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”Aventures de lignes, treize imaginistes-intimistes en marge de l'art contemporain”, une exposition organisée par Bruno

Le vernissage, c'est aujourd'hui!

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Exposants: Marie Audin, Jean-Louis Cerisier, Migas Chelsky, Darnish, Caroline Dahyot, Alain Garret, Régis Gayraud, José Guirao, Solange Knopf, Gilles Manero, Bruno Montpied, RuzenaGérald Stehr ; le vernissage est en entrée libre, en particulier tous les lecteurs du Poignard Subtil sont cordialement invités...  

      

     Sur une proposition de Guy Girard, membre de l’association qui gère la galerie Amarrage, j’ai décidé de réunir pour quelques semaines un choix d’artistes exposant généralement dans des circuits alternatifs, que l’on qualifie ailleurs de « Singuliers », et que j'ai tous défendus, au moins une fois, sur ce blog. Le terme "singuliers", on le sait, est de plus en plus galvaudé dans les festivals qui se sont emparés de l’étiquette, les poncifs esthétiques s’y faisant légion, au point d'y anéantir tout réelle "singularité". C’est pourquoi j’ai cru bon d’employer, pour les besoins de l'exposition que j'organise, un autre terme, en dépit de son aspect un peu « intellectuel » : imaginiste-intimiste ; il désigne à la fois la prépondérance de l’imagination dans les travaux présentés et le caractère indépendant de leurs auteurs.

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Solange Knopf, série Behind the darkness, 23x48 cm,  vers 2014, coll. privée, Paris, ph. Bruno Montpied ; œuvre exposée à St-Ouen

 

     Depuis l’essor de l’art brut‒ cet art pratiqué par des non-professionnels de l’art, qui résulte d’une pulsion irrépressible et qui se manifeste dans tous les secteurs de la société, quoique pour une large part dans les milieux défavorisés et populaires ‒ de nombreux artistes sont apparus, prenant exemple sur la position morale des créateurs de l’art brut, qui étaient plus soucieux de pouvoir s’exprimer que d’en retirer un bénéfice matériel.

      L’art brut se caractérise par une forme d’autarcie mentale, un individualisme esthétique, un désintérêt vis-à-vis de la communication ultérieure de son art. A une époque où l’apparence est devenue l’alpha et l’oméga de toute attitude sociale, il n’est pas irraisonné d’attirer l’attention sur l’engouement actuel de beaucoup d’amateurs d’art pour ces grands introvertis de l’art que sont les auteurs d’art brut, œuvrant en dehors de tout souci du « paraître ».

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Bruno Montpied, En surfant sur les sirènes, 40x30cm, 2016, ph. B.M ; œuvre exposée à St-Ouen

 

       Les artistes rassemblés ici*  sont tous sensibles à cet assaut de sincérité appliquée à la création, à ce rappel à l’ordre d’une certaine pureté d’intention. Esthétiquement en outre, on reconnaîtra parmi ces œuvres un goût marqué pour une certaine stylisation et pour des techniques d’expression innovantes, qu’elles se rencontrent chez des artistes plus influencés par l’art naïf (Cerisier), l'art brut (Guirao), le surréalisme et l’expressionnisme naïfs (Manero, Montpied, Gayraud, Garret), le dadaïsme et les cultures populaires (Darnish), l’art textile (Dahyot, Audin), ou par l’art visionnaire, voire fantastique (Gasqui, Ruzena, Knopf, Stehr).

 

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Marie Audin, sans titre, 24x30 cm, sans date (avant 2010), ph. B.M. ; œuvre exposée à St-Ouen 

      C’est une sélection partielle, comme la pointe immergée d’un iceberg qui cache beaucoup plus d’artistes actuellement installés en France tout aussi originaux et inventifs, et tout aussi peu médiatisés, les media contemporains n’accomplissant plus leur mission d’information depuis belle lurette.

 

* Expo du 22 octobre (vernissage de 15h à 19h) au 4 décembre. Galerie associative Amarrage à Saint-Ouen, 88 rue des Rosiers. Je donnerai une "conférence-promenade" au sujet de l'art brut, l'art naïf, les environnements spontanés et l'art singulier en me basant sur des images d'œuvres en provenance d'une collection privée vouée à ces catégories, le jeudi 24 novembre à 19h30, dans les mêmes locaux.

A signaler qu'une petite librairie de divers ouvrages et catalogues (dont les quatre titres de la collection la Petite Brute par exemple) se rapportant aux artistes exposés sera disponible dans la galerie.

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Vue de la galerie Amarrage... ph.B.M., 2016

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22/10/2016 | Lien permanent

Laissez libre le graffitiste cinéphile de Douarnenez! Un ”préjudice”? Où ça, un ”préjudice”?

     Ouest-France a publié le 2 janvier une nouvelle qui m'a passablement consterné. On a interpellé – fut-ce à la suite d'une plainte de la municipalité? On n'ose l'imaginer – et apparemment, si l'on en croit un autre article publié dans le Télégramme de Brest, sur la foi du "descriptif donné par un témoin", un homme de 44 ans à Tréboul (ville jouxtant Douarnenez), convaincu d'être celui que j'avais surnommé dans mes notes du 8 août 2017 et du 21 août suivant  "le graffitiste cinéphile de Douarnenez". Et Régis Gayraud et moi-même sommes cités par le même Ouest-France comme ayant "cosigné" une note sur ce graffitiste insolite.

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Capture d'un extrait de l'article d'Ouest-France du 2 janvier 2018 tel qu'on peut le lire sur le Net.

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Capture de l'article paru dans le Télégramme de Brest du 2 janvier 2018, tel qu'on peut le trouver sur le Net.

