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26/09/2014

La maison de la gaieté de Chérac: un autre chef-d'oeuvre en péril

     Des camarades m'ont signalé depuis plusieurs mois l'existence à Chérac (à deux pas de Cognac en Charente-Maritime) d'une maison couverte de mosaïques où s'étale sur une des façades l'inscription visible de loin, "LA MAISON DE LA GAIETÉ". Il s'agit d'un travail d'autodidactes, un père et son fils, Ismaël et Guy Villéger, qui de 1937 à 1952 avaient choisi de décorer d'un million de cassons de vaisselle les murs extérieurs de leur cabaret de campagne. Cela mettait à l'évidence de la couleur au bord de la route, signalant de façon immédiate aux soiffards de passage qu'ils trouveraient là bonne humeur et joie de vivre. Des fenêtres en trompe-l'œil et des grappes de raisins avaient été représentées pour égayer les parois en mosaïque.

 

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La Maison de la Gaieté, photo Eric Straub, 2012 ; à noter que la façade à droite derrière les palmiers (qui ont depuis disparu, ce qui est déjà bien dommage) possédait aussi des mosaïques qui sont tombées au fil du temps

 

     Eh bien, cette maison qui s'était maintenue vaille que vaille jusqu'à nous depuis les années 50 de l'autre siècle, voilà-t'y pas que la nouvelle équipe municipale arrivée au pouvoir récemment s'est mise en tête de s'en débarrasser Elle en est en effet la propriétaire. Comme paraît-il elle coûte trop cher (ah bon? Faudrait voir ça de plus près), le conseil municipal veut la vendre. Et le candidat au rachat a demandé si on ne pourrait pas la démolir... Histoire de mettre à la place sans doute quelque banalité architecturale qui n'attirera plus aucune attention.  Elle est prudente, la dite équipe municipale, elle s'est dite, on va demander à l'architecte des monuments de France si une étude de la démolition pourrait être faite. C'est que par ailleurs, si je suis l'article de Sud-Ouest qui évoque la question (merci à Michel Valière de me l'avoir transmis), "la maison et ses objets étaient en cours d'instruction pour être inscrits à l'inventaire général du patrimoine, au titre des Monuments historiques". Sans doute quelques esprits un peu avertis du patrimoine populaire des bords de routes avaient dû s'inquiéter de la sauvegarde de ce décor, et avec juste raison selon moi.

 

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La Maison de la Gaieté, détail, les grappes de raisin, ph. Eric Straub, 2012

 

 

      On avait pourtant parlé d'en faire un musée, ce qui aurait pu être une bonne idée. Ignore-t-on à Chérac qu'il existe dans cette même région un autre site, décoré de 400 statues cette fois, là aussi naïves, par un menuisier nommé Gabriel Albert pour lequel la région s'est récemment mobilisée afin de chercher la possibilité de le préserver durablement? C'est à Nantillé, entre Saintes et St-Jean-d'Angély. Tout près de Nantillé, à Brizambourg, existe aussi le jardin naïf rempli d'animaux en ciment de Franck Vriet. Et un peu plus loin à Lavaure, près d'Yviers, en dessous d'Angoulême, n'oublions pas le site étonnant de Lucien Favreau. En France, on recense ainsi des dizaines et des dizaines d'environnements tous plus excentriques et merveilleux, plus anti conformistes les uns que les autres, créés par des autodidactes d'origine populaire, qui mériteraient qu'on les documente par des centres d'information et des petits musées qui constitueraient un réseau de points de documentation et de sauvegarde relié les uns aux autres à travers la France. C'est la culture créée par le peuple pour le peuple qui est ici en jeu. Sans oublier qu'en préservant ainsi ce genre de sites artistiques rares, on crée une ressource touristique supplémentaire pour des communes qui n'en ont pas forcément tant que cela.

 

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Détail de la fenêtre en trompe-l'œil imaginée par Ismaël Villéger et son fils, ph Eric Straub, 2012

 

     Souhaitons donc que le nouveau maire de Chérac laisse tomber son projet funeste, et que la population de cette commune se rende compte qu'en le laissant agir comme un vandale institutionnel elle perdrait un fleuron de l'architecture populaire insolite, et qu'elle fasse pression pour que cela n'arrive pas.

