31/07/2019
Après le Gazouillis (4): Les statues d'Alfonso Calleja continuent de voyager (et qui sait où elles vont atterrir désormais)...
Décidément, mon Ange des Inspirés ne veut guère m'abandonner à mon triste sort... Quelle mouche m'a piqué – sinon une piqûre administrée par l'un de ses sbires ailés –, pour que j'aille le week-end dernier aux Puces de St-Ouen, où j'avais moins envie d'aller depuis des années, à cause des prix pratiqués, du peu de chance d'y tomber sur des objets et des œuvres singulières, au rebours des Puces de Vanves où cela arrive, en revanche, plus régulièrement...?
Je traînais à l'affût dans le marché Paul Bert quand, tout à coup, avec les deux camarades qui m'accompagnaient, nous tombâmes dans un premier temps sur des statues en ciment représentant naïvement une girafe, un éléphant et un zèbre disposés à l'entrée d'un stand. Nul antiquaire pour nous renseigner à l'horizon... Ces statues me faisaient penser vaguement à des pièces venues d'un jardin de sculpteur autodidacte, du type de ceux que j'ai recensés dans mon inventaire du Gazouillis des éléphants. Je pensais vaguement à des statues animalières qui auraient pu provenir de chez Horace Diaz, en lisière de Lodève dans l'Hérault. Elles n'avaient pas de socle, détail qui avait son importance.
Nous ne nous y arrêtâmes pas longtemps et partîmes plus loin. Dans une allée plus bas, tout près du marché Serpette voisin, là, je me retrouvai nez à nez, encore avec des statues animalières, plus une statue de Peau-Rouge se tenant bien raide, une main portée à son visage en visière.
Photo Bruno Montpied, St-Ouen, 2019 ; l'éléphant placé à gauche, aux pieds du Peau-Rouge est à retrouver plus bas dans cette note, dans une photo le montrant du temps de sa splendeur...
Statues au marché Paul Bert, St-Ouen ; on remarque des inscriptions gravées dans le ciment des socles des statues, ici peut-être des hyènes (?)... On lit le nom de l'auteur, une date (1983?), et un prénom, "Sylvain" ; ph. B.M.
Cette statue-là me disait davantage que les précédentes... Et, tout à coup, j'avisai le socle, ou les socles, devrais-je préciser, car elles en étaient toutes pourvues, avec des inscriptions, d'un nom gravé dans le ciment, CALLEJA, une date par-ci par-là, un prénom également gravé, variable selon les statues, très probablement se référant à ceux des petits-enfants de l'auteur : il ne pouvait s'agir que d'Alfonso Calleja, que j'avais rencontré en 1991 ! Ouvrier de l'usine voisine de pâte à papier (la Cellulose du Pin, où il avait laissé une partie de sa santé), à Gujan-Mestras, sur le Bassin d'Arcachon, dans le jardin de sa maison appelée "Soleviento", il faisait des statues, cela me revenait, à partir de souhaits exprimés par ses petits-enfants (de 1969 à 2004). On lisait sur certains socles "Monique" ou "Sylvain"...
Alfonso Calleja, son Peau-Rouge en plein guet, un Charlot au lointain..., ph. B.M., 1991.
Chez Alfonso Calleja, vue partielle du jardin depuis le portail d'entrée ; on reconnaît l'éléphant que j'ai retrouvé ensuite au marché Paul Bert ; ph.B.M., 1991.
Alfonso Calleja, photographiés en 1991, j'avais déjà repéré sur les socles des statues d'Alfonso des prénoms gravés, ici "Nicole", et la date de 1970 ; ph. B.M.
Ces statues avaient donc passablement voyagé. Parties du jardin de l'auteur, que j'avais rencontré, et dont j'avais photographié le jardin avec ses statues en 1991 (voir certaines de ces photos reproduites dans mon Gazouillis des éléphants, à la région Aquitaine, et ci-dessus le même Peau-Rouge alors dans son état neuf...), celles que je venais de retrouver à St-Ouen, avaient d'abord transité par un autre lieu sur le Bassin d'Arcachon, au Cap-Ferret. Que l'on se reporte à cette note pas si lointaine que j'avais mise en ligne le 24-09-2018 au sujet d'une (éphémère?) sauvegarde de certaines des statues de Calleja par un monsieur Georges Schellinger, lui aussi antiquaire de son métier (d'où peut-être le lien avec Saint-Ouen)... C'était raconté par un journaliste de la Dépêche du Bassin, Jean-Baptiste Lenne, dans un numéro de 2018 (voir ci dessous la reproduction des photos du haut de l'article où l'on retrouve le fameux Peau-Rouge, toujours guettant... l'horizon, sans doute, de ses prochains voyages!...).
