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Rechercher : sirènes

Sirène du 5 avril

         La sirène était bien tout à fait kitsch. A combien d'exemplaires furent-elles fabriquées? Depuis celle que RR a trouvée à Paris, sur le trottoir (elles ont tendance à vivre au ras des paquerettes), voici qu'elles me suivent où que j'aille. L'autre jour à Espiet, en Gironde, une deuxième m'attendait au coin d'une braderie, avec sa table vitrée. Ce sont des séries curieuses, il suffise qu'on remarque une chose une fois pour que cette chose continue à se montrer les jours suivants, comme par un bégaiement d'interpellation du hasard.

Sirène d'Espiet, ph.B.Montpied, 2009.jpg
Photo B.Montpied, 2009

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Sirène du 1er avril

      Le camarade Remy Ricordeau passe dans une rue et avise une sculpture que l'on a jetée en travers d'une grille. Certes, il la trouve du genre kitsch, avec son air de descendre de la tombe à Dalida et son Flipper le dauphin couché sur son flanc comme bon chien de berger. Elle prend cependant un air plus poétique en raison de cet environnement insolite, le trottoir, les déchets, l'abandon des objets au rebut. Sirène, joli thème, figure éminemment poétique que l'on a sabordée, trouvaille au hasard des déambulations dans la ville sans rêves éveillés. Remy n'a pas d'appareil photo, il demande à une femme qui passe munie du précieux outil, si elle peut... Oui...? Clic, et reclic. Cette dame, prénommée Claire, lui envoie par la suite les photos, il me les transmet, et les voici en ligne, sirène ressuscitée pour un temps, pour un temps seulement, dans la lumière rasante de l'oubli...

Sirène trouvée dans ue rue,ph.Claire X., 2009.jpg
Sirène trouvée, ph.Claire X., 2009.jpg
Photos Claire X, proposées par R.Ricordeau, 2009

 

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Haïti et vaudou au Musée du Montparnasse

    "Le dernier voyage d'André Malraux en Haïti ou la découverte de l'art vaudou", tel est le titre de l'exposition qui s'est ouverte le 19 juin dernier au Musée du Montparnasse, et qui est prévue pour durer jusqu'au 19 novembre prochain.

Exposition André Malraux et l'art vaudou haïtien, Musée du Montparnasse, été et automne 2009.jpg

     Je ne suis personnellement pas très attiré par les gesticulations et les manières de génie qui se la joue profond de l'ancien ministre de la culture André Malraux, mais c'est l'occasion ici de voir quelques oeuvres d'art haïtiennes, certaines bien sûr en provenance de la communauté de Saint-Soleil (communauté dissoute en 1978) qu'alla plus particulièrement visiter Malraux en 1975.

 

        Louisiane Saint-Fleurant,Dessalines, expo André Malraux en Haïti, musée du Montparnasse, photo Bruno Montpied, 2009.jpg              Louisiane Saint-Fleurant,ph Raymond Arnaud.jpg
A gauche, Louisiane Saint-Fleurant, Dessalines, 2005, coll. Monnin, Haïti (exposé au Musée du Montparnasse) ; à droite portrait de Louisiane Saint-Fleurant par Raymond Arnaud (extrait du catalogue de l'expo au Musée d'Aquitaine en 2007, Peintures haïtiennes d'inspiration vaudou)

      A côté des artistes de Saint-Soleil (j'aime bien Louisiane Saint-Fleurant en particulier), qui sont souvent difficiles à distinguer les uns des autres, comme si un moule avait été édicté d'où toutes les oeuvres découleraient, à côté de ces créateurs - souvent vite classés du côté de l'art brut en raison de leurs formes enfantines à la Chaissac - on trouve ici une petite surprise sous la forme de deux tableaux d'un certain Edouard Duval-Carré (au nom prédestinant semble-t-il, car les deux tableaux sont de format...carré justement).

Edouard Duval-Carré,Hector et son mentor, la rencontre d'André Breton et d'Hector Hyppolite en Haïti, 1992, expo Malraux en Haïti, le Musée du Montparnasse, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
Edouard Duval-Carré, Hector et son mentor, la rencontre d'André Breton et d'Hector Hyppolite en Haïti (1946), 1992, coll. Afrique en Créations, Cultures France, Paris (exposé au Musée du Montparnasse)
 

       Il a représenté la rencontre d'André Breton et d'Hector Hyppolite, l'un des tout premiers peintres primitifs haïtiens (on sait que le phénomène s'est développé en Haïti au tournant des années 1940, essentiellement grâce à l'impulsion que donna à la peinture la fondation à Port-au-Prince d'un Centre d'Art fondé par le professeur américain Dewitt Peters, centre qui était à la fois une école et un lieu d'exposition), rencontre qui eut lieu lors des conférences que donna Breton en Haïti en décembre 1945, conférences qui s'accompagnèrent alors de journées révolutionnaires appelées les "Cinq Glorieuses".

Messagers de la tempête,Michael Löwy et Gérald Bloncourt, éd. Le Temps des Cerises, 2007.jpg
Dans cet ouvrage, les auteurs, dont l'un, Gérard Bloncourt, est un des acteurs de la tentative révolutionnaire haïtienne de 1946 (qui aboutit tout de même au départ, au "déchouquage", disent les Haïtiens, du dictateur Lescot), évoquent le souvenir des "Cinq Glorieuses" ; le livre est toujours disponible aux éditions Le Temps des Cerises (le petit "e" de "cerises" permet aussi de lire le mot "crises"...)

