de 1965 à 1976. Charles Schaettel lui succéda de 1976 à 1990. Puis ce fut le tour de Marie-Colette Depierre, d'Estelle Fresneau, et enfin actuellement d'Antoinette Le Fahler de présider aux destinées du musée.

 

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Une collection d'art immédiat dans ”L'Or aux 13 îles” n°2, et un vernissage le 6 novembre prochain

     L'Or aux 13 îles, je vous en ai déjà parlé lorsqu'était sorti en janvier 2010 son n°1 qui concernait grandement les passionnés d'art populaire brut et des environnements spontanés parce qu'y était inséré un dossier volumineux sur le musée disparu de l'abbé Fouré consacré à ses bois sculptés à Rothéneuf (ce fut l'occasion surtout de republier un document rare, le Guide de ce petit Musée étonnant, guide paru en 1919 ; par la même occasion, nous commémorâmes ainsi -les premiers!- le centième anniversaire de la disparition de l'abbé, mort en 1910).

l'or aux 13 îles n°2,jean-christophe belotti,art immédiat,bruno montpied,armand goupil,marilena pelosi,joël lorand,gérald stehr,hérold jeune,la passerelle,maugri,jean-lous cerisier,charles lacombe,sefolosha,émilie henry,louis roy,art naïf,lobanov,donadello,sirènes,manero,ruzena,bernard javoy,serge paillard,monique le chapelain,pépé vignes,paul duhem,javier mayoral,guy girard       Voici que paraît son n°2 (cliquez sur ce lien et vous obtiendrez le formulaire de commande du numéro, voire des deux numéros), cette fois dominé par un thème "L'homme hanté par l'animal". Jean-Christophe Belotti est toujours aux commandes du navire, Vincent Lefèvre est toujours le maquettiste, élément important qui assure à la revue sa belle et élégante livrée. Le sommaire est varié, après une introduction de Belotti sur le pourquoi du comment du thème choisi, qu'il a illustrée de fort charmantes cibles foraines tchécoslovaques, on découvre les magnifiques photographies d'oiseaux naturalisés de Pierre Bérenger qu'il fit à la fin des années 1960 dans les locaux alors désaffectés du Museum d'Histoire Naturelle, avant que ce dernier lieu ne soit restauré et transformé en Grande Galerie de l'Evolution (comme le rappelle François-René Simon dans son texte de présentation). Suivent divers textes de Vincent Bounoure, Anne Fourreau et Jean-Yves Bériou. Je m'arrête plus particulièrement sur les dessins d'une certaine Mélanie Delattre-Vogt.l'or aux 13 îles n°2,jean-christophe belotti,art immédiat,bruno montpied,armand goupil,marilena pelosi,joël lorand,gérald stehr,hérold jeune,la passerelle,maugri,jean-lous cerisier,charles lacombe,sefolosha,émilie henry,louis roy,art naïf,lobanov,donadello,sirènes,manero,ruzena,bernard javoy,serge paillard,monique le chapelain,pépé vignes,paul duhem,javier mayoral,guy girard

     Puis suit un grand dossier sur Pierre Peuchmaurd, poète estimable disparu tout récemment (comme dans le n°1 était inséré un dossier sur Jean Terrossian). Les poèmes nombreux sélectionnés par Belotti dans l'œuvre de Peuchmaurd ont tous un lien avec l'animal. 

l'or aux 13 îles n°2,jean-christophe belotti,art immédiat,bruno montpied,armand goupil,marilena pelosi,joël lorand,gérald stehr,hérold jeune,la passerelle,maugri,jean-lous cerisier,charles lacombe,sefolosha,émilie henry,louis roy,art naïf,lobanov,donadello,sirènes,manero,ruzena,bernard javoy,serge paillard,monique le chapelain,pépé vignes,paul duhem,javier mayoral,guy girard      Des poèmes inédits de Guy Cabanel sont flanqués d'aquarelles d'Aloys Zötl, extraites du livre de Victor Francés récemment paru aux éditions Langlaude (Contrées d'Aloys Zötl, à un prix défiant toute concurrence grâce à des Chinois sous-payés), cet obscur teinturier autrichien qui se passionna de 1831 à 1887 pour des animaux qu'il dessinait plus réels qu'en vérité, les plaçant dans des décors naturels peu réalistes mais somptueusement veloutés et d'une puissance de suggestion sur l'imagination à nulle autre pareille.

      Ce numéro 2 est aussi pour moi l'occasion d'entrouvrir une porte sur une collection "d'art immédiat" dans le texte de 40 pages que j'ai intitulé Le Royaume parallèle.l'or aux 13 îles n°2,jean-christophe belotti,art immédiat,bruno montpied,armand goupil,marilena pelosi,joël lorand,gérald stehr,hérold jeune,la passerelle,maugri,jean-lous cerisier,charles lacombe,sefolosha,émilie henry,louis roy,art naïf,lobanov,donadello,sirènes,manero,ruzena,bernard javoy,serge paillard,monique le chapelain,pépé vignes,paul duhem,javier mayoral,guy girard Dérivant derrière cette porte, j'invite le lecteur à découvrir des créateurs aussi variés  que Guy Girard, Marilena Pelosi, Gérald Stehr, Armand Goupil, le sergent Louis Mathieu, le peintre naïf Louis Roy, le "patenteux" québécois Charles Lacombe, Christine Séfolosha, divers pratiquants de l'atelier pour handicapés mentaux de la Passerelle (l'atelier animé par Romuald Reutimann à Cherbourg), des objets d'art populaire anonyme, des collages d'un "anonyme américain" (que j'ai identifié depuis peu grâce à l'amabilité de Frédéric Lux comme étant de l'autodidacte américain Javier Mayoral, voir le blog de Laurent Jacquy Les Beaux Dimanches qui y parle d'un blog tenu par ce créateur, appelé Locus Solus 1 où Mayoral parle de ses créations très diverses, ex-voto décalés, catcheurs, phénomènes à la Barnum ; le monsieur en question paraît beaucoup jouer de la distanciation tout en restant friand d'ingénuité: curieux!), un jeu de massacre forain, une poupée rescapée de tribulations dans des greniers oubliés, Jean Estaque, Serge Paillard, l'inévitable et mirifique Joël Lorand, Jean-Louis Cerisier, soit autant de figures ou de sujets que les lecteurs fidèles et attentifs du Poignard reconnaîtront sans coup férir  comme rôdeurs dans ces parages...

l'or aux 13 îles n°2,jean-christophe belotti,art immédiat,bruno montpied,armand goupil,marilena pelosi,joël lorand,gérald stehr,hérold jeune,la passerelle,maugri,jean-lous cerisier,charles lacombe,sefolosha,émilie henry,louis roy,art naïf,lobanov,donadello,sirènes,manero,ruzena,bernard javoy,serge paillard,monique le chapelain,pépé vignes,paul duhem,javier mayoral,guy girardA noter que je viendrai à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre à 15h le dimanche 6 novembre (dans une semaine donc) en compagnie de Jean-Christophe Belotti qui dédicacera ce numéro tandis que je proposerai aux personnes présentes une dérive en une centaine d'images sur cette collection d'art immédiat (cela ne se limitera pas, étant donné le nombre, aux images présentes dans la revue). A bientôt donc.

Les illustrations qui accompagnent cette note sont, pour ce qui concerne les dernières des pages extraites de la revue.