Sur le haut de l'article, à côté de la photo de (l'éphémère?) propriétaire de statues de Calleja, on reconnaît, sur la photo de droite, derrière un arbuste, un détail du Peau-Rouge, déjà quelque peu écaillé, et donc déjà dans l'état où je le vis à St-Ouen...
A croire cette dépêche, certaines des statues de Calleja étaient mises à l'abri pour un certain temps. Il semble bien que non, donc, en définitive... Leur départ n'a pas traîné, si l'on observe que l'article date de l'année dernière... Elles paraissent continuer à se déplacer. Et c'est étrange comme mon Ange des Inspirés a su les mettre sur ma route... Me prévenir de leur présence non loin de chez moi, comme s'il y avait aimantation...
Les musées intéressés à acquérir et sauvegarder des fragments d'environnements spontanés seraient bien inspirés d'aller voir du côté de St-Ouen...
01:19 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ange des inspirés, alfonso calleja, environnements populaires spontanés, habitants-paysagistes, sculpture naïve, art animalier, soleviento, gujan-mestras, la cellulose du pin, la dépêche du bassin, jean-baptiste lenne, georges schellinger, puces de st-ouen, horace diaz | Imprimer
24/07/2019
Pareidolies, comme s'il en pleuvait
Les pareidolies, ces projections de la mémoire qui reconnaît des visages, des corps, des objets, des expressions dans le spectacle du monde autour de soi, ne sont pas toujours aussi subjectives qu'on veut bien le dire. Car si d'autres que nous reconnaissent les mêmes identifications dans les accidents des formes naturelles ou manufacturées, c'est qu'elles ont tout de même une part de caractère concret, objectif. Et donc qu'elles ne relèvent pas tant de l'hallucination, mais plutôt d'une mémoire collective propre à une communauté de gens, qui gardent leur œil aux aguets... Sans compter qu'il existe parfois des figurations tout à fait patentes pour l'ensemble de la population mondiale sur les écorces, les surfaces des volcans, dans les nuages, sur les murs lépreux, les concrétions des grottes, le mobilier urbain, les bouches de métro, les pignons des maisons, les taches des bandes piétonnières, etc., dont Internet fait en permanence son miel, comme cette "tête à Toto" qui se dessina un jour à la surface de la lave d'un volcan...
Grimace volcanique dans un cratère de l'archipel d'Hawaï, juillet 2016.
L'ami Darnish a retrouvé des photos de 2011 prises à Rennes sur des troncs d'arbres. C'est mon prétexte pour enfiler des perles sur un collier, en en proposant quelques autres (comme je l'ai déjà fait, de-ci de-là, sur ce blog) pour leur faire cortège... D'autres photos : de moi, d'autres amis, ou venues du Net...
Photos Darnish, à Rennes, 2011.
Ceci dit, cette excroissance invraisemblable, mais authentique, captée dans le Bois de Vincennes en 2013 par Myriam Peignist, est nettement plus extraordinaire... Comme si l'arbre s'était mis à cauchemarder, possédé par un singe s'incarnant dans son écorce.
Apparition d'un colérique (marc de café au fond d'une casserole), photo Bruno Montpied, 2015.
Un livre pour la jeunesse des éditions Grandir, d'auteurs japonais qui traquent les apparitions de figures dans des bourgeons.
Photo Tadao Tominari et Toru Mogi.
Photo Tadao Tominari et Toru Mogi.
Photo Bruno Montpied, 2010, Paris 18e ardt.
Là, c'est peut-être trop beau pour être vrai, ce torse féminin "découvert" dans une cuillère de yaourt un matin... photo non référencée trouvée sur le net...
L'idole de Port-la-Nouvelle, à la jupe vorace... ph. B.M., 2014.
Transmission de pensée (algues séchées et criblées de sable), plage près de Concarneau, ph. B.M., 2014.
Visage dans un imperméable accroché à un portemanteau, Lyon, 2016, ph B.M.
