20/09/2020
Des morts, toujours des morts...
Mort récemment, Jean-Marie Massou (1950-2020) à Marminiac, sans que je sache comment, si, par exemple, comme Molière, il a fini en scène, c'est-à-dire, en ce qui le concerne, en chantant ses cantiques personnels au fond de la terre (voir vidéo ci-dessous) creusée amoureusement toute sa vie, au départ, avec le prétexte d'une recherche de civilisation préhistorique. (En fait, si, on peut savoir comment il est mort: affaissé au pied de son lit, découvert par son ami – et protecteur - l'ancien maire de Marminiac, André Bargues). Voici, parmi d'autres souvenirs de M. Bargues évoqués sur le blog d'un certain Lenous, qui a utilisé sans vergogne un de mes photogrammes sans citer sa source, bonjour le sans gêne ; c'est la photo qui sert pour illustrer la vidéo ci-dessous justement), ces propos prêtés à Massou: "Il est grand temps d’arrêter de procréer, mieux vaut adopter. L’apocalypse est bientôt là. Nous sommes plusieurs milliards sur cette terre. Les enfants, c’est fini. Ils n’ont plus d’avenir. Plus de travail. L’ozone décortiqué, le soleil blanc qui commence, plus aucun avenir à attendre. Si vous voulez faire l’amour, embrassez-vous dans une glace ou alors prenez la photo d’une copine."
Jean-Marie Massou est parti explorer le royaume des ombres, photogramme du film d'Antoine Boutet, Le Plein Pays.
Jean-Marie Massou, photogramme Bruno Montpied, extrait du film Super 8 que je lui ai consacré en 1987 ; dans le document sonore, il chante un des "cantiques" de son invention.
Mort encore, tout récemment, José Leitao (1938-2020) que j'avais évoqué dans mon Gazouillis des éléphants, après l'avoir rencontré à Ailly-sur-Somme, grâce à l'ami Laurent Jacquy. Que vont devenir ses sirènes, ses mains de Fatma, ses pions de jeux d'échec? D'ores et déjà, comme Laurent me l'a signalé, on pourra disposer un jour, au moins, de l'ensemble de ses oeuvres photographiées par Jacquy (si ce dernier songe à les léguer à quelque documentation de musée), à défaut de la sauvegarde de son œuvre, qu'il ne vendait pas.
José Leitao (à droite) expliquant en 2011 sa technique à Laurent Jacquy, ph. Bruno Montpied.
José Leitao, une de ses nombreuses sirènes, ph. Laurent Jacqy.
José Leitao, Tu vois ça Oh non, sculpture en bois peint, ph.B.M., 2011 ; Un poing fermé, symbole du combat communiste...
Et enfin, troisième évocation, celle de Yann Paris (1964-2020), pas très connu non plus, mort trop jeune (54 ans...), en laissant derrière lui, me prévient Laurent Jacquy, qui était son grand ami, près de 300 sculptures empreintes d'un esprit enfantin perpétué à l'âge adulte, traitant avec une naïveté assumée aussi bien des artistes, des musiciens (de rock ou de blues), des écrivains connus (Breton...) que des figures admirées des bandes dessinées de sa jeunesse.
Yann Paris, André Breton entouré de ses poupées hopi "Kachina"
Yann Paris, Bodan (sic) Litnianski, 1913-2005, le chef surmonté de figurines d'Indiens et de billes, quelques éléments emblématiques de son jardin Viry-Noureuil dans l'Aisne. Ph.B.M., 2011.
Yann Paris, Le professeur Tournesol, ph. .M., 2011.
Yann Paris, Captain Beefheart. Ph. B.M., 2011.
Yann Paris, des héros de Marvel.
11:37 Publié dans Art Brut, Art de l'enfance, Art immédiat, Art populaire contemporain, Art singulier, Environnements populaires spontanés, Sirènes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jean-marie massou, laurent jacquy, andré bargues, josé leitao, yann paris, andré breton, bandes dessinées, bohdan litnianski | Imprimer
29/07/2020
Un portrait du célèbre Facteur cavalant...
J'ai réagi avec une sorte d'esprit de l'escalier vis-à-vis d'un portrait insolite que je n'avais fait qu'entrevoir il y a plusieurs mois de ça (et quand je dis "entrevoir", c'est-à-dire voir avec l'inconscient...). J'avais fait une note sur des statues d'Alfonso Calleja, de Gujan-Mestras, retrouvées par moi, en compagnie de deux amis, dans un stand d'antiquaire aux Puces de St-Ouen. On peut la retrouver ici. Sur la première photo mise en ligne sur mon blog on voit, derrière une statue d'Indien la main sur le front en position de guetteur, les deux amis en train d'observer quelque chose cachée derrière un mur. Je la remets ci-dessous.