        

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Un autre regard, la collection permanente de la création franche s'expose

       Du 11 juin, date du vernissage (pour les Bordelais, car cela a lieu un vendredi soir, les gens qui habitent plus loin ne sont pas invités à venir ce soir là, à moins de casser un bout de leurs RTT?), au 5 septembre, "à l'occasion de la parution d'un nouveau catalogue", voici que le fonds permanent du musée de la Création Franche est exposé avec prés de 300 oeuvres sur les 13000 inscrites à l'inventaire, le tout réparti sur les onze salles du musée. C'est le retour en force de la collection qui n'était que trés, trés partiellement montrée depuis des lustres, la plupart du temps confinée dans les trois quatre salles du fond du premier étage, où il ne fallait pas hésiter à faire un tour aprés chaque expo temporaire, dans l'espoir d'y voir surgir, ou resurgir, telle ou telle oeuvre inconnue, ou oubliée.

Jean-Louis Cerisier, Fragment organique,1974, mus. de la Création Franche.jpg

Jean-Louis Cerisier, Fragment organique, 1974

       Comment présenter cette masse d'oeuvres assez diverses il faut l'avouer (cela me plaît à moi cette variété)?

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Claude Massé, des patots comme s'il en pleuvait..., Collection du musée, ph Bruno Montpied, 2008

      Les organisateurs ont opté pour une classification par ensembles et thèmes semble-t-il. Les "pionniers" de la collection sont au rez-de-chaussée, à côté d'une salle plus spécifiquement consacrée aux créateurs classés dans les collections de l'art brut (comme Madge Gill, Louise Tournay, Benjamin Bonjour, Martha Grünenwaldt, etc - seul Michel Nedjar, il est vrai classé généralement dans l'art brut, y fait figure d'erreur, sa place étant plutôt selon moi parmi les singuliers, créateurs francs et autres "neufs inventeurs"...), dans lequel la création franche, nous dit le prospectus (non signé) de la présentation (consultable sur le site web du musée, voir plus haut), "prend sa source". Une autre salle du rez-de-chaussée est vouée à Claude Massé et à ses découvertes d'art "autre",Joseph Sagués, donation Claude Massé au musée de la Création Franche, ph.Bruno Montpied 2009,-avril-.jpg à la succession du peintre Jacques Karamanoukian, et à Gérard Sendrey, dont beaucoup d'oeuvres, à ce que j'ai découvert, aprés sa récente méga-exposition au Musée, ont rejoint la collection permanente, ce qui met un terme à son refus maintes fois réitéré de mêler sa propre oeuvre à celles de la collection qu'il avait grandement contribué à rassembler. Gérard Sendrey devient in fine un créateur franc tout à coup...

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Emile Ratier, grande roue de fête foraine, ph. BM, sept 2009

      L'étage paraît plus labyrinthique, du moins dans l'exposé de la présentation de l'expo. On y a ménagé des espaces avec des thèmes hétéroclites, le coin des "visionnaires" ou des "rêveurs de mondes", un cabinet de curiosités (avec paraît-il des oeuvres "inclassables et insolites" - miam-miam, c'est là que j'aimerais être! - un coin "maternité et enfance", qui sent presque sa crèche... En salle 10 (cela vous prend un petit air de jeu de l'oie tout à coup cette expo), ont été parqués les "tourmentés", merci pour eux...Stani Nitkowski, (sans titre mentionné), musée de la Création Franche.jpg Les "tronches", c'est en salle 9... "L"homme du commun" (le bouseux en somme?) est en salle 5, avec ses travaux des champs, ses animaux... Et le visiteur n'aura encore vu qu'une petite partie de l'ensemble de la collection, que seule une plus grande surface, souvent annoncée sous cape, jamais effective, pourrait révélér dans toute sa munificence éclatée.

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Jean Dominique, un "homme du commun" comme dit la présentation de l'exposition,en des termes qui deviennent presque moqueurs, et pourquoi? Ce genre d'oeuvre est plus prés de la plus grande poésie que tous les chefs d'oeuvre ciselés du monde..., ph. BM 2009

      Je n'ai pu voir l'accrochage, je ne fais ici qu'un compte rendu basé sur le dossier de presse envoyé en signe avant-coureur. Mais pourquoi ne pas faire moi aussi mon mini-accrochage à partir de quelques photos prises au cours des années? Chaque visiteur devrait ainsi avoir le droit à son accrochage perso, ses préférences, ses passerelles à lui, ses analogies, ses confrontations d'une oeuvre face aux autres, etc. Pourquoi pas?

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Bruno Montpied, Les masques de la mort rouge, 35x27cm, collage et technique mixte sur papier, Musée de la Création Franche
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Guy Girard, peinture à l'huile, anagraphomorphose sur la signature de René Char, ph BM, 2009, musée de la Création Franche
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Alain Garret, La diligence de Gustave, Musée de la Création Franche, ph BM, juillet 2008
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Cathy Massé, Rêve, déc.1985, Musée de la Création Franche, ph. BM, avr. 2009
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Pépé Vignes, 1979, Musée de la Création Franche, ph. BM, mars 2009
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Marilena Pelosi, dessin sans titre, 2001, Musée de la Création Franche, ph. BM, avr. 2009
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Jean Tourlonias, "Spéçiale Gérard Sendrey", 1996, Musée de la Création Franche, ph. BM, juil. 2008 
 

     

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08/06/2010 | Lien permanent

Recoins n°3

      Recoins n°3 est sorti avec les feuilles qui se ramassent à la pelle, ce qui ne sera pas son cas, car le numéro a belle allure, en constante amélioration. La revue concoctée à Clermont-Ferrand par Emmanuel Boussuge avec la collaboration d'émérites Auvergnats pur sucre (ou pure gentiane), qui ont pour noms Benoît Hické, Franck Fiat, François Puzenat, Colas Grollemund, Julie Girard, Bill Térébenthine, Bastien Contraire, etc., la revue s'est épaissie (70 pages contre les 58 des deux premiers numéros, ce qui explique aussi la petitesse des caractères, car il faut bien payer tant de matière, ne s'en étonneront que les nantis et les bourgeois, n'est-ce pas Ani la moule?), nourrie qu'elle est de substantifiques moelles. Comme d'habitude, art, belles-lettres et rock'n roll sont convoqués aux quatre (re)coins de la revue.

Recoins n°3,sept 2009.jpg
Numéro 3 de Recoins, 7 euros... 

     Au sommaire, outre quelques articles sur le rock des origines (que je suis d'un oeil en éveil - car il faut être bien étroit d'esprit pour ne pas voir qu'il y a là une source de créativité populaire largement sous-évaluée dans nos contrées, n'est-ce pas Caligula Vagula?), que les auteurs traitent dans le sillage des ouvrages parus chez Allia, comme par exemple celui de Nick Tosches intitulé "Héros oubliés du rock'n roll", plusieurs contributeurs :

      Tout d'abord votre serviteur (charité bien ordonnée commence par soi-même, n'est-ce pas?) intervient à propos du meunier Marcel Debord, dont l'environnement, à ce qu'avait révélé Jean-Luc Thuillier en 2007 dans son livre Arts et Singuliers de l'Art en Périgord, a été ravagé par la tempête en 1999, après avoir longtemps fait le plaisir des rares passants qui le connaissaient, car il fallait être curieux ou très bien renseigné pour tomber sur ce site à l'écart d'une route largement secondaire, à quelques encablures de Brantôme. Je l'avais visité en 1992 et ne m'étais pas résolu à en parler, son auteur étant infirme, fatigué (de fait il mourut en 1994). Recoins me permet aujourd'hui de renouer le fil avec cet homonyme d'un célèbre situationniste. Mon article est illustré d'une dizaine de photos, cherchant à faire le tour de cet environnement peu étudié et répertorié. 