 

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On tapait le carton aussi à la Maison de la Gaieté, comme l'indiquent les piques, carreaux, trèfles, cœurs qui dégringolent à gauche... Ph. Eric Straub, 2012

 

24/09/2014

Deux petits événements à retenir pour les "Happy few"

      Cette semaine, j'ai oublié de les mentionner, il y a deux rendez-vous.

     Le premier, c'est sur Radio-Libertaire demain matin (jeudi 25 septembre) de 10h30 à midi dans l'émission Chroniques Hebdo animée par Gérard Jan. Je suis invité à causer de ma participation à l'exposition actuelle de la Halle Saint-Pierre "Sous le vent de l'art brut 2, la collection De Stadshof", de l'animation du présent blog et aussi de mon article paru sur les bouteilles malicieuses du couple Beynet dans le n°3 de la revue L'Or aux 13 îles.

 

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Bouteille de Louis et Céline Beynet, des filles et des monstres, coll. BM

 

     Et le deuxième événement, quel art de la transition, n'est-ce pas?, c'est justement la présentation de la revue L'Or aux 13 îles de Jean-Christophe Belotti à la librairie du Sandre, rue du Marché Ordener dans le 18e ardt de Paris vendredi soir. Tous les amateurs de cette splendide revue sont cordialement invités à venir boire un coup et discuter avec les collaborateurs de cette revue. Voir le fichier PDF en lien ICI.  

20/09/2014

Info-miettes (25)

     C'est bientôt l'automne, ma saison préférée, et il pleut des événements plus ou moins bruts: demandez le programme...

    Dans le cadre de la "S" Grand Atelier, structure dans les Ardennes belges (Vielsahm)... pour les créateurs déficients mentaux, on aime à mixer ces derniers avec des auteurs de bande dessinée voire d'autres types d'artistes (il sont, je cite: "pour l’éclatement des catégories artistiques et la valorisation des nouveaux langages issus de la mixité entre artistes outsiders et artistes contemporains":...Ouais, ouais, ouais... Le grand méli-mélo à la mode ces temps-ci où l'art contemporain tente de se faire une perfusion de sang frais)

     Diverses expos, conférences, débats sont annoncés en France, plus ou moins en rapport avec cette "S" Grand Atelier, je ne retiens personnellement que les expos ci-dessous :

1. L’ARMY SECRÈTE
Au sein de l’exposition : Bruno DECHARME, Art Brut/ Collection ABCD
La Maison Rouge, 10 Boulevard de la Bastille, 12ème
Du 18 octobre 2014 au 18 janvier 2015

(Une grande exposition de la collection ABCD? Hmm... Cela devrait être le grand événement de la fin de l'année donc).

2. "Chefs-d'oeuvre", carte blanche à Bruno Decharme en parallèle à l'expo de La Maison Rouge (le titre exact étant "Masterpieces", mais j'ai traduit car j'en ai marre du snobisme qui consiste à se  coucher, en France, devant les clients anglo-saxons en se mettant à parler leur langue). Ce sera du 21 octobre au 29 novembre à la Galerie Christian Berst : 5 Passage des Gravilliers, 3ème, Paris. Avec des œuvres d'Aloïse, Jaime Fernandes, Domsic, Guo Fengyi, Joseph Lambert (peu connu, il me semble), Tichy, Stoffers, Schroder-Sonnenstern, Zemankova, Scottie Wilson, etc... On ne sait pas si parmi ces œuvres certaines seront à vendre, car en définitive on est encore dans une galerie. ABCD se séparerait-elle de certains de ses joyaux?

 

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Un dessin d'Eric Derkenne tel qu'on le voit sur le site web d'ABCD, des faces, ou des bouts de faces agrandies, striées...


3. ÉRIC DERKENNE : CHAMPS DE BATAILLE
Exposition rétrospective
Commissariat : Gustavo Giacosa
Espace abcd, 12 rue Voltaire, 93100 Montreuil
Du 26 octobre au 19 décembre 2014
Vernissage 25 octobre 19heures en partenariat avec l’Outsider Art Fair

Ce que j'ai vu de ce Eric Derkenne ne m'enthousiasme guère. C'est austère, très facile à rapprocher de certaines œuvres exsangues que l'on nous exhibe régulièrement chez nos plasticiens contemporains, un créateur venu d'atelier pour handicapés mentaux semble-t-il, posant une fois de plus la question des influences possibles occultes ou déclarées des artistes qui pilotent ces ateliers...

