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23/03/2019

Imam Sucahyo à Marseille

     J'ai déjà évoqué le nom d'Imam Sucahyo, il me semble. Mais sans en dire grand-chose, et surtout sans dire tout le bien que j'en pense. Il n'est pas Balinais comme je l'avais dit trop vite dans un premier temps, mais originaire de Tuban (près de Surabaya, cette ville dont le nom sonne dans une chanson de Brecht et Weil, accolé à celui d'un certain "Johnny") et vivant à Java.podcast
Tout cela toujours en Indonésie, état-archipel, comme on sait.

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Imam Suchyo ; photo Georges Breguet dans la galerie Cata Odata à Ubud (île de Bali).

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Imam Sucahyo, sans titre relevé, technique mixte sur papier, avec inscription au bas de la composition, 39 x 27 cm, 2015, ph. et coll. Bruno Montpied.

 

     Sa peinture est très foisonnante, très colorée, très embrouillée aussi parfois, mais toujours très rude et brute. D'après différentes sources trouvées sur la Toile, il semblerait que l'artiste soit au carrefour de la culture islamique de sa communauté d'origine et de croyances plus animistes, le conduisant à des rapports étroits avec les morts. C'est en Indonésie qu'existe un endroit, le pays du Toraja, dans le sud Sulawesi (île plus connue sous le nom d'îles Célèbes), où l'on installe les morts (plus exactement, les représentations des morts) au balcon de cavités creusées dans les falaises. J'en ai déjà parlé à propos de l'auteur de buissons de figures dessinées sur papiers enfilés sur des fibres de bambou, la créatrice brute, Ni Tanjung (à signaler une expo consacrée à cette dernière très prochainement, pour laquelle j'ai un peu aidé en faisant l'intercesseur, à la Fabuloserie-Paris, avec des œuvres prêtées par Georges Breguet ; ce sera la première expo de Ni Tanjung à Paris!).

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Statues représentant des morts au Toraja ; photo extraite du blog de voyages One chaï.

 

     La vie d'Imam Sucahyo aurait été plutôt accidentée jusqu'à présent. On parle d'usage de drogues à une époque de sa vie. L'art serait ainsi perçu par lui comme une planche de salut à laquelle il se raccroche pour se consoler et fuir  une société où ses semblables ne lui ont guère fait de cadeau jusqu'à présent.

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Ima Sucahyo, dessin exposé à la Biennale de l'Art partagé de Jean-Louis Faravel, à St-Trojan-les-Bains, en 2017.

 

     On rencontre de nombreuses inscriptions mêlées aux circonvolutions de ses figures, dans une ornementation dense. Ce serait des bribes de conversations entendues au vol autour de lui. Son graphisme et sa production variée (il est capable d'installations qui n'ont rien à envier comparées à celles d'artistes occidentaux, je pense par exemple à Roger Ballen, qui occupera en septembre 2019 la Halle Saint-Pierre,, sur les deux niveaux s'il vous plaît (on lui déroule le tapis rouge à celui-ci !)) pourraient  le faire rapprocher d'auteurs d'art brut, mais il paraît plus exact de le comparer, plutôt, avec des artistes marginaux, comme Noviadi Angkasapura, qui a été exposé naguére au Musée de la Création franche à Bègles.

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Installation d'Imam Sucahyo. DR

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Exposé chez Polysémie à Marseille.

 

    La galerie Polysémie, qui se tourne de plus en plus souvent vers des créateurs et artistes extra-occidentaux (Afrique, Iran, Indonésie), vient de commencer de consacrer une exposition à Imam Sucahyo. Cela se tient depuis le 9 mars, et est prévu pour durer jusqu'au 20 avril (dommage que cela n'ait pas été en même temps que l'expo "Dubuffet, un barbare en Europe", qui devrait commencer en mai au MUCEM, les amateurs auraient pu faire d'une pierre deux coups). Voici le dossier de presse.

16/03/2019

Mme Delavaux, grande prêtresse de l'art brut orthodoxe, prend des pincettes pour évoquer ma découverte sur les Barbus Müller

    Céline Delavaux, qui s'est fait connaître avec le Collectif de réflexion autour de l'Art Brut (CrAB), il y a quelque temps, et par quelques livres, déjà, sur l'art brut – dont un qui était fort bien écrit, L'Art brut, un fantasme de peintre, aux éditions Palette - sort un nouveau livre chez Flammarion, Art Brut, le Guide.