Photo Bruno Montpied, 2019.
Agrandissons l'arrière-plan....
Ils ne regardent pas en effet un objet posé sur la table à gauche. Ce dernier aurait dû attirer mon attention tout autant, sinon plus, que les statues de Calleja. Mais ces dernières me surprenaient, venues jusqu'à St-Ouen depuis le Bassin d'Arcachon. Et je ne pouvais faire face à deux surprises en même temps...
Je décidais d'y repasser peu avant le déferlement du Covid. Et cette fois je me concentrai sur le personnage représenté. Un facteur pour le buste, et un cheval pour le reste du corps... Un centaure d'un genre spécial, un facteur... cheval... Comme aurait dit l'inspecteur Bourrel: "Bon sang, mais c'est bien sûr!". J'étais devant un portrait inédit du Facteur Cheval. Le rébus de l'homme-cheval, était pour le coup charmant, modelé avec grâce. La technique – un modelage en terre cuite colorée réalisée avec du mouvement et, simultanément, de l'instantanéité – servait fort adéquatement le portrait à base de calembour. Je ne fis ni une ni deux, j'acquérais l'objet.
Sans titre inscrit sur l'œuvre, ailleurs appelée "Le Centaure", 45 x 20 x 32 cm, photo et coll. B.M.
Par la suite, il me revint qu'un autre artiste, Laurent Jacquy, avait lui-même eu cette idée de figurer ainsi le Facteur, dans l'effigie d'un timbre imaginaire conçu par lui. Cela venait vite à l'imagination ce genre d'image. Rancillac, de son côté, avait préféré superposer le museau d'un cheval au portrait du Facteur, de manière à ce qu'un troisième œil lui apparaisse au milieu du front. C'était, à mon goût, une image plus plate.
Laurent Jacquy, timbre imaginaire.
Affiche d'expo "Avec le Facteur Cheval" au Musée de la Poste, en 2007, faite d'après Rancillac.
Une signature était inscrite en creux dans l'encolure, à la lisière du dos plus clair, avec une date : "Serge Castillo, 26 jan 2007"... Cela, c'est mon camarade Régis Gayraud, expert en farfouillages sur la Toile, qui le reconstitua, car la signature manuscrite, qui avait été gravée dans la terre quand elle était encore encore molle, était d'emblée dure à lire. L'antiquaire de St-Ouen prétendait ne pas savoir le nom de l'artiste. Or, en cherchant un peu sur le Web, on retrouvait la trace de l'objet, intitulé par une autre marchande, bordelaise, "le Centaure". Avec quelques précisions sur Serge Castillo, sculpteur contemporain, actif à une époque du côté d'Uzès dans le Gard (mais aujourd'hui ayant un atelier, semble-t-il, plutôt du côté de Belle-Ile-en-Mer), ayant exposé – tout se tient – au Palais Idéal du Facteur Cheval en 2005, comme il est signalé sur son site internet à la rubrique "parcours du sculpteur". Un artiste contemporain certes, qui n'a rien de naïf ou de brut, d'un autre temps pourtant, aux portraits fort sensibles, souvent consacrés à des gens simples venus du peuple, portraits d'écoliers, d'immigrés espagnols fuyant la répression franquiste (cet artiste d'origine espagnole doit avoir quelque souvenir de ce côté-là...). Je dois dire que j'admire sans la moindre réticence, notamment, ses portraits, toujours en terre polychrome, par exemple Rimbaud, Adam et Eve, si proches de personnes vivantes d'aujourd'hui, Carmen, et autres sculptures telles qu'on peut les découvrir sur son site internet.
Serge Castillo, Rimbaud (et son paletot idéal?)
Serge Castillo, Adam et Eve.
07/05/2015
Ah, les beaux caviardages!
Trouvée sur l'excellent blog Les Beaux Dimanches de Laurent Jacquy, cette magnifique retouche sur un nom de rue (non localisée), qui est pour moi un chef-d'œuvre de l'insulte populaire contemporaine... Félicitations à lui!