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Marcel Debord, autoportrait en meunier, photo Bruno Montpied, 1992

     Autres intervenants dans la revue, Anna Pravdova et Bertrand Schmitt y publient un texte instructif sur Jan Krizek, qui fut un sculpteur à la croisée des routes entre surréalisme et art brut. Leur article préfigure des développements ultérieurs, tant on sent qu'ils s'y retiennent d'en dire trop. "Jan Krizek, sculpter en deux dimensions" est un amuse-gueule, une amorce.Jan Krisek,Linogravure,n°13 sur 38, 1958, coll.privée, Paris, ph.Bruno Montpied.jpg On retrouve également Régis Gayraud qui publie trois textes dont un est connu de ceux qui fréquentent les archives de mon blog (suivez le lien ci-contre, paresseux!). Un homme qui porte le même patronyme que lui et prénommé Joël, et lui aussi un habitué de cette colonne blogueuse (qui n'est pas la colonne sèche que nous avions rêvée, vous en souvenez-vous, chers Gayraud?), dépose un texte de "souvenirs familiaux", "Mots de ventre, mots de coeur" où il est question de mots privés familiaux. Et là, je crie au scandale. Dis donc le père Jojo, t'aurais pu me demander mon avis, car ce texte m'avait été promis en 1988 (et bonjour pour le réchauffé)! Pour une enquête que je menais alors, que je mis je dois l'avouer en stand-by durant les vingt ans qui suivirent mais que je n'ai jamais désespéré d'achever et de publier un jour...! J'ose donc espérer que ce texte n'est ici produit qu'en pré-publication.

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Millange, une bourrée, publié dans Recoins n°3

     Du côté d'Emmanuel Boussuge, qui signe aussi parfois Eubée dans sa revue, on notera l'excellente et quasi exhaustive présentation du peintre naïf bien oublié, méconnu, Millange, dont il eut la révélation auprès d'une érudite cantalienne Odette Lapeyre (je l'ai rencontrée un jour  en sa compagnie, charmante vieille dame amoureuse de sa région du côté d'Antignac, elle renseigna Boussuge aussi sur le cas de François Aubert). Ce Millange, qu'Emmanuel qualifie de "peintre paysan", on pourrait tout à fait le qualifier d'Emile Guillaumin pictural. Comme ce dernier, qui fut on le sait un écrivain-paysan enrôlé sous la bannière des "écrivains prolétariens", il aimait à chanter les peines et les labeurs des champs, la vie rurale de son temps, le tout dans une palette vaporeuse qui confère une aura onirique à ses saynètes.

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Millange, La lettre de l'absent, publié dans Recoins n°3

Voici une impressionnante liste de librairies où on peut trouver Recoins n°3 à Paris : A la Halle Saint-Pierre bien sûr, mais aussi chez Libralire, dans le 11e, rue St-Maur, chez Bimbo Tower, passage St-Antoine (qui donne sur la rue de Charonne dans le 11e), à la galerie Nuitdencre, rue Jean-Pierre Timbaud (au 64), Un Regard moderne (rue Gît-le-Coeur dans le 6e), chez Parallèles, rue des Halles, chez Vendredi, rue des Martyrs, presqu'à l'angle avec le boulevard de Rochechouart, chez Atelier 9, dans la même rue mais un peu plus bas, chez Anima, avenue Ravignan, dans le 18e (la Butte Montmartre), au Monte-en-l'air, rue des Panoyaux (paraît-il), et également aussi à l'Atelier, la librairie qui se trouve en dessous du métro Jourdain, prés de la rue des Pyrénées (20e).

    D'autre part, oyez, oyez, demain lundi 5 octobre, à 19h30, dans  l'émission "Songs of praise" sur Aligre FM (93.1 à Paris), Emmanuel Boussuge, en compagnie du... sciapode, qui l'escortera fantomatiquement (car il devrait être question de rock'n roll et de musiques expérimentales et peu d'art brut, quoique... On devrait peut-être entendre, à cette occasion, un bout de la bande-son du film de Pierre et Renée Maunoury sur le créateur de l'art brut Pierre Jaïn), Emmanuel donc participera à l'émission hebdomadaire de cette émission vieille de vingt ans, pour présenter sa revue. Elle peut être captée par internet de partout in the world. Comme ça, si vous lisez cette note tardivement, vous pourrez encore vous rattraper.

     Sinon, on peut aussi s'abonner à la revue pour 29€ (4 numéros) en écrivant à Recoins, 13, rue Bergier, 63000 Clermont-Ferrand (e-mail: revuerecoins@yahoo.fr). 

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Un catalogue d'expo ”La Mayenne à l'oeuvre” au Centre Kondas d'Art Naïf en Estonie

     On peut désormais trouver en vente à la librairie de la Halle St-Pierre (par exemple...) le catalogue de l'expo "La Mayenne à l'œuvre: Destins croisés" organisée à Viljandi au Centre Kondas d'art naïf. J'ai déjà évoqué cette manifestation montée par l'Association CSN 53 ("Création Naïve et singulière en Mayenne"), conçue et coordonnée par Jean-Louis Cerisier, avec l'aide entre autres de Serge Paillard et Michel Leroux. mayenne à l'oeuvre,jean-louis cerisier,serge paillard,centre paul kondas,viljandi,art naïf,art singulier,musée du vieux-château à laval,douanier rousseau,jules lefranc,alain lacoste,robert tatin,henri trouillard,jacques reumeau

     L'Estonie, c'est un peu loin... Et donc ce catalogue permet d'en voir davantage. Sur les créateurs et artistes mayennais, et aussi pour partir à la découverte de ce mystérieux inconnu qu'est Paul Kondas qui, s'il a été recensé dans l'Encyclopédie mondiale de l'Art Naïf (en 1984...), reste largement inconnu par nos contrées. Ce qui est dommage étant donné les quelques quatre peintures que nous montre le catalogue... (On aimerait fortement en voir plus).

 

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Paul Kondas, Fleur de fougère, 80,5 x 51 cm, huile sur toile, 1980, coll. Musée de Viljandi (j'aime beaucoup le procédé de cerne blanc créant un halo luisant autour des personnages et des ronds dans l'eau, halos créés par l'éclat de la lune dans l'esprit de l'artiste, lune qui nimbe toute la scène d'une lueur de merveilleux)

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Paul Kondas, Chasseur aux lapins, 140,5 x 86 cm, huile sur toile, 1977, coll. Musée de Viljandi

 

     Dans l'esprit du concepteur de l'expo, il s'agissait donc d'esquisser une sorte d'échange entre des artistes mayennais et ce peintre naïf dont 26 œuvres furent acquises par le musée  de Viljandi qui lui voua aussi son nom apparemment. Je ne sais pas à l'heure où j'écris ces lignes s'il est arrivé à convaincre Laval d'exposer des œuvres de Paul Kondas.

 

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Henri Rousseau, La fabrique de chaises à Alfortville, prêt temporaire du Musée de l'Orangerie à Paris dans le cadre des collections permanentes du Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier de Laval en février 2015 (pour pallier les prêts que ce dernier musée avait consenti au Palais des Doges à Venise dans le cadre d'une rétrospective Rousseau)

 

    Certains pourront peut-être se demander pourquoi avoir adopté une perspective aussi régionaliste, par un curieux désir de se construire un destin ancré dans une zone départementale...  Ce serait oublier qu'il s'est passé depuis déjà un siècle un curieux ancrage artistique à Laval et sa périphérie. Tout étant parti sans doute d'Henri Rousseau dit "le Douanier", puis de  la fondation du Musée d'Art Naïf du Vieux-Château dont les collections s'enrichirent au départ d'un important socle d'œuvres provenant des collections rassemblées par Jules  Lefranc, autre peintre naïf fort important, à la lisière d'une figuration poétique savante, de laquelle  pourrait aussi participer l'œuvre d'un Elie Lascaux, originaire d'une autre partie de la France, le Limousin.