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      Autant vous dire qu'il aurait pu aussi bien s'appeler l'Art brut pour les nuls. On vous y dit ce qu'il faut penser de l'art brut, en proscrivant certaines assertions, classées comme fausses, d'un coup de tampon appuyé ("Faux", nous proclame-t-on : "l'art brut, c'est comme l'art des fous", "l'art brut, c'est fait avec des matériaux bruts", "l'art brut, c'est comme l'art naïf", etc.). C'est que Mme Delavaux se positionne comme championne de la vision orthodoxe de l'art brut. Elle tient à ce que l'on pense l'art brut correctement.

     Personnellement, ça me gêne un peu. Qu'il y ait du flou, des tâtonnements pour aborder le sujet ne me dérange pas tant que cela. L'orthodoxie a tendance à apporter  une forme d'ossification ou de vitrification.

        Cela dit, cet auteur pense surtout que l'art brut est un cheval de bataille pour repenser l'art (why not?). Et c'est pourquoi elle veut continuer d'employer le terme d'"artiste", pour les auteurs d'art brut, parce que ce serait un moyen selon elle de faire entrer dans le crâne de chacun que l'art est constitutif de l'humanité, et n'a donc pas à se penser comme le privilège d'une caste, privilège que Dubuffet, avec raison, je trouve, avait dénoncé (Céline Delavaux le rappelle aussi, avec honnêteté). Pas sûr cependant, selon moi, que ce terme d'artiste, employé pour les créateurs bruts comme pour les artistes professionnels, suffise à lui seul à constituer le cheval de Troie qui remettra en question de l'intérieur les conceptions dominantes de l'art dans le public et la clique des historiens et médiateurs de l'art. C'est même plutôt le contraire que cela produit, et qui va bien avec la fusion, que tentent d'opérer les marchands, et tous ceux qui sont intéressés à ce genre de confusion, entre art contemporain, art moderne et art brut (comme la constitution du musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art moderne  du LaM à Villeneuve-d'Ascq l'a inaugurée d'ailleurs voici déjà vingt ans, en 1999, avec le dépôt de la collection  d'art brut de l'Aracine). De plus, mettre tous les auteurs d'art dans le même sac – au lieu de remettre en question l'art séparé de la vie quotidienne – constitue une régression propice à la vision d'un art comme le produit d'une élite. Les marginaux de l'art brut, par leur côté maudit insinué dès l'origine dans la notion d'art brut, viennent ainsi augmenter simplement le bataillon des nouvelles marchandises culturelles. Le cheval de Troie est retourné contre lui-même.

    Ce guide m'a, par ailleurs, passablement étonné à cause de l'un de ses paragraphes où mon travail sur ce blog est mentionné. C'est dans un chapitre sur les anonymes, où Mme Delavaux parle surtout des Barbus Müller, auxquels, comme les les vrais lecteurs de ce blog le savent, je suis très attaché, pour avoir mis en ligne sur le Poignard, l'année dernière, du 12 au 7 avril 2018, une enquête où je dévoilais que j'avais trouvé l'identité de l'auteur (et comment je m'y étais pris, avec l'appoint de Régis Gayraud) de ces fameuses statues de lave ou de granit, que Dubuffet avait choisi de présenter dès les origines de sa collection d'art brut.

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Le dernier paragraphe de ce chapitre du livre de Céline Delavaux est reproduit plus bas dans cette note.

 

      Il n'est pas sorcier de se reporter à cette enquête, il me semble. C'est gratuit, qui plus est... Pour ceux qui ne l'auraient pas fait, suivez ce lien et vous tomberez sur la première note (j'ai étagé les notes de la date la plus avancée dans le mois d'avril, le 12, à la plus éloignée six jours plus tard, le 7, avec six "chapitres"). Pour passer d'une note à l'autre, il suffit de cliquer sur les mots "à suivre", placés en toute fin de note (ou de chapitre). Mais, bien sûr, il  y a de la lecture... Ce que Mme Delavaux a peut-être eu la flemme d'entreprendre, se contentant peut-être de Wikipédia où une main amie a fait une mise à jour de l'article qui existait encore naguère sur les Barbus...

    Car, après avoir souligné le mystère dans lequel Dubuffet, en 1947, aurait volontairement plongé ces "pièces de la statuaire provinciale", elle évoque, dans un paragraphe étrange, d'une manière  désinvolte, la découverte "que j'aurais faite" (Ô, ce conditionnel... C'est lui qui m'irrite) sur "un blog spécialisé dans l'art singulier", blog qu'elle n'a, bien entendu, pas jugé nécessaire de  mentionner dans son libellé exact, ce qui aurait permis à ses lecteurs de se faire une opinion, et blog qu'elle qualifie au passage de manière fautive, mais surtout, assez méprisante... Voir ci-dessous.

