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02/10/2017

Expositions en pagaille tous azimuts

      L'automne est là, les feuilles roussissent, avant de se faire bientôt ramasser à la pelle, les marrons commencent à jaillir de leurs bogues, je ne vous apprends rien, et, comme d'habitude, l'actualité des expositions connaît l'emballement habituel des rentrées. Cela me donne des scrupules : par lesquelles commencer? C'est du boulot, et je renâcle à me faire le complaisant écho de ces manifestations qui toutes ne me font pas sauter en l'air, surtout quand elles participent d'un certain ron-ron au point de vue du choix des exposants (j'en ai un peu marre de voir parler des mêmes artistes ou créateurs : Robillard et ses sempiternels fusils pour investisseur  en poncifs de l'art brut, Joël Lorand ou Ody Saban, les arbres qui cachent la forêt de l'art singulier). Alors, j'ai envie aujourd'hui de mettre plusieurs expos dans une même note, en vrac, sans trop de commentaires, et dieu, comme on dit (je n'irai pas jusqu'à lui mettre une majuscule), reconnaîtra les siens.

     Toutes celles que j'indique ci-après, cependant, après un tri rigoureux, me paraissent dignes d'intérêt, et sont donc une sélection automnale non exhaustive de ce qui a trait à l'art singulier, brut, outsider, spontané, surréaliste spontané, etc.

      Exposition Outsider Art III, "Art brut haïtien contemporain" : Charles Djerry, Jean-Baptiste Getho, Frantz Jacques dit Guyodo, Alexis Peterson, Fanfan Romain, Pierre-Paul Lesly. Du 5 octobre au 4 novembre 2017. Galerie Claire Corcia et Polysémie.

Outsiders haïtiens à la galerie Corcia, Guyodo.jpg

Guyodo à la galerie Corcia ; à noter qu'on a découvert cet artiste autodidacte (dont les graphismes, intéressants, ressemblent tout de même pas mal à d'autres œuvres déjà vues ailleurs dans le domaine de l'art brut, vous savez, tous ces dessins griffonnés au stylo Bic...) à l'expo du Grand Palais, "Haïti, deux siècles de création contemporaine" (19 novembre 2014-15 février 2015), où il était présenté avant tout comme un sculpteur, un récupérateur de matériaux variés, unifiant ses assemblages sous des couches de pulvérisation d'aluminium (technique qui fait beaucoup penser à celle des Staelens en France qui unifient également leurs assemblages de même manière, quoique en rouge, ou minium). A priori donc, ne relevant pas strictement, pour des raisons sociologiques de l'art brut annoncé sur l'intitulé de l'expo. A noter qu'on parle rarement d'art brut haïtien, plutôt d'art naïf. Ou d'art vaudou. Ces délimitations terminologiques sont bien délicates...

 

     Claude et Clovis Prévost exhibent leur "exposition multimédia (photographies, films et œuvres d'artistes depuis 1963), avec la contribution des Rocamberlus de Georges Maillard, en son jardin de pierres d'Osny dans le Val d'Oise" à la Villa Daumier à Valmondois. Ouvert le week-end du 9 septembre au 15 octobre 2017. C'est bien sûr à l'occasion de la réédition de leur livre Les Bâtisseurs de l'imaginaire, aux Belles Lettres. Sur leur carton d'invitation, une photo non légendée (voir ci-dessous) montre un monsieur barbu d'allure distinguée posant devant une sorte de portail germinatif qui paraît indiquer une inspiration naturelle, quoique mâtinée d'une certaine culture, donc relevant à mes yeux du corpus des environnements singuliers (genre Robert Tatin). Ce doit être, par élimination de ce que nous connaissons déjà des trouvailles de Claude et Clovis Prévost, le dénommé Georges Maillard avec ses "Rocamberlus". Mais on aimerait que les Prévost le confirment.

Georges Maillard peut-être, ph Clovis Prévost.jpg

Photo Clovis Prévost.