4. MATCH DE CATCH à VIELSALM / VIVRE à FRAN DISCO

Bandes dessinées, peintures, sculptures et installations, rencontre du créateur trisomique Marcel Schmitz et de l'auteur de BD Thierry Van Hasselt autour d'une cité imaginaire, Fran Disco, créée par Schmitz.
Commissariat : Barnabé Mons et Thierry Van Hasselt
Chez Agnès B., 17 rue Dieu, 10ème
Du 29 octobre au 08 novembre 2014
Vernissage 28 octobre 18 heures

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Coco Fronsac toujours sur la Rive Gauche

    Là, on est plutôt du côté de l'art contemporain franchement assumé. Mais un art contemporain primesautier, poétique, imaginatif, humoresque, pas très éloigné des anciennes œuvres de Prévert, du groupe Panique, de la 'Pataphysique, etc. L'exposition est déjà commencée, et se finira début octobre, comme on le verra en déchiffrant l'affiche ci-dessous.

 

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La Maison de verre, André Breton, initiateur et découvreur

    Au Musée Henri-Martin à Cahors commence ce 20 septembre une exposition consacrée principalement au Breton installé à l'Auberge des Mariniers de St-Cirq-Lapopie, qui cueillait des agates dans le lit du Lot, des racines aux formes suggestives, prenait fait et cause pour le mouvement des Citoyens du Monde de Gary Davis, se passionnait pour les hasards objectifs, autant de points qui seront évoqués dans l'exposition, avec un rassemblement, dit le dossier de presse, d'une impressionnante collection d’œuvres et de documents, dont certains parfaitement inédits, paraît-il. Un catalogue sort à l'égide de l'Atelier André Breton et des Editions de l'Amateur.

la s grand ateleir,art des déficients mentaux,trisomiques,marcel schmitz,mixité outsider et art contemporain,abcd,eric derkenne,gustavo giacosa,la maison rouge,cités imaginaires,galerie agnès b.    "Je n’ai pas connu d’homme qui ait une plus grande capacité d’amour. Un plus grand pouvoir d’aimer la grandeur de la vie et l’on ne comprend rien à ses haines, si l’on ne sait pas qu’il s’agissait pour lui de protéger la qualité même de son amour de la vie, du merveilleux de la vie. Breton aimait comme un cœur qui bat. Il était l’amant de l’amour dans un monde qui croit à la prostitution. C’est là son signe. » (Marcel Duchamp, entretien avec André Parinaud, Arts, 5 octobre – 11 octobre 1966).

 Photographe non identifié, André Breton observant un crapaud, date?

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 Dans la lumière du surréalisme, galerie Les Yeux Fertiles

Les Yeux Fertiles, cette sympathique galerie de la rue de Seine dans le 6e à Paris, a la bonne idée en parallèle de l'expo cadurcienne de montrer un ensemble d’œuvres liées au surréalisme dont ce manuscrit de poème sur bois dû à Breton ("Au Regard des divinités")la s grand ateleir,art des déficients mentaux,trisomiques,marcel schmitz,mixité outsider et art contemporain,abcd,eric derkenne,gustavo giacosa,la maison rouge,cités imaginaires,galerie agnès b. rehaussé par Slavko Kopac que l'on avait déjà vu ici et là (à commencer sur le site web de l'Atelier André Breton). Un beau poème-objet en vérité. Pour les dates, faudra attendre, je ne retrouve plus ce sacré carton d'invitation, et c'est pas le site internet de la galerie qui va nous aider, ils sont toujours en retard d'une annonce d'expo... (Cependant, l'Aigre de Mots a eu l'extrême obligeance de compléter l'info manquante, voir ci-dessous dans les commentaires).