 

    Que penser d'une telle garde à vue pour ce qui apparaît (un préjudice? Vraiment?), comme beaucoup de bruit pour rien...? Certes, on nous dit que ce graffiteur faisait "beaucoup parler de lui dans la ville" pour les graffiti (et non pas des tags) qu'il apposait "depuis des années". Mais, cet homme, probablement un pauvre diable (notons les mots attribués par l'article d'Ouest-France aux gendarmes : "un tagueur [encore ce terme inadéquat] systématique, sans doute compulsif, mais sans intention de nuire"), gênait-il, causait-il un "si grand préjudice" – chiffré à la somme mirobolante de 85 000 € tout de même – depuis toutes ces années où l'on passait à Douarnenez à côté de ses inscriptions, sans les voir réellement (toutes des titres de films ou de séries télévisées) ? Dans ma première note du blog, j'avais indiqué du reste que je ne les aurais pas vus tout de suite ces graffitis, si mon camarade Régis n'avait pas insisté (il s'intéresse de fort près aux inscriptions dans les villes, faut dire). Je suis bien sûr que plein de passants n'y accordaient aucune importance, exactement comme moi au début. Apposées sur du mobilier urbain qu'on ne voit littéralement pas tant il est banal, ces inscriptions en outre n'empiétaient jamais sur les textes officiels, les mots de la signalétique, ne les occultant pas, ne causant donc aucune nuisance. Le mobilier urbain en question, comme la bouche d'incendie que je reproduis ci-contre (photo Bruno Montpied, 2016)Le légionnaire, les associés (2).jpg, n'était pas plus dégradée par ces graffitis que par la crasse ou les taches d'usure qui le recouvrent sempiternellement. De plus, comme me l'a fait remarquer mon ami Régis, beaucoup de ces graffitis étaient en voie d'effacement par usure... Dès lors, que la municipalité puisse voir un préjudice dans ces graffitis est une pure plaisanterie... Autant demander au climat de rembourser les 85 000 €...

      A moins qu'un vilain calcul ne se soit glissé derrière la tête d'un élu, calcul qui consisterait à se faire de l'argent sur le dos d'un – j'y insiste – pauvre bougre, de l'aveu de la gendarmerie "compulsif, et sans intention de nuire"... Ce serait véritablement odieux, s'il en était ainsi. Et qu'on ne vienne pas dire non plus que ce monsieur aurait besoin peut-être d'être soigné, qu'un petit séjour chez les psychiatres pourrait s'imposer. Car son entreprise systématique, comme Régis, moi et plusieurs commentatrices et commentateurs, l'avons considéré, certes sous un angle hypothétique (quoique étayé d'analyses), relève à mes yeux de la poésie urbaine (voire de l'art brut de l'inscription), surtout s'il s'avère que les titres de films apposés en maints endroits de la ville, avec des numéros et des flèches, pourraient avoir un rapport avec l'histoire de ces lieux. Comme si notre graffitiste cinéphile avait voulu dresser un portrait pluriel des habitants de Douarnenez. Cela serait proprement génial, comme nous l'avons dit. Et mériterait d'être protégé dès lors, comme un patrimoine quasi immatériel qui ferait à terme la gloire de Douarnenez (et non pas une tache sur la réputation de la ville).

     Non, décidément, plus j'y pense, plus je me dis qu'il faut flanquer la paix à notre "compulsif", abandonner les poursuites et surtout les amendes (quelle bonne action ce serait, messieurs les édiles) , et revenir à l'élucidation du mystère de cette "geste", mystère qui, n'en déplaise aux journalistes, n'est pas "tombé" au moment où les gendarmes ont interpellé notre graffitiste cinéphile... A Rouen, où les Rouennais possèdent eux aussi un graffitiste compulsif de même acabit, ils ont su laisser "pisser le mérinos", comme dit la sagesse populaire. Ne me dites pas que les Douarnenistes ne peuvent en faire autant...

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Graffitis sur une armoire électrique près de la grande Poste de Rouen, tracés par Alain R., ph. Bruno Montpied, 2010.

*

Information subséquente (1) du 4 janvier

Il semblerait, si l'on doit suivre l'information transmise sur Ouest-France Facebook il y a environ huit heures, que la mairie de Douarnenez renoncerait à poursuivre le graffitiste cinéphile, ce qui est tout à son honneur. Depuis quelques jours les témoignages affluaient sur les réseaux sociaux pour manifester de la colère devant l'interpellation du graffitiste, et de la honte  qu'on puisse envisager de lui demander raison d'un préjudice financier concernant l'imaginaire dégradation d'un mobilier urbain jugé par certains laid et anti-poétique. L'individu qui a dénoncé le graffitiste à la gendarmerie était particulièrement vilipendé pour sa délation rappelant de mauvais souvenirs d'un autre temps.

Information subséquente (2) du 9 janvier

Comme signalée ci-dessous en commentaire (par "Gueveur"), une autre plainte aurait été déposée, cette fois par Douarnenez communauté... Le même chiffre du "préjudice" revient sur la table, 85 000€, toujours aussi aberrant, étant donné l'imaginaire atteinte aux biens publics (des poubelles, des panneaux de signalisation,  des rambardes, des piquets, des armoires électriques dont tout le monde se contrefiche). 

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relevé sur Facebook d'Ouest-France ; merci du signalement à Régis Gayraud.

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Postérité des environnements (8): Marcel Dhièvre hier et aujourd'hui, un petit vent de vitrification

    Je suis enfin passé à Saint-Dizier, hélas en coup de vent, luttant de vitesse contre le soleil qui se couchait menaçant ainsi de me priver de ses lumières (grâces soient rendues au conducteur, Régis Gayraud, qui, en dépit des limitations de vitesse qui donnent désormais à tous les conducteurs des allures de sénateurs cacochymes, a réussi à arriver in extremis devant la fameuse maison peinte et mosaïquée du naïf Marcel Dhièvre, intitulée "Au Petit Paris").

