24/11/2017
L'anti tag à l'eau, une nouvelle forme de graffiti
Mon camarade Régis Gayraud, flâneur invétéré, m'a signalé récemment dans les rues de Clermont-Ferrand un personnage discret et taciturne, du genre taiseux apparemment, qui pratique une forme d'intervention expressive peu commune. Il y a même de fortes chances qu'il en soit l'unique inventeur. Il exécute sur certains murs de la ville des tags... à l'eau! A l'aide d'une bouteille dont il a percé le bouchon... Ce qui signifie que ses inscriptions, et d'une, ne peuvent être considérées comme du vandalisme, puisqu'elles s'effacent inexorablement, et de deux, s'opposent aux tags classiques, visant à une forme de temporalité ultra éphémère.
Tout ceci se déduit des notes brutes prises par Régis, qu'il m'a envoyées récemment sous forme de textos (ça explique le style laconique) :
Je viens de revoir le type qui fait des tags à l'eau. J'ai essayé de lui parler. Il ne répond pas...
Photo Régis Gayraud, oct. 2017.
J'ai réussi à lui parler. Il appelle ça des anti-tags
Il fait cela depuis trois ans.
Je lui ai demandé s'il en faisait des photos. Il dit que non, il refuse de les photographier. [Pourquoi ce terme d’]"anti-tags" : le tag est fait pour rester, c'est une signature. Lui n'écrit pas deux fois la même chose et ce n'est pas une marque qu'il laisse pour montrer où il est passé.
Je lui ai demandé s'il avait des relations avec des artistes de street art ou des tagueurs de Clermont. Non, cela ne l'intéresse pas.
Photo Régis Gayraud, nov. 2017.
« Ma démarche est inverse, dit-il. Je fais une trace qui disparaît en quelques heures, encore plus vite, s'il fait chaud. Eux veulent marquer le territoire. »
Mais il faut lui tirer les mots de la bouche.
Régis Gayraud, Clermont-Ferrand, octobre-novembre 2017.
00:52 Publié dans Graffiti | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : graffiti, anti street art, anti tags, art éphémère, régis gayraud | Imprimer
07/09/2017
Une exposition consacrée à Marcel Vinsard dans le cadre de la 7e Biennale Hors les Normes de Lyon
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Exposition de Marcel VINSARD 14 septembre au 20 octobre 2017
Taxis Lyonnais
(où, paraît-il, quelques statues seront présentées dans les bureaux, mais aussi, initiative plus étrange, dans un vieux taxi - qui devrait peut-être circuler dans Lyon??)
Lundi au vendredi : 10h-12h / 14h-18h, 83, Rue Jean Jaurès – 69500 Bron T2- arrêt Bron Hôtel de Ville
Dans le cadre de la 7e Biennale Hors-les-Normes de Lyon (aux dates variées selon les événements dont elle est partenaire), va se tenir une exposition consacrée aux pièces sculptées par Marcel Vinsard, le créateur d'un environnement de mille statues, naguère installé à Pontcharra en Isère, et qui a été démantelé à l'été 2016, après sa mort survenue en juillet de la même année.
Démantélement du site de Marcel Vinsard, ph. Fatimazara Khoubba en août 2016 ; on aperçoit, très abîmé, au centre du cliché un portrait de Gérard Depardieu tout ruiné...
Le même portrait de Depardieu du temps de sa "splendeur"; Marcel Vinsard collait souvent dans un coin de ses compositions des photos de ceux qui lui avaient servi de "modèles", ph.B.M., 2013.
Les animateurs de l'association La Sauce Singulière, Loren, Jean-François Rieux et autres, prévenus par le sculpteur Jean Rosset, qui est de la région, connaissaient comme moi cet environnement, et ont eu le temps de récupérer environ deux cents pièces. De mon côté, j'en ai récupéré quelques-unes aussi, dont certaines sont allées au musée des Arts Buissonniers à Saint-Sever-du-Moustier dans l'Aveyron. D'autres sont chez quelques collectionneurs (qui les ont acquises durant une précédente expo à Lyon, déjà organisée par la BHN en 2015). Personnellement j'en conserve six, dont un de Gaulle que j'avais acquis directement auprès de Marcel Vinsard. J'ai gardé aussi, abîmé, le panneau où Vinsard avait inscrit des jeux de mots près de son chalet.
Marcel Vinsard, de Gaulle, coll. et photo Bruno Montpied, 2013.