 

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Jules Lefranc, Le môle noir, gouache sur papier, vers 1930, Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier de Laval

 

     C'est peut-être cette ouverture de Lefranc vers une figuration réaliste poétique qui amena d'autres peintres du cru, comme Henri Trouillard, à voguer de dérivation en dérivation vers des horizons carrément visionnaires, des Robert Tatin  (présent par des lithographies dans l'expo Cerisier), des Alain Lacoste (lui aussi exposé à Viljandi) arrivant dans les décennies suivantes avec dans leurs bagages une liberté de ton encore plus radicalement éloignée de la représentation du réel "rétinien" (on les range dans ce qu'il est convenu d'appeler "l'art singulier", catégorie d'artistes en marge, semi-professionnels, au dessin automatique et empirique, plus ou moins inspirés par les exemples du surréalisme, de COBRA, ou de l'art brut). Jacques Reumeau pour sa part synthétisa peut-être toutes ces tendances dans le "melting-pot" d'une œuvre qui débouchait parfois dans l'hétéroclite, dérapant  même jusqu'à une forme de ratage pathétique dans quelques cas. Deux œuvres reproduites dans le catalogue, provenant des collections Cerisier et Leroux, sont au contraire bien abouties, illustrant bien ce que j'appelle le "melting-pot" stylistique que paraissait rechercher Reumeau (et qui fait sa marque de fabrique, semble-t-il).

 

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Jacques Reumeau, L'oiseau et le poisson, la rencontre, 64,5 x 49,5 cm, pastel, 1975, coll. Art Obscur Michel Leroux

 

       Après ces glorieux aînés, vinrent toutes sortes d'autres artistes mayennais ou d'adoption (comme Joël Lorand, venu s'installer un temps en Mayenne ; je le crois aujourd'hui plutôt posé à Alençon) dont nous parle à l'occasion Jean-Louis Cerisier. Dans son expo en Estonie, on remarque les œuvres  de Brigitte Maurice (figurative poétique semble-t-il), de Serge Paillard ou de Marc Girard. A suivre les indications de Cerisier dans ce catalogue, on comprend donc qu'il y a bien un creuset particulier dans cette belle région mayennaise.

 

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Brigitte Maurice, Sans titre, 31,2 x 29 cm, huile sur bois, 2014, coll. Jean-Louis Cerisier

 

       Et même si Jean-Louis Cerisier paraît avant tout s'intéresser à l'art dans une perspective de plasticien contemporain féru d'histoire de l'art, il n'oublie pas d'inviter des créateurs que l'on pourrait ranger dans l'art brut, comme Gustave Cahoreau, Patrick Chapelière (découvert et défendu au départ par Joël Lorand) ou "l'Ami des Bêtes" Cénéré Hubert pour lequel j'ai une certaine prédilection, créateurs "bruts" en cela qu'ils paraissent vivre (ou paraissaient vivre dans le cas de Hubert, décédé en 2001) au plus près leur création dans une proximité fusionnelle.

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Cénéré Hubert, devant le portail décoré de son atelier, St-Ouen-des-Toits (Mayenne), ph. Michel Leroux

 

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Les Mayennais toujours à l'œuvre et à la manœuvre en Estonie

     "Chers amis et contacts,

      J'ai le plaisir de vous annoncer une nouvelle exposition de La Mayenne à l'oeuvre,  organisée au musée Paul Kondas d'art naïf et outsider de Viljandi en Estonie, du 15 mai au 15 juillet 2015. 

     La précédente exposition, Croisements et Filiations, organisée en 2013 au musée National des beaux-arts de Biélorussie à Minsk, présentait les ramifications à l'origine de l'émergence de la création naïve et singulière dans la région. 
 
     Celle-ci, qui a pour titre Destins croisés aborde l'aspect plus actuel de la mouvance singulière en Mayenne." (Jean-Louis Cerisier)
 

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Article de Pauline Launay dans Le Courrier de la Mayenne du 6-5-2015

    
    Donc, il faut comprendre qu'il s'agit du deuxième volet d'un ensemble appelé globalement "La Mayenne à l'œuvre" et  qui se transporte cette fois en Estonie dans ce petit musée de Viljandi, avec l'appui de M. Michel Raineri, ambassadeur de France en Estonie, en partenariat avec le ministère de la culture d'Estonie, le musée du Vieux-Château à Laval, etc., pour montrer des artistes et créateurs mayennais contemporains.
 

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Un dessin de Robert Tatin, La Vierge aux Oiseaux, 1982, coll. Art Obscur

 
 
   On veut y présenter quelques créateurs  et artistes emblématiques de ce creuset curieux lavallois et mayennais qui, dans la filiation avec le Douanier Rousseau, le grand ancêtre d'où tout est parti à l'évidence, ou avec Jules Lefranc,  Henri Trouillard, Robert Tatin, ou Jacques Reumeau (voir ci-contre, coll. Art Obscur), tous natifs de Laval, a su se renouveler en s'enracinant dans cette région.Reumeau 2 (2).jpg Jean-Louis Cerisier, le commissaire d'exposition, en collaboration avec Michel Leroux et son "art obscur", ainsi qu'avec plusieurs membres d'une association lavalloise, CNS 53 (Création Naïve et Singulière: Serge Paillard, Nathalie Mary, Michel Basset, Chantal Mady-Houdayer, Jean-Luc Mady, Salomé Mady), Jean-Louis Cerisier lui-même se veut à la fois artiste (que je qualifierai de "naïf moderne" tant ses expérimentations le mènent quelquefois  à dépasser allégrement les frontières de son art d'autodidacte naïf) et organisateur, médiateur de ses compagnons de créativité en Mayenne, nébuleuse que j'ai appelée autrefois dans un court article que j'avais inséré dans un ancien numéro de la revue des Pays de la Loire, 303, Arts, Recherches et Créations, "L'Ecole de Figuration poétique lavalloise".
 

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Jean-Louis Cerisier, un billet de 1000 zlotys déchiré, allégorie d'un refus de la vénalité proposé par l'artiste?


      On sait par exemple que Jules Lefranc, fut aussi à la fois peintre et collectionneur, et qu'il légua une bonne partie de sa collection au musée du Vieux-Château à Laval ce qui permit de lancer le musée en 1967. Et que ce dernier s'est ouvert très récemment à l'art singulier en lui consacrant quelques salles, en attendant mieux (une extension du musée à l'ancien palais de justice voisin par exemple). Art singulier qui est vu par les conservateurs du lieu comme une continuation de l'art naïf en moins strictement référent à la réalité visuelle, puisque l'art singulier se détache de la représentation du monde extérieur pour peindre plutôt des images aux formes et aux couleurs libres.
 

Gustave Cahoreau.jpgGustave Cahoreau tenant une de ses sculptures, un "protégé" de Michel Leroux... Archives Art Obscur

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Céneré Hubert, créateur multi-formes et notamment créateur d'environnement à St-Ouen-des-Toits (toujours en Mayenne), Archives Art Obscur

 

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Un très beau dessin (pastel?) de Patrick Chapelière ; à noter que les trois créateurs ci-dessus s'apparentent davantage à l'art brut qu'à l'art dit singulier, tant leur travail s'accomplit dans l'écart vis-à-vis des démarches traditionnelles artistiques ; coll. Art Obscur

 
     Jean-Louis Cerisier nous a adressé quelques images des œuvres qui seront exposées (du 15 mai au 15 juillet au musée Paul Kondas d'art "outsider et naïf" de Viljandi; ce Paul Kondas qui paraît être lui-même un "singulier" estonien que le musée de Viljandi verrait bien exposé en retour à Laval). Le moins que je puisse dire, c'est qu'il y a de quoi être ravi et enchanté par plusieurs artistes à découvrir si l'on doit se fier uniquement au panel proposé par Cerisier (voir les différentes illustrations émaillant cette note).
 

