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19/06/2022

La revue "Des pays habitables" accueille l'art populaire insolite d'Emile Posteaux

       Emile Posteaux (1866-1936), vous ne vous rappelez pas? Il vous faut, en ce cas, retourner en 2011, où subsiste sur ce blog la seule note, ultra courte, que j'ai consacrée au dada de cet ancien représentant en brasserie (et ancien charcutier), à savoir la sculpture sur bouchons de Champagne usagés, représentant des dizaines de têtes de différents types populaires de sa ville (dandy local, pompier notoire, clown, ou femme typique de Lille), voire de célébrités de l'époque (Maurice Chevalier par exemple). Depuis les quatre petites têtes que je présentais dans cette brève évocation, j'ai grandement étoffé, grâce à un antiquaire de l'Yonne, ma collection. Et j'ai recueilli par la suite un certain nombre d'informations qui m'ont servi à bâtir un article où sont, en particulier, reproduites en couleur mes nouvelles acquisitions (je suis désormais à la tête d'une quarantaine de petites figures sculptées par M. Posteaux). Internet bien sûr m'y a grandement aidé, cette vaste Toile où attendent patiemment telles et telles révélations quant aux créateurs autodidactes, connus régionalement durant un temps, puis progressivement oubliés. Nationalement, n'en parlons pas...

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"Etudes humoristiques sur l'originalité et la diversité du masque humain sur VIEUX BOUCHONS de Champagne  par E. Posteaux, peintre sculpteur", légende de ce qui semble être une carte postale sans indication de localisation, communiquée par. J-P. Delhemme ; on dénombre sur ce tableau 77 têtes, certaines ayant été dispersées ailleurs, comme par exemple la tête de singe figurant tout en bas à l'extrême droite, que j'ai retrouvée pêle-mêle avec huit autres, séparées du cadre où les disposait usuellement Posteaux; voir ci-dessous...

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Neuf bouchons sculptés par Emile Posteaux retrouvés par moi chez un antiquaire qui ne les avait pas identifiés ; Cf. le singe au rang du bas, à droite, le même que sur le tableau des 77 ci-dessus ; ph. et coll. Bruno Montpied.

 

     Personne ne s'était manifesté à l'échelle nationale, suite à ma première note où je demandais aux internautes si par hasard ils auraient des infos. Ce ne fut qu'au niveau régional que deux membres de la famille, des descendants de cet ancien sculpteur autodidacte, réagirent – l'un pour me dire en 2012 que "l'on se souvenait toujours, à Orchies, dans le Nord, de cet as de la sculpture sur bouchons de Champagne", mais sans prolonger outre mesure l'information dont il disposait ; l'autre, J-P. Delhemme, beaucoup plus récemment, en février 2022, cette fois, put me donner des éléments plus concrets par voie privée (voir ci-dessus en particulier un document qu'il m'a communiqué, semblant être une carte postale). Ce monsieur s'est avéré être le petit-neveu d'Emile Posteaux, gardant en sa possession lui aussi des bouchons sculptés hérités de son père, Léon Delhemme, qui les avait lui-même reçus en héritage de son oncle, le fameux Emile. Un article, vraisemblablement, de La Voix du Nord, de 1964, revenait sur cet héritage (voir ci-contre). émile posteaux,bouchons sculptés,vieux bouchons,champenoises,bouteilles de champagne,revue des pays habitables,joël cornuault

   Ce qui est aussi intéressant pour moi dans cette communication, c'est la reproduction de deux peintures (j'en reproduis une ci-dessous) d'Emile Posteaux en possession de M. Delhemme. Je m'interrogeais, en effet, au sein de mon enquête sur les peintures que Posteaux exécutait parallèlement à ces petites sculptures, vantées par un journaliste localier des années 1930, comme étant de véritables chefs-d'œuvre. Je n'avais pas trouvé jusqu'ici de photos de ces tableaux. Force est de constater cependant qu'à mon humble avis, les bouchons sculptés en forme de mini-trognes restent la partie la plus originale des travaux d'Emile Posteaux...