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La galerie Polysémie, une actualité fertile

      Cette galerie marseillaise a en effet une activité plutôt débordante ces temps-ci, en rapport avec la rentrée bien sûr. Si je ne partageais pas leurs goûts pour certains des artistes exposés jusqu'ici (par exemple Jean-Pierre Nadau), j'ai été intrigué et séduit par les informations reçues de leur part récemment. J'ai déjà évoqué (le 2 août dernier) l'expo de Solange Knopf qui va bientôt s'ouvrir à Paris dans une galerie louée pour l'occasion (la galerie B&B,  6 bis rue des Récollets, 10e ardt, du 30 septembre au 6 octobre). Elle y sera accompagnée des Staelens, de Gérard Nicollet et de Huston Ripley. Mais la galerie ne s'arrête pas là. Elle annonce des présentations de travaux africains singuliers ou bruts dans ses locaux marseillais (titre de l'expo: "African outsiders", du 16 octobre au 20 novembre) dont Frédéric Bruly Bouabré (récemment disparu) et Franck Lundangi (ancien champion de football). La galerie sera également présente au Salon d'Art Alternatif (Outsider Art Fair, en langage marchand) qui se tiendra une fois de plus à l'Hôtel super chic "Le A" du 23 au 26 octobre. On devrait y voir entre autres des œuvres de Philippe Azéma et d'Evelyne Postic.

 

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Philippe Azéma, œuvre présentée actuellement dans l'exposition de la Halle St-Pierre, "Sous le vent de l'art brut 2, la collection De Stadshof"

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Et c'est reparti pour la Biennale de l'Art Partagé

        On en est à la 5ème et ce sera du 18 octobre au 16 novembre. A Rives en Isère dans le parc de l'Orgère à la Salle François Mitterrand, et toujours organisée par l'association Œil-Art de Jean-Louis Faravel. Il y a beaucoup d'artistes invités, et comme c'est l'usage avec l'art partagé (très partagé en l'espèce, vu le nombre d'invités), le récepteur béotien, qui trouve dans sa boîte aux lettres une invitation pour le vernissage (qui aura lieu le samedi 18 octobre à partir de 18h30), ce béotien aura du mal à savoir comment départager (faut croire qu'existe aussi l'art départagé...) le bon grain de l'ivraie. Sur les 70 (environ) artistes présents, je n'en retiens pour l'instant qu'un seul dont j'aurais été bien curieux de découvrir les œuvres, Gilles Manero, bien trop rare dans notre région parisienne, surtout si il a décidé d'exposer des dessins (ce que je préfère à ses sculptures, je dois dire). Ah si quelques autres aussi, Fatimazara Khoubba, Caroline Dahyot, Jacqueline Vizcaïno, Yves Jules, Alexis Lippstreu, Jean Aihade (un "singulier" africain découvert par le galeriste Alain Dettinger si je ne m'abuse), Virginie Chomette... Comme le signale Jean-Louis Faravel dans le commentaire ci-dessous, on peut se faire une idée de chaque exposant en cliquant sur le site web dont j'ai mis le lien ci-dessus (Œil-art).

 

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Gilles Manero, petit dessin au crayon, 2001, coll. BM

 

16/09/2014

Dictionnaire du Poignard Subtil

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FOU:

« En voilà du travail ! Vous ne pouvez pas imaginer l’acharnement qu’il me faut pour ne rien oublier. Il y aurait de quoi devenir fou, si on ne l’était déjà… »

(Adolf Wölfli)

14/09/2014

Un message d'Agnès et Sophie Bourbonnais

 Voici un mois, le 10 août, que notre mère, Caroline Bourbonnais, nous a quittés dans sa quatre-vingt-onzième année, sans souffrance, dans sa maison de Dicy, entourée de ses proches. Nous tenons à remercier très chaleureusement tous ceux qui nous ont témoigné leur sympathie.

        Souvenons-nous du parcours de Caroline et d’Alain qui se marièrent en 1955. Caroline, après l’avoir soutenu dans ses projets d’architecture, l’accompagna dans l’aventure de l’Atelier Jacob, galerie d’art hors-les-normes à Paris de 1972 à 1983. A la fermeture de celle-ci, ils créèrent ensemble le musée de La Fabuloserie à Dicy dans l’Yonne.