    Je fis des photos à toute berzingue, gêné qui plus est par les voitures garées devant (la mairie ne pourrait pas promulguer un arrêté interdisant les quelques places de parking devant la maison, on le ferait bien pour d'autres monuments, non?). Ce qui eut pour résultat de m'empêcher de faire une photo bien en face de la devanture de cette ancienne boutique de confection reconvertie si j'ai bien compris en petit musée Marcel Dhièvre (quoique rien ne le signale sur la façade). La façade sur mon cliché apparaît de ce fait de biais. Cela ne m'empêche pas de vous la soumettre, avec le besoin de la mettre en parallèle avec l'ancienne photo, de 1977, que Jacques Verroust avait faite très peu de temps avant la disparition du créateur. Cette photo-là peut donc servir d'étalon parfait à l'aune duquel on établira des comparaisons avec la façade restaurée d'aujourd'hui. Je rappelle que la restauration est désormais achevée, du moins en ce qui concerne les murs extérieurs. Elle est due à M. Renaud Dubrigny, employé municipal ayant travaillé sous les supervisions des deux architectes, l'un des Bâtiments de France pour la Haute-Marne (département où se trouve St-Dizier) et l'autre étant architecte de la ville. Ce restaurateur a repris l'ensemble de l'oeuvre de Dhièvre, murs extérieurs et intérieurs de son ancienne maison, ainsi que certaines peintures et sculptures détachées qui sont actuellement conservées au musée municipal de St-Dizier (ville qui aura à n'en pas douter fait tout ce qui était en son pouvoir pour conserver en son sein ce patrimoine populaire, ce dont on ne saurait trop la louer).

 

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"Au Petit Paris", photo Jacques Verroust dans Les Inspirés du Bord des routes, 1977

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"Au Petit Paris", après restauration de 2011, ph. Bruno Montpied, 2013

    On pourrait s'amuser à jouer au jeu des "sept erreurs" si prisé des enfants. Il semble cependant à première vue que ce soit surtout sur la question des couleurs que mon attention en premier lieu se portera. Il paraît évident que le jaune moutarde choisi par le restaurateur est assez différent du jaune qui paraissait plutôt orangé chez Dhièvre. D'autres différences dans le traitement des couleurs sont à noter en comparant les deux images, les médaillons au ras de la chaussée ne sont pas traités de la même manière par exemple. Un des trois oiseaux sculptés sur un faux arbre à l'angle de la maison (idée géniale de Marcel Dhièvre que cet envol permanent d'oiseaux à l'angle de ses fenêtres) est peint en bleu alors que chez Verroust tous trois étaient blancs. Le bleu choisi par le restaurateur apparaît aussi plus soutenu. Et plus généralement la façade actuelle paraît plus claire, plus aérée que dans la photo de Verroust où elle apparaît plus fourmillante, plus "mosaïquée" du coup aussi.

    Sur ces photos, on ne voit pas la seconde façade qui s'enfonce dans la "voyotte" (ruelle de St-Dizier) à droite. Cette dernière aujourd'hui apparaît très brillante (les flash des appareils photo s'y reflètent d'ailleurs, ce que je ne suis pas sûr qu'ils auraient fait du temps de Dhièvre).

 

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Ici l'on voit le deuxième mur peint et sculpté en relief avec des brillances satinées dues selon moi à la restauration, ph BM, 2013

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Le flash se reflète sur l'étendue brillante des jolies fresques de Marcel Dhièvre, ph BM, 2013


    On dira, je sais... "Que voulez-vous? C'était ça ou rien..." Oui? Est-on bien sûr qu'il n'y a pas d'autre alternative? Surtout quand on sait que les municipalités devant rendre des comptes de l'emploi de leurs deniers auprès des contribuables et des électeurs sont conduites à rendre durables les restaurations qu'elles engagent. Rendre durable une réalisation qui fut conçue de façon précaire et éphémère (c'est là une différence avec les oeuvres d'art monumentales des artistes professionnels)... Comment voulez-vous qu'on ne risque pas en conséquence de tomber dans un zeste de vitrification muséifiante...?

    Bon. Ceci dit, moi qui n'avais jamais pu voir la maison du temps de Dhièvre, je reste cependant heureux d'avoir pu voir quelque chose qui me la rappelle, quelque chose qui de plus a été très honnêtement étiquetée, il faut le souligner, "restaurée" (avec les noms de ceux qui ont aidé à sauvegarder l'ensemble) et non pas présentée comme le monument original.


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Pierrot Cassan, un imagier de l'immédiat: MASSIF EXCENTRAL (10)

   Il tenait un dépôt de pain sur la place Pompidou à Mauriac dans le Cantal. C'était une figure du bourg, modeste, discrète, qui ne fit que passer, et n'ayant que peu quitté sa région natale.

   Pourtant il a laissé de nombreuses traces dans la mémoire et les légendes locales. On se souvient de lui de manière tenace. Né en 1913, il est disparu en 1982. Pierre Cassan, dit plus communément Pierrot Cassan, fut charcutier avec ses parents de nombreuses années avant de tenir le dépôt de pain.

  Chétif de constitution, il se fit un point d'honneur à devenir moniteur de gymnastique, initiateur bénévole des gosses de son pays à la natation dans un bassin naturel, et sauveteur d'une quarantaine de personnes sur le point de se noyer. Cela à lui seul lui aurait assuré une place durant quelque temps dans la mémoire locale.