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Tableau d'Emile Posteaux représentant des roses, certes troussées avec réalisme, mais sans grande originalité, je trouve ; coll. J-P.  Delhemme.

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Trois boîtes de quatre bouchons de la collection de J-P. Delhemme, conservés par héritage de Léon Delhemme ; le cartel présent sur les boîtes du haut provient probablement du musée originel d'Emile Posteaux à Orchies ; l'homme au canotier en bas est probablement une caricature de Maurice Chevalier ; ph J-P. Delhemme.

 

      Les nouveaux éléments communiqués par J-P. Delhemme me parvinrent alors qu'un mien article pour la revue (excellente) de Joël Cornuault, Des Pays habitables, numéro 5, était déjà à l'imprimerie, toute proche de la parution. Le timing n'était pas au rendez-vous...

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4e et 1ère de ouverture de la revue Des Pays habitables, où l'on peut détailler son sommaire à droite, avec l'annonce de mon article sur Posteaux.

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Pages finales de mon article dans la revue : "Emile Posteaux, chantre et rédempteur des vieux bouchons".

 

     Il faut donc que mes lecteurs fidèles du Poignard, si le sujet les intéresse, se procurent la revue – une des meilleures revues poétiques et littéraires du moment, soit dit en passant, en dépit de sa mise modeste, qui me rappelle la revue Plein Chant d'Edmond Thomas à laquelle moi, comme Cornuault du reste, avons collaboré par le passé – pour compléter leur information, à côté des quelques nouvelles illustrations que je donne ici, grâce à l'obligeance de M. J-P. Delhemme. Sur la revue Des Pays habitables, on pourra consulter la présentation rédigée par son auteur sous ce lien. Et pour se la procurer, voici comment faire... suivez les indications ci-dessous données à l'intérieur de la revue... On peut aussi aller faire un tour sur le site web de l'éditeur (La Brèche éditions).

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      Emile Posteaux, à ses heures de loisirs, dans les années 1930, se prit de passion pour les bouchons de Champagne dont il déplorait l'abandon funeste dans lequel on les rejetait, une fois qu'on les avait fait sauter du col des champenoises. Sans doute trouvait-il une analogie entre leur sort et celles des gens modestes comme lui. Au point de se mettre à les tailler, les ciseler, les ouvrager en faisant naître toute une galerie de tronches variées, campant des personnages de sa ville d'Orchies, la plupart du temps fort rubiconds...

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Quatre têtes, dont celle d'un pompier ; ph. et coll. J-P. Delhemme

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Photo de la famille Delhemme montrant Emile Posteaux en compagnie de sa femme, années 1930 ; archives J-P. Delhemme.

 

 

10/01/2021

Timbrés

    "Je me souviens que, quand il en avait le temps, mon grand-père Alphonse réalisait des tableaux entièrement composés de timbres-poste découpés et collés comme autant de touches de peinture pointilliste. Son "Coucher de soleil" dans lequel abondaient des fragments de vignettes jaunes à l'effigie de Cérès et d'autres, rougeâtres, du type Semeuse, impressionnait. Son "Bouquet de fleurs", fait de timbres allemands et italiens, ne manquait pas de charme non plus. Cette technique artistique eut de nombreux adeptes. Elle semble avoir complètement disparu de nos jours."

     (Michel Laclos, Troyes et moi, éditions Cahiers bleus/Librairie bleue, Troyes, 1999 ; pour la petite histoire, l'exemplaire que je possède provient de l'ancienne bibliothèque de Pierre Tchernia)

       Pour accompagner ce texte, écrit par Laclos en suivant la phrase stimulante de Georges Pérec, "Je me souviens", voici quelques œuvres exécutées selon la même technique que celle mise en œuvre par son grand-père.

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W. Desnoyers, sans titre, 27 x 34 cm, peut-être années 1930 si l'on s'en remet aux dates tamponnées sur les timbres ; ph. et coll. Bruno Montpied.