 

      La Galerie Les Yeux Fertiles pour sa part s'apprête à établir des "Connexions" entre art brut, surréalisme et art singulier. A ses visiteurs de rendre à César... ce qui appartient à chacune des étiquettes en question. Deux cas parmi les exposants que je situe mal, les dénommés "L. Smith" (créateur populaire afro-américain?) et "D.Valdés-Lilla" Au chapitre du surréalisme, on rangera seulement Masson et les Cadavres exquis, Mirabelle Dors (qui inventa une éphémère "tendance surréaliste populaire") et en prenant quelques libertés, Louis Pons. Du côté de l'art singulier, je placerai personnellement, Bettencourt, Rispal, Sefolosha et Chomo (souvent abusivement rangé dans l'art brut). A noter cinq contemporains dans cette liste, Pons, Sefolosha et Rispal, voire Charles Boussion, un authentique créateur d'art brut d'aujourd'hui, avec Lubos Plny aussi. Pourquoi avancer, dès lors, M. Morand, que la galerie ne se tourne pas vers l'art contemporain? Vous avez le contemporain sélectif? (Pourquoi pas, d'ailleurs?).

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A la nouvelle galerie de la Fabuloserie à Paris, l'expo d'automne est consacrée à Genowefa Magiera, seule cette fois.guyodo,art brut haïtien,art naïf haïtien,claud eet clovis prévost,environnement ssinguliers,georges maillard,rocamberlus,villa daumier,outsider art 3,galerie les yeux fertiles,surréalisme,art brut,art singulier On se souviendra en effet qu'elle fut une première fois présentée dans l'expo d'art brut polonais précédente, à la galerie parisienne et plus récemment à la Fabuloserie dans l'Yonne. C'est une trouvaille de Sophie Bourbonnais en compagnie de Marek Mlodecki, suite à des explorations en Pologne. Expo du 8 septembre au 21 octobre. Voir le lien. J'aime beaucoup ce genre de peinture d'une fraîcheur et d'une ingénuité absolues.

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Geneviève Magiera en vrac...

 

      Et la Maison sous les Paupières, à Rauzan, dans l'Entre-deux-mers, que devient-elle, me direz-vous (enfin, ceux qui suivent...)? Après une longue éclipse due à des petits problèmes de dérapage sur verglas cet hiver, son animatrice, Anne Billon a repris l'activité. Elle expose Bernard Briantais, le singulier Nantais dont personnellement j'ai déjà eu l'occasion de parler sur ce blog. C'est du 7 au 29 octobre. Le vernissage ce sera samedi prochain le 7, à 18h (ouverture de la galerie dès 14h). Adresse de la Maison sous les paupières... voyez l'affichette ci-dessous :

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      Sans transition, signalons aussi l'exposition plurielle de visionnaires et créateurs dissidents que concocte chaque mois de septembre, depuis des années, le Musée de la Création Franche à Bègles. Si la plupart des créateurs ou artistes présentés me sont inconnus, et je ne peux donc rien en dire de particulier, à part signaler leur présence, on notera tout de même qu'en fait partie Solange Knopf que j'ai plusieurs fois défendue ici même et aussi dans les colonnes de la revue du musée : je fais allusion à l'entretien que j'avais réalisée avec elle dans Création Franche n°41, en décembre 2014 (« Quelques questions à Solange Knopf au-delà des ténèbres »). "Visions et créations dissidentes", musée de la Création franche, du 30 septembre au 3 décembre 2017. A noter qu'à l'issue du vernissage qui a eu lieu le 30 septembre dernier, le nouveau maire de Bègles, Clément Rossignol Puech, a remis symboliquement les clés du musée au Président de Bordeaux Métropole, en l'occurrence Alain Juppé. Je crois qu'on espère au musée que ce transfert de propriété des locaux (et non pas de l'entité administrative et artistique qui reste l'apanage de la ville de Bègles) ouvrira la porte à des travaux d'extension dont la collection a bien besoin, étant donné son étendue croissante.

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Dessin de  Solange Knopf présenté sur le site de la galerie d'Ys en Belgique où elle a une exposition parallèle à celle de Bègles (du 8 au 29 octobre).