         Les deux hommes sur le tableau se tiennent de façon quelque peu hiératique, Hector Hyppolite, qui était un prêtre vaudou, un houngan, semblant être perçu par le peintre comme un intermédiaire reliant Breton par le contact de branches d'arbres avec la terre qu'il touche de son bras gauche transformé en tronc. C'est assurément là une image peu connue concernant les deux personnages. On sait que Breton acheta une douzaine d'oeuvres à Hector Hyppolite et qu'il projeta de le présenter dans l'Almanach de l'Art brut, projet de Dubuffet qui finit malheureusement par capoter.

Edouard Duval-Carré,La triste fin de Jacques-Stephen Alexis, 1992,expo Musée du Montparnasse.jpg
Edouard Duval-Carré, La triste fin de Jacques-Stephen Alexis, 1992, coll. Afrique en Créations, Cultures France, Paris (exposé au Musée du Montparnasse)

      Un second tableau représente pour sa part l'assassinat du leader révolutionnaire, ami de Gérald Bloncourt déjà cité, et écrivain important (il a écrit un roman que d'aucuns recommandent chaudement, Compère Général Soleil), Jacques-Stephen Alexis, dans les années 60 par les sbires du dictateur Duvallier. Au-dessus du corps d'Alexis , on semble reconnaître un "Baron Samedi", personnage funèbre qui dans le panthéon vaudou symbolise la Mort (souvent accompagné par "la Grande Brigitte"), avec ses attributs, le chapeau noir, les lunettes noires, le complet veston... Mais la Mort squelettique, d'aspect très mexicain, est ici aussi présente.

Bruno Montpied, Lorsque le Baron Samedi paraît, 2003.jpg
Bruno Montpied, Lorsque le Baron Samedi paraît, 24X32 cm, 2003

     A côté de cette découverte des peintures de Duval-Carré, on reste intrigué également par les peintures d'un peintre récemment apparu (déjà signalé dans l'exposition "Peintures haïtiennes d'inspiration vaudou" qui s'était tenue au Musée d'Aquitaine à Brodeaux en 2007),Peintures haïtiennes d'inspiration vaudou, éd. Le Festin, 2007.jpg Franz Zéphirin (né en 1963), à l'imagination fertile, amateur de sirènes -personnages importants dans le panthéon vaudou, à la fois féminins et masculins - et pratiquant un dessin et une peinture qui nécessitent un travail conséquent, voir en particulier la grande toile de 2008, présente dans l'exposition, Le destin cosmologique d'Haïti.

Franz Zéphirin, Le Destin Cosmologique d'Haïti, 2008, expo Musée du Montparnasse.jpg
Franz Zéphirin, coll. Monnin, Haïti, exposé au musée du Montparnasse
Franz Zéphirin,détail central du Destin Cosmologique d'Haïti.jpg
Détail central de la toile précédente, M. et Mme Sirène...
 
 
    Ajoutons pour finir que la visite de l'exposition s'effectue dans un cadre fort agréable, car le musée est niché au milieu de la verdure qui colonise une ancienne cour ceinte d'ateliers où était, je crois, installée une cantine pour les artistes de la grande époque de Montparnasse. Au fond de cette cour tout en longueur, on peut également visiter l'espace Frans Krajcberg consacré à cet artiste néo-réaliste d'origine polonaise, à la vie aventureuse extraordinaire, devenu écologiste, qui récupérait des troncs d'arbres morts dans la forêt amazonienne pour les rehausser de pigments naturels trouvés dans la nature eux aussi, les oeuvres obtenues étant de toute beauté. Voir ci-dessous.
Frans Krajcberg, Musée du Montparnasse, photo Bruno Montpied, 2009.jpg
Une oeuvre de Frans Krajcberg, Musée du Montparnasse

 

 

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De la sirène d'Europe à la Mami Wata, sirène africaine

    Cela fait longtemps qu'en rêvant à mon sciapode, emblème et logo que je me sens davantage que d'autres (les éditions Zoé en Suisse par exemple) fondé à brandir, étant donné mon patronyme, cela fait longtemps que je me dis que si je devais trouver une épouse à mon sciapode, son pendant féminin ne saurait être autre qu'une sirène.

Roger-Jeanton,-Sirène,-sans.jpg
Sirène de M.René Jenthon, autrefois installée dans son jardin de silhouettes en tôle peinte et découpée à côté de St-Pourçain-sur-Sioule (Allier), coll.privée, ph.Bruno Montpied

     Cela recoupe mon histoire sentimentale, j'ai connu il y a des lustres une femme, désormais disparue, qui était fascinée par ces mêmes sirènes, ayant été sans doute l'une d'entre elles dans une vie onirique parallèle. Elle avait commencé une esquisse de collection sur ce thème. Cela n'avait pas été loin. Cependant, pendant les mois de gestation intra-utérine de ce qui allait devenir par la suite sa charmante fille, elle la rêva comme une sirène, ce à quoi ressemblent les foetus d'ailleurs...