Elevage d'hallucinations, plage de Saint-Malo, 2010, ph. B.M ; voilà bien un lieu idéal pour les amateurs de bord de mer et chasseurs de pareidolies, on élève avec ces brise-lames rognés par le sel et le temps des apparitions fantastiques de tous ordres, voir ci-après... : Les totems de St-Malo...
L'affligé, St-Malo, 2010, ph. B.M.
L'ébaubi, St-Malo, 2010, ph. B.M.
Le soupeseur, St-Malo, 2010, ph. B.M.
Un nez, que dis-je un nez, un roc, une péninsule..., St-Malo, 2010, ph. B.M.
Et, pour clore provisoirement cette série, cette cuvette de W-C abandonnée, humiliée, dans la rue Francœur, dans le 18e ardt parisien, 2019, ph.B.M....
00:09 Publié dans Art immédiat, Art visionnaire, Littérature jeunesse, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pareidolies, photo visionnaire, hallucinations visuelles, marc de café, bruno montpied, darnish, brise-lames de saint-malo, poésie naturelle, éditions grandir, choeur des bourgeons d'hiver | Imprimer
21/07/2019
Dictionnaire du Poignard subtil
Solitude :
"Ne plus aimer sa mère fracture radicalement l'existence. C'est comme si on vivait avec un cœur différent de celui des autres. Ne plus aimer sa mère vous laisse profondément seul au monde, vous ampute. On ressent de la honte, on connaît le dégoût. On se croit volontiers un monstre."
Jean-Pierre Sautreau, Une Croix sur l'enfance, Nouvelles sources, 2019.
(Ce récit est un salubre – et pathétique – témoignage d'un homme que ses parents ont livré, pieds et poings liés, alors qu'il était un enfant de onze ans, aux séminaires des curés de Vendée, dont les élèves des années 1960 se mettent aujourd'hui à parler, révélant outre les attouchements et autres violences intrusives criminelles, plus généralement, le système de lobotomisation des consciences, la coercition généralisée due à l'éducation et au système religieux catholiques qui ont toujours eu pour but d'abolir toute pensée individuelle critique, et par là, toute liberté ; Eric Le Blanche (voir notes précédentes), peintre muraliste autarcique de Vendée, a écrit dans une de ses lettres retrouvées qu'il "donnait son âme et son corps à Dieu". Au regard des témoignages de crimes pédophiles qui affluent depuis quelque temps, en Vendée et ailleurs, concernant les prêtres, cette phrase du pauvre Le Blanche prend aujourd'hui un sens des plus inquiétants, voire tragiques...)
15/07/2019
Les "Bricoleurs de paradis" bientôt à Loctudy pour un débat autour des arts spontanés dans le cadre de l'expo "L'Art du coquillage"
Au centre culturel situé au 29 rue de Kerandouret, à Loctudy (Finistère), sera projeté, à l'initiative de l'association des amis de Youen Durand, le 26 juillet, à 21h le film Bricoleurs de paradis (52 min.) que j'ai co-écrit avec son réalisateur Remy Ricordeau en 2011. Cette projection qui sera suivie d'un débat, je l'espère nourri, avec le public, sur la question de la création populaire, brute ou naïve, s'inscrit dans le cadre d'une exposition intitulée "L'Art du coquillage" qui se tient au manoir de Kerazan à Loctudy, du 23 juillet au 13 août, également organisée par la même association des amis de Youen Durand. On y retrouvera les tableaux de Youen Durand et une évocation des travaux en coquillage sous différentes formes, notamment dans le cadre des objets souvenirs pour touristes par exemple.
Ce dernier (1922-2005), ancien responsable de la criée du port voisin de Lesconil, a été en effet l'auteur d'un magnifique ensemble de tableaux naïfs en mosaïque de coquillages, créés entre 1957 et 2000, racontant la mer et les hommes qui en tiraient des ressources, légués ensuite à la municipalité de son village.
Youen (ou Yves) Durand, Ballet aquatique, 67 x 78 cm, 1988, collection privée, photo extraite du livre de Marie-Christine Durand, Yves Durand, L'art des coquillages.
Document fourni par l'association des amis de Youen Durand, voir leur site web.