 

     

      Ailleurs, c'est la folie qui requièrent les efforts de deux organisateurs d'exposition et pas des moindres, d'une part le MAHHSA (Musée d'Art et d'Histoire de l'Hôpital Sainte-Anne, anciennement Musée Singer-Polignac ; on annonce pour bientôt son déménagement dans de nouveaux locaux, la Chapelle de l'hôpital...  – désertée pour cause de mort de Dieu?), pour deux expos dont une déjà en cours, "Elle était une fois, Acte I" (du 15 septembre au 26 novembre 2017) et "Acte II" (Du 1er décembre 2017 au 28 février 2018) – c'est "l'Acte I "qui est commencé – et d'autre part,  la Maison de Victor Hugo place des Vosges qui va bientôt présenter une formidable exposition, montée avec l'appui de diverse collections et fondations, et intitulée "La folie en tête, aux racines de l'art brut". Cette dernière, comme son sous-titre l'indique, se veut comme une mise en perspective de quatre collections psychiatriques du XIXe siècle (celle écossaise du Dr. Browne – une des plus anciennes, puisque fondée en 1838 –, celle d'Auguste Marie – qui fut un des premiers en France à créer un Musée de la folie, à Villejuif il me semble –, et celles de Walter Morgenthaler et de Hans Prinzhorn). Ces collections existaient  donc bien avant que la collection d'art brut de Jean Dubuffet ne se monte elle-même (à partir de 1945), parfois en s'incorporant justement certaines anciennes collections de psychiatres (comme celle du professeur Ladame, par exemple). L'exposition se tiendra du 16 novembre 2017 au 18 mars 2018 (vous avez le temps donc). La commissaire d'exposition, en dehors du directeur de la Maison de Victor Hugo, Gérard Audinet,  en est Barbara Safarova, présidente de l'association ABCD. On note la présence, au sommaire du catalogue, de contributions de Savine Faupin et de Thomas Röske entre autres. Mais je m'étonne de ne pas retrouver de contributions de Vincent Gille qui travaillait encore il n'y a pas si longtemps à la Maison de Victor Hugo et avait contribué à plusieurs reprises à tisser de fructueuses collaborations du musée avec la collection d'ABCD.

 du vernissage, le Maire de Bègles, Clémen

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Exposants au MAHHSA dans le cadre d'"Elle était une fois Acte I".

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Visuel proposé par la Maison de Victor Hugo pour l'expo "La folie en tête".

 

18/05/2017

Art brut polonais à la Fabuloserie (dans l'Yonne)

CollectionAndrzejKwasiborski-Fabuloserie.jpg

      Pour la belle saison, la Fabuloserie, cettte année, a choisi de présenter 130 œuvres de 25 créateurs et artistes issus de la collection "turbulente" d'Andrzej Kwasiborski, tous polonais (même le nommé Kosek qui n'est pas le créateur tchèque Zdenek Kosek, mais plutôt sans doute le Polonais Ryszard Kosek). C'est la poursuite de l'intérêt porté par les Bourbonnais et leurs complices, Marek Mlodecki et aussi Radek Labarszewski, pour des créateurs qui sont nombreux dans un pays où longtemps ils ne furent pas identifiés comme pouvant se situer dans ce que l'on a appelé depuis 1945, en France, l'art brut. Jusqu'à ces  dernières années, on les classait du côté de l'art populaire, et de l'art naïf. Ce qui n'était pas complètement usurpé, cela dit. Depuis quelques années, on a cependant remarqué, par exemple, les œuvres d'Edmund Monsiel, d'Henrik Zarski (dont des œuvres semblent exposées à Dicy cette année,collectionneurs turbulents, la liste des créateurs.JPG voir la liste des créateurs et artistes exposés ci-dessous), et autres, qui ne relèvent pas d'une révérence marquée à une peinture de genre, manifestant plutôt une fantaisie figurative déconnectée de la perception visuelle du monde, mettant en jeu en somme une figuration autre, dont les règles s'élaborent dans le jeu libre des lignes, des couleurs et des formes dans un cadre et sur un support qui sont des mondes en soi...

Collectionneurs turbulents, l'art brut polonais 2017.jpg

Patchwork proposé par la Fabuloserie à Dicy actuellement jusqu'à la fin de l'été.

 

      Il est à remarquer que les œuvres sont exposées, mêlées, dans le parcours de la Fabuloserie, aux œuvres de la collection permanente, dans une volonté de les faire dialoguer. 