Cariatides avec siréneau et sirène, porte de la maison d'un viticulteur de l'Entre-Deux-Mers à Rauzan (merci à Anne Billon et à Gilles Manero pour l'indication ; ph B.Montpied, 2008.jpg
Maison de viticulteur à Rauzan (Gironde), ph.B.M., 2008

    Ce rapport aux sirènes connut un épisode posthume assez merveilleux. Cette amie avait fait planter un rosier devant sa maison en Brière. D'une variété nommée Mermaid... Quelques semaines après sa disparition, nous nous trouvions, sa fille (âgée alors de douze ans), son mari et moi ensemble dans cette maison. Un matin, en sortant sur le pas de la maison, sa fille eut la surprise de voir qu'une des roses de l'arbuste s'était tournée vers le seuil, avec cette étrange impression que la rose la regardait... J'apprends à cette occasion le nom de cette variété de rose. Mermaid veut dire Sirène comme on sait. Je me demande si la disparue savait le nom de la rose, sans doute que oui, connaissant son goût pour les coïncidences. Mais alors, dans un second temps, le mot sonne autrement, j'entends tout à coup: Mère m'aide... Signal post mortem d'une mère errant parmi les choses, du souvenir de la mère flottant dans le décor de sa vie pour une petite fille désormais orpheline?

     L'iconographie sur la sirène est vaste et variée, bien davantage que sur les sciapodes, bien moins connus. Elle contient parfois des images un peu effrayantes, comme ce bébé en bocal que garde paraît-il le musée de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort (signalons au passage à nos lecteurs qu'il vient de réouvrir après deux ans de travaux de restauration, merci à Jean-Raphaël pour l'info), ou des images plus sensibles comme cette sirène peinte sur un bombardier pas spécialement conçu pourtant pour l'expression de la sensibilité...

Enfant-Sirène du musée Fragonard de Maisons-Alfort, les jambes soudées ressemblant à une queue de poisson.jpg

Enfant-"sirène", musée Fragonard de Maisons-Alfort ; les jambes soudées par malformation les font assimiler à une queue de poisson

Sirène peinte sur un bombardier américain, années 40 sans doute, vu sur anonymousworks.jpg
Photo insérée sur le site Anonymous Works, années 40 peut-être 
 
      Or, le hasard m'a mis récemment sur la piste des "Mami Wata", ces esprits de l'eau plus ou moins maléfiques, sirènes à la mode togolaise, béninoise, ghanéenne ou encore congolaise, dont le nom dériverait de l'anglais "Mummy Water" (Mère eau).Mami Wata, groupe de statues,Tsevie, Togo, sur le site web art-vs.de.jpg Il y a eu il y a déjà quelque temps un ouvrage, Mami Wata, la peinture urbaine au Congo, de Bogumil Jewsiewicki (éd. Gallimard, coll. Le temps des images, 2003), qui présente ces esprits complexes comme des symboles de la femme libre, peut-être inspirée des femmes européennes (l'Europe aussi a eu ses sorcières, femmes libres réprimées), dont l'imagerie emprunte ses différents styles à des sources semble-t-il multiples (à une imagerie populaire venue de l'Inde notamment), et utilisée par différents discours politiques (Mobutu se servait de son image).Mami Wata, par Cheri Benga sur le site web ananzie.net.jpg La Mami Wata aux "mille aspects" fait, entre autres, trembler le phallocrate africain, par la liberté sexuelle qu'elle manifeste (la femme libre, la maîtresse, est surnommée "la deuxième bureau"). "Son aspect principal paraît puiser dans le fonds folklorique européen passé par la littérature scolaire se référant en particulier à Mélusine"... écrit M.Jewsiewicki.Mami wata sur le site web ananzie.net.jpg Les affiches de cirque européens montrant des charmeuses de serpents ont pu influencer les représentations peintes au Congo (pays où l'on ne trouve apparemment que des peintures sur le thème de la sirène, tandis que dans les autres pays d'Afrique occidentale ce sont davantage des oeuvres en trois dimensions), ainsi que des figures de proue sur les bateaux... 
Mami Wata peinte sur une maison du Bénin, site de partage de photos d'une certaine Laurence.JPG
 
    Passant récemment par Lyon, le galeriste Alain Dettinger m'a mis sous les yeux une remarquable sculpture éwé qui proviendrait peut-être du Ghana. Ce serait une représentation de Mami Wata là aussi.
Mami Wata, objet sculpté Ewé, provenance Galerie Dettinger-Mayer, Lyon, ph.Bruno Montpied.jpg
Esprit de l'eau, Mami Wata, origine Ewé, peut-être Ghana, coll.privée, ph. B.Montpied, 2008
 
     Je trouve l'objet saisissant, combinant les formes du poisson et de l'être humain de façon inversée par rapport à la norme. C'est le torse et la tête qui sont poisson cette fois et le bas du corps qui appartient à l'homme (au verso est figuré le postérieur). Inversion qui me paraît rare et qui justifiait cette note un peu hétéroclite sur le thème des sirènes. De plus, on notera, les amateurs de sciapodes noteront, que ce poisson à jambe n'en possède qu'une. C'est un poisson monopode. Pourvu de deux fesses néanmoins (car un sciapode ne devrait avoir qu'une fesse, on n'y pense pas suffisamment). Une Mami Wata un peu sciapode en somme.  