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Photo B.Montpied

  Il eut envie de faire plus. Il se mit sur le tard à peindre la vie de son village. Sur des pauvres cartons qu'il distribuait à l'occasion (car les témoins le répètent, il ne vendait pas). Par exemple à son ami peintre Pierre Mazar (peintre plus académique apparemment), qui les garda pour les sauvegarder. Ou à d'autres amis. Il les exposait sous la vitrine de sa boutique modeste, sans que les passants n'y prêtent beaucoup d'attention.

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Photo publiée sur l'affiche de l'exposition de la médiathèque de Mauriac

  Le temps aidant, les éloges ayant été réitérés par quelques supporters de la région (Pierre Mazar, ou l'écrivain Pierre Chaumeil, un ami de Robert Giraud ce dernier, le blog du "Copain de Doisneau" nous en a déjà parlé à l'occasion...), parfois venus de plus loin (Bernard Buffet...), plusieurs expositions lui ont été régulièrement consacrées, la dernière en date étant celle de la Médiathèque de Mauriac en février 2007. Cette même médiathèque se propose de conserver du reste l'oeuvre afin de la montrer de temps à autre.

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Photo B.M.

   La chasse et ses exploits rarement exempts d'innocentes fanfaronnades, que ce soit après des lièvres, un ours (cantalien?) ou des sangliers, étaient souvent sujets prisés par Pierre Cassan.

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Photo B.M.

   A d'autres moments, ce sont comme des grâces rendues aux compagnons animaux, l'âne, le boeuf, aux nécessaires travaux de tous les jours, à la bonne cuisine (où l'on retrouve le malheureux lièvre qui passe à la casserole "aurillacoise")...

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Photo B.M.

   De même que les saynètes galantes, parfois traitées avec un certain sens du grotesque, comme dans le cas de ces "poutous" échangés entre un certain "Jean-Claude Lassale" et une brune répondant au doux prénom de "Pétuninia"... 

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"Pour l'amour d'une poule, combat de coq à Mauriac"... Le peintre se fait à l'occasion moraliste (Photos B.M.)

   Il n'oublia pas non plus de rendre hommage à celui qu'il appelle, peut-être de manière un peu trop grandiloquente - avec quelque malice bon enfant?- le "maître", Pierre Mazar, plus simplement et avant tout "son ami".

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Photo B.M.

   Ce sont ainsi autant d'instantanés qu'il fixa avec simplicité, ou comme je préfère dire, avec immédiateté, réussissant avec une grâce sans apprêts à traduire directement  son appréhension sensible et truculente des spectacles qui l'environnaient dans son village, approche où il reste cependant difficile de faire la part entre malice et naïveté.

Remerciements à Jean Estaque qui me parla de Cassan aux environs de 1991, ce que je n'avais pas oublié, à Emmanuel Boussuge qui m'en reparla ces derniers temps, à Agnès Barbier qui m'a signalé l'expo de Mauriac, à Régis Gayraud qui nous y a conduits, et à Monique Lafarge de la Médiathèque de Mauriac qui m'a confié gentiment la trop rare documentation qui existe sur ce peintre, que je souhaite ardemment plus connu, spécialement de tous ceux qui s'intéressent aux limites de l'art brut et de l'art naïf. 

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La traduction optique, selon Alain Joubert et Nicole Espagnol

  "Traduit optiquement du tchèque", d'après un recueil de poèmes et de dessins du surréaliste Roman Erben, intitulé Neilustrace et publié par lui en 1964, voici que l'éditeur Ab Irato (21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris, http://abirato.internetdown.org/) sort un essai de traduction analogique d'après le tchéque, langue inconnue des deux auteurs, Alain Joubert (qui écrit les poèmes) et Nicole Espagnol (pour les images), recueil intitulé L'Effet miroir

   En 1984 j'avais moi-même, sans connaître du tout ces expériences des deux surréalistes, essayé de la "traduction subjective" (avec ma compagne aussi, Christine Bruces, nous avions traduit par analogies de sons des textes roumains, langue totalement inconnue de nous ; deux textes en français différents furent ainsi produits à partir d'un seul et même texte en roumain, que j'éditais dans le n°3 de La Chambre Rouge ; cela a été réédité récement en 2004 dans le n°4 des Cahiers de l'umbo). J'associe traduction "optique", terme inventé par Joubert et Espagnol, à traduction "subjective" d'après ce que je comprends à la lecture du bulletin de souscription récemment reçu. Il est fort possible que les deux ne coïncident pas tout à fait cependant... Dans les deux cas, l'idée des poèmes (et des images) paraît cependant découler d'un besoin de comprendre une langue dont on ne connaît pas un traître mot. C'est par des à-peu-prés que Christine et moi  (d'autres amis, les frères Gayraud, y avaient également participé) avions remplacé les mots roumains. Nous rajoutions, pour lier l'ensemble bien entendu, des mots que nous ne voyions pas mais que nous estimions devoir être dans le texte que nous croyions reconnaître, cachés qu'ils étaient par notre ignorance de la langue.

Alain-Joubert et Nicole-Espagnol, couverture de l'Effet Miroir, éd. Ab Irato, 2008.jpg

   Alain Joubert, dans le même bulletin de souscription, explique à Roman Erben comment lui et sa compagne Nicole ont procédé (ils l'ont fait dix ans avant nos propres essais, à savoir entre 1974 et 1977, sans avoir eu l'occasion semble-t-il, à ce que l'on croit comprendre, de pouvoir publier le résultat de leur jeu). Il avoue que la chose est difficile à expliquer précisément: "Te dire exactement comment nous pratiquâmes est impossible ; sans doute chacun de nous devait-il proposer un mot, un membre de phrase, une image, que l'autre s'appropriait pour en modifier le sens, et réciproquement, jusqu'à ce que l'accord se fasse et que le poème optique de langue française prenne finalement forme à notre convenance. Nicole et moi éprouvâmes un grand plaisir à cet exercice, lequel nous permit de pouvoir enfin lire ce qui, dès lors, s'exprimait dans ta plaquette, à ton insu bien entendu!" Suit un exemple de poème publié dans le recueil L'Effet Miroir, le titre en tchéque étant Psenice, traduit par les surréalistes français par Pénis (il fallait s'y attendre). Il semble aussi qu'il y ait eu dans cette confection de poème traduit "optiquement" un aller-retour continuel entre images et mots, à la différence de nos essais de traduction subjective.

