25/06/2020
Un nom prédestinant macabre
"Le producteur hollywoodien Steve Bing, qui a notamment financé le film de Tom Hanks, The Polar Express, est mort. Âgé de 55 ans, (...) l'homme s'est tué après avoir chuté du 27e étage d'un immeuble de luxe du quartier de Century City à Los Angeles, selon le tabloïd TMZ."
Bing... Ce patronyme a une consonance empreinte d'humour noir, je trouve, si on le rapporte au type de mort de son propriétaire. On n'a guère le droit de se moquer d'une tragédie de la sorte, je le sais pertinemment, mais on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement entre le nom et le sort du personnage, aptonymie (le fait d'avoir un nom prédestinant) à l'humour pour le moins funèbre...
00:18 Publié dans Noms ou lieux prédestinants | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : steve bing, chute mortelle, suicide, cinéma hollywoodien, noms prédestinants, aptonymes | Imprimer
22/06/2020
Yves d'Anglefort à Winterthur (c'est en Suisse)
Yves d'Anglefort, qui se plaint parfois de n'être pas apprécié à sa juste valeur, est exposé à Winterthur chez nos amis suisses (nord-est de Zürich et pas très loin du musée Im Lagerhaus de St-Gall). M'est avis que beaucoup d'amateurs d'art brut ne le trouvent pas suffisamment "dans le moule" de l'art brut patenté, alors que pourtant il développe une oeuvre fort originale, tout en manifestant une certaine culture (très empreinte de connaissances en histoire), ce qui n'est pas dans la définition canonique de l'art brut. En font partie en effet ceux ou celles qui seraient bien éloignés de toute culture artistique ; eh bien, Yves d'Anglefort, en raison sans doute de sa complexion psychique – il ne se cache pas de souffrir de troubles bi-polaires – peut faire preuve de culture artistico-littéraire tout en nous proposant ses plans de territoires étranges, ou ses animaux et machines bizarres, dessinés invariablement avec des couleurs et des lignes quasi enfantines. Un drôle de zèbre décidément (dont les rayures seraient en couleur et plutôt du genre zigzaguant)!
L'expo est prévue du 1er au 11 juillet. L'organisatrice de l'expo (on dit curatrice en Suisse allemande, quel vilain mot! J'ai toujours l'impression qu'il s'agit pour ces commissaires d'exposition de curer les écuries d'Augias...) est Sylvie Gallin-Lambert, celle-là même qui avait consacré un livre à Yves d'Anglefort.
Yves d'Anglefort, n°359 ("portrait du papillon volant qui roulait en voiture la nuit pour flinguer les étoiles (ça va leur apprendre à ces connes) est un dessin de moi seulement yves d’anglefort fecit artiste admiratif 1908.2012-3013 B7 ar 01 :00 scale 17,9 voilà…" ), sd (vers 2018?), ph. et coll. Bruno Montpied.
21:17 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yves d'anglefort, art brut, winterthur, sylvie gallin-lambert | Imprimer
14/06/2020
François Jauvion et son panthéon singulier
L'imagier singulier de François Jauvion, graphiste, "maquettiste pour l'industrie à l'origine", dixit Françoise Monnin qui signe l'introduction du livre – après une préface de Michel Thévoz –, est une sorte de Panthéon des admirations de l'auteur pour des auteurs d'art brut, des artistes d'art singulier ou moderne, ainsi que de quelques auteurs de bande dessinée (Gotlib), édité par Le Livre d'Art (également propriétaire du magazine Artension) et la galerie Hervé Courtaigne. Pas d'art naïf dans ce choix (on ne trouvera pas le Douanier Rousseau, pas plus que Bauchant, Vivin, Peyronnet, Séraphine, ou encore Bombois), si ce n'est Germain Van der Steen (mais ce dernier est parfois plutôt rangé du côté de l'art brut).
Sur la couverture du livre, l'auteur s'est auto-portraituré, entouré de ses outils de graphiste, plus quelques éléments de son atelier suppose-t-on...
Son titre, où je remarque surtout le mot d'"imagier", fait référence, de manière lointaine, aux imagiers pour enfants (qui servent à l'apprentissage du vocabulaire). Au centre de chaque planche, du reste, distribués autour de la figure centrale du créateur, présenté nu (sans être ressemblant particulièrement au véritable auteur traité : les voyeurs en seront pour leurs frais, on ne voit pas les anatomies d'Aloïse Corbaz, de l'abbé Fouré ou de la charmante Caroline Dayot, entre autres...), sont étalés les accessoires caractéristiques des vedettes de ce panthéon.
Les planches originales du livre de François Jauvion seront exposées à la Galerie Courtaigne, rue de Seine dans le VIe ardt à partir du mardi 16 juin jusqu'au 19 juin ; une signature de l'artiste y sera possible durant cette période ; le 20 juin, le samedi, à partir de 14h, l'artiste sera ensuite à la Halle Saint-Pierre, qui inaugurera ainsi son premier événement post-confinement.
Pour André Pailloux, dont j'ai signé dans ce livre la présentation, par un court texte placé en vis-à-vis de la planche à lui consacrée, rare auteur d'environnement populaire spontané présent dans cette sélection (on compte aussi l'abbé Fouré, le Facteur Cheval, Stan Ion Patras et ses stèles sculptées du cimetière roumain de Sapinta dans le Maramures, Petit Pierre – à ne pas confondre avec Pierre Petit, également présent dans ce livre), est ainsi entouré par les moulinets colorés, hypnotiques, dont il a hérissé son bout de jardin en Vendée et dont mes livres, Eloge des Jardins Anarchiques et le Gazouillis des Eléphants, ont déjà parlé ; il apparaît également dans une séquence de Bricoleurs de paradis, le documentaire que j'avais co-écrit avec Remi Ricordeau).