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Canotage et sirènes

Castelnau V. Benoît (2), sans titre (une sirène et un ondin), 59x91cm, 28-10-74.jpg

Castelnau V. Benoît, sans titre (trois sirènes, monsieur...madame... et leur petit, canotant sur une embarcation sculptée en forme de poisson), 59x91 cm, 28-10-1974, ancienne collection Jean-Marie Drot, ph. et coll. Bruno Montpied (2017)

     Voici un tableau arrivé récemment entre mes mains grâce à un camarade qui l'avait repêché à une vente récente de tableaux naïfs haïtiens de l'ancienne collection Jean-Marie Drot, le documentariste bien connu, amoureux de l'art haïtien. Il s'ajoute à une autre petite œuvre d'un certain W. Italien (c'est ainsi qu'il signe), représentant aussi une sirène et provenant de la même collection Drot que je possédais déjà. La signature, Castelnau V. Benoît, ne me dit rien. Jamais rencontrée : ni sur une peinture, ni dans un ouvrage sur la peinture naïve haïtienne. Pareil pour le "W. Italien" ci-dessous et sa sirène pourvue d'un troisième œil au centre de son corps.W.Italien (2), sans titre (sirène à gueue bifide), ss date, 21x27 cm, anc coll J-M. Drot.jpg

       Ma collection s'enrichit ainsi à la fois côté sirènes et côté naïfs. Les sirènes sont à mes yeux des sortes d'anti serpents qui nous entourent, enlacent, caressent de leurs frôlements invisibles. Les murs de mon château de verre sont ainsi de plus en plus couverts de sinuosités enjôleuses...

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Sirènes d'Auvergne... un vagabondage d'Emmanuel Boussuge

« Loin de Pénélope, Ulysse cultivait des champs de sirènes »

Emmanuel Boussuge

 

Pour ma sirène ciotadine

 

            La passion des sirènes n’était-elle pas tombée quelque peu en sommeil sur le Poignard subtil… ? Ma petite collection photographique va-t-elle ranimer la flamme plus durablement ?

           Elle est issue pour l’essentiel d’Auvergne et des environs mais pas exclusivement. On sait que la représentation du sujet n’a à peu près rien à voir avec une géographie maritime, lacustre ou fluviale (sans parler des sources réelles ou prétendues, ni des courants telluriques) ; non, les sirènes échouèrent d’abord là où l’imagination des sculpteurs médiévaux, les premiers à les produire en nombre, du moins sous nos latitudes, les plaça. Ils faisaient tout aussi bien des éléphants ou des centaures sans que leur région d’activité fût une réserve de chasse pour les uns ou les autres. Mes sirènes de moyenne montagne ne sont pas plus porteuses de symbolisme ésotérique et, pour ma part, ça me va très bien comme ça. J’aime les sirènes en elles-mêmes sans nul besoin d’aura surajoutée, je les aime avec simplicité pour la fluidité de leur forme et les rêveries qu’elles procurent. Je les aime presque toutes.

            Ceci étant dit, leur forme est beaucoup plus variable qu’on ne l’imagine généralement, et c’est surtout vrai au moyen-âge qui a fourni l’essentiel de ma collecte. Deux de mes sirènes remontent à la figuration antique de la créature mythologique. Initialement, on le sait, il s’agissait d’êtres ailés, redoutables par leur chant, que seul Ulysse parmi ses compagnons, mais solidement attaché à son mât, put écouter sans périr. Grecs et Romains ne les représentaient jamais autrement qu’emplumées et avec des serres acérées et les sculpteurs romans de Saint-Hilaire-La-Croix ou de Brioude sont restés fidèles à la vieille tradition ornithomorphique.

  A1 St-Hilaire la Croix.jpg           A2 St-Hilaire la croix 2005.jpg

Saint-Hilaire-la-Croix, 2005, photos Emmanuel Boussuge (ainsi que toutes les autres photos à suivre dans cette note)

B Brioude, sept 2013.jpg

Brioude, 2013

          Remarquons l’hésitation entre masculin et féminin (tout aussi présente dans l’Antiquité), et le mode spécifique de remplissage des chapiteaux romans avec un goût prononcé pour la symétrie, largement déterminé par les contraintes du support (un chapiteau a deux faces).

          Restons dans la basilique de Brioude, la plus riche (parmi mes visites) en sirènes et aussi en variantes du sujet. Car, si à son chevet les sirènes sont cousines des oiseaux et barbues, à l’intérieur, elles ont le pied marin et sont des deux sexes. Les sirènes masculines sont aussi appelées tritons. Comme on le voit ci-dessous, elles peuvent être chauves mais aussi couronnées.

C1 Brioude, sept 2013.jpg Brioude, 2013

Brioude, 2013 C2 Brioude, sept 2013.jpg

D Brioude, sept 2013.jpg Brioude, 2013

           Les sirènes du sexe, comme on disait à l’âge classique, ne sont pas en reste. Elles sont représentées sur quatre chapiteaux, rassemblées deux fois par paires et deux fois isolées. La plus simplifiée est sur le chevet.

 

E Brioude, sept 2013.jpg         F Brioude, sept 2013.jpg

G Brioude s 2013.jpg         H Brioude, sept 2013.jpg

Brioude, 2013

           Deux remarques peuvent être faites. Les sirènes médiévales ont en général deux queues (sans aucun doute beaucoup plus pour des raisons d’occupation du support à sculpter que pour tout autre chose) et elles tiennent leur double queue à pleines mains (sans aucun doute beaucoup plus pour des raisons d’occupation des dites mains que pour tout autre chose… – vous avez vraiment l’esprit mal placé). À travers toutes les variations, leur portée symbolique n’est pas toujours nulle mais paraît toutefois très atténuée laissant presque libre cours à la fantaisie des sculpteurs.

