28/08/2017
La Vallée de Yelang en Chine Populaire, un château de rêve
La "Vallée du Yelang", un château de fantaisie pour concrétiser le mystère, créé par Song Peilun ; photo Shen Jiaxin
Vidéo trouvable sur internet montrant le château de la vallée du Yelang (ouest de Shanghai) et faisant parler son auteur, Song Peilun.
Grand renfort de trompettes dans le cadre de la Biennale Hors-les-Normes à Lyon (du 28 septembre au 8 octobre prochains), on y a décidé de monter une expo de photographies consacrées à un environnement chinois, un "château" de fantaisie, bâti par un certain Song Peilun, qui me fait personnellement beaucoup penser, comme ça, de loin, au parc de Chandigarh conçu par l'artiste autodidacte indien Nek Chand. Il y a en effet là une tentative de créer un ensemble architectural se référant à des traditions mythologiques dans un style quelque peu onirico-hallucinatoire, avec de nombreuses tours en forme de têtes, l'ensemble prenant à la longue l'aspect d'un parc de loisirs. Ce n'est apparemment pas le travail du seul Song Peilun. Sans qu'on nous explique, dans la vidéo ci-desssus, comment le maître d'œuvre s'y est pris pour diriger son petit monde, il est évident qu'il a réussi à enrôler dans sa construction les villageois de son patelin, situé à l'ouest de Shanghaï, et cerné depuis peu par une université dont l'architecture jure avec son château.
D'après ses confidences dans le même film, il semble que Song Peilun s'inspire de fêtes et de masques de la région d'où il est originaire, le Guizhou (région nettement plus à l'ouest, au centre de la Chine). Autre détail que l'on entend à un moment je crois, le créateur, qui marque par ailleurs son attachement aux équilibres naturels, confie avoir été fasciné par les châteaux de cette région dans son enfance... Ah bon ?, me suis-je dit, et à quoi donc devaient ressembler ces châteaux de Chine? Nul doute que quelque spécialiste de l'ancien Empire du Milieu rôdant dans les parages de ce blog ne va tarder à nous mettre au parfum...
L'annonce de l'exposition dans le programme général de la 7e Biennale Hors-les-Normes de Lyon (29 septembre-8 octobre 2017, "et un peu avant, et un peu après"... Comme i' disent...) donnait au départ le Palais Idéal du Facteur Cheval comme lieu d'exposition. Mais un contretemps oblige les organisateurs à changer d'endroit pour montrer les photos du site : ce sera à l'Université catholique de Lyon, 10 place des Archives 69002 Lyon (vernissage le 4 octobre à 20h ; expo tous les jours de 9h30 à 17h30).
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Des commentateurs (voir ci-après) sont venus comme de juste nous apporter d'autres informations, notamment RR, sinophile averti apparemment, qui nous a donné un lien vers le site de Guizhou China International Travel Service qui présente différents types d'architectures traditionnelles, pas vraiment des "châteaux", ni des "forteresses", mais qui peuvent en effet être les types d'architectures que Song Peilun veut rappeler à ses concitoyens, et qui prouvent par ailleurs, qu'en Chine, il serait fort désolant que les autorités n'interviennent pas pour protéger ce genre de monuments. Exemple ci-dessous:
Architectures traditionnelles du Guizhou, photo Guizhou CITS.
14:47 Publié dans Architecture insolite, Art immédiat, Art visionnaire, Environnements singuliers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : song peilun, art singulier chinois, environnements singuliers, vallée yelang, vallée du yelang, châteaux chinois, château de fantaisie, biennale hors-les-normes, palais idéal du facteur cheval | Imprimer
27/08/2017
Le sabre et le goupillon... Non, le bigot et le pétard
Il y a toujours de l'actualité du côté des noms prédestinants. Lorsque Régis Gayraud et moi nous baladions récemment dans les rues de Douarnenez, esquissant une dérive fort circonscrite, l'attention de ce dernier se porta sur un panneau explicatif apposé en dessous d'une église assez moche, où l'on apprenait tout de même que l'architecte de l'édifice s'appelait Bigot. Un patronyme assurément en accord avec ses choix architecturaux...