    Pour en apprendre davantage, il faut bien sûr commander le recueil auprès des éditons Ab Irato, l'édition courante étant à 8€ (il existe aussi des tirages de tête sur Verger -90€- et sur Munken -20€-). Se reporter à l'adresse indiquée en haut de cette note.

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Des inscriptions cocasses comme s'il en pleuvait

    Première inscription qui me fait toujours sourire en coin chaque fois que j'y passe, très souvent accompagné d'une cohorte de moutards à qui je la montre narquois, en les prévenant des conséquences parfois désastreuses que peut générer le simple oubli d'un petit signe orthographique, la liste de spécialités techniques égrenées sur l'affiche ci-dessous contient une désopilante erreur. Cherchez, il n'y en a pas pour longtemps.

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Des conséquences des capitales sans accent ou cédille... Rue Marie-et-Louise, Paris, Xe ardt, ph. Bruno Montpied (ainsi que toutes les autres photos de cette note sauf mention contraire)

    Rien de tel pour commencer ce florilège que cette "connerie"-là, n'est-ce pas? Ces coquilles ont ceci de positif qu'elles mettent l'esprit sur les rails d'interprétations facilement délirantes comme dans le cas de cette dernière, apposée sur un dais d'épicerie orientale à Châteaudun:

Fautes, salon oriontale Châteaudun, nov 11.JPG On imagine que dans l'arrière-boutique on embarque facilement au fond de fauteuils profonds, le narguilé à la bouche, en direction de quelque constellation abritant des nébuleuses aux perspectives fabuleuses...

     On se fait ainsi aisément du cinéma à petit prix, se restaurant ailleurs de sandwichs croquants dont les tranches de pain enserrent des sociétés cinématographiques entières, nous libérant sur le palais toute une série d'images animées sans doute (photo prise dans le Xe ardt)...

Pathé campagne, rue du fbg du temple déc 11.jpg

Ces erreurs sont délicieuses décidément, elles ne sont pas aussi fréquentes que leur rassemblement ici présent pourrait le laisser croire. Mais quand on les perçoit, quel ravissement elles instillent dans nos neurones fatigués. Comme le télescopage ci-dessous, déjà anciennement relevé (dans le Morbihan près de Quiberon en 2001), qui aurait pu honorablement faire partie de la petite série que j'ai déjà publiée  sur cette colonne blogueuse.Construction d'un giratoire au Purgatoire, Morbihan, ph.B.Montpied.jpg

     Tourner en rond au purgatoire en attendant qu'on se décide à vous rôtir ou tout au contraire à vous enfoncer dans des océans de délices, cela paraît logique. L'injonction "Prudence" prend ici un sens quelque peu maléfique et surnaturel...

      C'est peut-être qu'on est parfois déjà au paradis lorsqu'on vous annonce le genre de promesse suivante, baignant littéralement dans l'absolu.

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Rue de Jessaint, Paris XVIIIe ardt, ph. Emmanuel Boussuge, 2012

    Quels sont donc ces "produits autres de toute nature", on s'interroge perplexe infiniment. Nos amis orientaux sont d'ailleurs de véritables mines pour les chercheurs d'énigmes et les quêteurs d'illuminations. Pourquoi vendent-ils uniquement dans ce faubourg du Temple des portables qui débloquent, si ce n'est par esprit de dérision, par goût du néant, par haine de la technologie aliénante?

 

Téléphones qui débloquent, rue St-Maur.jpg

Téléphone qui débloque, rue St-Maur.jpg

On suppose que là aussi, oubliant d'apposer l'accent sur le dernier "e", on a créé involontairement une information légèrement paradoxale et hilarante, rue Saint-Maur, Paris Xe ardt, 2012

 

     Nos amis orientaux ne se rendent pas compte... Ou alors on dirait vraiment qu'ils le font exprès, torpillant eux-mêmes leurs commerces par une communication masochiste qui peut nettement les desservir (parfois tout au contraire, comme dans le cas des restaurateurs chinois avec leurs fameux "riz gluants", à la connotation scabreuse par un certain côté, on profite de ces sous-entendus involontaires pour vendre davantage de produits, mais le sait-on bien?). Dans le cas des Orientaux, on se reportera avec jubilation (c'est vraiment celui que je préfère) au témoignage du salon de thé ci-dessous qui ne donne pas vraiment envie d'aller y goûter ses loukoums...

 

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Paris, quelque part dans le Xe ardt, 2012

 

     Mais allons, allons, il n'y a pas qu'eux, le Français classique ne contrôle pas lui non plus tout à fait tous les sous-entendus qu'impliquent certaines de ses publicités.

 

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Un spécialiste du déménagement à la cloche de bois? Clermont-Ferrand, ph. Régis Gayraud, 2013

 

    Et il n'est pas jusqu'à certaines autres enseignes qui ne m'adressent quelqu'amical salut que je serais bien bête de ne pas honorer ici...