L'association, créée pour tenter de prolonger la mémoire de Youen Durand, s'efforce chaque année de monter des expositions et autres animations pour entretenir la flamme du souvenir. Elle a été naturellement conduite à relier le travail de cet artiste amateur à celui d'autres autodidactes œuvrant, ou ayant œuvré, avec des techniques de mosaïques de coquillages comme lorsqu'elle a retrouvé quelques oeuvres du "douanier" Alexandre Duigou, qui avait créé autrefois un petit musée en étage dans la ville close de Concarneau (j'en avais parlé dans ma défunte revuette L'Art immédiat n°2 en 1995 ; Duigou y présentait des statues, des maquettes, des tableaux en mosaïque de coquillages). Ce fut l'objet de l'exposition de l'année dernière ("Youen Durand invite Alexandre Duigou, Raconte-nous les coquillages") du 6 août au 2 septembre.
*
ENFIN, PETIT RAPPEL ULTIME : deux jours avant d'aller à Loctudy, je débattrai avec le public après la projection d'un autre film que j'ai réalisé et écrit cette fois (en collaboration avec Jacques Burtin), Eric Le Blanche, l'homme qui s'enferma dans sa peinture (85 min), terminé en mars 2019. Cela se passera le 24 juillet à 20h30 à l'espace Jean Galipeau, à La Chemillardière, sur la commune de St-Mesmin (Vendée) dans le cadre de l'exposition de plusieurs travaux d'Eric Le Blanche sauvegardés par l'association Arts métiss et le département de la Vendée. Voir note précédente sur le sujet.
13:05 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : youen durand, l'art du coquillage, association des amis de youen durand, centre culturel de loctudy, lesconil, coquillages et mosaïque, alexandre duigou, eric le blanche | Imprimer
09/07/2019
Info-Miettes (34)
Jean-Louis Cerisier à l'ouest
L'ami aux cerises expose avec une certaine Emilie Collet grâce à l'association LFLF2015 au 56 Ile d'Errand 44550 Saint-Malo-de-Guersac. Du 17 Juillet au 31 Juillet. Et ce, tous les jours de 16h à 20h. Ou sur rendez-vous : 06 18 97 13 63. Qu'on se le dise. Info pour tous ceux qui iront traîner leurs guêtres par là. Le 44, c'est la Loire Atlantique, où je me suis laissé dire que Jean-Louis Cerisier, né à Châteaubriant dans le même département, habitait désormais. Retour aux sources...
Peinture récente de Cerisier...
François Monchâtre et Alain Pauzié au Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier (MANAS) de Laval
Restons dans l'Ouest. J'aurais même dû commencer par là pour un voyageur venant de l'est, et de Paris par exemple, à Laval, au musée du Vieux Château qui a ajouté à sa déjà riche collection d'art naïf tout un département consacré à l'art singulier (dont le signataire de ces lignes fait partie), va ouvrir une expo consacrée à un ancien de l'art singulier, Alain Pauzié, qui s'était fait connaître autrefois (dans les années 1990) en peignant sur des semelles de chaussure. A l'exposition "Art brut et compagnie" les animateurs de la Halle St-Pierre à Paris, qui montaient l'expo en 1995, avaient du reste trouvé très spirituel de m'exposer à côté de lui. Montpied avec les semelles... Très finement observé, vous dis-je.
"La rétrospective qui lui est consacrée présente 110 œuvres datées de 1969 à 2016. On pourra y retrouver peintures, dessins, art posté, semelles peintes, « Bons à rien », et cuirs scarifiés", nous dit le dossier de presse.
Déjà commencée depuis le mois de juin, on pourra également voir tout l'été (ou presque) une autre personnalité importante de la mouvance des grands singuliers, François Monchâtre, à qui le musée de Laval consacre une rétrospective également, en 55 oeuvres, qui va de ses premiers OPNI (Objets Peints Non Identifiés) montrés chez Iris Clert dans les années 1970, en passant par ses machines dites "automaboules" (dont la Fabuloserie a toujours montré un brillant exemple à Dicy), jusqu'à ses cohortes de "Crétins", personnages clonés redoutables.
Comme on le voit, le MANAS de Laval, qui édite désormais des "Petits MANAS illustrés", accompagnant chaque exposition-dossier, a mis les petits plats dans les grands pour cette saison estivale.
"Du Bic dans le buisson", Saint-Sever-du-Moustier
Dessin de Gabriel Evrard
Pour cette expo-là, cette fois, il faudra descendre plus au sud, vers Saint-Affrique, dans l'Aveyron, dans le charmant et discret village de St-Sever-du-Moustier où chaque été le Musée des Arts Buissonniers s'efforce d'organiser une manifestation artistique hors des chemins battus (d'où le "buisson" dans le titre de l'expo qui renvoie aussi au nom du musée).