          Près de Brioude, on trouve dans la petite ville de Blesle deux chapiteaux à sirènes : l’un avec figure dédoublée où les sirènes semblent porter de magnifiques burkinis de haute époque ; l’autre, colorié par les restaurateurs du XIXe siècle, est sans conteste une des sirènes les plus moches de la collection (mais ce n’est pas la faute des restaurateurs).

I 1 Blesle, juil 2015.jpg Blesle, 2015

Blesle, 2016 I 2 Blesle, juil 2016 (2).jpg

J Blesle, juil 2015.jpg Blesle, 2015

 

         Autre grand centre de l’art roman, Conques. Une sirène à deux queues figure entre deux centaures. Nulle justification par le support cette fois-ci, la queue est dédoublée par pur amour de la symétrie, semble-t-il. K Conques, août 2016 (2).jpg 

         Les petites églises du Massif Central offrent bien d’autres sirènes romanes bicaudales. À Roffiac, les sculpteurs ont des modèles proches des églises plus prestigieuses. Deux chapiteaux sont concernés. Les sirènes sont parmi les plus charmantes mais elles ont la particularité d’être à peine des sirènes. Au bout de ce qui devrait être leurs queues, on trouve ou des palmes ou une tête (de chien, de monstre ?) et plus aucune nageoire (c’était déjà le cas à Brioude et ensuite à Menet, Saint-Rémy et Valuéjols, phot. C, F, G, O, T). Le motif devient dans ce cas presque complètement autonome de toute signification précise. (...)

L Roffiac, août 2016.jpg

Roffiac, 2016

M roffiac, sept 2013.jpg

Roffiac, 2013

 

Le texte d'Emmanuel Boussuge se poursuit en suivant ce lien (fichier en PDF), qui vous permet de récupérer l'ensemble de sa promenade au pays des sirènes du Massif Central.

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Sirènes, quelques images de plus, pour répondre à Darnish et pour ajouter un codicille au vagabondage d'Emmanuel Boussug

      Il n'y a pas beaucoup d'avantage au fait de vieillir, et je ne sais pas si on ne doit pas y ajouter le phénomène des amis qui sont ravis de vous faire découvrir quelque chose que vous aviez déjà vu il ya longtemps, en l'occurrence, il y a très exactement 28 ans... Il faut faire comme si on ne savait pas, pour leur laisser le plaisir de la révélation qu'ils vous offrent.  Mais à de certains moments, on ne peut s'empêcher de se conduire en malotru, et de se moquer grassement du jeune cuistre. Qu'il nous en excuse donc, c'est ici un moment de ce genre... Le pilier de l'église de Varengeville, sculpté d'une sirène affleurant du granit - une des plus touchantes ondines qui se puisse voir dans une église - ... n'a visiblement pas changé depuis 1989, lorsque, avec une étudiante de Dieppe, Laure Lemarchand, qui m'y avait mené pour voir le singulier pilier décoré de sujets profanes placé au beau milieu du sanctuaire, je le photographiai (à l'argentique). Je saisis sous mon objectif  la sirène, la coquille St-Jacques (signalant sans doute aux pèlerins que le bâtiment pouvait les héberger), et les profils ultra naïfs qui entouraient l'ondine archaïque (probablement des portraits de donateurs ?). Darnish en 2015 me confirma que le pilier était bien toujours  en place. J'étais venu visiter l'église de Varengeville uniquement pour ce pilier sculpté ; Braque... Je ne m'en souviens pas... Il faut avouer qu'à l'époque, je m'en moquais éperdument. Et je crois bien que je n'aie guère changé depuis...

Pilier sculpté 2 église de Varengeville, 1989, détails, sirène, profils, coquille st-j.jpg

Pilier sculpté de l'église de Varengeville, ph. Bruno Montpied, 1989.

Sirène église de Varangeville (2), ph Darnish 2015.jpg

Sirène du pilier, plus près, ph. Darnish, 2015.

*

    Bon, ceci dit, après avoir fait mon vieux schnock, revenons à l'Auvergne, ses sirènes bicaudales (pas très poétique tout de même ce dernier adjectif, même si il est très précis) et autres ondines en pleine terre. Il n'y a rien de surprenant à en trouver en de tels endroits. Outre le fait que, comme le dit Emmanuel dans son texte, l'imagination a bien le droit de disposer des thèmes mythologiques comme bon lui semble, il faut se rappeler que les croyances se portaient aussi vers les sirènes d'eau douce.

       Je voudrais ajouter ici un exemple de sirène non repérée par Emmanuel, cette fois hors d'une église, en plein milieu du plateau de l'Aubrac, dans le village de Saint-Urcize, qui, malgré son apparente austérité et sa solitude au milieu d'un pays resté somme toute encore assez sauvage, m'est inexplicablement cher (je n'y suis passé que deux fois dans ma vie).

St Urcize, Fenêtre avec sculptures (recadré) (2).jpg

Fenêtre d'un maison fort ancienne (Moyen-Age?) à Saint-Urcize (Aubrac), ph. B.M., 2016.

St-Urcize, Sirène (2) sur une fenêtre.jpg

Détail de la fenêtre précédente, la sirène, en train de jouer d'un instrument probablement à cordes (un plectre?) ; à noter que de l'autre côté de la fenêtre est sculpté un personnage jouant lui aussi de la musique ; peut-être que la maison était celle d'un musicien et que ces motifs fonctionnaient comme des enseignes ? ph. B.M., 2016.