Mon pied ce héros, ph Darnish, 2013.jpg

Relevé à Rennes, ph. Darnish, 2013

 

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Quatre de mes anciens films en projection, à l'époque où j'étais cinéaste amateur

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    Vendredi 20 mars, je participe avec quatre de mes anciens films tournés  en super 8 au Festival 8-9,5-16 de cinéma amateur des Pavillons-sous-Bois (Seine-St-Denis).  Ces derniers chiffres représentent les formats de cinéma acceptés par le festival en question, organisé conjointement par le CECAS de la ville des Pavillons-sous-Bois et la revue Cinéscopie animée entre autres par Michel Gasqui, un amoureux du cinéma amateur en format argentique, et notamment du cinéma Super 8. Je ne connais pas les autres participants à la programmation de cette édition, et ne peux donc rien en dire (mais je le ferai dès que je les aurai vus, si émotion il y aura...). Il semble tout de même qu'on ait affaire à des œuvres de création, fiction ou documentaire, et non pas à du cinéma de famille (l'anniversaire du petit dernier, les noces d'or de Papy et Mamie, etc., cinéma contre lequel a priori je n'ai rien, je m'empresse de le dire), et peut-être même des œuvres naïves comme il y a de l'art naïf.

 

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L'auteur au bord de la Manche, au cours d'un autre tournage, celui d'un film précédent appelé "Conversation aigre sur les malheurs du temps", 1977 ; ph. Jacques Burtin

 

 

    En ce qui me concerne, je prête quatre petits films tournés quasiment sans montage ultérieur, il y a trente ans, soit donc dans les années 1980. Ils se voulaient pour trois d'entre eux, Sur les trottoirs de nos villes, Œillères, et Ecrin de Sable,  comme des documentaires poétiques. Le quatrième, Un Paysage Changeant, est un minuscule film d'animation réalisé image par image avec les moyens du bord dans le petit studio que j'occupais à l'époque. Ils sont tous en Super 8 et sonorisés. Voici leurs "fiches techniques":

 

"Sur les trottoirs de nos villes (sonore, stéréo, 1981-1983, env. 4 min.)

“Sur les trottoirs de nos villes” est un poème visuel accompagné de deux textes, un de moi, et un tiré de Henri Michaux qui est une promenade effectuée au ras des trottoirs de Paris (dans le XIème) afin de tenter de révéler la beauté méditative des lignes et matières présentes sur le sol d’une ville, aussi suggestives et esthétiques pour l’esprit que des œuvres d’art abstrait telles qu’on peut les admirer dans les musées. L’art abstrait, seulement, dans ce cas, on marche dessus tous les jours…

 

Œillères (sonore en mono, 1985-1986, env 12 min.)

“Œillères” est une promenade à la surface de visages scrutés avec une certaine effronterie, de façon parfois fort insolente sous le nez des intéressés, au cours de deux tournages effectués à deux moments différents de l’année dans l’hippodrome d’Auteuil, du côté de la pelouse au milieu des turfistes aux allures fiévreuses de drogués du jeu. La musique lancinante de Mal Waldron et Marion Brown (un morceau nommé adéquatement “Contemplation"…) accompagne cet essai de portraits d’hommes en addiction au jeu, distillant une atmosphère de drame et de dépression. A signaler, pour ceux qui le connaissent, l'apparition à de certains moments, mêlé à la foule des turfistes, d'un certain Régis Gayraud, habitué de ce blog, et aussi d'un Roland Chelle, auteur du recueil "Vers luisants" à l'enseigne de la Petite Chambre Rouge.

 

Ecrin de sable (sonore, mono, 1988, env.11 min.)

“Ecrin de sable”, pareillement, est un poème visuel cherchant à mettre en lumière le merveilleux brut d’une plage où le sable est comme un écrin à des dizaines et des dizaines d’objets laissés là par la mer, coquillages, cailloux luisant comme des bijoux, épaves, etc. C’est une tentative d’hommage à la poésie brute d’une plage, avec sa lumière et ses cimaises horizontales.

 

Un paysage changeant (sonore en stéréo, 1983, env. 2min.)

“Un paysage changeant”, sur une musique extrêmement rythmée de Spike Jones, est un film d’animation réalisé avec de la peinture et divers petits accessoires. C’est comme un tableau essayant de se faire en direct devant la caméra, le tout en manifestant un rythme non prévu au départ et en réalité improvisé au tournage image par image, puis davantage révélé au visionnage par adjonction de la musique burlesque de Spike Jones."

Avis aux curieux donc... 

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Sculpture populaire polonaise

     Le hasard a voulu que je photographie à de très brefs intervalles deux œuvres de sculpteurs naïfs polonais venues faire un tour à des dates non précisées dans notre belle contrée de France. Voici en effet un Maréchal Foch, au garde-à-vous (comme tout bon soldat et aussi comme toute bonne statue...),  sculpté par Jan Lamecki (mort en 1960), aux yeux quelque peu protubérants et hypnotiques, ce qui paraît être une marque de fabrique de ce sculpteur —curieusement, c'est souvent par la façon de faire les yeux, et les arcades sourcilières que l'on différencie plusieurs sculpteurs naïfs polonais (car dieu sait qu'il y en a, tant on les a poussés par là-bas, sous l'ancien régime communiste, comme après, par habitude, car la chose paraît continuer aujourd'hui que le régime a changé) ; les styles de sculpture dans l'art naïf polonais, aux moyens limités, très sobres, rendent parfois difficiles en effet de départager ce qui appartient aux uns ou aux autres.

 

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Jan Lamecki, Ferdinand Foch, coll. privée, Paris, ph. Bruno Montpied ; Foch, à ce que m'a communiqué l'ami Régis Gayraud, était populaire en Pologne pour avoir soutenu, après la guerre de 14-18, la reconstruction de la Pologne en une seule entité, sans couloir de Dantzig

 

     Autre œuvre, cette fois il s'agit d'un fascinant groupe de cinq statuettes, signées de Stanislaw Denkiewicz (1913-1990) en 1975. Il s'agit en l'espèce d'un hommage à une mère, peut-être la femme à la longue jupe plissée présente au centre du groupe.