Et puis, ces jours-ci, c'est Vincent Monod qui m'a apporté une autre référence tout aussi désopilante. Relevé dans une annonce de vente aux enchères de militaria chez Phidias à Paris, voici le nom d'un auteur qui s'est intéressé de près aux équipements militaires de 1600 à 1870 : "Lot 71 - PETARD (M.). - Les équipements militaires de 1600 à 1870. Paris, 10 fascicules". On ne saurait mieux s'appeler quand on s'occupe de flingues et autres outils explosifs... Merci, Vincent!
Un petit bonus? On (Régis Gayraud?) m'a signalé également monsieur Axel Ronde, membre de la CGT Police, qui est passé en interview cette année sur CNews. Si ça prédestine pas, ça, je veux bien manger mon bob...
00:35 Publié dans Noms ou lieux prédestinants | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : noms prédestinants, aptonymes, bigot, pétard, sabre et goupillon, équipements militaires, douarnenez | Imprimer
25/08/2017
Cyril Constantin, un artiste total très méconnu...
Un ouvrage d'art récemment paru (2016) sur un artiste savoyard oublié.
Le mot "singulier" est parfois un peu accommodé à toutes les sauces. Cyril Constantin, géant barbu qui n'aima guère quitter les bords du Lac du Bourget, fut un artiste que, je parie, peu de gens connaissent, un artiste certes autodidacte, mais assez difficilement rattachable au corpus des artistes dits singuliers (dont le père tutélaire est peut-être Gaston Chaissac). C'est un prototype d'artiste ayant fait carrière avant tout dans sa région. Né en 1904 à Chambéry, il passa la plus grande partie de son existence à Aix-les-Bains, avec une parenthèse à Tresserve, près du Lac, où il se bâtit sa propre maison qui se voulait un Temple de l'Art et un "Empire de Cyrilie" avec une monnaie propre. Il décède à Aix en 1995 à 91 ans.
Certes, il n'a pas de formation en écoles des beaux-arts. C'est un autodidacte qui a des intuitions géniales. Au départ, il se crée une affaire de confection et chapellerie, il est sportif, et passionné de mécanique, suffisamment pour pouvoir construire un petit avion en kit qu'il appelle le "Pou du ciel". En 1937, il dépose un premier brevet d'invention. Ce goût de l'invention est sans doute ce qui le caractérise en premier, même si la plus grande partie de son existence se passe à la lumière de l'art. Lors de son mariage, il se déclare d'ailleurs avant tout "inventeur". La peinture lui est venue, écrit Geneviève Frieh-Giraud, sur "un coup de tête", en 1943. Il peint une grande toile, reproduite curieusement partiellement dans le livre, alors que cela paraît son œuvre-clé, en 1944, "Satan conduit le bal".
Le peintre âgé devant sa toile "Satan conduit le bal", peinte dans sa jeunesse, photo extraite du livre Cyril Constantin artiste singulier ; il y a du Ensor dans ce tableau-là, qui fut offert par la suite à la ville d'Aix-les-Bains.
Il va, semble-t-il, rencontrer un certain succès dans les milieux parisiens, il expose en galerie, l'Etat lui achète deux tableaux "pour les Collections nationales". Il fréquente Frédéric Delanglade, le peintre surréaliste qui était aussi ami du Dr. Ferdière. Mais il ne paraît pas s'entendre avec ce milieu de galeristes parisiens, il s'embrouille lors d'un accrochage à la galerie de Katia Granoff. L'homme a du caractère, peut-être trop ? Il va surtout se contenter dans ces années d'après-guerre de créer un mouvement d'artistes dans sa région natale. C'est un bon vivant, il a tout du rapin friand d'agapes et de beuveries, les canulars ne sont pas pour l'effrayer. Il projette à un moment d'aménager le Lac du Bourget de façon révolutionnaire.
Cyril Constantin projetait d'araser une montagne, la Dent du Chat, pour en faire une pyramide ; les roches enlevées serviraient de fondations pour des îles artificielles : l'Ile au trésor, l'île déserte, l'île aux rats, L'île Liputienne, le belvédère des dieux, etc. ; plan extrait du livre de Geneviève Frieh-Giraud.