Cette année, les responsables du lieu sont allés creuser du côté des oeuvres exécutées à coup de stylo Bic. Bonne idée. L'outil en question facile à se procurer, traîne dans les poches, disponible à tout instant pour satisfaire le besoin irrépressible de griffonnage. Plus immédiat que lui, il n'y a rien. A part le café renversé, la tache de sang, le jus des fruits ou des sèves...
La liste des artistes, dont on pourra apercevoir sans doute une oeuvre pour chacun d'entre eux, paraît alléchante et foisonnante que l'on s'en convainque en la détaillant ci-dessous. Parmi eux, je distinguerais particulièrement Kashinath Chawan, Karl Beaudelère, Janko Domsic, Guyodo...
Au Carla-Bayle (Ariège), un certain Lucien Grelaud...
Peintre et créatif varié apparemment, ce monsieur qui n'est exposé que durant cinq jours, du 10 au 15 juillet (ça commence demain donc), porte un patronyme qui pourrait faire jaser les amateurs d'aptonymes. Il serait trop facile, et surtout malveillant, en effet, de l'accuser d'être porteur des fameux grelots que l'on attribue aux bonnets des anciens fous... C'est Martine et Pierre-Louis Boudra, qui animent toujours leur petit Musée des Amoureux d'Angélique au Carla-Bayle (village d'art comme St-Paul-de-Vence, la notoriété en moinsse...) qui m'ont avisé de cette exposition (c'est eux, "l'association Gepetto"). Cela m'a l'air tout à fait alléchant.
Dimitri Pietquin et "Art Brut et apparentés, 30 ans de création franche"
Dimitri Pietquin est un quadragénaire (et non pas un "quarantenaire" comme je l'ai entendu dire dans les media à plusieurs reprises ces jours-ci, nouvelle mode idiote de journalistes illettrés sans doute) épris de véhicules, ce qui est assez fréquent parmi les pratiquants d'ateliers pour handicapés mentaux – sans doute par réminiscence d'anciens jouets manipulés durant l'enfance? –, qu'il dessine grâce, nous dit le carton d'invitation à son exposition à Bègles (du 7 juin au 1er septembre 2019), à sa "technique mixte", en tout cas souvent auréolés d'une brume comme due à une vaporisation de fixatif trop zélé... Voir le trolley figurant ci-dessous...
A Bègles, autre exposition en parallèle (du 7 juin 2019 au 5 janvier 2020), consacrée à l'anniversaire de ce qui s'appela autrefois la galerie Imago, puis le Site de la Création franche, puis enfin le Musée de la Création Franche, une aventure qui a duré trente ans déjà... Et, coïncidence aussi, on attend également en ce début de juillet (il tarde beaucoup d'ailleurs, je trouve) le n°50 de la revue du même nom dont les trente ans ne seront fêtés que l'année prochaine (le 1er numéro a paru en octobre 1990 en effet). Un certain nombre de rencontres sont prévues dans le cadre de cette expo ("Art brut et apparentés, 30 ans de création franche"), voir ci-dessous.
Rature ci-dessus parce qu'on m'a invité, en tant que "partenaire particulier", à remplacer Nico Van der Endt, indisponible, alors que le carton était déjà imprimé (eh oui, j'ai été dès le départ un soutien de la création franche, en 1989 ; à tel point que je pourrais moi aussi prétendre au qualificatif d'"historique", au même titre qu'un Bernard Chevassu, par exemple...).
13:46 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jean-louis cerisier, lflf2015, île d'errand, art naïf, art singulier, alain pauzié, manas de laval, du bic dans le buisson, arts buissonniers, saint-sever-du-moustier, gabriel evrard, guyodo, kashinath chawan, karl beaudelère, françois monchâtre, création franche, dimitri pietquin, 30 ans de création franche | Imprimer
05/07/2019
Antonio Ligabue, proposé par le museum Im Lagerhaus à St-Gall comme un "Van Gogh suisse"
Antonio Ligabue, ce peintre autodidacte, présenté depuis belle lurette comme un Naïf ou un Expressionniste spontané italien par divers commentateurs (Zavattini en Italie, José Pierre ou Jakovsky en France), qui vécut entre 1899 et 1965, est né, on le sait peu, à Zürich, et a passé sa jeunesse en Suisse dans différentes régions, dont l'Appenzell, jusqu'à ses 19 ans, âge auquel il fut expulsé de Suisse vers l'Italie – où il dut se résoudre à vivre, en dépit d'une nostalgie de son pays de jeunesse qui le poussa quelquefois à des velléités de retour, bien vite réprimées par les carabiniers...