Photo Laurent Jacquy, 2015
00:10 Publié dans Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : danton, inscriptions drôlatiques, caviardages, laurent jacquy, les beaux dimanches | Imprimer
26/12/2012
Arsène Vasseur, un autre créateur anonyme en Picardie
Cela fait quelque temps que Laurent Jacquy (du blog Les Beaux Dimanches, voir liens en colonne de droite) m'a fait passer une minuscule brochure consacré à un autodidacte inconnu nommé Arsène Vasseur, document qui paraît être la seule trace qu'ait bien voulu laisser transpirer le Musée de Picardie, en organisant à Amiens du 27 février au 28 mars 1999 une exposition au Centre Culturel du Safran.
Il s'agissait pour ce musée de faire découvrir, à l'occasion d'un événement exceptionnel (la quatrième édition de la série "Le Musée sort de sa réserve"), les objets, les "œuvres", les meubles décorés – voire certains documents photographiques ? – qui furent légués au musée après la mort du créateur. Arsène Vasseur, né en 1914, est en effet décédé en 1994. Malheureusement, peut-être par manque de sous?, ou par manque de motivation (plus probable, hélas, mais je ne voudrais pas me montrer trop pessimiste...), l'exposition, apparemment, n'a pas fait l'objet d'un catalogue (si je m'en tiens à ce que m'en a dit Laurent Jacquy). C'est bien dommage, étant donné que c'était la première fois qu'on sortait le bonhomme des réserves où il se retrouve enfoui... A peine a-t-on songé à laisser aux enfants un petit livret-questionnaire agrémenté de quleques minuscules photos qui me laissent personnellement grandement sur ma faim, mais qui constitue en même temps le seul tremplin dont mon imagination se saisit, tentant de vous transmettre une curiosité que j'espère contagieuse. Ce livret évoque les créations de ce Vasseur, à mon grand étonnement de lecteur éloigné, avec un sous-entendu que son œuvre est bien connue... Tu parles...
Arsène Vasseur, Magic délirium cacophonic
Vue de l'intérieur de la maison d'Arsène Vasseur avec différents tableaux d'hommage, à sa femme entre autres, et télévision décorée au premier plan
Il semble que l'homme ait eu deux passions, sa femme et ses violons d'Ingres qui consistaient à orner sa demeure de mosaïques de perles, de tableaux d'assemblages, de meubles richement ornés de matériaux divers agglomérés par-dessus (voir le tourne-disques à cornet que j'immisce au bas de cette note, ou la télévision recouverte d'un décor), s'élevant à la hauteur d'oeuvres commémoratives assez insolites, comme le meuble d'hommage à la Tour Eiffel bizarroïde ci-dessous...
En farfouillant sur internet, on ne trouve que fort peu de choses sur Arsène Vasseur. Le Musée de Picardie ne dispose pas d'une numérisation de ses collections les plus secrètes. Seul un entrefilet extrait d'un vieux numéro de L'Œil (n°504, mars 1999) apporte de maigres précisions: "Personnalité discrète, douée d’un véritable génie inventif, cet autodidacte a su créer un art original, à mi-chemin entre art populaire et art forain, inspiré tantôt par sa vie familiale, tantôt par son environnement urbain ou ses occupations domestiques (la philatélie). Dans ses reliefs, composés de matériaux de récupération – et principalement de plastique – prédominent un principe d’accumulation et le choix de couleurs vives, mêlées arbitrairement". "Arbitrairement", cela me paraît discutable, mais passons... Quant à la philatélie, en effet, on y pense en tombant sur le tableau qui ressemble à un projet (ou une copie ?) de timbre commémorant les exploits de l'aviateur Jean Mermoz (je n'en connais pas la taille, le livret n'apportant bien entendu aucune précision sur le sujet... Pas davantage du reste que sur les autres pièces reproduites).
Arsène Vasseur, Mermoz, la légende "Barlangue" en bas à droite me laisse quelque peu perplexe, auriez-vous des éclaircissements à apporter, vous qui me lisez? [Ah merci à Luc M de Rézé (voir commentaire ci-dessous) qui, comme il fallait bien sûr le faire, a cherché sur Internet et a compris qu'il s'agit d'une signature, et que donc ce tableau d'Arsène est probablement une copie agrandie d'un timbre existant]
Plus généralement, la façon de mosaïquer, d'assembler de toutes petits fragments évoque les collages de morceaux de timbres comme il s'en est fait beaucoup au cours du XXe siècle.