 

     Généralement, à côté des paysages, ce que l'on déniche en brocante ce sont souvent des compositions florales, l'imagination des artistes amateurs étant peu portée sur des sujets plus étranges. L'attention est avant tout portée à la technique minutieuse, au record et à l'exploit que cela représente, attitudes, qui avec la copie, plus ou moins transfigurée, font partie intégrante de l'art populaire. D'autres porteront tous leurs efforts vers les marrons, les bouchons (qui, là, bien souvent, débouchent volontiers sur de la caricature et du grotesque) ou les architectures d'allumettes.

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Anonyme, sans titre, env. 32 x 25 cm, ph. et coll. B.M.

 

        Il y a fort longtemps, bien avant que je me mette à collectionner de façon plus systématique, j'avais rencontré par hasard en compagnie de deux amis, du côté du Bras du Chapitre à Créteil, sur les bords de la Marne, un vieux monsieur qui invitait les passants à visiter son garage qu'il avait transformé en galerie improvisée. Il y exposait des dizaines d'arbustes artificiels, principalement des rosiers, réalisés sur des armatures de fil de cuivre, grâce à un enrobage de timbres verts et rouges soigneusement découpés et collés autour des troncs et branchettes.  Certains avaient été présentés aux concours Lépine, concours qui vit de nombreux amateurs, dans les premières décennies du XXe siècle, se mettre sur les rangs pour montrer des réalisations de toutes sortes, tenant à la fois de l'artistique, du bricolage, et du passe-temps d'amateur (beaucoup de créateurs populaires sont à redécouvrir dans les archives de ce concours, voire dans les cartes postales d'époque qui les évoquent souvent). J'achetais à ce monsieur Mauquest un petit arbuste ("artbuste"?), que j'ai toujours.

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Mauquest, Sans titre, 20cm de haut avec étiquette au pied déclarant : "Fleurs artistiques en timbres-poste. Médaille d'Or Concours Lépine 1933. MAUQUEST, 16 rue du Moulin Bersot, 94000 Créteil . Téléphone 207-21-73. Cette fleur est faite de 80 timbres-poste. A Créteil le 8. 1982."

 

     Cela dit, une des compositions les plus élaborées qu'il m'ait été donné d'acquérir – temporairement –, ce fut le paysage ci-dessous, chiné auprès du brocanteur Philippe Lalane, composition que j'ai été cependant amené à échanger récemment contre une autre oeuvre d'art avec un autre collectionneur amateur de ce genre d'artisanat original.

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Anonyme, sans titre (paysage), collage de timbres, 33 x 45 cm, sd, ; ph. B.M., collection privée, Paris.

04/09/2011

A Clermont-Ferrand pour écouter le gazouillis des éléphants

       Nouvelle occasion pour les amateurs de tous poils de venir discuter avec les auteurs du film Bricoleurs de paradis: ce sera à Clermont-Ferrand, samedi 10 septembre à 20h30, au cinéma le Rio, situé 178 rue Sous les Vignes, dans la bonne ville rouge et noire au dessous du volcan, où le film sera projeté, et le livre Eloge des jardins anarchiques mis en vente pour ceux qui souhaiteraient garder de la documentation sur la question des environnements naïfs (je rappelle que le film Bricoleurs de paradis (le gazouillis des éléphants) est édité en DVD dans le livre). En première partie, nous souhaitons aussi passer le film de Jacques Brunius, Violons d'Ingres (de 1939). En cas d'indisponibilité de ce dernier, nous passerions Le Faiseur de marmots de Jacques Malnou et Catherine Varoqui, consacré à François Michaud, sculpteur naïvo-brut de la Creuse entre 1850 et 1880. Les projections devraient durer environ une heure trente.