Tous ceux qui ont connu nos parents se souviennent que cette aventure était en permanence partagée par toute la « tribu Bourbonnais », comme l’ont nommée Jean Dubuffet et Michel Ragon: visites chez les créateurs, montage des expositions à l’Atelier Jacob, participation active à la fabrication des Turbulents et aux films, à l’impression des gravures, sauvetage du Manège de Petit Pierre…

Au décès d’Alain en 1988, notre mère a pris la direction du musée familial et c’est tout naturellement que nous avons mis nos compétences respectives et celles de nos conjoints au service de La Fabuloserie pour la gestion des travaux, la participation à la conception et à la réalisation des quatre ouvrages édités par La Fabuloserie et par Albin Michel et, depuis quelques années, pour la gestion du personnel et des finances.

Ainsi, nous avons déjà imaginé l’hommage que nous souhaitons rendre à notre mère, dont la motivation pour la mise en valeur de la collection est notoirement reconnue, ainsi que son énergie à développer le rayonnement national et international de La Fabuloserie.

Cet hommage prendra la forme, à la saison prochaine, d’une exposition, dans une pièce entière du musée, consacrée à ses découvertes et ses apports à la collection, sans oublier les créateurs avec lesquels elle avait tissé des liens d’amitié. Nous espérons que tous ceux, fort nombreux, qui nous ont fait part, depuis le 10 août, de leur admiration et de leur affection pour Caroline se feront un plaisir de nous accompagner dans cet hommage. A la saison prochaine donc à Dicy.

        Agnès et Sophie Bourbonnais

 

06/09/2014

Mon oeuvre... et l'exposition "Sous le vent de l'art brut 2"

     Petit rappel, c'est pour le 16 septembre à la Halle Saint-Pierre le début de l'exposition consacrée à la collection néerlandaise De Stadshof, collection hébergée depuis le début des années 2000 à Gand en Belgique au Museum du Dr. Guislain, suite à la fermeture du local où elle était primitivement hébergée à Zwolle aux Pays-Bas. C'est une collection d'art brut, d'art naïf et d'art singulier. On utilise ce dernier terme de plus en plus souvent pour désigner les artistes marginaux de l'art contemporain qui sont influencés par l'exemple esthétique et moral des créateurs de l'art brut. Dans l'exposition "Sous le vent de l'art brut 2", ceux qui relèvent directement de cette catégorie sont  (à ma connaissance bien sûr) par ordre alphabétique Azéma, Burland, Katuszewski, Koczÿ, Lamy, Lortet, Montpied (mézigue), Nedjar, Nidzgorski, Sefolosha. Nombre de créateurs néerlandais restent des inconnus et donc il ne faut pas se cacher que peut-être parmi eux se cachent quelques artistes plus proches de l'appartenance au corpus des singuliers qu'au corpus de l'art brut stricto sensu. Mais, autre caractéristique de la collection De Stadshof, par ailleurs apparemment construite avec exigence (qu'on en juge en parcourant leur site web, que j'ai mis en lien au début de cette note), c'est la présence de nombreuses œuvres naïves, c'est-à-dire relevant de ce que l'on appelait au début du siècle dernier, le "réalisme intellectuel". Les trois catégories se mélangent ainsi avec harmonie au service de la poésie visuelle. Et c'est donc une très bonne chose que Martine Lusardy soit partie rechercher à Gand cette collection que l'on avait tendance à oublier.

     Le catalogue de l'exposition est déjà prêt, mais je n'ai pas eu le temps de le compulser en détail, hormis le fait que j'y ai reconnu une peinture de moi assez ancienne qui y est reproduite (assez inexactement je dois dire, car elle est floue et ses couleurs ne correspondent pas à la réalité, je n'ai pas eu de chance). Je la reproduis un peu plus exactement ci-dessous.

 

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Bruno Montpied, Une actualité chargée comme un canon (Golfe, Yougoslavie), peinture sur papier contrecollée sur panneau de bois peint 60x80 cm, 1991 ; dans le catalogue de l'expo "Sous le vent de l'art brut 2" il est dit que cette peinture est "sans date", or cette dernière est inscrite au milieu en bas (du moins si mes yeux sont encore bons) ; la photo ci-dessus, compressée, a un tirage original sur papier, un tout petit peu plus net que la photo publiée dans ce catalogue (provenant des animateurs de la collection De Stadshof)

 

   C'est une des quatre peintures que recèle la collection De Stadshof, suite à une donation que je leur avais faite en 1995. Ce sera la seule des quatre qui sera présentée durant l'exposition parisienne. A côté d'elle - ce que je préfère! - douze œuvres de ces dernières années, d'une écriture sensiblement différente de celles des années 1990. Parmi elles, il y aura une œuvre accomplie à deux mains, avec la peintre et photographe tchèque Petra Simkova (titre: "L'enfer, c'est le paradis").