Anonyme, XXe siècle, collage de timbres pour représenter un vase et un bouquet, anc. coll. Michel Boudin, actuellement coll. BM
Sans oublier que cela possède aussi des rapports avec les bannières commémoratives sur tissu des soldats réchappés de campagnes militaires, ainsi qu'avec la marquéterie ou les reliquaires. "L'armoire à illusion" ci-dessous, dont je ne sais ce qu'elle abritait d'illusionniste, aide à se l'imaginer.
Arsène Vasseur, Illusion
A noter enfin que notre héros devait probablement goûter passablement la musique (il est rapporté dans le livret que son affection se portait plus vers la "Marinella" de Tino Rossi que vers des rythmes rock n'roll), à voir son tourne-disques rudement embelli et son panneau magico délirant "cacophonic" (voir ci-dessus).
00:24 Publié dans Art Brut, Art naïf, Art populaire contemporain, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arsène vasseur, le sfran, musée de picardie, laurent jacquy, art modeste, art naïf, reliquaires, philatélie, collage de timbres, mermoz, tour eiffel, tino rossi | Imprimer
08/07/2012
Gabriel Albert et Roger Lanzac
Parmi les centaines de statues qu'a créées Gabriel Albert à Nantillé en Charente-Maritime, une d'entre elles, selon les auteurs de Gabriel Albert, l'univers poétique d'un créateur saintongeais¹, représenterait Roger Lanzac, ancien animateur de télévision, qui servit aussi de Monsieur Loyal dans la Piste aux Etoiles, émission consacrée au cirque. Je trouvais enfant que ce rôle du reste ne lui allait pas. Je ne voyais pas un Monsieur Loyal avec des valises sous les yeux aussi voyantes que les siennes. Tombant récemment sur un portrait dédicacé de Roger Lanzac, publié sur le savoureux blog de Laurent Jacquy, Les Beaux Dimanches, je me suis dit qu'il pourrait être fructueux de les confronter en images ici même.
Photo Bruno Montpied (détail), 2006
Photo empruntée au blog Les Beaux Dimanches
Il semblerait plausible de rapprocher le modèle et la statue, si l'on admet qu'Albert a accentué les traits caractéristiques du visage de Lanzac. Les sourcils de la photo sont nettement dessinés, Albert les a faits fournis. Les poches sous les yeux, qui étaient une véritable signature physique du présentateur sont bien visibles sur le visage de ciment. Les pommettes également sont rendues. Les proportions allongées de cette face lanzaquienne ont été aussi accentuées, par un souci d'expressivité ou simplement parce que Gabriel Albert voyait Lanzac ainsi, un homme à longue figure. Le dessin des lèvres assez sinueux a été de même bien relevé par le sculpteur-modeleur. Seul peut-être le menton, fort pointu chez Albert, a pu être exagéré par rapport au portrait original. Mais là aussi peut-être, on peut retrouver un désir albertien de caricature...
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1. Michel Valière, Fabrice Bonnifait, Thierry Allard, Yann Oury, Collection Inventaire du patrimoine n°266, éditions Région Poitou-Charentes et Geste Editions, 2011
12:31 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Confrontations, Environnements populaires spontanés, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gabriel albert, environnements spontanés, habitants-paysagistes, roger lanzac, piste aux étoiles, monsieur loyal, michel valière, nantillé, laurent jacquy, les beaux dimanches, sculpture naïve, caricature | Imprimer
29/02/2012
Poupées russes, version Laurent Jacquy
J'ai bien ri à la vision des matriochka d'après Tchernobyl telles que les a vues et réalisées Laurent Jacquy sur son excellent blog Les Beaux Dimanches.
Laurent Jacquy, Matriochkatastrof, peinture sur bois, 2012
09:18 Publié dans Art populaire contemporain, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : matriochka, poupées russes, laurent jacquy, les beaux dimanches, tchernobyl, catastrophes | Imprimer
04/02/2012
Info-Miettes (15)
Clovis Prévost expose à la Galerie Maeght
C'est commencé depuis le 19 janvier et cela se terminera le 17 mars. Le photographe et cinéaste Clovis Prévost présente son parcours de photographe, ainsi que quelques films dans une salle à part, à la galerie Maeght pour qui il travailla longtemps à son département cinéma, faisant des films avec des artistes défendus par la célèbre galerie (Adami, Pol Bury, Calder, Chillida, Arroyo, Monory, Miro, Tapiés, Ubac, etc.). On trouvera également quelques évocations de créateurs plus autodidactes et populaires comme Robert Garcet et sa tour d'Eben-Ezer, le Facteur Cheval, l'abbé Fouré, monsieur G.... Des graffiti ont aussi fait l'objet des recherches de Prévost, de même que les architectures de Gaudi à Barcelone. A noter que le lien, qui aurait dû mener l'internaute, sur le site web de la galerie, vers un communiqué de presse, ne fonctionne pas. Le Poignard Subtil vous en donne plus... Ayant reçu du photographe le dossier de presse, probablement le même que celui qu'on devrait trouver sur le site de la galerie, je me fais un plaisir de vous le procurer, si vous voulez bien cliquer ici. A noter encore que sur les pages d'accueil de la galerie, on se garde bien de mentionner nos chers inspirés bruts, pas encore assez présentables peut-être?