 

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Jacqueline Humbert et les sirènes

     Retrouvée récemment par le camarade Jacques Burtin à Auxerre dans le marché couvert qu'a bâti jadis Alain Bourbonnais, voici une douce et gentille sirène peinte par Jacqueline Humbert, peintre naïve et comme on sait aussi animatrice acharnée du musée rural des art populaires de Laduz. Elle fut peinte il y a pas mal d'années (les années 70? 80?) mais elle se maintient avec une belle persévérance je trouve, ce qui n'est pas évident sur un rideau de fer...

 

Sirene-(Jacqueline-Humbert).jpg

Jacqueline Humbert, marché couvert d'Auxerre, ph. Jacques Burtin, 2014

 

 

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Václav Beránek, une présentation par Emmanuel Boussuge (2e partie)

      On sait que les sirènes sont une des obsessions tenaces du tenancier de ce blog, qui est aussi fort féru de naufrages¹. La toile de Beránek pouvait donc se retrouver ici en pays familier, mais c’est bien sûr d’abord parce que Beránek lui-même mérite grand intérêt, alors qu’il est très méconnu en France, qu’il faut en parler.

václav beránek,emmanuel boussuge

Václav Beránek, La Reine des Eaux, (détail), 1972 (coll. et phot. Pavel Konečný).

 

     C’est comme peintre naïf qu’il obtint une certaine reconnaissance à la fin des années soixante. C’était un naïf très original, dénué de la mièvrerie que l’on accole bien trop automatiquement à cette catégorie. L’Encyclopédie mondiale de l’Art naïf (Edita, 1984), dit de lui qu’il est un « des cinq plus fascinants peintres naïfs de la Tchécoslovaquie ».

václav beránek,emmanuel boussuge

Václav Beránek, femmes dans un paysage, œuvre reproduite dans l’Encyclopédie mondiale de l’art naïf (sous la direction d’Otto Bihalji-Mérin et Nebojša-Bato Tomašević).

 

      D’autres publications polonaises ou tchèques lui ont consacré quelques pages². Ses œuvres ont été exposées à Montréal (1967), Brno (1968), Lugano (1969) ou Bratislava (1969), et la dernière exposition de son vivant eut lieu à Olomouc en 1981, organisé par Pavel Konečný. Quelques-unes de ses toiles ont été acquises par des musées ou institutions. Il faudra un jour se renseigner sur les œuvres que possède la galerie nationale slovaque de Bratislava ou le fonds Max Fourny en France.

        Les six pièces conservées au musée de Bohême du nord à Litoměřice méritent le détour car elles sont tout à fait remarquables. Deux films lui ont encore été consacrés. Le premier, tout spécialement difficile à voir (mais on ne désespère pas), date de 1972. Réalisé par Eugen Šinko, il est consacré aux artistes cheminots³. L’autre, bien plus récent, a été tourné en 2006 par Antonín Jiráček. Il dure 13 minutes et c’est une mine de renseignements, avec notamment les témoignages de la femme et du fils du peintre.

         À partir de ce film et des quelques notices qui lui ont été consacrées, on peut retracer la biographie de ce personnage vraiment très attachant.

      Václav Beránek est né le 7 juillet 1915 dans une famille paysanne du tout petit village de Bezděkov, en Bohème orientale, le dernier d’une fratrie de quatre. Son père meurt alors que Beránek n’a que sept ans. La famille avait été jusque-là relativement prospère, mais l’incident la plonge dans une grande précarité. Les privations exposent le jeune Václav Beránek à une forme de rachitisme. Cependant, ses frères et sœurs, bien plus âgés que lui, prennent soin de l’enfant et il est le seul d’entre eux à faire des études prolongées au-delà de l’école primaire. Il acquiert d’abord une formation de menuisier, puis entre à l’École Technique de Hradec Králové. À la sortie de l’établissement, il est embauché dans les Chemins de fer tchèques.

      D’abord employé à Prague, dans le quartier de Bubeneč, il déménage après la guerre dans un autre coin de la ville, aux ateliers de Nymburk, où il rencontre sa femme et se marie avec elle six mois plus tard. Le couple s’installe rapidement à Děčín, près de la frontière allemande. Le traitement d’une maladie de la thyroïde l’amène cependant à rentrer dans sa région natale, la Vysočina. Il travaille alors à Jihlava, puis à Havlíčkův Brod, où il prend sa retraite. En dehors de son travail, il consacre son temps à cultiver les arbres et les roses de son jardin. Il possède aussi dix ruches. Si la mécanique et les chemins de fer semblent n’avoir absolument aucun écho dans son œuvre, ce n’est pas le cas de ses hobbies favoris.

     Václav Beránek s’est lancé dans la peinture lorsque ses collègues lui demandèrent de faire l’affiche et de fournir plusieurs lots colorés pour une tombola, ce qui me fait immanquablement penser au film si drôle et cruel de Miloš Forman, Au feu les pompiers!, qui date à peu près des mêmes années. Loin d’être une catastrophe comme au cinéma, le succès rencontré lors de ces réjouissances professionnelles encouragea Beránek à persévérer et, bientôt, il multiplia les peintures. D’abord sur des panneaux et non sur des toiles et sans utiliser de cadre. «Tout au moins cher», comme dit son fils.