Collectionneurs turbulents, laïus.JPG

On note que cette exposition a plusieurs titres ; ici, on nous parle de "collectionneurs turbulents, art hors-les-normes sans frontières 1", comme qui dirait un sous-titre, ou comme le titre d'une nouvelle série d'expos consacrées aux collectionneurs d'art hors-les-normes (donc "turbulents" pour faire référence au fondateur de la Fabuloserie, Alain Bourbonnais) dont cette expo est le premier exemple.

 

     C'est donc une seconde occasion de découvrir plus amplement la création brute polonaise, "seconde", parce qu'il y avait déjà eu il n'y a pas si longtemps, au Musée de la Création franche, à Bègles, une exposition similaire, intitulée (pieusement) "Les saints de l'art polonais" (voir la chronique que j'en avais faite sur ce blog). On retrouve quelques noms communs dans les deux expositions d'ailleurs, comme Zarski, Dembinski, Glowala et Kosek, tout en découvrant majoritairement des noms de créateurs nouveaux par nos contrées. A noter en particulier une créatrice déjà présentée dans l'antenne parisienne de la Fabuloserie, que j'ai trouvée exceptionnelle, Genowefa Magiera, vieille dame peignant au sein d'une  maison de retraite à ce que j'ai compris. On peut se faire une idée des œuvres présentées en feuilletant le catalogue sur Calameo.

Genowefa Magiera (2), sans titre 42x19cm, vers 2016 (alt).jpg

Genowefa Magiera, sans titre, peinture et collage sur carton, 42x19cm, vers 2016, coll. privée, Paris ; ph. Bruno Montpied

Genowefa Magiera, portrait photo.jpg

La créatrice en action...

 

05/07/2013

Art brut polonais au Musée de la Création Franche avec un titre ambigu

   Commence le 6 juillet, demain, à Bègles, prévue pour durer jusqu'au 8 septembre, une exposition collective intitulée "Les saints de l'art polonais". Le vieil anticlérical invétéré que je suis, je l'avoue, a fait un saut dans son fauteuil en découvrant un pareil titre...

 

aff saints de l'art polonais.png

 

    A découvrir cet intitulé, on se dit que le musée de Bègles paye désormais son écot au denier du culte... On se dit, comme ça de prime abord, que l'exposition doit être une revue d'effectifs consacrée aux représentations religieuses dans l'art polonais, car dieu (justement) sait que cela a existé et existe sûrement encore, même si on nous dit qu'actuellement la jeunesse de ce pays aurait envie de jeter tous ces frocs par-dessus les moulins... Le genre d'exposition que l'on a vue dix mille fois dans les centres culturels polonais, comme par exemple dès qu'arrive la période de Noël, lorsqu'on nous expose les fameuses crèches faites de verroteries et paillettes, architectures miniatures non dénuées d'un certain sens du merveilleux (j'aime bien ces crèches, cela dit à cause de leur merveilleux justement!).Jacek Gtuch, Creche, 1972, coll privée Milan.jpg Un genre d'exposition pas très original en somme, se dit-on toujours, se basant seulement sur le titre. Or, à Bègles, je n'arrive pas à croire que l'on veuille avant tout nous intéresser à une exposition de bigoterie, a priori. C'est d'abord une expo proposant une sélection de créateurs bruts venus de Pologne, peu connus (première expo d'art brut polonais en France?), expo de deuxième mouture puisqu'une autre sélection, avec certains des mêmes créateurs, certains différents, ou certains qui n'ont pas été repris, avait été montrée en Belgique à Bruxelles dans le cadre du musée Art et Marges (du 22 février au 26 mai 2013).

 

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Tadeusz Glowala (exposé à Bègles)

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Aloys Wey, 46x48 cm, 1976, Coll. de l'Art Brut, Lausanne

 