(Illustration: Monsieur G., devant son autoportrait dans le Sanctuaire des Lasers à Nesles-la-Gilberde, Seine-et-Marne, 1977)
Martine Lamy, déesse avec arbre et oiseau?
Jusqu'à présent, je n'étais pas trop amateur des créations de Martine Lamy. Je trouvais ses dessins de petites filles un peu trop sages (les dessins, mais aussi les petites filles?). Voici qu'elle expose sous le titre générique suivant, "L'arbre, l'oiseau, la déesse" au Centre Culturel de Saint-Yrieix (dont elle est native) dans la Haute-Vienne du 14 janvier au 10 mars. Je n'ai qu'une affiche/dépliant pour me faire une idée. Il ne paraît plus y avoir dans ces compositions, tantôt broderies, tantôt peintures, qu'une seule petite fille, probablement la "déesse" promise par le titre. Toujours la même, clonée dirait-on, bizarrement "figée" comme dit Claudine Goux qui préface l'exposition, fillette modèle dont l'impassibilité finit par inquiéter. Poupée qui ne paraît pas voir le décor autour d'elle changer de façon presque vénéneuse. La nuit l'entoure, les branches de l'arbre serpentent comme langues de plantes carnivores ou lanières de fouet. Cette imagerie devient donc un peu plus inquiétante, et du coup plus attirante.
Le Répertoire 2011 des Macchabées célèbres, tomes I, II, et tombe III, est paru...
Je crois avoir annoncé l'année dernière la parution de ces listes dessinées par Laurent Jacquy à Amiens, qui s'amuse à une comptabilité graphico-nécrologique passablement déprimante de toutes les vedettes qui ont passé l'arme à gauche dans le courant de l'année écoulée. L'année 2011 s'avère avoir été plus remplie que la précédente en cette matière. Laurent Jacquy le souligne dans une note de son excellent blog Les Beaux Dimanches. Offre de troc originale pour l'occasion, il propose l'échange de ces répertoires avec ceux qui lui enverront une représentation de leur cru d'une de ces vedettes trépassées. Avis aux amateurs...
La vie et l'œuvre de l'abbé Fouré aux Forges de Paimpont
L'association fondée par Joëlle Jouneau continue de faire voyager ses documents, articles, cartes postales anciennes, sur le fameux abbé dont elle déplore qu'on ne connaisse pas mieux la vie et la signification de ses sculptures semées en plein vent sur la côte de Rothéneuf ainsi que par le passé dans le petit musée de l'ermitage qu'il louait dans le bourg (voir ici le lien vers la note qui renverra au dossier que j'ai concocté en janvier 2010 sur le sujet). L'expo est prévue pour débuter le 11 février tout proche et cette fois c'est à Paimpont qu'elle va. Et non, ce n'est pas un village de pompiers...
Les rochers de Rothéneuf à marée haute, ph. Bruno Montpied, 2010
Et deux nouvelles expos au Musée de la Création Franche, Natasha Krenbol et Yvonne Robert
Natasha Krenbol, j'aime bien ce qu'elle dessine, et depuis déjà longtemps (c'est même moi qui l'ai présenté le premier au musée de Bègles, en janvier 1996 dans Création Franche n°12, texte intitulé par la rédaction "Pour Natasha Krenbol" alors que le véritable titre était "Pour Natasha la Krenbol"... comme on disait "la" Callas, car c'est un peu une diva en effet, Natasha...). Voici qu'elle arrive avec pour la première fois une expo personnelle au musée de la Création Franche, pourquoi si tard, le dossier de presse ne nous le dit pas. C'est une peinture avec des silhouettes obtenues par évidement ou cernage de formes peintes dans de premières couches puis laissées en réserve, une peinture où souffle la note bleue du jazz, avec des petits esprits espiègles comme les Totopioks empruntés je crois aux Inuits, mais aussi des ânes qui trottent entre deux lignes, entre deux graffitis ressemblant comme deux gouttes d'eau à des improvisations au saxo. On pense aussi à Klee de temps à autre, lui qui était aussi pas mal obnubilé par la musique. Natasha exposera une centaine d'oeuvres au rez-de-chaussée du musée, peintures, dessins, et des planches de timbres également.