 

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Bruno Montpied, La démarche comme une frégate, voici la belle emportée..., 40x30 cm, 2013 ; exposée à la Halle St-Pierre

 

     Du reste, s'il y a des lecteurs qui s'intéressent plus particulièrement à ma peinture et mes dessins, je signale qu'existe sur ce blog depuis juillet 2013 un photoblog entièrement consacré à ma production picturalo-graphico-plastique (on le trouve dans la colonne de droite de la page d'accueil de ce blog, à peu près vers le haut de la colonne, au-dessus de la rubrique "Notes récentes"). J'y raconte mes œuvres à la manière d'un carnet de bord autobiographique qui serait centré sur l'activité artistique de son auteur, d'où peut-être parfois un ton qui pourrait passer pour narcissique ce qui, j'espère, n'agacera pas trop à la longue...

 

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Bruno Montpied, La cigogne, Grandes Oreilles et l'angoissée, 8 figure, 2001 ; c'est l’œuvre qui est présente à la date de cette note sur la page d'accueil du photoblog)

 

      Si l'on veut voir l'ensemble des photos d’œuvres présentées, on part de la première visible sur la page d'accueil du photoblog et on remonte de l’œuvre la plus récente à la plus ancienne (mises en ligne par date de la plus proche d'aujourd'hui jusqu'à l’œuvre la plus ancienne, c'est donc une remontée dans le temps). Et si l'on veut regarder les archives on va plutôt à cet endroit. Qu'on se le dise.

05/09/2014

Arthur Vanabelle n'est plus

   J'ai appris hier par l'animateur de l'ASMA (association qui voudrait sauvegarder le site) la disparition du faiseur d'avions-girouettes, de tank et de canons anti-aériens de la Base de la Menegatte à Steenwerck dans le Nord le long de l'autoroute Lille-Dunkerque). Des trois frères et soeur (Arthur, César, Agnès) qui gardèrent fidèlement la ferme de la Menegatte après la mort de leurs parents, sans jamais se marier, il ne reste plus désormais que César. Les deux frères étaient récemment partis, fort fatigués, en maison de retraite. La ferme couverte d'avions-girouettes, protégée par des canons faits de matériaux glanés dans la campagne, à la cour envahie par un tank trompe-l'oeil (ce sont des accessoires divers posés à même le sol, pour masquer une fosse à purin, qui font l'illusion d'un vrai char d'assaut), animée par des silhouettes d'officiers de la débâcle de 39-40, qui défila devant la ferme, les Vanabelle étant alors fort jeunes, mais pas oublieux –le souvenir les hanta toute leur vie–, tout cet ensemble va désormais continuer de s'abîmer progressivement, à moins, à moins... Que quoi? Qu'on y crée, comme le voudrait l'ASMA une résidence d'artiste qui permettrait parallèlement de restaurer les artefacts d'Arthur...

 

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Arthur Vanabelle dans sa salle à manger, derrière lui sous le buffet on aperçoit les dessins qu'il produisit durant un bref moment, ph. Bruno Montpied, 2010

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La Base de la Menegatte en 1988, au temps de son apogée, dirais-je, ph. BM

 

    Il sera en revanche nettement plus dur de ressusciter le contagieux rire de Vanabelle qui continuait de le secouer jusqu'à ses dernières années. On lui souhaite d'ailleurs d'avoir ainsi fini, dans un grand éclat de rigolade énorme. Je ne peux m'empêcher de penser que ce site d'art brut ou naïf est du reste conçu aux contours de ce rire énorme. Une fois ce dernier disparu, même s'il nous est loisible de l'imaginer encore accroché aux branches des arbres de la Menegatte, tel le sourire  du chat de Cheshire de Lewis Carroll, rien ne sera vraiment plus comme avant, et il faudra bien se résoudre à partir chercher la poésie de l'immédiat ailleurs.

03/09/2014

Postérité des environnements (9): la maison recombinée d'Antoine Puéo en danger de mort résiste encore...