    A Bruxelles, on avait ainsi déjà, que l'on retrouve à Bègles, Adam Dembinski, Tadeusz Glowala (ce dernier dont les dessins sont très en rapport avec les fameuses crèches justement et aussi avec les travaux d'un autre auteur d'art brut, suisse pour le coup, Aloys Wey, voir ci-dessus), Wladyslaw Grygny, Przemyslaw Kiebzak, Ryszard Kosek, Konrad Kwasek, Mikolaj Lawniczak, Justyna Matysiak, Iwona Mysera, Henryk Zarski (des noms bien entendu que l'oreille française a du mal à retenir). Par contre ont disparu à Bègles, qui étaient à Bruxelles: Barbara Checka, Kasimierz Cycon, Halina Dylewska, Marian Henel, Edmund Monsiel, Julian Strek, Edward Sutor, Maria Wnek, Stanislaw Zagajewski et Ksawery Zarebski, soit dix participants, sans qu'on nous dise le pourquoi du comment de cette éviction (problème de place peut-être?). A Bègles toujours, on note l'apparition de deux nouveaux venus  tous deux en provenance du même foyer d'accueil spécialisé (pour handicapés sans doute) de Brwilno à Plock (j'adorerais vivre dans un patelin répondant au doux nom de Plock...), Wladylaw Roslon et Roman Rutkowski, dont les œuvres, pour ce que l'on en voit dans le petit catalogue que m'a gentiment envoyé le musée de la Création Franche, paraissent fort intéressantes.

    L'exposition de Bruxelles, du point de vue du titre, avait elle aussi une consonance qui flirtait avec la bigoterie, puisqu'elle s'intitulait, s'inspirant d'une inscription relevée sur un tableau de la croyante Maria Wnek, "Une hostie dans la bouteille, artistes polonais" (quand on sait que dans les bouteilles gisent parfois les messages, on voit où veut en venir l'inventeur du titre de l'expo, Mme Malgorzata Szaefer...). Celle-ci était en effet une des deux commissaires d'exposition à Bruxelles et se retrouve aujourd'hui à Bègles. Elle a tendance à signer des textes de plus, dans les deux cas, assez vagues, passablement sibyllins et, comme on dit familièrement, plutôt "bateau".

 

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Edmund Monsiel, coll. ABCD

 

     Certains créateurs non repris à Bègles étaient pourtant de ceux qui m'intriguent, comme Edmond Monsiel qui, même si il est une des vedettes de l'art brut depuis longtemps, n'a pas fait l'objet de beaucoup d'expositions en France (on aura l'occasion d'en découvrir à la rentrée, du 29 septembre au 16 novembre à la galerie ABCD à Montreuil dans l'expo "De la lenteur avant toute chose") ou comme Julian Strek, dont un "tombeau" en bois sculpté, très coloré, venu de la collection Leszek Macak à Cracovie, reproduit sur le dépliant de l'expo Art et Marges, était tout à fait remarquable et original (à mettre en rapport, cela dit, peut-être avec l'art traditionnel de certains calvaires en Europe de l'Est, voire dans les pays baltes où se rencontrent des forêts de crucifix tout à fait étranges ; voir repro de Strek ci-contre sous le titre "Une hostie dans une bouteille").Julien Strek, tombeau, bois peint.jpg Maria Wnek également manque dans l'expo de Bègles. Par contre, on pourra continuer d'y découvrir des œuvres de Henryk Zarski, que les lecteurs des fascicules de la collection de l'Art Brut à Lausanne ont  déjà pu remarquer, grâce à leur force d'expression (voir la notice de Michel Thévoz dans le fascicule n°21 de 2001). Avec ce dernier créateur, on a souvent l'impression que ses figures, de la même taille que les maisons en arrière-plan, pourraient bien finir par se confondre avec elles et avec tout l'univers environnant par contamination dans un carambolage graphico-pictural tourbillonnant. C'est du moins ce que je suppute du fait de leur traçage à gros traits, de leur équivalence dans les formes, de leur manque de contraste...

 

Henryk Zarski.jpg

Extrait du catalogue de l'expo du Musée de la Création Franche

 