 

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Pierre Maïllis-Laval, l'opérateur du film et Remy Ricordeau pendant le tournage de Bricoleurs de paradis, chez Yvette et Pierre Darcel en Bretagne, ph. Bruno Montpied, juillet 2010

 

09/09/2007

Un doux penchant

     Je suis tombé en arrêt l'année dernière en compagnie de cicerones habitant le Poitou devant le panneau ci-dessous au contenu latent surréaliste (je crois employer ici le terme adéquatement,  autrement que dans son sens galvaudé par les journalistes).

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(Photo Bruno Montpied, 2006)

    Sans doute un parent de ces menuisiers mexicains adeptes du penché (et non pas seulement des planchers) dont parle Breton je ne sais plus où, ou bien de ce compagnon charron auteur de la roue ovale que l'on voit dans le film de Jacques Brunius, Violons d'Ingres, qui se trouve être la même -ce que les conservateurs du Musée d'Art Moderne au Centre Beaubourg à Paris, ainsi que les experts de Calmels-Cohen, n'ont toujours pas identifié- que celle que l'on découvre dans le morceau d'atelier d'André Breton exposé à Beaubourg, débité en tranches, une bonne part de sa magie envolée de se retrouver ainsi vitrifiée... Le film de Brunius permet en outre d'identifier de façon claire l'auteur de cette roue: Alphonse Benquet, aussi peintre naïf de grand talent, dont Breton, comme Eluard, possédait quelques tableaux (acquis sans doute à l'époque où ils séjournaient chez Lise Deharme, dans les années 30, dans les Landes).

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(La roue ovale d'Alphonse Benquet, extrait d'une photo de Gilles Ehrmann publiée dans 42, rue Fontaine, recueil de photos parues chez Adam Biro en 2003)

29/06/2007

Du Palais Idéal au Musée de la Poste

    Eh bien, moi, je n'aime pas l'affiche qui prévient de l'exposition sur le facteur Cheval au Musée de la Poste.bc93aa25b3d4cf8a2514985287b2b65c.jpg Ce cheval que Rancillac a superposé au portrait du facteur, je ne trouve pas ça du plus subtil. C'est le genre de calembour visuel plutôt téléphoné, à la limite du bêta... Et puis les couleurs criardes de ce tableau, c'est assez vilain. A titre de comparaison, le dessin de Picasso du 6 août 1937, intitulé le facteur Cheval, et que je crois peu connu, reproduit  p.54 du catalogue de l'exposition "Avec le facteur Cheval",  est bien plus poétique, plus audacieux aussi (on y voit un fier étalon apportant le courrier aux géants du Palais). 

     L'idée de l'expo est de présenter les rencontres qui se sont effectuées depuis les années 20 jusqu'à aujourd'hui autour du fameux Palais Idéal, architecture de fantaisie particulièrement originale, déjà fort ancienne, et telle qu'on en voit assez peu de cette qualité et de cette taille dans le monde entier. Avec comme idée secondaire, le projet de présenter des artistes dont l'oeuvre pourrait s'inscrire dans une filiation avec l'oeuvre du facteur. Cette dernière idée m'a laissé parfois dubitatif, les artistes choisis ne paraissant pas toujours convaincants, du point de vue de la filiation je veux dire (Paul Amar (ci-dessous à gauche),deb12ac1041b7208fb2edb4575dcfd35.jpg ou Marie-Rose Lortet sont d'estimables créateurs, mais qu'est-ce qui prouve que le Palais Idéal les a plus inspirés que d'autres références? Paul Amar par exemple a eu l'idée de ses sculptures en assemblage de coquillages en fréquentant les boutiques de souvenirs des Sables-d'Olonne, où la tradition populaire des objets décorés en coquillages est restée longtemps vivace, que l'on se souvienne de la Maison de la Sirène d'Hippolyte Massé par exemple).

    Il y a cependant les cas de Lattier, de Di Rosa ou de Sanfourche, ainsi que de Gérard Manset avec son curieux "délire d'interprétation"autour de Cheval. Il y a aussi ACM qui semble effectivement hanté par les structures du Palais Idéal dans les maquettes de concrétions qu'il érige. Et aussi il est vrai un magnifique collage d'Erro en provenance de la collection de Claude et Clovis Prévost (c'est la première fois que j'entendais parler de cette collection...). Mais ici, il s'agit davantage d'un hommage, comme dans le cas de l'étonnante toile de Martine Doytier (de 1977) que l'on découvre avec surprise à un détour de l'exposition.