Sa peinture a quelque chose d'à la fois naïve et expressionniste. Hélas, si l'on se base sur ce que met en avant le livre de Geneviève Frieh-Giraud, les sujets qu'affectionnent le peintre manquent passablement d'imagination, se complaisant fréquemment dans l'iconographie chrétienne ou les autoportraits qui trahissent chez Constantin une admiration sans borne pour son reflet. C'est peut-être cette faiblesse d'inspiration dans les sujets qui ont rejeté ce peintre dans l'ombre. Il faudrait une exposition rétrospective bien choisie qui nous présenterait ses œuvres les plus originales pour se faire une idée plus juste. Car, c'est un des mérites du livre, on voit, de ci de là, tout de même, surnager quelques pépites, des tableaux, mais aussi des résultats d'expérimentations de tous ordres, la vocation initiale d'inventeur ayant fini par reprendre le dessus au cœur de l'art. Constantin grave, tripatouille la matière, invente un nouvel alliage, le cyrillium, qu'il trouve le moyen de fondre avec le verre en compagnie d'un maître-verrier de ses amis. Il mène toutes sortes d'expériences, il a un côté alchimiste. Puis il paraît abandonner à un moment, dans les années 1960, la peinture pour se consacrer à ce qu'il appelle la "cyrillovision", projection lumineuse de couleurs et de formes aléatoirement mélangées, en mouvement. L'époque où il se lance là-dedans est celle de l'art cinétique, d'autres sont aussi intéressés que lui par la création avec la lumière (Asger Jorn, le peintre danois, par exemple fixe sur des toiles les trajectoires de faisceaux lumineux qu'il a tracées dans l'air).
Cyril Constantin a quelque chose de l'Italien Giuseppe Pinot-Gallizio, autre créateur autodidacte (à la base, il était pharmacien) peu connu en France, alors que ce fut un créateur génial, situationniste (au début du mouvement), promoteur d'une "caverne de l'anti-matière" aux parois couvertes de peinture, et initiateur de la peinture explosive, puis de la peinture industrielle produite par une machine crachant aléatoirement de la peinture sur des dizaines de mètres de rouleaux de toile blanche, le but étant la destruction du marché de l'art... Constantin participait ainsi - le sut-il? - des expérimentations de son époque, mais encore une fois, le sujet souvent religieux de ses peintures l'éloigne de toute velléité de rapprochement rigoureux avec les autres artistes d'avant-garde que j'ai cités, parfaitement athées, eux, et ennemis de toute adhésion à une quelconque religiosité.
Cyril Cosntantin, exemple des résultats obtenus par le procédé de projection de la "Cyrillovision", photo extraite (comme celles ci-dessus) du livre de Geneviève Frieh-Giraud.
Cependant, il peut être curieux de chercher à mieux connaître la vie et l'œuvre de ce personnage "singulier" que je ne fais ici qu'effleurer et que restitue au plus près l'ouvrage de Geneviève Frieh-Giraud, car l'homme était à n'en pas douter un phénomène hors du commun, quoique fils de son époque.
Pour se procurer le livre, on ira voir à la librairie de la Halle Saint-Pierre (à partir de septembre, car en août ils sont fermés), et sinon, on peut le commander directement à l'Association pour la sauvegarde du patrimoine de Tresserve, Mairie, 40 chemin de Belledonne, 73100 Tresserve.
00:57 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art moderne méconnu, Art singulier, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cyril constantin, geneviève frieh-giraud, tresserve, lac du bourget, cyrillie, cyrillovision, temple de l'art, art singulier, art moderne méconnu, asger jorn, giuseppe pinot-gallizio, art expérimental, art sacré, athéisme, frédéric delanglade | Imprimer
21/08/2017
Le mystère du graffitiste cinéphile de Douarnenez (2)
Suite à la note précédemment parue sur ce blog, et qui fut abondamment commentée, cela a donné envie à la journaliste du Télégramme de Brest, basée à la rédaction de Douarnenez, Marie-Line Quéau, qui connaissait ces graffitis douarnenistes depuis belle lurette, de rédiger un ensemble d'articles qui jouent du mystère de celui qu'elle nomme "l'homme invisible". Voici le lien vers ces articles (un premier, et deux "compléments" à ne pas oublier de lire en bas de page, le tout paru le 16 août, voici donc cinq jours);
http://www.letelegramme.fr/finistere/douarnenez/graffitis...