     Des architectures d'autodidactes populaires, à part quelques exemples fameux comme le Palais Idéal du Facteur Cheval à Hauterives, la maison de Picassiette à Chartres, celle de Joseph Meyer à Berck-Plage, le collage de maquettes de monuments autour de la villa des époux Billy dans le Rhône la tour Travert et ses fers à cheval soudés dans le Maine-et-Loire, les demeures troglodytiques ornées comme celle de M. Roux dans le même département, les galeries souterraines de Jean-Marie Massou dans le Lot, la maison caparaçonnée de Jeanne Devidal à St-Lunaire, il n'y en a pas tellement en France, si on les compare aux nombreuses autres disciplines artistiques rencontrées dans les espaces populaires entre habitat et route. C'est plutôt les réalisations mobilières qui l'emportent sur l'immobilier, statues, mosaïques, fresques, accumulations, jardins topiaires, etc.

 

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Sans doute ce cliché des archives familiales conservées par Mme Ruig, petite-fille d'Antoine Pueo, montre un des états antérieurs de la "maison fleurie" de Lézignan ; merci à Jean-Louis Bigou de nous avoir transmis ce document

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Carte postale peut-être des années 70 montrant la même maison en rocaille, après déconstruction-reconstruction, Antoine Pueo apparaissant vraisemblablement au sommet de la construction, ainsi que sa femme (peut-être) à une fenêtre du premier étage, coll. Bruno Montpied

 

     C'est pourquoi la maison, l'immeuble plutôt, d'Antoine "Tounet"¹ Pueo à Lézignan-Corbières, fait partie des exemples architecturaux très rares, réalisés en pleine ville qui plus est par un autodidacte qui se permit de tripatouiller lui-même sans architecte sa propre demeure, en la recombinant, eut-on dit, d'étage en étage, rajoutant une balustrade par ci, éventrant des murailles par là, installant un système d'arrosage de ses nombreuses plantations en jardin suspendu qui recueillait les eaux de pluie, incrustant des statuettes dans des niches (qui ont été mises de côté par sa petite fille, voir le blog de J-L. Bigou), etc. Le tout prenant au fil du temps l'allure d'une gigantesque rocaille éruptive poussée en pleine zone urbaine.

 

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La maison ex-fleurie, photo BM, juillet 2014

 

    Elle a résisté près de cinquante ans. Je la croyais même disparue depuis belle lurette, jusqu'à ce que je découvre par une note du blog de Jean-Michel Chesné, puis par les nouvelles informations glanées par Jean-Louis Bigou sur son sympathique blog De l'art improbable dans l'Aude et ses environs, qu'elle était encore debout. Un répit de dernière minute me permit de photographier ce qui en subsistait en juillet dernier. En effet, la découverte de vestiges archéologiques tout près du bâtiment avait suspendu les travaux de démolition qui affectent de façon idiote tout le quartier de la "maison fleurie", surnom donné par les habitants et les journalistes à la construction rocailleuse de Pueo.

 

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Comment mieux mettre en évidence la guerre totale que mènent les urbanistes à la solde du pouvoir face aux demeures du peuple? Art "contemporain" contre art brut... Ph. BM ,juillet 2014

 

      Parce qu'il faut dire que la municipalité a décidé de passer un grand coup de balai dans ce vieux quartier populaire de Lézignan, aux petites boutiques simplissimes, au charme convivial, habité entre autres par des familles de Gitans, pour construire à la place des clapiers déshumanisés et sans âme comme aiment en produire au kilomètre les édiles et les urbanistes contemporains. Déjà, comme on le voit ci-dessus, on a placardé une espèce de fresque creuse et mochissime juste devant la maison en rocaille, prélude spatialement évident à la censure définitive annoncée pour bientôt de la maison d'Antoine Pueo.

     Et pourtant, habitants de Lézignan et gens de passage, cette maison était un des rares exemples français de création architecturale foutraque et naïve encore tolérée sur notre territoire. Vous aviez des amateurs qui se déplaçaient de loin pour venir la photographier. Si vous la détruisez, que viendront-ils faire à Lézignan ? Il n'y aura plus rien à voir...

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¹ Et non pas "Quinet" comme l'appela de manière erronée Yves Rouquette dans un article ancien de la défunte revue Les Cahiers de l'Office.