       Beránek devient alors un autodidacte à l’inspiration impérative. « Il peignait dans la cuisine pendant que je faisais à manger, dit sa femme. Quand il avait une idée en tête, il peignait toute la nuit jusqu'au matin. Il se réveillait même quelquefois pour rendre en urgence une idée venue pendant son sommeil. Ses plus grandes toiles pouvaient prendre absolument toute la place en travers de la cuisine. Certaines de ses peintures lui prenaient trois mois, mais il en avait toujours plusieurs en cours ».

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Photo de Václav Beránek, transmise par P. Konečný.

 

     Beránek ne vendait jamais ses toiles. Il les donnait volontiers en revanche. Il peignait beaucoup. Un jour, un collectionneur vint le voir qui voulait lui acheter plusieurs peintures mais, fidèle à sa ligne de conduite, Beránek préféra lui en donner une. Quand il apprit que le collectionneur l’avait ensuite revendue, il fut vert de colère. Cependant, quand il repassa le voir, il se contenta de lui proposer ses nouveaux travaux mais pour quelques millions de couronnes, sans ergoter une minute de plus avec ce malappris.

     Beránek défendait un monde de générosité sans mélange, centré sur ses peintures, son jardin, ses ruches. Il donnait toutes ses productions avec immense plaisir, qu’il s’agisse de tisanes ou de créations picturales. Il ne buvait pas du tout mais n’en faisait pas moins un savoureux vin de cassis qu’il offrait à ses visiteurs.   

       C’était un peintre visionnaire qui n’imitait personne et ne peignait jamais sur le motif. C’était exclusivement un peintre d’intérieur. Il utilisait toutefois une documentation pour peindre les animaux ou bien sûr les villes où il n’était jamais allé.

      Il devint relativement connu mais ne changea jamais de manière de peindre. Certains le pressaient d’apporter telle ou telle modification mais il leur répondait : «Si un jour vous peignez, vous ferez les choses à votre manière. Moi, je les fais à la mienne ».

       Beaucoup de gens venaient le voir. Le plus célèbre de ces visiteurs est le peintre Jan Zrzavý (1890-1977), un peintre inclassable, à l’inspiration extrêmement originale, très injustement méconnu en dehors de son pays. Zrzavý avait rencontré son collègue autodidacte en voisin et il prit l’habitude de le visiter une ou deux fois par an.

       Son fils garde une image radieuse de son père, un homme sans détestation, sans colère, un père qui ne donnait jamais de punition.

      Les choses se passaient cependant quelquefois plus rudement avec sa femme, qui n’avait pas accueilli sa passion avec enthousiasme et qui était même un peu jalouse (elle l’avoue) de cette activité envahissante. L’érotisme naïf de ses compositions l’exaspérait aussi quelque peu. « Toutes ces femmes nues aguicheuses, ce n’est pas de l’art », disait-elle et elle lui fit une petite guerre qui l’amena à en couvrir certaines, heureusement pas toutes et souvent d’un vêtement fort peu opaque. Ouf !

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Václav Beránek, les fées attendent la nymphe, huile, 62,5 x 72,5cm, 1970 (œuvre reproduite dans le catalogue d'Insita 4, la triennale d'art "insitic" (voir note 3 ci-dessous) à Bratislava en 1972).

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Dessin de Václav Beránek, Danseuses, 1977, reproduction transmise par  P. Konečný.

 

     Au total, Beránek réalisa peut-être deux cents peintures. Elles sont dispersées pour la plupart sans que son fils sache où elles peuvent maintenant se trouver. Avant 1975, Beránek n’a fait aucune liste de ses travaux. Seules quelques photos dans des albums familiaux témoignent de l’existence de quelques-unes de ses toiles non-localisées. Et comme nous l’avons déjà dit, Beránek donnait volontiers ses œuvres, quelquefois à de parfaits inconnus.

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Václav Beránek, Le Spectre d'un moine de Strahov, 1966, 35 x 30 cm, passé en vente en 2018 et repéré par Jimmy Virani (merci).

 

       Pavel Konečný avait pris en photo un certain nombre des peintures de Beránek, on en voit aussi plusieurs dizaines dans le film d’A. Jiráček, qu’elles appartiennent à la collection familiale ou à celle du musée de Litoměřice. Quelques toiles sont aussi passées en vente. Bref, on connaît peut-être un quart ou un tiers de la production de Beránek, ce qui laisse de bonnes perspectives pour des trouvailles enthousiasmantes.

     Beránek a peint quelques villes, de nombreux bouquets et beaucoup de femmes plus ou moins vêtues (quelquefois de simples fils en relief) et souvent accompagnées de fleurs. Il illustre aussi des anecdotes locales ou personnelles et surtout revisite avec grand bonheur la mythologie tchèque. Sa plus vaste série est dédiée à l’histoire des amours tragiques de la Roussalka, fille de l’Esprit du lac, aussi mise en musique dans le célèbre opéra de Dvořák. Beránek lui a consacré pas moins de 24 tableaux dont plusieurs sont à Litoměřice. C’est aussi un dessinateur captivant et il a encore constitué un extraordinaire jeu de tarot complètement personnel, à usage de divination domestique.

        Beránek est un type épatant et l’idée de rester encore un moment sur ses traces me plaît beaucoup.

       À suivre, donc.