 

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Stanislaw Denkiewicz, statues pour un jubilé à l'occasion d'une "année de la femme", 8-3-1975, coll. privée, Paris, ph. BM

   Le texte, gravé dans le socle, entre grappe de raisin et fleurs nouées (symboles de prospérité et d'affection?), dit ceci en polonais (merci à Jean-Louis Cerisier pour sa traduction): "En cette journée internationale de la femme, nos vœux que tu vives cent ans, Maman". Le mot "Jubilé" est quant à lui gravé sur le rebord avant peint en vert. Chaque personnage a presque une seule arcade sourcilière, tandis que leurs yeux ont une fixité qui fait une bonne part de leur charme... Les nez très géométriques, style Île de Pâques, leurs bouches comme des entailles, les visages identiques (c'est une famille, mais tout de même...) leur donnent une allure presque effrayante. Ce sont peut-être les quatre enfants, trois sœurs et un frère, entourant la mère à la jupe plissée, personnage le plus grand au milieu de l'arc de cercle. Ces enfants portent tous une fleur chacun (le garçon ayant perdu la sienne, la brassée d'herbe visible dans son poing étant un remplacement imaginé par le brocanteur qui vendait ces statues), et pas la grande femme, ce qui implique qu'elle peut être la mère, les fleurs lui étant destinées.

 

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Stanislaw Denkiewicz, le grand frère? Et/ou le sculpteur? Coll. privée, Paris, ph. BM

 

     Quel âge avait cette mère à qui ses enfants (et parmi eux le sculpteur, peut-être le seul homme du groupe, à gauche?) souhaitaient une longue vie? Sans doute un âge déjà certain, puisqu'on souhaite toujours une longue vie à nos aînés lorsque ces derniers ont déjà pas mal d'heures de vol... Et qu'en toute logique, ils ont moins d'années futures en stock que d'années écoulées... Cependant, si l'on accepte de laisser de côté quelque temps l'humour noir, on sent qu'à l'évidence, derrière ces faces de craie aux yeux fixes, se cache un amour entier pour la famille qui lie ces personnages dans un cercle. Et un amour des jupes plissées!

 

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Stanislaw Denkiewicz, détail de son groupe de statues représentant un hommage à une mère, coll. privée, Paris, ph. BM

 

 

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Roy Louis, sans couronne

Note dédiée à Philippe Lalane
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Louis Roy, sans titre, huile sur toile, 46x55 cm, coll.privée, Paris, Photo Bruno Montpied

        Voici un tableau curieux et attachant retrouvé sur un vide-greniers il y a cinq ans. Route rose serpentant parmi des pelouses franchement vertes, sous l'oeil d'un chat et d'un chien énormes aux yeux vides ou dissymétriques, bizarrement de guingois (pour le félin surtout)... Le portail a été laissé entrebaillé, en arrière-plan derrière la maison, on aperçoit une volière. Les participants au convoi funèbre viennent-ils de sortir de cette maison? Le chat et le chien sont-ils sur le pas de la porte pour faire un dernier bout de conduite à leur maître? Les membres du cortège en tenue de deuil tiennent des mouchoirs pour essuyer les larmes. L'un d'eux tient une canne, un autre, unijambiste, marche avec des béquilles. Le peintre voulant accentuer le côté sombre de la cérémonie a peint le cortège, le corbillard, son cocher en un noir et blanc qui tranche sur la couleur du décor ambiant. Les visages sont blancs ainsi, donnant à ces personnages rangés deux par deux comme dans un cortège d'enfants des écoles, au reste dessinés d'une façon extrêmement stylisée et sommaire (ce qui leur donne un charme fragile qui me plaît beaucoup), une allure fantômatique et un peu sinistre. Le corbillard tiré par des chevaux (à quand remonte ce genre de véhicule ? Sûrement au début du XXe siècle, vu en outre l'allure de la voiture assez primitive qui emboutit l'arrière du corbillard) est heurté par un autre véhicule et le cercueil se renverse, s'ouvre, le mort surgit tout à coup, les bras ouverts, l'air tout à fait ragaillardi ma foi, peint en bleu, ce qui montre sa radicale différence avec ceux qui l'emmenaient à son dernier séjour... Comme si l'accident, traité à la manière des innombrables scènes peintes sur les ex-voto tels que ceux que l'on voit dans certaines églises, par un bouleversant effet paradoxal, l'avait ressuscité!

Louis-François Roy, portrait publié dans le livre d'Anatole Jakovsky, Les Peintres naïfs, 1976.jpg
Louis-François Roy (photo publiée dans Anatole Jakovsky, Dictionnaire des peintres naïfs du monde entier, éd. Basilius Press, Bâle, 1976)