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Le passage en question...

 

      Je ne vais pas argumenter outre mesure, et encore moins vitupérer, contre ce merveilleux petit paragraphe bien pesé, semblant brandir des pincettes invisibles, sans la moindre justification. Il suffit peut-être de donner la version qui aurait dû être celle d'un paragraphe plus juste, et plus pensé, si son auteur avait fait l'effort de lire mon enquête du blog (ou celle que j'ai publiée, résumée, dans le n°17 du Publicateur du Collège de 'Pataphysique) :

      "En 2018¹, Bruno Montpied, rédacteur d'un blog, Le Poignard subtil, a découvert l'identité de cet anonyme célèbre dans l'histoire de l'art brut : il s'agit d'un cultivateur auvergnat, ancien zouave, nommé Antoine Rabany, mort en 1919. Ce sculpteur autodidacte exposait ses statues dans un jardin, au Chambon-sur Lac (Puy-de-Dôme) et les vendait pour quelques francs..."

      J'attends toujours que les chercheurs spécialisés (ou non!) viennent contester les arguments et les preuves, a priori incontestables, que j'ai apportés dans cette enquête. Seuls certains collectionneurs ont su tout de suite reconnaître le sérieux de ce travail (nommons les premiers : Bruno Decharme, et James Brett).

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Barbus Müller agrandis, d'après photo stéréoscopique publiée dans mon livre, Le Gazouillis des éléphants. Pour le moment, ces deux-là, parmi plusieurs autres visibles sur la photo, sont portés disparus... Jusqu'à quand?

______

¹ Il y a une erreur dans le texte de Mme Delavaux. C'est en 2018, et non pas en 2017, que j'ai dévoilé l'identité du sculpteur des Barbus. En 2017, j'avais seulement avancé, en publiant deux photos inédites montrant le jardin aux statues au sein de mon ouvrage Le Gazouillis des éléphants (paru en septembre 2017), que les statues présentes sur les photos devaient être très probablement des Barbus Müller, et que ces œuvres avaient été exposées à Chambon sur Lac dans le Puy-de-Dôme. Je ne donnais donc à cette occasion que la localisation exacte du lieu de production. Mme Delavaux a visiblement pris ses informations dans la notice de Wikipédia, sans la lire attentivement. Cette notice est correcte (si ce n'est une petite erreur sur le prénom de l'archéologue Lejay, qui s'appelait Albert et non pas "André"...)

 

08/03/2019

"L'art brut existe-t-il?", Colloque à la Fondation John et Eugénie Bost

Affiche annonçant le colloque 1.JPG

     Un colloque, un de plus, avec son lot de spécialistes, de conservateurs, d'universitaires, de personnalités historiques (Michel Thévoz qui s'en vient nous dire de manière provocatrice: "l'art brut n'existe pas"...), et quelques francs-tireurs (André Stas, et le signataire de ces lignes), assez peu membres de la grande cohorte des "officiels". Organisé par quatre personnes, Laurence Bertrand-Dorléac, Laurent Gervereau, Pascal Rigeade et Nicolas Surlapierre. Si on veut lire le programme en PDF, il faut cliquer ICI.

Journées du 25 et du 26 mars (programme corrigé).PNG

Le 26 mars, projection de Bricoleurs de paradis, le film réalisé par Remy Ricordeau, mais que j'ai co-écrit avec lui, comme je l'ai corrigé sur ce flyer (dans le programme du colloque, en effet, on a recommencé l'erreur fréquente qui consiste à nous attribuer la réalisation conjointe du film).

 

      Personnellement, j'y viens porter la parole de l'art brut envisagé du point de vue des arts populaires spontanés anciens ou contemporains, dont,  à mes yeux, font partie les environnements populaires spontanés que j'ai recensés en 2017 dans mon inventaire Le Gazouillis des éléphants. J'interviens donc le mardi 26 à 17h pour une projection et un débat autour des Bricoleurs de paradis, et le lendemain, le mercredi 27, pour une petite intervention lue-parlée sur la question de cet "autre" art brut, plus extraverti, plus communicatif, et plus connecté à une poétique de l'immédiat. A noter que les textes des différentes interventions des participants à ce colloque devraient être publiés dans un livre édité chez Lienart, disponible dès le premier jour de cette manifestation.

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