Marcel Vinsard, masque vert, polystyrène peint, créé vers 2013, ph. et coll. B.M. (devant la galerie Dettinger), 2016.
Marcel Vinsard, "Coiffeur à la retraite...", panneau en polystyréne peint, années 2000, coll. et ph. B.M., 2016
Marcel Vinsard, j'en ai causé sur ce blog le 3 février 2015, après l'avoir rencontré en juillet 2013 en compagnie d'un camarade, suite à un signalement par Alain Dettinger et Fatimazara Khoubba. C'est le type même de créateur d'œuvres éphémères qui installent leurs artefacts en plein air en négligeant absolument la question de la pérennité de leurs œuvres. Il est probable, en outre, que Vinsard ne se faisait aucune illusion sur la suite que donnerait sa famille à ses excentricités... Mais il reste tout de même emblématique de l'attitude toute empreinte d'immédiateté d'une majorité de ces créateurs autodidactes, étrangers aux milieux artistiques. Leurs environnements vivent aussi longtemps qu'eux. Lorsque ces derniers pensent avoir atteint la fin (de leur art et de leur vie, c'est tout un), tout part en quenouille... Les matériaux qu'employait Vinsard, le polystyrène, les mousses polyuréthanes dans une grande majorité des œuvres (il recourut cependant aussi au bois, au Siporex et au ciment-colle par exemple), n'arrangeaient pas les choses, non plus! Il est donc vain de traiter les familles ou les héritiers de ces sites avec des noms d'oiseaux – comme le font certains sur des sites web que je ne nommerai pas...
Marcel Vinsard, vue des abords de son chalet d'habitation en 2013... Ph. B.M.
...et après le démantèlement, le vide, l'ennui... ph. B.M., 2016.
A signaler que dans l'expo on pourra trouver mon livre paru l'année dernière dans la collection La Petite Brute aux éditions de l'Insomniaque, Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles. Ne pas hésiter à le demander à l'accueil...! Très beau, pas cher... Il contient de nombreuses photos du site prises en 2013, à son apogée quasiment.
12:51 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marcel vinsard l'homme aux mille modèles, la petite brute, bhn7, taxis lyonnais, la sauce singulière, environnements spontanés, art brut, de gaulle, polystyrène, art éphémère | Imprimer
20/01/2013
Fanto-bonhommes de neige
Max T. ne m'envoie plus de photos de ses bonshommes de neige, alors je prends le relais. Sur le bord de ma fenêtre, se sont dressés des petits personnages aux bras écartés qui avaient simultanément tout l'air d'être aussi des fantômes. Ils paraissaient cogner à la vitre pour que je leur ouvre. Mais moi, sans pitié, je les ai laissés à leur glaciale atmosphère. J'ai assez de revenants en moi.
Ce sont de bons exemples d'art immédiat et éphémère en tout cas, qui ne sont pas de mon seul ressort, si l'on s'en réfère à l'espèce de Père Ubu écroulé sur le capot d'une voiture rue de Nevers, hier, et reproduit ci-après.
Fanto-bonhomme de neige, photo et façonnage Bruno Montpied, 19 janvier 2013
Deuxième mini bonhomme de neige, ph. et façonnage BM, 20 janvier 2013
Rue de Nevers, 19 janvier 2013 (les petites canailles à droite ne sont pas les auteurs), ph BM
Le même, passablement écroulé, ph BM
20:08 Publié dans Art de l'enfance, Art immédiat, Art populaire contemporain | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bonhommes de neige, land art spontané, bruno montpied, max t., art éphémère, fantômes, neige | Imprimer
17/12/2010
Postérité des environnements (5): Franck Barret renaît (un peu) de ses cendres
Ah oui, c'est un drôle de nom que celui de cet ancien coureur cycliste régional, qui sonne comme prédestiné à une existence excentrique. Franck Barret est un peu connu des amateurs d'environnements depuis que Pierre Bonte l'interviewa dans les années 1970 et publia cet entretien par la suite aux éditions Stock (1977). Avant cela, des magazines s'étaient déjà intéressés à lui de son vivant comme L'Information Artistique n°55 au milieu des années 1950 (comme me l'avait signalé en son temps J-F. Maurice). Après un accident qui l'avait rendu incapable de reprendre le vélo en compétition, il devint agriculteur, et sur le tard quelque peu rebouteux.