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Alain Lacoste, autre Singulier mayennais bien connu et prolifique ; coll. Art Obscur

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Marc Girard ; j'aime assez cette œuvre qui me fait penser à ... moi, mais aussi à Chaissac, à Lacoste...; coll. Art Obscur

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Et un Joël Lorand, un... Peut-être relativement ancien, non? ; coll. Art Obscur

 
 
    Dommage qu'il faille aller si loin pour les voir réunis (même si aura lieu en Mayenne durant seulement trois jours un autre petit rassemblement d'œuvres, comme je l'ai précédemment signalé, à St-Cénéri-le-Gérei).  

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”Aventures de lignes, treize imaginistes-intimistes en marge de l'art contemporain”, une exposition organisée par Bruno

Le vernissage, c'est aujourd'hui!

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Exposants: Marie Audin, Jean-Louis Cerisier, Migas Chelsky, Darnish, Caroline Dahyot, Alain Garret, Régis Gayraud, José Guirao, Solange Knopf, Gilles Manero, Bruno Montpied, RuzenaGérald Stehr ; le vernissage est en entrée libre, en particulier tous les lecteurs du Poignard Subtil sont cordialement invités...  

      

     Sur une proposition de Guy Girard, membre de l’association qui gère la galerie Amarrage, j’ai décidé de réunir pour quelques semaines un choix d’artistes exposant généralement dans des circuits alternatifs, que l’on qualifie ailleurs de « Singuliers », et que j'ai tous défendus, au moins une fois, sur ce blog. Le terme "singuliers", on le sait, est de plus en plus galvaudé dans les festivals qui se sont emparés de l’étiquette, les poncifs esthétiques s’y faisant légion, au point d'y anéantir tout réelle "singularité". C’est pourquoi j’ai cru bon d’employer, pour les besoins de l'exposition que j'organise, un autre terme, en dépit de son aspect un peu « intellectuel » : imaginiste-intimiste ; il désigne à la fois la prépondérance de l’imagination dans les travaux présentés et le caractère indépendant de leurs auteurs.

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Solange Knopf, série Behind the darkness, 23x48 cm,  vers 2014, coll. privée, Paris, ph. Bruno Montpied ; œuvre exposée à St-Ouen

 

     Depuis l’essor de l’art brut‒ cet art pratiqué par des non-professionnels de l’art, qui résulte d’une pulsion irrépressible et qui se manifeste dans tous les secteurs de la société, quoique pour une large part dans les milieux défavorisés et populaires ‒ de nombreux artistes sont apparus, prenant exemple sur la position morale des créateurs de l’art brut, qui étaient plus soucieux de pouvoir s’exprimer que d’en retirer un bénéfice matériel.

      L’art brut se caractérise par une forme d’autarcie mentale, un individualisme esthétique, un désintérêt vis-à-vis de la communication ultérieure de son art. A une époque où l’apparence est devenue l’alpha et l’oméga de toute attitude sociale, il n’est pas irraisonné d’attirer l’attention sur l’engouement actuel de beaucoup d’amateurs d’art pour ces grands introvertis de l’art que sont les auteurs d’art brut, œuvrant en dehors de tout souci du « paraître ».

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Bruno Montpied, En surfant sur les sirènes, 40x30cm, 2016, ph. B.M ; œuvre exposée à St-Ouen

 

       Les artistes rassemblés ici*  sont tous sensibles à cet assaut de sincérité appliquée à la création, à ce rappel à l’ordre d’une certaine pureté d’intention. Esthétiquement en outre, on reconnaîtra parmi ces œuvres un goût marqué pour une certaine stylisation et pour des techniques d’expression innovantes, qu’elles se rencontrent chez des artistes plus influencés par l’art naïf (Cerisier), l'art brut (Guirao), le surréalisme et l’expressionnisme naïfs (Manero, Montpied, Gayraud, Garret), le dadaïsme et les cultures populaires (Darnish), l’art textile (Dahyot, Audin), ou par l’art visionnaire, voire fantastique (Gasqui, Ruzena, Knopf, Stehr).

 

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Marie Audin, sans titre, 24x30 cm, sans date (avant 2010), ph. B.M. ; œuvre exposée à St-Ouen 

      C’est une sélection partielle, comme la pointe immergée d’un iceberg qui cache beaucoup plus d’artistes actuellement installés en France tout aussi originaux et inventifs, et tout aussi peu médiatisés, les media contemporains n’accomplissant plus leur mission d’information depuis belle lurette.

 

* Expo du 22 octobre (vernissage de 15h à 19h) au 4 décembre. Galerie associative Amarrage à Saint-Ouen, 88 rue des Rosiers. Je donnerai une "conférence-promenade" au sujet de l'art brut, l'art naïf, les environnements spontanés et l'art singulier en me basant sur des images d'œuvres en provenance d'une collection privée vouée à ces catégories, le jeudi 24 novembre à 19h30, dans les mêmes locaux.

A signaler qu'une petite librairie de divers ouvrages et catalogues (dont les quatre titres de la collection la Petite Brute par exemple) se rapportant aux artistes exposés sera disponible dans la galerie.

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Vue de la galerie Amarrage... ph.B.M., 2016

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22/10/2016 | Lien permanent

Jacques Reumeau et ses amis, une exposition à Laval, terre dont Reumeau ne paraît pouvoir s'échapper...?

      Ce fut le titre de l'expo montée récemment (du 1er au 16 avril derniers, une trop courte quinzaine de jours...) au musée de la Perrine, que je n'ai pu voir, mais dont je possède le catalogue, friand que je suis de recueillir le maximum d'informations supplémentaires sur ce personnage, ancienne figure lavalloise de l'art singulier et visionnaire qui a marqué de nombreux autres artistes de la même région. Ce sont du reste certains d'entre eux qui, au sein de l'association CNS 53 ("Création Naïve et Singulière en Mayenne"), dont j'ai déjà eu l'occasion à maintes reprises de parler ici (de même que de Reumeau), ont organisé l'exposition et édité le catalogue, au premier rang desquels Jean-Luc Mady et Marc Girard.

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Jacques Reumeau, Naissance du singe (pour Reumeau, le singe était-il donc ovipare?), 75x100cm, MANAS de Laval ; Reumeau allait observer les primates au petit zoo du Jardin de la Perrine à Laval... Sa peinture reflète, par une de ses séries, cette passion pour les singes.

 

      Il semble que ce projet  au musée de la Perrine fut surtout l'occasion de confronter la peinture de certains de ses amis ou connaissances à celle de Reumeau. C'est du moins l'impression que je retire en parcourant le catalogue. On y découvre, entre autres,  les œuvres curieuses de Barbâtre ou celles, plus naïves-véristes, de Philippe Le Gouaille, qui fut l'instituteur du jeune Reumeau, et qui, à ce titre, exerça une influence non négligeable sur sa vocation ultérieure de peintre, si l'on suit les confidences du peintre Barbâtre dans le catalogue. Ce Le Gouaille est parfaitement inconnu, et possède pourtant, semble-t-il, une œuvre forte, proche par son style de celle d'un Jean Eve par exemple.

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Jacques Reumeau, Le monde fantastique des oiseaux, 75x100cm, MANAS de Laval ; Reumeau eut envie, à un moment, de composer des paysages en quelque sorte habités par ses visions ; ce mixage entre réalité visuelle et fantasmes visionnaires était une piste originale, mais Reumeau alla-t-il assez loin dans ce domaine? Il est permis d'en douter si l'on regarde les exemples procurés dans le catalogue cité ci-dessus...