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Václav Beránek, Russalka amie des oiseaux, 1968, 91,5 x 106 cm (Musée des beaux-arts de Bohème du Nord, Litoměřice, photo Emmanuel Boussuge).

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¹. Je ne me crois pas particulièrement obsédé par les naufrages… Même si en effet les sirènes viennent régulièrement onduler entre ces "pages". Ces dernières ne sont, cela dit, pas la seule raison pour laquelle j’accepte cet article. C’est que Beránek est avant tout un Naïf qui illustre parfaitement ma défense de l’art naïf de qualité (Note du « tenancier » du blog).

². Ksawery Piwocki, Dziwny świat współczesnych prymitywów (Le Monde étrange des primitifs contemporains), Varsovie, 1975, p. 182-183 ; Eva Matyášová, Naivní malířství (La Peinture naïve), Prague, 1986, p. 12-13. Ajoutons que l'on trouve une minuscule notice sur Beránek dans le livre d'Anatole Jakovsky, Les Peintres  Naïfs (déjà cité en légende de notre première illustration de la première partie), et une reproduction d'une autre toile (non encore relevée par Emmanuel) dans le catalogue de la triennale d'art "insitic" (art enraciné, art inné) de Bratislava, "Insita 4", en 1972 (voir la reproduction de cette peinture ci-dessus ; Note de l'animateur du blog).

³. Malované uhlím (Peinture au charbon). Selon Pavel Konečný, pendant les cinq minutes du film qui lui sont consacrées, on voit Beránek en train de peindre La Reine des eaux ; par ailleurs, le catalogue d’une exposition de 2015 à Litoměřice présente une notice et une reproduction d’une toile de 1980 avec deux femmes au milieu de fleurs géantes : Art brut a naivní umění – Spontánní umění ze sbírky Poetické galerie [Art brut et Art naïf. Art spontané de la Collection du « Musée Poétique »], exp. du 9 octobre au 22 novembre 2015, Antonín Jiráček, Alena Beránková, etc., p. 32-33.

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Remerciements

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De quelques durs à cuire

    Joseph Donadello, du côté de Saiguèdes en Haute-Garonne – comme m'en a récemment prévenu une association, créée en 2019 par Alain Moreau à Villefranche-sur-Saône, "Art brut en compagnie" ("en" et non pas "et") – est toujours en forme. Une sirène est sortie récemment de ses mains de nonagénaire (il est né en 1927). Plusieurs de ses précédentes statues, cédées à divers collectionneurs, ont dû lui occasionner des vides insupportables dans son jardin de bord de route, et il a dû bien vite reprendre sa truelle et ses moules pour boucher les trous. 

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Joseph Donadello, Sirène aux poissons, photo Art brut en compagnie, 2020.

 

     La même association poursuit en donnant des nouvelles d'un autre dur à cuire du même genre, que le Covid n'a pas touché : André Robillard (né en 1931, il aura 90 ans l'année prochaine), servi à domicile dans sa maison de l'Hôpital Daumézon du côté de Fleury-les-Aubrais, pour le protéger au mieux. Il dessine, il joue de l'accordéon, et avant midi s'accorde toujours un petit apéro. La vie est belle...

 

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André Robillard dessinant sur son lit, au milieu de ses collections, photo Dominik Fusina, 2016.

 

      D'autres créatifs sont – d'après Alain Moreau toujours – en bonne forme, comme André Pailloux, l'homme aux vire-vents de Vendée dont j'ai parlé à plusieurs reprises (j'ai fait un portrait écrit de lui dans un livre de François Jauvion à paraître bientôt, consacré à des portraits dessinés d'auteurs d'art brut et marginal), ou encore Guy Brunet, et Alain Genty, l'étonnant céramiste que la Fabuloserie a beaucoup aidé à faire connaître.

 

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Alain Genty, une de ses terres vernissées (un dragon), coll. privée, ph. Bruno Montpied, 2013.

 

   Cette association nouvelle, bâtie autour de la collection d'Alain Moreau, a des projets d'animation et d'exposition sur Villefranche, et cherche un lieu pérenne pour abriter son ensemble d'œuvres de 70 créateurs (chiffre actuel). Pour en savoir plus, on peut consulter le dépliant que je donne en lien (PDF), qui expose l'argument de l'association. On se souviendra peut-être que j'ai déjà parlé sur ce blog des entreprises d'Alain Moreau.

     Autre créateur, cette fois en Vendée (au Pas Français, à La Flocellière), à donner lui aussi de ses nouvelles, par le truchement d'une messagerie électronique (aide de sa femme), Vivi Fortin, qui s'est constitué un petit musée de statuettes dans son garage et un peu dans son jardin. J'ai parlé de lui naguère. Il m'annonce avoir fait une nouvelle version d'un personnage qu'il m'avait cédé lors de mon passage l'année dernière. Cela s'intitule "Chacun de nous est un livre ouvert". Un homme est assis sa tête au bout des bras, tandis qu'un livre ouvert a pris la place de cette dernière sur son cou... Vivi (VI+VI, soit six + six en chiffres romains, ça donne VIVI) est, comme on le constatera, donc, toujours en pleine forme.

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Vivi Fortin, Chacun de nous est un livre ouvert (première version), MAB peint, 19 x 11 x 7 cm, vers 2019 ; ph. et coll. B.M.

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Vivi Fortin, deuxième version de Chacun de nous est un livre ouvert, collection de l'artiste, 2020.

 

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