Natasha Krenbol, "Nous deux", technique mixte (extrait de la plaquette que lui consacre le musée)
Avec elle, à Bègles, on retrouvera aussi la chroniqueuse plus ou moins moqueuse de sa campagne, Yvonne Robert, nonante ans en juin de cette année, que l'on a rangée dans l'art brut, mais qui pourrait tout aussi bien figurer dans l'art naïf contemporain. Elle, c'est sa quatrième expo à Bègles! 60 peintures acryliques et 20 à l'huile, le tout récent.
Yvonne Robert, acrylique sur papier, 2011 (extrait de la plaquette que lui consacre le musée)
Comme d'autres raconteurs ruraux, elle croque ses voisins, les habitants de son pays vendéen, et a une prédilection aussi pour ceux qui ne font que passer en revanche, tout au contraire de ces sédentaires, à savoir les Gitans, les Romanichels, les Bohémiens, les Tziganes, les Roms, dont elle a tiré plusieurs fois le portrait dans des variantes multiples.
Pour tout savoir sur ces expos qui se tiendront du 3 février au 18 mars 2012 au musée de la Création Franche, lire ici le dossier de presse.
Des connivences dans le Marais
Au 15, rue de Thorigny, où gîte l'espace Topographie de l'Art, on nous annonce du 4 février (vernissage le 9) au 15 avril avoir aperçu des "connivences secrètes" entre les artistes Anémone de Blicquy (connais pas), Dado (connu, lui), Richard Greaves par l'entremise du photographe Mario Del Curto, Louis Pons, Judith Scott, Ronan-Jim Sévellec (des mises en boîte) et Davor Vrankic (connais pas non plus). Cette galerie avait déjà exposé par le passé l'excellent Marcel Katuchevsky.
23:59 Publié dans Art Brut, Art naïf, Art singulier, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Photographie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : martine lamy, clovis prévost, galerie maeght, monsieur g., abbé fouré, laurent jacquy, macchabées célèbres, joëlle jouneau, ermite de rothéneuf, création franche, natasha krenbol, yvonne robert, art immédiat, art brut, art naïf, totopioks | Imprimer
23/04/2011
La Casa Leitao, quelques mètres cube de création pour soi, et de temps en temps pour les autres
Grâces soient rendues à Laurent Jacquy qui a eu la gentillesse de m'emmener dans sa petite auto dériver sur les routes de la Somme. Il m'avait parlé l'air de rien d'un monsieur qui faisait "des choses" dans une sorte d'appentis ou de garage qu'il avait vu ouvert en filant sur une route non loin d'Abbeville sans pouvoir s'arrêter. Or, chaque fois qu'il repassait, comme de juste, le lieu était fermé. Le dieu des sites d'art brut me secondant généralement avec constance depuis pas mal de temps, il fallait me charger dans la petite auto!
José Leitao, citoyen d'origine portugaise, sur le seuil de son atelier avec un Toutankhamon sur le feu, la "Casa Leitao", ph. Bruno Montpied
Cela n'a pas loupé, le monsieur avait ouvert sa boutique (mot pas du tout idoine comme on le verra), comme exprès pour nous ce jour-là. On aurait dit qu'il nous attendait, sculptant un Toutankhamon sans trop d'application.