 

      Qu'il est mystérieux pour moi de constater à quel point l'aura de Jacques Reumeau n'a toujours pas dépassé le cercle de la Mayenne. Hormis quelques rares expos en dehors de cette zone (La Baule, Angers, voire une galerie parisienne sur l'île St-Louis...), l'activité de Reumeau se cantonna à Laval où il prit, on l'a dit suffisamment souvent, une dimension de figure locale. L'aspect hétéroclite de sa production est probablement cause de l'étroitesse géographique de sa réception... Et, de plus, aujourd'hui, ses œuvres ne tournent pas, puisque la majorité d'entre elles se trouvent conservées dans les réserves du Musée d'Art Naïf et d'Arts Snguliers de Laval (le MANAS), d'où elles sortent rarement pour voyager loin de la Mayenne. Ses amis n'ont-ils pas tendance, aussi, à le cantonner à sa région, comme si cette dernière était une île culturelle...?

*

     Par ailleurs, son ami, le peintre et critique Jean-Louis Cerisier nous a récemment confié un nouveau texte, publié aussi sur le site web Tiens, etc., de Jean-Claude Leroy, où il pointe, entre autres, les liens unissant Reumeau au thème de l'animalité...

 

Jacques Reumeau

Le paysage, le corps, l’animal

  

          Le peintre Jacques Reumeau sera passé comme une comète dans l’univers de la création inspirée autodidacte. Né en 1949, il n’aura vécu que 38 ans. Pourtant, il aura eu le temps de produire dans une sorte de fièvre créatrice une œuvre imposante, souvent dérangeante, puissante, parfois cruelle, parfois désespérée, malicieuse même à certains moments.

          Jacques a œuvré dans un état de possession. On comprend qu’il fut si sensible à l’environnement rural mayennais où les pratiques de sorcellerie et de magie noire avec ses guérisseurs et ses rebouteux étaient encore présentes dans les modes de pensée et de vie de l’époque. Le peintre était fasciné par les forces contraires. Il manifestait ce penchant dans ses recherches et ses choix de lecture à la bibliothèque municipale où je le côtoyais. Il arborait une apparence sombre dans son expression, son allure, sa silhouette, sa tenue vestimentaire.

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Jacques Reumeau en compagnie de Jean-Louis Cerisier, photo tirée d'un film Super 8 de 1987 (que pour la petite histoire j'ai aidé à rendre possible, à ce que je crois me souvenir, en prêtant une caméra Super 8).

 

          Cet univers obscur peuplait surtout ses œuvres, leur conférant un aspect mystérieux et inquiétant. Les paysages, traités à la sanguine noire, plus rarement délavés, sont perçus comme des lieux habités par des esprits, sinon hantés. Les esprits malins, la malice, le maléfice, le mal, ne sont jamais loin. Domine le noir, cette non-couleur dans laquelle s’affichait le peintre quand lui-même hantait les rues de Laval de sa démarche nerveuse, pressée, à l’affût d’on ne sait quelle force souterraine.

          Le peintre a bien perçu les caractéristiques du paysage mayennais avec son bocage dense, ses arbres resserrés formant des barrières végétales, ses successions d’espaces circonscrits. La perception du paysage par Reumeau est pourtant plus qu’une affaire de regard. Elle est de l’ordre de la vision.

          Œuvrant pendant 20 ans à peine, il aura mené sa carrière artistique de manière endiablée, s’y consacrant corps et âme, quand les tourments de son corps et de son âme justement lui laissaient quelque répit. Car il lui fallait composer avec cela aussi : un corps en souffrance ou en attente, rarement détendu, un esprit en désordre et un cœur qui saignait des plaies de son âme et de ses manques affectifs. Le corps et l’âme enlacés comme une double chaîne de vie et de mort.

          Reumeau était habité par une fièvre comparable à celle d’un héros dostoïevskien, tel Raskolnikov, insomniaque, agité en proie à d’insolubles conflits pour finir par se résoudre à une recherche de rédemption. Reumeau ne pouvait pas faire autrement que de pousser jusqu’au déraisonnable les limites de l’excès, excès de boisson et de tabac, excès d’insomnies, excès de violence, j’en passe… pour finir par chercher le chemin improbable d’une aurore fuyante.

          Le corps souffrant, éprouvé, l’esprit fiévreux, Reumeau s’en servait aussi de gisement, à l’image de ces Carrières de l’âme, titre du recueil de poèmes de son ami Gérard Bodinier, publié en 1976, illustré par le peintre. Le corps est omniprésent, d’abord symbolique dans les premières représentations prenant l’aspect de divinités, puis celui de petits personnages, de diablotins s’agitant sur des échelles, tels des fourmis au service de l’âtre de Lucifer. Ces personnages butinent littéralement le paysage pour en extraire la sève féconde. Enfin le corps métamorphique, kafkaïen, ayant fait exploser le schéma corporel se trouve réduit à ses viscères munis d’un œil, d’une bouche et d’un cloaque.

           Une autre constante habite l’œuvre de l’artiste, celle de l’animalité. Qui a à voir d’ailleurs avec le corps. Car dans sa démarche de démembrement du corps humain, Reumeau ne cherchait-il pas à se libérer de cet encombrant humain, le réduisant à l’envi à l’état d’homoncule ou de mandragore, pour aller plus avant encore vers la primitivité, la source de lui-même afin de débusquer la bête qui s’était installée en lui, à son corps défendant dans l’inconscient d’une enfance tourmentée. Les blessures avaient fait de lui un animal traqué. La bête qui précède l’homme, la poursuivre en la représentant, n’était-ce pas mettre en lumière tous les manques affectifs de sa jeunesse.

          Ce corps réduit, cette bête traquée, ces paysages hantés vont pourtant livrer bataille… jusqu’au bout. En la personne du peintre  qui, bien que sevré de médicaments, n’abdiquera pas. Parsèment les œuvres de la dernière période de Reumeau des couteaux, des coups, des membres arrachés, du sang, le combat tribal, le retour à l’origine de la vie et du monde, celui-là même qui depuis la nuit des temps lutte pour sa survie. La vie, celle-là même née de l’informe, des formes incertaines, de l’organique. Reumeau, défiant l’abattement qui le guettait, a réussi par son art à donner une forme à son désarroi et à ses visions.

 

Jean-Louis Cerisier, 2016.

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Visions et Créations ”dissidentes”, le cru 2019

VCD 2019 avec Joseph Donadello.jpeg

     Dans trois jours, commence la nouvelle édition de l'exposition automnale du Musée de la Création Franche à Bègles (huit créateurs: le Hollandais Jos van den Eertwegh, les Cubains Carlos Huergo et "Chucho" : Luis de Jesus Sotorrios Fabregas (tous les deux en provenance du Riera Studio), le Suisse Pascal Vonlanthen et les Français Christine Achard, Joseph Donadello, Thibaut Seigneur et Ghislaine Tessier, dite communément "Ghislaine"). Elle se déploie pour le trentième anniversaire du musée, ouvert en 1989, alors appelé Site de la Création franche, appellation qui succédait à la Galerie Imago, lieu d'exposition séparé de l'actuel bâtiment (c'était une petite échoppe – une maison simple – située presque en face de la mairie de Bègles), le tout créé par l'artiste singulier Gérard Sendrey.

       Il y était question de "création franche", terme forgé par Sendrey, pour cibler tous les artistes et créateurs marginaux, œuvrant dans leur coin, qu'on les range dans l'art brut (Pépé Vignes), l'art populaire individualisé (Jean Dominique), l'art rustique moderne (Gaston Mouly), l'art naïf (Joseph Sagués, Jean-Louis Cerisier), voire le surréalisme contemporain (comme André Bernard ou Guy Girard), et surtout l'art singulier (synonyme de "neuve invention" à la collection de l'Art Brut à Lausanne, ou de "création franche"), dont de nombreux anciens de cette catégorie font partie de l'actuelle collection béglaise (Sanfourche, Lacoste, Goux, Chichorro, Pauzié, Saban, Carles-Tolra, etc.) ainsi que des auteurs de générations suivantes  (comme l'auteur de ces lignes, Montpied, ou Manero, Ruzena, Albasser, etc.).