Je m'y retrouve qualifié, excusez du peu, de "spécialiste", de "Parisien", d'"expert", et finalement l'article du Télégramme reproduit une bonne partie de ma note du 8 août dernier.
Un second article est paru le 17 août, le lendemain donc :
http://www.letelegramme.fr/finistere/douarnenez/graffitis...
Le graffitiste y est présenté comme souvent croisé par les gens qui travaillent la nuit à Douarnenez, notamment par les collègues du Télégramme qui distribuent les journaux entre 2 et 6 h du matin. Ils le décrivent ainsi, notre homme (bien moins invisible) : "Un homme grand, élancé, d'une cinquantaine d'années... Il se fait discret quand il nous voit mais il ne fait de mal à personne."
Suivez la fléche... : A tort ou à raison, La vie des bêtes, Piège de glace... Photo Bruno Montpied, Douarnenez, 2017.
Certains hésitent à l'imaginer, comme nous (Régis Gayraud et moi) tel un "graphomaniaque" ou comme un "artiste fécond". Le terme d'artiste en l'occurrence ne me paraît pas bien s'appliquer ici, sauf à imaginer notre graffiteur comme un poète cherchant à volontairement cultiver l'anonymat, ce qui est possible, mais plutôt rare aujourd'hui quand on s'aperçoit que la moindre velléité d'expression s'accompagne inévitablement de désir de médiatisation. Et si nous avons affaire à un poète cultivant l'ombre, est-ce encore un "artiste"? Est-ce que ce dernier terme s'applique encore? Est-ce qu'il ne faudrait pas dire, dans une telle hypothèse, que si l'on agit poétiquement et anonymement, cela implique que l'art disparaît en tant qu'art séparé de la vie quotidienne, en tant qu'activité pratiquée par une caste peu ou prou se distinguant du commun des mortels, munie qu'elle est d'un statut divin, ou d'une grâce sacrée pour le moins ? L'art s'immerge alors dans la vie quotidienne, cette dernière devient tout entière art, et à la limite l'art disparaît comme mot au bout du processus, car la vie est son synonyme. Ce n'est plus alors l'art qui revendique une extension de son territoire à la vie quotidienne, annexant des nouveaux espaces d'activité (ce que l'on appelle, d'un vilain néologisme, "l'artification"), mais c'est plutôt l'art qui se fait conquérir par la vie, dans une nouvelle vitalisation de l'art.
22:12 Publié dans Cinéma et arts (notamment populaires), Graffiti, Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : graffiti, graffitiste cinéphile de douarnenez, douarnenez, télégramme de brest, marie-line quéau, artification de la vie ou vitalisation de l'art, anonymat | Imprimer
20/08/2017
Cinéma amateur au Petit Casino d'Ailleurs
J'ai déjà eu l'occasion sur ce blog de vanter l'intérêt qu'il pourrait y avoir à prospecter davantage du côté du cinéma amateur pour voir notamment si ne s'y rencontreraient pas quelques pépites originales. Voici une occasion de plus peut-être de faire des découvertes. Les films présentés au cours de la projection ci-dessous semblent concerner tous la même région d'Ault, St-Valéry-sur-Somme, Le Crotoy, ou Cayeux-sur-Mer.
Le Petit Casino d'Ailleurs qui organise la chose est situé non loin de la Villa Verveine, la maison peinte de Caroline Dahyot, à Onival, village qui jouxte Ault.
12:45 Publié dans Cinéma et arts (notamment populaires) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma amateur, cinéma des familles, caroline dahyot, villa verveine, petit casino d'ailleurs | Imprimer
19/08/2017
Tralala
Dans la série des calembours idiots sur le mot art, en voici un trouvé du côté de Saint-Jacut-de-la-Mer dans les Côtes d'Armor.
Photo Bruno Montpied, 2017.