        La signature, "Roy Louis", avec l'inversion malicieuse du patronyme et du prénom, sans doute pas faite au hasard, paraît être la même que celui du Louis-François Roy sur lequel on trouve une notice dans le livre d'Anatole Jakovsky, Peintres naïfs, dictionnaire des peintres naïfs du monde entier (éd. Basilius Press, Bâle, 1976). Anatole le signale comme né en 1891 à Niort dans les Deux Sèvres. Voici ce qu'il écrit sur lui: "Famille nombreuse, très pauvre. Va à l'école irrégulièrement, jusqu'à l'âge de 8 ans. Apprend le métier de tonnelier qu'il exercera jusqu'à l'âge de 70 ans. S'installe à son compte à Saint-Maixent (Ile de Ré [en réalité dans les Deux-Sèvres, voir commentaires reçus pour cette note]). Vit actuellement à La Rochelle. A commencé à peindre en 1962, en voulant remplacer une gravure sale et abîmée par le temps. Verve primesautière, jointe à un coloris très gai." Louis-F. Roy, ajoute son chroniqueur, avait exposé (en 1976, date du livre) dans une galerie Fontenoy à La Rochelle et à la galerie M.Bénézit, avec un catalogue à la clé qui comportait des préfaces de Max-Pol Fouchet et d'Anatole Jakovsky. Ce dernier paraît avoir également écrit sur lui dans un ouvrage que je n'ai pas pu voir, A.J., Ces Peintres de la Semaine des Sept Dimanches, éd. G.Borletti, Milan, 1969. Une peinture de ce même Roy est signalée comme faisant partie de la donation de Jakovsky au musée international d'art naïf de Nice (cf. son catalogue de 1982). J'ignore la date de son décés, hélas probable (s'il est encore parmi nous, il ne serait pas loin d'être le doyen des Français avec un âge culminant à 117 ans...). 

Louis Roy, détail d'un tableau sans titre (l'enterrement accidenté), sans date (années 60-70),coll privée, Paris, ph.B.Montpied.jpg
Louis Roy, détail du tableau, la teuf-teuf (spéciale dédicace à Régis Gayraud, le sagace commentateur)

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De l'art involontaire à la poésie naturelle

     Voici un art qui n'a pas besoin de ministre de la culture auprès de qui aller pleurer pour défendre ses subventions. Car il est dans nos yeux, notre regard. Cela a à voir avec les ready made de Marcel Duchamp, l'artiste détesté de Mme Esterolle. Cet art, c'est par exemple un dispositif insolite dû à des dépôts de hasard sur un trottoir...

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Photo José Guirao, février 2020 ; une installation involontaire, comme un matelas amoureux d'une bouteille et qui fait tout pour la protéger...

 

... Un mannequin sanguinolent, trucidé par un surréaliste de passage...

Le mannequin sanglant, 2020 03 16, 10h52.jpg

Photo José Guirao, mars 2020.

 

      Ou encore une bouche d'incendie tentaculaire, prête à saisir quelque proie au passage, ou à partir en quête, à défaut...

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Photo José Guirao, novembre 2019.

 

      La poésie involontaire (pour emprunter ce terme à Eluard), ce peut être aussi ce que l'on a appelé la poésie naturelle, dont Camille Bryen et Alain Gheerbrant firent une anthologie en 1949. Ce peut être des dessins de lézardes dans les murs ou sur le bitume (je songe à mon petit film en Super 8 Sur les trottoirs de nos villes, de 1982), ou des contours signifiants dans des vitres trouées.

 

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Photogramme d'après Bruno Montpied, Sur les trottoirs de nos villes (6 min.), 1982.

 

     On se reportera avec fruit à la catégorie listée à droite de mon blog : Art involontaire. On y retrouvera plusieurs notes parues à ce sujet les années précédentes sur ce blog. Celle ici présente s'y ajoutera.

 

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La sorcière assise ; photo Bruno Montpied, Cannes, vers 1988 ou 1989.

 

      Une catégorie connexe, c'est la poésie du hasard naturel, et ce que l'on appelle les paréidolies, ces projections, ou ces reconnaissances, de notre mémoire durant la contemplation de formes significatives dans le spectacle du monde extérieur. J'en ai  déjà parlé, la dernière fois, c'était il y a un an. C'est un domaine assez vaste là aussi, qui débouche bien souvent sur des personnes fortement tentées d'interpréter, de jouer des formes trouvées dans la nature, pierres, bois flottés et tutti quanti (il y en a un certain nombre dans les arts populaires spontanés, qu'on se reporte entre autres à mon Gazouillis des éléphants)...

    Les arbres extraordinaires aussi sont un sous-ensemble des formes naturelles qui parlent à l'imagination.

Les deux troncs (2).jpg

Ancien tronc de tilleul à Lafauche (Vosges) ; ph. B.M., 2016.

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If millénaire, La Lande-Patry (Orne) ; ph. B.M., 2010 ; signalé par Remy Ricordeau.

 

       Mais revenons à notre art involontaire, expression parfois d'une autre nature, celle qui est inscrite dans l'homme, et qui pousse par exemple certains individus à triturer de la corde et obtenir de façon automatique, germinative, un dessin et une matière aussi singulières qu'inutiles...

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Cordelette triturée machinalement par M. Bernard Massénat, anc. coll. Alice Massénat.

 

      ... Ou à ces dessins d'animaux obtenus par le hasard de décollage de silhouettes publicitaires ou décoratives peut-être, en tout cas, sûrement involontaires.

Mur d'animaux en ombres, Nivolas-Vermelle (2).jpg

Traces de silhouettes animales Nivolas-Vermelle (2).jpg

Dessins laissés par de la colle, après décollage de silhouettes découpées en bois peint? ; aperçus en compagnie de Fatimazara Khoubba et Alain Dettinger, à Nivolas-Vermelle (Isère) ; ph. B.M., 2016.

 

     Enfin, évoquons en conclusion provisoire, ces petites compositions, du hasard toujours, fragments de couleurs encadrés dans un but non artistique, plutôt avec une finalité professionnelle...

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Anciennes couches de peinture, dégagées par des peintres en bâtiment probablement, peut-être pour des restaurations à venir : le "pas toucher!" prend un sens ambivalent assez drôle, plutôt sacralisant ; Galerie Vivienne, à Paris ; ph. B.M., 2018 (merci à Régis Gayraud avec qui je découvris ces petites œuvres du hasard).

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