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Martine Doytier, Hommage au facteur Cheval, coll. Jean Ferrero, Nice

     On n'a pas souvent eu l'occasion de voir des oeuvres de cette peintre insolite et énigmatique, à Paris tout au moins.  J'avais remarqué son affiche du centième carnaval de Nice lors d'un passage dans cette ville (j'avais fait une note sur elle dans mon ancienne revuette La Chambre Rouge n°4/5, en 1985, en signalant qu'elle s'était suicidée "la veille de l'ouverture du carnaval dont elle avait fait l'affiche", soit en 1984 ; le catalogue commet sur ce point une erreur en indiquant "2004" comme date du suicide dans la notice du catalogue, rajoutant ainsi vingt années à l'infortunée ; le catalogue ajoute que cette artiste aurait trouvé le désir de créer en découvrant des oeuvres d'"Ozenda", or il me semble bien me rappeler avoir lu, durant ma visite de l'expo, la mention à côté du tableau de Doytier que cette incitation provenait plutôt du peintre polonais naïf, réellement "visionnaire" lui, Ociepka, référence beaucoup plus plausible que celle d'Ozenda ).

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Ociepka, autoportrait, 1960, Musée d'ethnographie de Varsovie

     Le Palais Idéal a certainement eu aussi des influences sur quelques créateurs d'autres environnements spontanés, bien que cela ne soit pas toujours sûr, les créateurs en question étant par nature tellement autarciques dans leur production qu'ils n'aiment pas qu'on leur attribue des ancêtres. Je n'ai rencontré d'influencé avéré parmi ces créateurs que Charles Billy dans son environnement de maquettes en pierres dorées du Beaujolais à Civrieux-d'Azergues (j'ai mentionné ce fait dans les articles que je lui ai consacrés dans les revues Artension et Raw Vision à la fin des années 80, en me basant sur les confidences de Charles Billy lui-même). Une photo dans le catalogue montre un détail de l'environnement de Billy. Je propose ici une de mes propres photos, plus ancienne, que je fis en 1990 (Charles Billy est au premier plan à droite).

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     Au premier rang des illustres visiteurs (car avant les personnalités, il y avait tout de même eu les visiteurs locaux, comme par exemple le "Barde alpin", Emile Roux-Parassac) -et l'exposition, à la différence du catalogue (par les textes de Josette Rasle et Eric Le Roy), à mon avis ne le souligne pas assez- il y avait eu Jacques-Bernard Brunius qui découvrit le premier le Palais ( de façon enthousiaste), habitant non loin à Charmes, et grand amateur de "violons d'Ingres" excentriques ou non, pratiqués entre autres par des humbles. On connaît son film "Violons d'Ingres" qui date de 1939 et qui est justement consacré à ces nombreux amateurs de hobbies (je renvoie les lecteurs de cette note à  VIOLONS D'INGRES, Un film de Jacques-Bernard Brunius, Création franche n°25.doc, fichier qui contient l'article que j'ai consacré au sujet en oct.2005 ; le film n'est présenté dans l'exposition que de façon ponctuelle, mais on peut se le procurer dans les bonus du DVD intitulé Mon frère Jacques de Pierre Prévert et édité par le label Doriane films). Il contient une longue séquence sur le facteur, séquence qui donna envie au cinéaste Ado Kyrou dans les années 50 de faire un autre film sur le Palais un peu plus développé, avec une musique d'André Hodeir, (puis par la suite, ce fut au tour de Clovis Prévost de réaliser un autre excellent film). Mais on sait moins que c'est grâce à de nombreux articles de Brunius, parus dès 1929, que le Palais fut porté à la connaissance des amateurs d'art, des intellectuels en général, et notamment des surréalistes (Brunius en fit des photos dont certaines sont exposées un peu trop à l'écart dans l'expo, en dépit de leur originalité, Brunius y insistant sur les aspects phalliques de nombreux détails du monument ; c'est Brunius également qui poussa sa belle-soeur, l'excellente photographe Denise Bellon, à aller photographier  le Palais (Eric Le Roy le rappelle dans  le catalogue en signalant aussi les articles de Brunius) ; mais ce n'est pas le reportage de cette dernière qui dut "servir de base", comme l'écrit Eric Le Roy, au film de Brunius de 1939, car ce dernier était déjà suffisamment documenté sur Cheval depuis 1929). 