23:50 Publié dans Calembours idiots sur le mot ART | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : calembours faciles, st-jacut de la mer, tralala, art et jeux de mots laids, enseignes à jeux de mots | Imprimer
11/08/2017
Darnish investit Notre-Dame-des-Landes
"Art singulier", "art singulier", comme vous y allez, chère "Maison du Sabotier" de Notre-Dame-des-Landes. Darnish, moi, je le rangerai plutôt du côté de l'art contemporain acceptable (l'A.C.A. contre l'A.C....), même si, au début, peut-être, j'ai dû le classer un peu en forçant dans l'A.S.... Mais, à force de mieux le connaître, l'ami Darnish ne me paraît plus très adapté aux dits Singuliers. Trop de Beaux-Arts en lui, trop de références au cinéma dans ses ruines artistement agencées (je ne dis pas cela en mauvaise part). A St-Ouen, quand je l'ai exposé avec douze autres artistes récemment, c'était un des plus "citationnels", dans le genre plasticien contemporain inspiré se confrontant à l'histoire de l'art. On sent encore un peu l'école derrière son travail. Il n'est pas encore complètement détaché, comme par exemple mézigue, qui suis désormais totalement désamarré, voguant dans le "flow", au petit bonheur la chance, les rives de l'histoire de l'art se perdant pour moi dans la brume du passé. Cela me fait étrange d'aller dans une exposition ou un musée. Je suis "out" et je regarde les œuvres d'art consacrées comme si elles étaient accrochées dans un espace-temps parallèle au mien, ne me concernant plus... De ce point de vue, je me sens bien plus proche des créateurs populaires autodidactes que je collectionne et documente par mes livres et articles. Eux comme moi sommes dans le sans amarres...
09/08/2017
Pierre-Antoine Bosse, poète de l'athlétisme
Je ne déteste pas suivre les spectacles télévisuels sportifs, n'en déplaise à certains. Et hier soir, j'étais devant la fantastique finale du 800 m des Mondiaux d'athlétisme gagné de façon assez inattendue par cet étonnant athlète nommé Pierre-Ambroise Bosse, dont le nom plaît évidemment aux journalistes toujours prêts aux jeux de mots faciles en rapport avec ce patronyme. Avant la finale, pendant les séries de qualification, il m'avait déjà séduit par ses propos au sujet de sa décision de ne plus mettre au point la moindre tactique avant ses courses. Il est connu par ailleurs pour ses déclarations fantaisistes, souvent marqués par la spontanéité, et un humour naturel, qui ne s'embarrassent généralement pas des rigides codes de bienséance si présents à la télévision. Hier soir, à la faveur de sa victoire étonnante, ce fut un festival. Il se lança dans le récit d'une anecdote embrouillée d'où il ressortait que la veille de la finale, à minuit, il avait mouillé son lit avec une bouteille d'eau mal fermée. "Vous vous rendez compte, faire une inondation dans son lit, et sans une fille encore...!", déclara-t-il à l'ampoulé Nelson Montfort que quelques minutes plus tôt il avait commencé par imiter (fort bien). Derrière, on entendit un journaliste pudibond se récrier "Ah, c'est élégant...". Nelson Montfort enchaîna alors, pour tenter d'effacer ce qu'on n'allait pas tarder à qualifier dans les infos pourries de Yahoo comme une "gaffe", et mal lui en prit. Bosse est célèbre parmi les journaleux pour parler de son chat qui se prénomme paraît-il RAB's. Montfort, cherchant à poursuivre sur le sujet, si mignon et cucul, comme on aime en tartiner à la télévision française, demanda à Bosse ce que ça voulait dire ce nom. "Rien A Branler", lui répondit l'athlète. Et pan dans les dents. Ça pouffait et ricanait désormais derrière, en off, les micros étant mal fermés...
Pierre-Ambroise Bosse au micro de Nelson Montfort, Renaud Lavillenie derrière lui, après la finale du 800m aux mondiaux d'athlétisme à Londres.