José Leitao, première photo ci-dessus, un angle de l'atelier-garage avec ses dizaines d'effigies sculptées entassées et couvertes de poussière ; deuxième photo ci-dessus, prés du cadre doré, les premières sculptures des femmes imaginaires, dont une joueuse de boules nue, sorte de Fanny?, ph BM
Sacrée caverne d'Ali Baba que nous découvrîmes là! Dans un cube sombre, où une chatte ne retrouverait pas ses petits, José Leitao entasse au garde à vous ou en rangs d'oignon des dizaines et des dizaines de statues venues d'on ne sait trop quelle inspiration, mixant probablement plusieurs références - madones chrétiennes polonaises (un souvenir du sanctuaire de Jasna Gora à Czestochowa)? Réminiscences d'idoles hindoues? Statues africaines? Pièces de jeu d'échec géantes? Hermaphrodytes? Symboles islamiques (et pré-islamiques)? Têtes pharaoniques? - au sein d'un syncrétisme abandonné à la poussière et aux toiles d'araignée, il était difficile de se faire une religion. Ayant découvert le talent de ciseler à peu près tout ce qui lui passe par la tête (souvent des femmes, et des mains de Fatima, parfois saignantes, et des symboles) au moment de sa retraite, après une vie passée comme travailleur dans une usine textile de la région - à présent abandonnée - José Leitao a eu l'air de nous dire que cette révélation lui avait paru trop tardive pour pouvoir l'autoriser à s'en faire un nouveau métier. Si bien qu'il sculpte sans cesse pour lui-même avant tout, refusant opiniâtrement de vendre ces effigies qui lui donnent tant de plaisir à l'entourer ainsi, enserrant et cernant chaque jour un peu plus son modeste établi.
José Leitao vous salue bien, ph. BM
On n'est pas dans une boutique donc. L'atelier bâille sur la route, l'ancien ouvrier sculpte au vu et au su de tous, populaire dans la région, où de nombreux articles de la presse régionale lui ont déjà été consacrés, parfois plus centrés sur les trois oies qui le suivent comme des toutous (alors que pour tout autre que lui elles n'ont que pincements cruels à distribuer) que sur ses étonnantes œuvres hésitant entre art naïf et art brut. Ce dernier pourrait en effet s'appliquer ici en raison du syncrétisme et des croisements de réminiscences culturelles mixées de façon originale. Certaines compositions, où Leitao a assemblé des objets sans rapports évidents (un cheval cabré et une main de Fatima par exemple ; une main de Fatima soudée à un front ; des empilements de têtes, des figures sans signification précise), relèvent d'une inventivité que l'on peut associer à l'art brut. Et puis il y a cette création très égocentrée, ce paradoxal désir de se montrer et de refuser dans le même mouvement de se séparer de ses œuvres (quoique ce refus ne soit pas si hermétique, son épouse nous confiera que le créateur fait parfois des dons). La poussière saupoudre d'ailleurs nombre des statues de son talc blanc, patine propre aux œuvres que l'on garde pour soi...
Surpopulation au pays des effigies... Et puis, tiens?, que fait ce dinosaure ici...? Ph. BM
Et puis, comme un clin d'oeil à mes propres inclinations, j'ai retrouvé ici des sirènes multiples.
José Leitao, sirènes, ph.BM
17:50 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Art populaire religieux, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : josé leitao, laurent jacquy, sculpture naïve, environnements spontanés, art populaire insolite, syncrétisme insolite | Imprimer
10/04/2011
Les beaux dimanches, un nouveau blog, par Laurent Jacquy
Ah, que je suis content ce matin d'avoir enfin trouvé le temps d'aller me promener sur le blog récemment créé (en février 2011) de Laurent Jacquy dont j'ai déjà parlé ici et là. "Les beaux dimanches", que cela s'appelle. "Une chose en amenant une autre" est le sous-titre et le programme du blog fonctionnant par association d'idées, très bon concept adapté à la forme des blogs qui incite à être primesautier, à sauter du coq à l'âne perpétuellement, entraînant leurs lecteurs dans un vagabondage infusant progressivement dans une atmosphère d'onirisme éveillé.
Carte postale réalisée par Laurent Jacquy d'après photos de Gilles Ehrmann (pour Picassiette à sa fenêtre) et ancienne carte postale du facteur Cheval, titre de la carte: "En gîte à Chartres", 2011
Laurent Jacquy paraît être un chineur invétéré (d'où peut-être les beaux dimanches de découverte?), et le créateur de cartes postales par photomontage concentrées sur les aventures imaginaires du facteur Cheval, voir la dernière ci-dessus. Il est collectionneur aussi de divers objets, sculptures et peintures naïves, ou naïvistes décalées (je pense notamment aux sculptures représentant des personnages célèbres de son copain Yann Paris, dont un portrait pris au musée de la Création Franche figure sur le blog), photographe de sites d'art brut (j'ai découvert ainsi un nouvel environnement situé dans le village poétiquement nommé "l'Etoile" dans la Somme, sommet de poésie naïve) dont celui de Bohdan Litnianski qu'il contribua à faire connaître avec le livre Le jardin des merveilles de Bodan Litnianski aux éditions Vivement dimanche en 2004.