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B.Montpied, photogrammes (1981) extraits du film super 8, transféré en DVD, Les Jardins de l'Art Immédiat (1981-1992). En premier les géants du Palais, en dessous une pierre trouvée par Cheval

    Les surréalistes ont très probablement entendu parler du lieu grâce à ces articles, au bouche à oreille consécutif, plutôt que par une communication directe. Brunius a lui-même signalé dans un entretien de 1967 (l'année de sa mort ; l'entretien a été publié, semble-t-il de façon fragmentaire, par Alain et Odette Virmaux dans leur "André Breton", collection Qui êtes-vous?, aux éditions de la Manufacture en 1987) qu'il n'avait rencontré Breton qu'en 1934... soit après que ce dernier avait déjà visité le Palais ; Josette Rasle dans le catalogue avance que Brunius "recommanda chaudement" le lieu à Breton avant sa visite de 1931, mais elle ne nous dit pas où elle a trouvé la preuve de ce fait...).

    Ce que l'on apprend au passage avec cette expo, c'est le défilé incroyablement hétéroclite de personnalités diverses qui sont passées un jour inscrire des mots dans le registre à l'accueil du Palais (précieusement et intelligemment conservé): Josette Rasle en donne ces exemples pour l'après-guerre: Niki de Saint-Phalle, John Ashbery, Etienne-Martin, Philippe Dereux, Raymond Mason, Georges Mathieu, Henri Storck, Jodorowsky, Lawrence Durrell, Julio Cortazar, Marguerite Duras, Pablo Neruda, Anatole Jakovsky, etc... Avant guerre, il y avait eu un défilé de surréalistes, Brunius donc, Breton, André Delons, Max Ernst, Matta, Sadoul, Esteban Francés, Valentine Hugo... Sans compter tous les photographes dont l'exposition nous présente un choix un peu répétitif, Brunius, Bellon, Brassaï, Doisneau, Gilles Ehrmann, Lucien Hervé, Clovis Prévost, etc.

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Photogramme B.M. 1981,(idem), autre détail du Palais Idéal 

    Au total, cela donne une bien excitante exposition qui convaincra les plus réticents que l'aventure de l'art brut, si le terme n'a pas été inventé par eux (il ne date que de 1945), a bien commencé d'abord avec les surréalistes. On doit en remercier Josette Rasle, cheville ouvrière de nombreuses expositions passionnantes montées au Musée de la Poste (l'expo récente sur Chaissac était aussi très bien faite). Elle permettra bien entendu à ceux qui ne connaîtraient pas encore le Palais Idéal de commencer par cette exposition avant d'aller visiter le monument original à Hauterives dans la Drôme.

    Et pour vous féliciter d'avoir lu cette note légèrement fleuve jusqu'au bout, voici en prime ci-dessous un portrait du facteur que vous ne verrez pas au Musée de la Poste, mais bien plutôt au Musée d'art naïf de Noyers-sur-Serein dans l'Yonne. L'auteur est resté anonyme, c'est une huile de 54x76cm ayant appartenu à la collection Luce.

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(La photo de la sculpture de Paul Amar est de Pierre-Emmanuel Rastoi ; elle s'intitule "Le roi imaginaire", fait 120x70cm, date de 2006 et fait partie de la collection de Paul Amar)