On l'associe généralement, pour les statues fort proches de l'art brut qu'il créa, aux créateurs d'environnements, mais à la différence de ceux-ci, s'il organisa lui aussi une mise en scène pour les camper, et semble-t-il un parcours comme dans un musée de cire (auquel son site fait immanquablement penser), ce ne fut pas sous le ciel qu'il choisit de le faire mais bien à l'intérieur de sa ferme, dans deux pièces vouées à l'exposition (entre1948 à peu prés et 1968, les visites étant autorisées par lui à partir de 1955).
Un reportage paru dans la revue des patrimoines de la région Aquitaine, Le Festin n°15, en 1994, de Jean Vircoulon, avec des photographies en noir et blanc de Christophe Garcia, permettait d'avoir quelques idées sur l'ambiance qui pouvait régner dans ce réduit. L'homme a expliqué ses créatures par les rêves qui le mettaient dans un état second. Dalinien au petit pied, Franc Barret? Peut-être. Cependant, on constate en se documentant sur les sujets de ses modelages et assemblages (plus que des sculptures) qu'il allait aussi les puiser dans la littérature (Le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux, la mythologie chrétienne, Joseph, Marie, le Christ enfant puis adulte, Sainte Blandine, Jeanne d'Arc, la préhistoire avec son homme de Néanderthal, les animaux fabuleux avec son Yéti et son dragon de carnaval, des personnalités historiques comme Pie XII...Pour son homme préhistorique, on a retrouvé une image gravée qui lui servit de modèle, ce qui paraît indiquer que comme de nombreux cas de créateurs populaires il recourait à la copie qui se trouvait ensuite au cours du façonnage transformée, transcendée.
Ci-dessus, deux photos de Jean-Christophe Garcia dans Le Festin n°15
Le gorille du petit musée de Franck Barret
De gauche à droite, Guynemer, le Fantôme de l'Opéra avec, derrière, la poitrine nue, Sainte Blandine, et la main sur l'épaule du fantôme, Christine Daaé (autre personnage du roman de Gaston Leroux ayant servi de source aux statues), ph.Musée du Pays Foyen (date?)
La même Christine Daaé, dans son état 2008, le jour où je passai dans le musée : on mesure ici l'étendue des problèmes de restauration pour M. Lamothe... ph.Bruno Montpied
Heureusement d'autres photos existent, en couleur qui plus est, montrant l'intérieur de ce musée, et publiées récemment sur le site du Musée du Pays Foyen (voir ci-dessous le lien), musée qui a conservé quelques pièces que j'avais photographiées en 2008 avant restauration. On doit ces clichés sans doute à Pierre Lamothe, par ailleurs sauveur de ce qui pouvait encore être sauvé, ce qui reste n'étant certes qu'une petite partie de l'ensemble, mais conservée au prix d'efforts incroyables chez un homme seul, acharné à préserver des lambeaux d'un patrimoine auquel on le sent profondément attaché. Il raconte sur le site du Musée du Pays Foyen, petit musée que la municipalité de Sainte-Foy-la-Grande lui laisse organiser, l'histoire des difficultés rencontrées du fait de l'extrême fragilité - et du poids - des matériaux employés par Barret qui édifiait ses statues couche par couche au moyen d'une argile jamais cuite, ce qui leur assura de se dissoudre peu à peu dans le temps, la terre redevenant friable progressivement... C'était de l'art éphémère, comme le dit très bien M. Lamothe sur son site, art pratiqué dans l'urgence, pour satisfaire un besoin d'expression irrépressible se déployant dans la plus stricte immédiateté.
Pierre Lamothe devant des vestiges d'un homme préhistorique de Franc Barret, gageure de restauration, photo BM, 2008
Bonne nouvelle que celle-ci, la restauration a dû aller assez loin pour que Pierre Lamothe ait pu enfin juger venue l'heure d'ouvrir les portes du Musée du Pays Foyen.
Le Musée du Pays Foyen, Sainte-Foy-la-Grande, 2008, photo BM
Le musée va éditer une plaquette, plus complète, en couleur, de 26 pages, en vente à l'Office de tourisme de Sainte Foy à partir de janvier 2011. L'exposition est visitable, uniquement sur rendez vous, au 142 rue de la république, Sainte-Foy-La-Grande (Gironde), le mardi soir à partir de 20h30, le samedi après midi de 14h à 18h et le dimanche. Téléphone : 05 57 46 59 73 - 06 75 70 35 34 - 06 28 37 73 63
01:41 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : franck barret, musée du pays foyen, petit musée de franc barret, environnements spontanés, pierre lamothe, art éphémère, art immédiat | Imprimer