       L'étiquette de "création franche" avait donc, au départ de l'aventure il y a trente ans, un pouvoir recouvrant bien développé, qui ne se limitait pas au seul art brut.

       Mais, aujourd'hui, on préfère à Bègles mettre en avant davantage ce dernier terme, puisqu'on parle pour l'expo anniversaire, parallèle à celle des "Visions et Créations dissidentes", de "l'Art Brut et apparentés". Pourquoi? Bien sûr, comme il n'y a plus d'autorité centrale à Lausanne qui pourrait interdire l'utilisation de ce terme (comme ce fut longtemps le cas, du temps de Jean Dubuffet, inventeur du terme, et de Michel Thévoz, son fidèle disciple et premier conservateur de la collection lausannoise), tout le monde aujourd'hui se jette sur le mot pour le manipuler à l'envi. Tant et si bien d'ailleurs qu'il est en voie accélérée de galvaudage généralisé. Une chatte n'y retrouverait pas ses petits. On tend par exemple à confondre art brut et art des handicapés. Alors que ces derniers travaillent dans des ateliers dirigés. On oublie que l'art brut n'a pas de directeur de conscience ou de travail... On réclame par ailleurs des droits d'auteur pour les créateurs de l'art brut, comme si ces derniers étaient des artistes comme les autres, et comme si leur production n'avait pas quelque chose à voir avec le dépassement de tout, notamment de l'économie. Bien sûr, ceux et celles qui demandent cela pensent avant tout aux handicapés des ateliers, confondus désormais avec l'art brut...

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Une œuvre de Carlos Huergo, vue sur le site web du Riera Studio, atelier qui promeut un "art brut project" à Cuba, quelque chose qui me paraît ressembler à ce qui se fait en Europe avec les ateliers divers et variés qui défendent l'intégration des créateurs handicapés mentaux parmi les artistes contemporains ; on trouve sur la Toile la photo ci-dessous où l'on voit les responsables de la Collection de l'Art Brut de Lausanne (Sarah Lombardi en tête) fraternisant avec les animateurs de ce Riera Studio...

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      Le mot art brut finira par ne plus rien dire, à force d'être employé à tort et à travers pour des raisons intéressées (l'art brut a une telle réputation que cela fait riche de se parer de ses plumes). Et c'est peut-être le but caché de plusieurs dans le champ de l'art savant, faire rentrer l'art brut dans le rang...

       Je reviens à l'édition 2019 des Visions et Créations "dissidentes". Pourquoi je mets des guillemets à l'adjectif? Parce que je ne suis pas sûr que les auteurs que l'on range sous ce vocable soient volontairement des rebelles, des dissidents. Ils créent, ils s'expriment à leur manière, et, comme ils n'ont pas appris de recettes, il s'inventent des techniques d'expression. Ils font ainsi œuvre originale sans l'avoir voulu. Ce sont les médiateurs, ceux qui les médiatisent – collectionneurs, amateurs passionnés, critiques d'art –, qui voient en eux une "dissidence".

      Dans la présentation de l'exposition sur le site web du musée, deux autres points suscitent en moi des remarques. Je cite : "Quelles que soient leurs origines, ces auteurs proposent un langage artistique résolument personnel et anticonformiste refusant la norme, et tout conditionnement culturel. Leur ignorance de l’académisme et de ses règles esthétiques normées en fait des créateurs affranchis et libres de toutes contraintes."

   "Tout conditionnement culturel": est-ce si vrai ? Personne n’échappe complètement à un conditionnement culturel.

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Joseph Donadello, Le beau Richard, peinture industrielle et collage sur panneau de bois, 4-2-1998, (repeint le 9-7-2011 peut-être), 32 x 44 cm. Donné par Bruno Montpied au Musée de la Création franche en 2017. A-t-on ici échappé au "conditionnement culturel"?  

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Joseph Donadello, Sisi (sic, en réalité Sissi, sans doute l'impératrice d'Autriche), peinture industrielle sur panneau de bois, 10-9-1988, 46 x 35 cm, donné par B.M. au Musée de la Création franche en 2017. Sissi, personnage popularisé par le cinéma grâce au charme de Romy Schneider, participe d'un certain "conditionnement culturel" , non? Et c'est tant mieux, après tout...

 

        Et cette affirmation relative à l'affranchissement et à la liberté vis-à-vis de toutes les contraintes? 

     Ce n’est pas parce qu’un créateur autodidacte échappe sans l’avoir fait exprès aux règles de composition classique qu’il est pour autant totalement « affranchi et libre de toutes contraintes »… Ne risque-t-il pas généralement de retomber sous l’empire d’autres contraintes, qu’il se sera forgées tout seul, à commencer par les limites imposées par ses propres capacités créatrices ? On a remarqué par exemple qu’un dessinateur automatique ne saura pas aller au-delà d’un tracé sinueux, tout en courbes, tant est difficile de dessiner spontanément des lignes droites, des angles droits, des carrés, des rectangles… Le geste dit « libre » engendre des courbes plutôt que des lignes droites. C’est par conséquent un nouvel esclavage, et non pas une liberté.

   Il serait plus juste de reconnaître seulement dans l’activité créatrice d’un autodidacte l’exercice et l’emploi de solutions plastiques et graphiques inusuelles, bricolées en autonomie par des pratiquants de l’art ignorants des procédés et des recettes apprises dans les centres de formation (ce que j'ai déjà dit plus haut). Bien obligés de créer leurs propres techniques, ils inventent de nouvelles formes d’expression. C’est le seul apport de leur activité d’autodidacte de l’art : une fleur nouvelle au bouquet des expressions possibles. Une fleur qui n'est pas pour autant l’emblème d’une nouvelle liberté de langage.

    Cette dernière ne peut naître que de la combinaison d’une technicité très personnelle (et pourquoi pas à la suite d'une éducation artistique) avec un tempérament indépendant de toute attitude mimétique, à l’écoute de ses « visions », de ses rêves, de ce qui le hante… Si l’autodidacte s’enferme dans sa technique bricolée personnellement, il y a fort à parier que sa « liberté » et son « affranchissement » resteront fort bornés .

 

 

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18/09/2019 | Lien permanent

Alfred Flóki (1938-1987), un symboliste surréaliste attardé en Islande

     Grâce à l'aide de Jean-Louis Cerisier qui l'avait gardé dans ses archives familiales, j'ai retrouvé un dessin d'un dessinateur islandais qui, des années 1960 aux années 1980, joua les Alfred Kubin à la sauce Reykjavik.

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Alfred Flóki devant deux de ses dessins (années 1960?)