      Je reviens au titre de cette exposition qu'explicite Pascal Rigeade dans le préambule qu'il a publié dans le catalogue de l'exposition. Il l'a choisi en réalité par référence à une phrase connue de Jean Dubuffet qui vantait les créateurs de l'art brut qu'il voyait comme les "héros, les saints de l'art" (je reprends la citation qu'en fait Pascal Rigeade). Donnons ici la référence du texte d'origine, c'est dans la préface de Dubuffet à l'exposition "L'art brut" à la galerie d'Alphonse Chave en 1959: "Le parti de l'art brut c'est celui qui s'oppose à celui du savoir, de ce que l'Occident nomme (un peu bruyamment) sa "culture". C'est le parti de la table rase. Ses troupes ne sont porteuses d'aucun uniforme, elles ne se vêtent pas de toges et d'hermines ni ne se parent de glorieux titres, elles ne se recrutent pas au sortir des écoles mais dans le rang du commun, elles sont la voix de l'homme du commun qui s'oppose à celle des savants spécialistes. Vagabonds, voyants entêtés soliloques, brandisseurs non de diplômes mais de bâtons et de houlettes, ils sont les héros de l'art, les saints de l'art" (J.D. p 513 de Prospectus et tous écrits suivants, Tome I). Personnellement, je n'ai jamais trouvé cette envolée lyrique de Dubuffet bien appropriée. Mais il reste qu'on peut la comprendre avant tout comme une métaphore qui envisageait les créateurs d'art brut comme des sortes de personnages purs, plus proches du héros que du saint en fait.

    Lier aujourd'hui les créateurs d'art brut, en l'occurrence polonais, à cette notion de sainteté, nettement assimilée à la religiosité par les concepteurs de l'expo, qui la voient dans cet "ailleurs européen" (texte du catalogue), sans insister sur les dépassements qu'opèrent les créateurs à partir de cette imprégnation culturelle, peut être jugé de fait tout à fait critiquable, de mon point de vue. N'est-ce pas risquer de retomber dans ce cliché discutable qui tend toujours à lier la foi avec l'art, alors que ce dernier est aussi hymne à la liberté tandis que la foi a souvent été tout le contraire (guerres de religions, intolérance vis-à-vis des cultures autres, fanatisme, puritanisme, et j'en passe)? Mais peut-être que Pascal Rigeade n'avait pas une intention si directe, et qu'il a voulu seulement trouver un titre à cette exposition qui fasse écho à Dubuffet qui est largement admiré à Bègles depuis les débuts du Site de la Création Franche. Malheureusement le titre a pris un tour parfaitement ambigu, surtout lorsqu'on ne sait pas à quelle citation il se rapporte originellement. Peut-être aussi, en hôte respectueux d'un projet venu de Pologne, a-t-il voulu se mettre trop en empathie avec la commissaire d'exposition?

  

21/05/2010

Brises de Nice, un nouveau festival hors-champ

    Le chiffre 13 va sûrement leur porter bonheur à ce festival Hors-Champ, treizième du nom. Treize rencontres  de cinéma autour de l'art singulier, pour un festival qui devait s'arrêter au bout de dix éditions, il semble que le pli ait été pris et qu'à Nice on ait décidément pris goût à réunir son monde au printemps. Cela aura lieu cette fois sur deux jours, le vendredi 4 juin tout d'abord, dans l'auditorium de la Bibliothèque municipale de Nice, quelques films (déjà montrés dans les éditions précédentes) à l'usage des nouveaux spectateurs (sur Gilbert Peyre: que devient ce dernier au fait? ; sur Petit-Pierre et sur les châteaux de sable de Peter Wiersma, les deux films par le légendaire documentariste mort trop jeune Emmanuel Clot ; sur Yvonne Robert...). Et le samedi 5 juin surtout, dans l'auditorium du MAMAC de Nice, où là les films et autres documents présentés auront une toute autre importance, au point de vue de leur rareté.

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Programme-13èmes-Rencontres.jpg

     Le gros morceau (probablement, mais surtout pour un amateur "d'archive") sera sans doute la reprojection des photographies de Gilles Ehrmann, intitulées "Les inspirés et leurs demeures", à savoir sans doute des images (en couleur?) des sites évoqués par Ehrmann dans son livre au titre éponyme de 1962, ceux de Frédéric Séron, Malaquier, Chaissac, Fouré, Picassiette, etc., qui avaient été présentées à la fameuse exposition des "Singuliers de l'Art" au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris en 1978 (on se référera au catalogue de l'expo trouvable encore ici ou là, ou en bibliothèque). Mais bien entendu, la présentation du film de Michel Zimbacca et Jean-Louis Bédouin, L'invention du monde, avec des commentaires de Benjamin Péret, permettra aussi à d'autres amateurs, plus tournés vers les arts dits premiers, de découvrir là aussi un film mythique que l'on attend depuis bien trop longtemps en réédition sous forme de DVD (c'est pour aujourd'hui ou pour demain en effet?).