Mais, là où à mon avis, il fallait accorder toute notre admiration à Pierre-Antoine Bosse, c'est quand il se lança dans le récit de sa course. Ses adversaires, dont un Polonais au nom a priori imprononçable, Kszczot, que les commentateurs appelaient "Tchott", avaient compris que, face à ce dernier, connu pour sprinter et être imbattable dans les derniers 100 m dès que le train est trop lent, il fallait imposer un train rapide dès le départ. Ce qu'ils firent. Arrive le dernier virage avant la ligne d'arrivée où se dénoue généralement le drame des vainqueurs et des vaincus surprises, Bosse place un démarrage surprenant auquel on ne peut accorder que stupéfaction, car on se dit que, vu ses qualités du moment (il a fait des séries moyennes), ce genre d'initiative ne peut qu'être suicidaire. Il va exploser dans la ligne droite, c'est sûr.... Lui-même raconte cela comme un coup de folie, ou plutôt un coup de poker foudroyant qui s'est imposé à lui, intuition de pur feeling. Il file devant les autres, et ne pense plus, il est dans le "flow", comme disent les escaladeurs à main nue, il n'est plus dans le stade olympique de Londres, il vole, il est en apesanteur, déconnecté de ses jambes qui galopent, indépendantes de lui, et il se dit que les autres vont bien finir par le rattraper, tout en franchissant la ligne d'arrivée dans le brouillard de l'irréalité la plus complète! Mais où sont-ils donc passés, tous les autres? Kszczot s'est rendu compte trop tard du danger, démarrant de trop loin, il est venu mourir à quelques mètres du Français qui a résisté jusqu'au bout au retour de ses adversaires, porté par un corps que la tête avait oublié, et peut-être ainsi libéré...
Liberté que Pierre-Antoine Bosse préserva, lâché qu'il était en roue libre, jusque devant les caméras et les micros de la télévision qui étaient à ses pieds. L'occasion était trop belle. Il se déverrouilla et déballa tout ce qui lui passait par la tête, sans censure, avec humour, prodige primesautier. Et ça faisait du bien d'entendre cette parole fraîche et spontanée sur cet écran habitué aux langues de bois des plus constipées usuellement...
12:07 Publié dans Art immédiat, Noms ou lieux prédestinants, Papillons de l'immédiat | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pierre-antoine bosse, poésie de l'athlétisme, mondiaux d'athlétisme londres 2017, flow, primesautier, athlétisme, nelson montfort, télévision française, 800 m, adam kszczot | Imprimer
08/08/2017
Le mystère du graffitiste cinéphile de Douarnenez
Il y a plusieurs manières de visiter une ville. A la touriste appliqué, comme nous un matin (Régis Gayraud et moi) à Locronan, ce village breton aux vieilles maisons, défiguré et exagéré par le commerce exploitant éhontément son ancienneté "typique". Ou, comme nous encore, de manière "dérivante", à la fin de la même journée, arpentant le pavé de Douarnenez (qui n'aime pas beaucoup les touristes, tant mieux).
Le graffitiste cinéphile de Douarnenez, inscriptions sur des poubelles : Les bœufs carottes, Le dernier diamants (sic), L627, les Daltons, L'empire des loups, etc., photo Bruno Montpied, 2017.
Witness, La louve... Ph.B.M., 2017.
J'étais alors fatigué et j'écoutais distraitement mon camarade qui me paraissait pérorer à propos d'inscriptions à la peinture blanche qu'il avait déjà aperçues la veille sur le pont de Tréboul (du nom du petit port qui jouxte Douarnenez de l'autre côté d'une ria). Cette fois, il s'en laissait voir toute une flopée sur les parois de containers à verre dans la cour d'une cité que l'on traversait en lisière de Tréboul. Ce n'était que titres de films, de téléfilms ou de séries TV. Les caractères étaient tracés de façon distincte, toujours en capitales, aisément lisibles donc. Parfois, les titres étaient précédés de numéros et de flèches orientées dans tous les sens. Les films cités étaient pour la plupart récents, mais on en rencontrait quelques-uns d'un peu plus ancien. Sous le soleil, Zodiaque, Le fruit défendu, L'affaire Rachel Singer, Ma sorcière bien-aimée, Promotion canapé, Le Poulpe, Un amour de sorcière, Dolmen, Le pigeon (titre de film plus ancien), La vague, OSS 117 Rio ne répond plus, Fast and furious, The magdalene sisters, 5e élément, etc... Sur le moment, je rétorquai à Régis, qui me paraissait s'exciter pour pas grand-chose, que tous ces titres provenaient probablement de films visionnés en cassettes vidéo, ou dvd, ou vod, et que cela pouvait émaner d'adolescents se livrant à des jeux de comparaison, des listes établies dans la perspective d'un quelconque quizz qui leur était propre...