 

      Sjón, l'écrivain islandais le plus notoire de ce petit pays, et commissaire d'une rétrospective qui a eu lieu au musée des Beaux-Arts de Reykjavik en 2009, connut probablement Flóki, avant que ce dernier disparaisse prématurément à 49 ans. Il  présente ce côté rétro de l'artiste dessinateur comme une manière de réemployer les styles du passé pour les faire servir à une autre époque dans un autre type de récit. Il écrit : "D’une manière semblable à la façon dont Karen Blixen et Jorge Luis Borges réactivaient les vieilles traditions du récit de contes, Flóki employait des techniques visionnaires venues du passé en les intégrant à son propre langage." (Texte de présentation traduit par Bruno Montpied d'après une version anglaise, voir le texte complet à la fin de cette note). C'est assez malin, cette façon de tourner les choses... A priori, je dirais plutôt que par sincère admiration pour les dessinateurs visionnaires de la fin XIXe siècle, début du XXe siècle (les Kubin, les Max Klinger, les Félicien Rops, etc.), Flóki les continuait, en s'assimilant le surréalisme – comme le note aussi Sjón d'ailleurs, dès la première phrase de son texte – mais un surréalisme d'autodidacte, ce qui le rapproche d'un surréaliste belge, appelé Armand Simon (1906-1981), que le musée royal de Mariemont et le Centre culturel wallon à Paris ont exposé en 2014 ,à côté de Kubin, Klinger et Rops. Ce genre de dessinateur illustre à merveille un surréalisme spontané où les rapprochements les plus délirants se mêlent à des provocations immorales, le tout exprimé avec des moyens graphiques adolescents (c'est-à-dire des moyens graphiques en herbe).

     Cela dit, un ami, membre du groupe de Paris du mouvement surréaliste, Guy Girard, m'a envoyé récemment la précision suivante: " Flóki a bien participé aux activités collectives surréalistes du groupe Medusa (le groupe de Sjón, Thor Eldon and co) et auparavant à "Surrealist i Norden" (avec des surrés danois dans les années 1960-1970), si je me souviens bien. J'aime bien ce genre d'art "lubrique-visionnaire"."

Alfred Flöki, (2) encre et plume sur papier, 42x29,5cm,1982, coll.B.M..jpg

Alfred Flóki, sans titre (à moins que le titre soit l'inscription, incompréhensible pour moi, qui se trouve au verso : "©otsy"...), 42x29,5 cm, encre sur papier, 1982, anc. collection Christine Bruces ; c'est le dessin retrouvé dont je parle au début de cette note.

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Dessin d'Armand Simon, publié dans L'ombilic du rêve, Rops, Klinger, Kubin, Simon, sous la dir. de Sofiane Laghouati, La lettre volée et le musée royal de Mariemont (Belgique), 2014 ; même goût pour la provoc' naïve...

 

      Flóki peut être aussi rapproché d'un autre symboliste tardif, Gustav-Adolf Mossa, grand inclassable de l'art à l'écart, vivant à Nice, loin de  la capitale donc, qui possédait cela dit un métier artistique plus poussé, mais qui était tout aussi friand de scènes provocantes, avec des goules fixant de leurs grands yeux fous les spectateurs, du haut de pyramides où s'empilent des cadavres d'hommes nus, massacrés par elles. Ces artistes ont ceci en commun de vouloir forcer le trait, de lâcher les chiens de leurs fantasmes, sans se laisser freiner par de quelconques tabous. Ne s'en effraieront que les grenouilles de bénitiers.

 

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Alfred Flóki, 36,8 x 26,8 cm, 1983.

 

        Alfred Flóki est parfaitement inconnu par nos contrées, du fait du manque de curiosité des professionnels de la critique d'art, et du fait aussi de la barrière de la langue. L'islandais paraît si exotique aux oreilles françaises. Et pourtant, plusieurs artistes islandais, plasticiens ou musiciens de rock et de pop, ont su se faire connaître (en parlant anglais): Erró, Björk, Emiliana Torrini, et plus récemment Olafür Arnalds... Je suis tombé dessus en ce qui me concerne grâce aux surréalistes islandais qui firent parler d'eux dans les années 1980 (Sjón était leur figure de proue, avant de devenir par la suite, l'écrivain national et, accessoirement, le parolier de Björk). Et puis ma grande amie Christine Bruces séjourna en Islande deux mois (1982 ou 83 ?), où elle rencontra Björk, alors peu connue,  Sjón et autres membres du groupe des débuts de Björk, les Sugarcubes... et Alfred Flöki ! Elle m'avait raconté qu'il l'avait même entraînée, voulant la draguer très probablement, dans un petit voyage à travers l'Islande, en louant un taxi. La longue chevelure de Christine lui rappelait certainement les femmes qu'il affectionnait de dessiner dans ses compositions. Le dessin de la femme faisant une fellation à un pendu, qui fut donné à Christine suite au petit voyage, ne fut peut-être pas dessiné en pensant à elle, mais sa réalisation paraît cependant contemporaine du séjour de mon amie en Islande. D'où l'hypothèse qui courut un temps lorsque Christine montra le dessin de retour à Paris qu'il représentait un fantasme de Flóki vis-à-vis d'elle... Elle faisait la grimace devant cette hypothèse, et je ne pense pas qu'elle aimait beaucoup l'œuvre... Après tout, il y a plus romantique comme fantasme.

     Flóki, cependant, ne peut être limité à ce genre de dessin provocateur. Il possède apparemment, si l'on en juge d'après internet, au gré de ventes aux enchères islandaises (l'œuvre ne paraît avoir quitté beaucoup son pays), d'autres sources d'inspiration comme les images ci-dessous tentent de le démontrer.

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Alfred Flóki

Alfred Flöki (38-87), Dökkumio, 60x90cm, 1983.jpg,.jpg

Alfred Flóki, 60x90 cm, 1983.

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Alfred Flóki, Œuf noir, 25x34 cm, 1977.

Alfred Flöki, Aning (mise en scène), 29x24 cm, vers 86.jpg

Alfred Flóki, Aning (mise en scène), 29 x 24 cm, vers 1986.

 

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Texte de présentation de Sjón (2009):

     Alfreð Flóki tient une place à part dans l’histoire de l’art islandais. Il fut inspiré par le symbolisme et le surréalisme, les théories de mystiques et de poètes, et ne manqua pas d’offenser ses compatriotes avec les idées audacieuses que ces sources ténébreuses propageaient. A sa première exposition, en 1959, il parut évident que Flóki voguerait à rebours des courants de l’époque. Non seulement il dénonçait l’art de la peinture et l’abstraction, mais ses sujets figuratifs, traités au fusain et à l’encre, étaient, pour le dire diplomatiquement, étrangers au public islandais. Le spectateur était rejeté de la vie morne et grise de Reykjavík vers un monde où la nature humaine apparaissait sous ses formes les plus extrêmes : la procréation et la mort, des fanatiques religieux constipés luttant contre de souriantes et capricieuses séductrices, le durcissement ou le pourrissement de la chair, des singes libidineux fricotant avec de nobles dames au passé suspect. D’une manière semblable à la façon dont Karen Blixen et Jorge Luis Borges réactivaient les vieilles traditions du récit de contes, Flóki employait des techniques visionnaires venues du passé en les intégrant à son propre langage. Mais même si la façon dont Flóki a construit son monde d'images rappelle plus les méthodes de travail des écrivains que celle des artistes, personne, parmi ceux qui auront vu son œuvre, ne peut douter qu’il chercha toujours de nouvelle voies dans ses interprétations visuelles ; la ligne peut tantôt être propre et bien pensée, tantôt devenir indisciplinée et agressive.

      Dans cette rétrospective, nous cherchons à faire connaître aussi bien le Flóki, artiste travailleur acharné, que le Flóki facétieux qui répondait à la curiosité du public à propos de sa vie privée par des interviews chargées de remarques provocatrices. L’œuvre qui reste nous peint une personnalité qui a plongé son regard dans l’abîme et nous a rapporté – à nous qui ne pouvions faire autrement que de regarder de l’autre côté – des histoires de ce rendez-vous dessiné avec la matière même, pourpre et noire, des ténèbres.

Sjón.

le génie Alfred Floki à Kvoldgongu.. fév 1959, 30,5x18,5cm.jpg

Alfred Flóki, Le génie Alfred Flóki à Kvoldgongu,  30,5 x 18,5 cm, fév. 1959.

 

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