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     Les organisateurs de ce festival, qui se voue comme on le voit à un éclectique programme de documentaires d'art sur la créativité vivante, pas seulement borné à l'art brut ou singulier, se sont aussi tournés cette année vers la rediffusion du film de Jean Painlevé consacré à Calder qui fut tourné en 1955 et qui avait été un peu occulté par l'autre film tourné sur le cirque de semi-automates fait par Calder en fil de fer et autres bouts de chiffon, à savoir "le cirque de Calder" de Carlos Vilardebo en 1961. Le documentaire de Painlevé s'intitule "Le grand cirque Calder 1927" et il est disponible en DVD (édité par le Centre Pompidou et les documents cinématographiques dirigés par Brigitte Berg qui viendra à Nice présenter le film). Avec ses figures en matériaux précaires, il devance de plusieurs décennies des créations populaires comme celle de Petit-Pierre Avezard, aujourd'hui conservée à la Fabuloserie.

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Michel Nedjar, quelques poupées pour la fête de Pourim, ph Adam Rzepka, Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, extrait du livre "Poupées Pourim" paru chez Gallimard, coll. Giboulées en 2008

   Egalement présents, on pourra voir à Nice Alain Bouillet et Adam Nidzgorski présenter des images relatives à l'art brut et l'art populaire polonais (pour une confontation? Le programme ne le précise pas). On retrouvera aussi un film de Philippe Lespinasse et Andress Alvarez sur les reliquaires du Suisse Marc Moret, et un autre film consacré à la "grotte" de Maurice Dumoulin (autre créateur présenté à l'expo sur l'art brut fribourgeois naguère à la Collection de l'art brut à Lausanne). Bref, comme on le voit, du beau, du bon, rien que du bonheur.  

   

11/05/2010

De l'art déchiré à Rouen

Art Et Dechirure 2010 Affiche.jpg     Voici qu'une nouvelle édition du festival Art et Déchirure s'annonce du 19 au 30 mai à Rouen. Je n'y suis jusqu'à présent jamais allé, question de décalages, de disponibilités. Car question sources de découvertes, je crois qu'on peut avoir là-bas des surprises, la quête des organisateurs (Joël Delaunay entre autres) étant d'aller plutôt du côté de l'inconnu pour y chercher du nouveau,  en évitant la redite. C'est un festival consacré à diverses formes d'expression, il y a des expositions d'arts plastiques - ce qui m'intéresse avant tout - mais aussi de la danse, du théâtre (cette année, entre autres spectacles, j'ai noté qu'une actrice jouait l'histoire de Petit-Pierre sur scène), etc. Il faut aller butiner sur le blog du festival et de l'association, où chacun trouvera son miel dans le programme qui s'y trouve détaillé.

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Marie-Rose Lortet, extrait du blog d'Art et Déchirure

     J'ai fait mon propre "marché" en consultant ce programme, et j'ai retenu, du côté des classiques de l'art singulier, ou en passe de le devenir, l'expo Marie-Rose Lortet (à Petit Quevilly), celle de Joël Lorand (pas forcément une nouveauté, là, mais on a plaisir à suivre son cheminement d'année en année), celle d'Alain Lacoste (qui a au même moment  une rétrospective à Laval à l'Espace SCOMAM, du 10 avril au 4 juillet), ou du côté de l'art brut André Robillard dont on paraît exposer les fusils et autres créations faites en marge du spectacle Tuer la Misère .

Art et Déchirure 2010, expo Caroline Dahyot.jpg
Caroline Dahyot, extrait du blog d'Art et Déchirure

     Et puis du côté des créateurs moins connus, et nouveaux au bataillon, j'ai été intrigué par un portrait de femme imaginaire dû à Martine Mangard, un dessin de Catherine Ursin aussi (merci à elle pour nous avoir transmis l'info du festival), et plus encore par une oeuvre de Caroline Dahyot  que présente sur le blog du festival le chercheur et collectionneur Alain Bouillet. Ce dernier, dont j'aurai bientôt l'occasion de citer une autre intervention prochaine, présente également, dans le cadre de ce festival, de l'art brut polonais, duquel il avait déjà eu l'occasion de parler dans le n° 31 de Création Franche (sept 2009).