Mais, en continuant notre marche et en revenant en particulier sur Douarnenez, je commençai de me rendre à l'évidence. Ces inscriptions étaient véritablement bizarres. La ville paraissait en être couverte, et à chaque fois dans des espaces marginaux, de ces portions de l'espace urbain sur lesquelles l'œil glisse : petites armoires électriques, poteaux, marges des panneaux de signalisation, distributeurs de poches plastiques pour crottes de chiens, poubelles, containers, bornes d'incendie, tuyaux de gouttière où le graffitiste traçait ses titres à la verticale. Je me persuadais petit à petit qu'il s'agissait d'un seul individu, hypothèse qui était partagée par Régis ; tous deux pensâmes en même temps à Alain Rault, ce SDF qui graffite des noms d'hommes célèbres sur les murs de Rouen. Il y avait là, à n'en pas douter, vu l'étendue des zones d'inscriptions, une manifestation d'acharnement des plus singulières qui ne relevait pas d'un simple goût du jeu maniaque. On établissait sur les murs de la ville une liste de titres d'œuvres cinématographiques qu'il fallait, semble-t-il, ne pas oublier, comme les pense-bêtes que les lycéens se tatouent dans le creux de leurs paumes.
Hubert et le chien (graffito adapté à son support, une boîte d'étuis plastifiés pour ramasser des crottes de chien), Reckless, Léon, La vengeance aux 2 visages, etc., ph.B.M., 2017.
Microbe et gas-oil, En immersion, Le sourire des femmes... Ph.B.M., 2017.
Miss Marple, Le sexe faible... Ph. B.M., 2017.
Le légionnaire, Les associés... Ph.B.M., 2017.
Etait-ce un homme atteint de troubles mentaux, d'une perte de mémoire progressant vers la dissolution, à travers la perte des connaissances, de la personnalité, comme ce qui arrive, dit-on aux schizophrènes ? Dans l'art brut, certains de ceux-ci sont connus pour leurs tentatives de dressage de listes à coloration encyclopédique : Gregory Blackstock et ses planches thématiques où il aligne en rangs d'oignons une série d'objets ou d'êtres, Arthur Bispo de Rosario et ses entassements d'objets, ses capes couvertes d'inscription, ses objets emmaillotés, Alain Rault lui-même réinscrivant sur les murs de Rouen la panoplie interminable des noms qui le fuyaient peut-être par ailleurs, tentative pathétique de raccrochage des épaves qui se détachaient sans cesse davantage de lui...
Essaye-moi (inscrit deux fois, en rouge et en blanc en dessous ; à noter qu'on rencontre souvent du tricolore dans les peintures employées)... Ph.B.M., 2017.
Par moments, certains titres faisaient signe, me disais-je. Essaye-moi, inscrit de façon insistante, ou cet autre titre à l'accent de manifeste : L'extraordinaire vie de Monsieur Tout le monde (voir ci-dessus la deuxième photo à partir du début de la note), tracé par les doigts d'un autre monsieur "Tout-le-monde" qui rêvait peut-être d'une vie justement moins ordinaire.
Sur un panneau à l'écart, un titre retenait également l'œil, d'abord parce qu'il était seul inscrit, et aussi en raison de sa catégorique déclaration aux allures de terrible conclusion : RIEN NE VA PLUS...
Ph.B.M., Douarnenez, 2017.
16:48 Publié dans Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires), Fantastique social, Fous littéraires ou écrits bruts, Graffiti, Inscriptions mémorables ou drôlatiques | Lien permanent | Commentaires (29) | Tags : graffiti, graffitiste cinéphile de douarnenez, tréboul, titres de films, cinéma, alain rault, schizophrénie, douarnenez | Imprimer
02/08/2017
Nom prédestinant et révélateur
Quand on s'appelle Rupin, on devrait davantage surveiller ses fréquentations, à moins d'une prédestination caractérisée qui vous mène à soutenir le "président des riches" (comme l'appelle le journal Politis)...
Paris, Photo Bruno Montpied, 2017.
00:29 Publié dans Noms ou lieux prédestinants | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : noms prédestinants, rupin, affiches électorales | Imprimer