Photo Laurent Jacquy
Sur son blog, riche de trouvailles en tous genres (musicales, publicitaires, petites publications curieuses retrouvées comme une collection du Cahier de Marottes et Violons d'Ingres dont j'avais entendu autrefois parler par le docteur Ferdière qui y avait collaboré par un article sur des objets de la poésie naturelle, bois flottés, etc.), je me suis longuement arrêté en particulier sur son album de photos consacrées à de vieilles affiches publicitaires naïvement dessinées cherchant à prévenir les travailleurs de l'industrie des divers types d'accidents du travail possibles. L'ensemble, mis bout à bout, compose un panorama qui ne donne pas très envie d'aller travailler. Laurent Jacquy a du reste intitulé avec sagacité la note qui introduit ce dossier: "Travailler tue"...
Affiche publiée sur le blog Les beaux dimanches
Dès maintenant, j'ai la joie d'ajouter ce blog cousin du Poignard à la liste déjà longue des blogs dont je ne saurai trop encourager mes fidèles (ou moins fidèles) lecteurs à faire la visite.
00:38 Publié dans Art des croûtes, art des dépôts-ventes, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : laurent jacquy, les beaux dimanches, travailler tue, gaston ferdière, marottes et violons d'ingres, environnements spontanés, facteur cheval, yann paris, bodan litnianski | Imprimer
06/02/2011
Franck Montardier, à la fois déroutant et familier
Laurent Jacquy m'informe d'une exposition mystérieuse qui va bientôt s'achever à l'espace d'exposition le Safran à Amiens. Elle a ouvert le 7 janvier dernier et se termine le 11 février prochain. J'ai tardé à la répercuter sur ce blog. Mais tout n'est pas perdu, on la reverra du 14 mars au 15 avril 2011 à la galerie des Beaux-Arts d'Abbeville (18, rue des Capucins, tél: 03.22.24.41.15 ; le lieu dépend de l'école municipale des Beaux-Arts de la Communauté de Communes de l'Abbevillois).
Mystérieuse? Oui, un peu, car j'ai l'impression que le peintre présenté, Franck Montardier, n'est guère connu, en dehors de la Picardie, et que les rares images visibles de son travail s'apparentent à des sortes d'esquisses jetées à la diable sur des supports de fortune, loin de toute volonté esthétisante, tant paraît pressante la nécessité de dire quelque chose avec des dessins, des traces colorées que l'on n'estime pas utile d'insérer dans une composition... Comme si l'on voulait en priorité fixer des empreintes brutes des sensations vécues.
Franck Montardier, Figures, visages, acrylique sur toile
Un dossier de presse était joint à l'information de l'expo, confirmant le peu de sacralisation du créateur vis-à-vis des matériaux de sa quête: "Planches trouvées, plaques d'aggloméré, cartons, toiles ou chiffons sont autant de supports possibles pour déployer une imagerie à la fois familière et déroutante". Ce dossier comporte d'autres remarques qui m'ont titillé. "Franck Montardier n'a aucune référence historique et ne s'inscrit dans aucune école ou filiation artistique. Il ne se reconnaît pas non plus comme artiste ni même peintre et n'a aucune ambition artistique". Il ne se reconnait pas comme artiste, il crée avant toute chose dans un état d'urgence. L'oeuvre, nous dit-on (je n'ai vu que quelques pauvres reproductions, ce qui ne m'embarrasse nullement pour annoncer d'avance le probable intérêt que l'on doit pouvoir éprouver à la rencontre d'une telle production, étant donné les signaux envoyés), se déploie du côté des portraits, des saynètes, des paysages, s'attardant par moment sur le thème des bateaux, qui a notre agrément (et même notre agréement) sur ce blog... Il semble bien que les travaux de ce monsieur ressemblent en définitive à une sorte de carnet de ses voyages intérieurs, centré avant tout sur le désir de capter des bribes de la vie telle qu'elle va, bien plus que sur le fait de bâtir une oeuvre esthétique. C'est le genre de démarche qui a bien sûr toutes les chances de nous captiver, au Poignard subtil.
19:59 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : franck montardier, le safran à amiens, laurent jacquy, art immédiat, art spontané, art brut, bateaux | Imprimer
27/01/2010
Les vacances du facteur Cheval
20:45 Publié dans Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : facteur cheval, abbé fouré, photomontages, environnements populaires spontanés, laurent jacquy | Imprimer