Le livre de Jauvion se situe dans un art hésitant entre la bande dessinée et le roman graphique, rempli de déférence à l'égard de l'art brut (en revanche, les personnalités choisies pour illustrer l'art singulier me paraissent choisies avec moins d'acuité ; il paraît y avoir prime à ceux qui font avant tout acte de présence sur les tréteaux, mais leurs oeuvres sont-elles si intrinsèquement valables que semble le croire François Jauvion?).
08:19 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art rustique moderne, Art singulier, Environnements populaires spontanés, Environnements singuliers, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : françois jauvion, l'imagier singulier, galerie hervé courtaigne, artension, halle saint-pierre, imagiers, bande dessinée, art brut, art singulier, andré pailloux, bruno montpied, roman graphique | Imprimer
11/06/2020
L'homme en voie de désagrégation, des photos récentes de José Guirao
José Guirao, 1. Autoportrait, 28 mai 2020.
J.G., 2. Autoportrait, 27 mai 2020.
J.G., 3. Autoportrait, 27 mai 2020.
J.G., 4. Autoportrait, 27 mai 2020.
Déconfinement pourrait être synonyme de décongélation. Mais, comme il pourrait arriver avec des aliments qui se sont ramollis, voire décomposés pendant leur stage dans les congélateurs, avec le retour à température ambiante, on pourrait parfois avoir la mauvaise surprise, en les prenant dans nos mains, de les y voir couler, se déliter, s'évaporer...
C'est un peu la question que je me suis posé en regardant les photos numériques que m'a récemment transmises l'ami José. Est-on sûr que l'Homme n'est pas ressorti fort fragilisé de cette phase de repli individuel, perclus d'angoisse devant la révélation de son statut d'être mortel?
14:16 Publié dans Art immédiat, Art visionnaire, Photographie, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : josé guirao, photographie, condition humaine, confinement, covid 19, désagrégation | Imprimer
02/06/2020
Diabolique Formose... Méta-Formose...
Une note ancienne sur ce blog (sur le Cahier naïf de Blanche Nicard) a fait songer une de nos vieilles connaissances, Remy Ricordeau, en particulier la reproduction d'un Diable dessiné par l'enlumineur spontané Augustin Gonfond au XIXe siècle. Je le remets ci-dessous...
Augustin Gonfond, monstre d'aspect satanique, extrait de l'Ouro de Santo Ano, enluminure, 1904.
Certes, cela évoque instantanément l'iconographie traditionnelle, notamment médiévale, qui montre le Diable et ses démons, avec peut-être, dans le cas de ce Gonfond un surcroît d'inventivité avec ces cornes serpentines, cette double queue torsadée aux extrémités figurant des profils de chimères aux crocs généreux.
Ricordeau, a pensé quant à lui à des gravures repérées au cours d'une lecture d'un certain Georges Psalmanazar (1679?-1763) , bien connu des amateurs de récits de voyage imaginaire – on trouve sur lui des notices dans différents livres traitant des langages et des pays imaginaires, et surtout dans la précieuse Encyclopédie de l'Utopie et de la Science-Fiction de Pierre Versins. Il a mystifié en effet tout un aréopage de savants anglicans dans l'Angleterre du XVIIIe siècle, en faisant croire à ses récits d'exploration de l'île de Formose (aujourd'hui Taïwan), où il n'était en réalité jamais allé. Sa Description Historique et Géographique de Formose, île vassale de l'Empereur du Japon, parue en 1704, contient des évocations fantaisistes des coutumes et de la vie des habitants de Formose, plus ou moins démarquées d'autres récits parlant des Aztèques et des Incas, voire de descriptions embellies de la vie au Japon. L'auteur est allé jusqu'à proposer un alphabet, et des monnaies imaginaires.
La Description de l'Île de Formose (édition anglaise), par Georges Psalmanazar (pseudonyme ; on ne sait pas le véritable nom de cet imposteur, probablement originaire de Provence, dans la région d'Avignon).
Exemples de monnaies de Formose décrites par Psalmanazar, appelées: Rochmo, Copan, Taillo, Colan, Riaon (on dirait un poème phonétique à la Hugo Ball)...
Son livre est émaillé de diverses illustrations, dont celles montrant des esprits. C'est à ces dernières que Ricordeau trouve une certaine proximité avec le Diable de Gonfond. On ne sait rien de l'auteur de ces gravures.
Idole démoniaque ; à noter la menton au pied de ce qui ressemble au socle d'une sculpture, la mention "Simon sculp." ; cette gravure figure dans l'édition anglaise du livre.
"Le prince des mauvais esprits formosans", gravure extraite de l'édition française du livre; source Gallica.bnf.fr/médiathèque du musée du quai Branly.
Si on ne peut pas trouver véritablement d'identité formelle entre les apparences de ces esprits malins, du graveur de Psalmanazar à Gonfond, on peut constater toutefois une commune exacerbation de l'imagination graphique, quasi frénétique, dans les deux cas.
19:10 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art immédiat, Art insolite, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : augustin gonfond, rémy ricordeau, diable, démonologie médiévale, georges psalamanazar, mystificateurs, imposteurs, formose, taïwan, pays imaginaires, langages imaginaires, pierre versins, art fantastique | Imprimer