Ligabue, c'est le Douanier Rousseau qui aurait lâché les fauves dans ses jungles.
"Antonio Ligabue, le Van Gogh suisse"...
Ayant vécu la majeure partie de sa vie en Italie, et ayant des parents tous deux originaires de ce pays, l'attribution de la nationalité italienne est généralement conférée au peintre... Le musée Im Lagerhaus ("L'entrepôt"), à St-Gall, spécialisé dans l'art brut et naïf de Suisse orientale, lui consacre une exposition du 2 avril au 8 septembre 2019 pour souligner qu'en fait on pourrait tout autant attribuer une imprégnation culturelle suisse à Ligabue, histoire en quelque sorte de réparer ce que le musée considère comme une injustice commise par le pays à l'égard de cet artiste sauvage étonnant, à la vie terrible... Pour comprendre les tenants et aboutissants de cette tentative de réparation, il faut plonger quelque peu dans la biographie d'Antonio Ligabue...
Violence des luttes prédatrices... Un des nombreux tableaux de luttes ou de menaces bestiales de Ligabue.
Antonio Ligabue, renard fuyant avec son butin...
Sa mère, Elisabetta Costa était une émigrante, donc, originaire d'Italie (précisément la province de Belluno) ainsi que, semble-t-il, son père, sur lequel sa biographie ne peut donner de renseignement bien précis. Il y a beaucoup de mystère autour de celui-ci... On sait seulement que sa mère épousa deux ans après la naissance d'Antonio, et un an après que ce dernier avait été confié à des parents adoptifs d'origine allemande (Ligabue gardera du coup toute sa vie l'allemand comme langue maternelle...), un Italien, Bonfiglio Laccabue, qui légitima l'enfant, sans que l'on sache s'il était son vrai père biologique ou seulement un beau-père. Ce Laccabue était originaire de Gualtieri, ville proche de Reggio-Emilia. C'est à partir de ce patronyme qu'Antonio changera son nom, au départ celui de sa mère, Costa, en adoptant Ligabue, dérivatif de Laccabue. Le musée Im Lagerhaus souligne que le petit Antonio ne rencontra cependant jamais ce père (il fut remis à ses parents adoptifs après ses neuf premiers mois), qu'il n'avait pas reçu la nationalité suisse et que donc il était officiellement domicilié à Gualtieri, la ville de l'homme qui l'avait reconnu...
Un des nombreux autoportraits d'Antonio Ligabue.
Comme si ces rapports troublés avec ses parents biologiques ne suffisaient pas, le jeune Antonio entama avec sa mère adoptive, Elise Hanselmann, une relation d'amour/haine particulièrement étrange (à se demander s'il n'y eut pas une relation "symboliquement incestueuse" sous-jacente ?). Il semble, de plus, qu'Antonio ait développé des difficultés relationnelles avec ses semblables assez tôt, puisque, à son adolescence, il est admis dans un institut pour handicapés dont il sera expulsé trois à quatre ans plus tard, en raison de "mauvais comportements" (sa biographie précise qu'on lui avait reconnu parallèlement une certaine habileté dans le dessin). A la suite d'une crise violente contre sa mère adoptive (crise passionnelle?), il est interné quatre mois. De façon intermittente, il tente d'exercer le métier d'agriculteur, et mène une vie errante. Durant ces vagabondages, on pense qu'il fut peut-être amené à rencontrer certains peintres naïfs ambulants de l'Appenzell. Sa biographie n'est pas diserte là-dessus, mais on peut penser qu'il est fait allusion ici à cette "école" de peinture spécialisée dans les "poyas", ces peintures d'alpage montrant des cortèges de bovins serpentant dans la montagne au moment de l'estive (dont j'ai parlé dans le passé sur ce blog).
En 1919, une nouvelle crise de violence à l'égard de sa mère adoptive pousse cette dernière à porter plainte contre lui. Il semble qu'elle n'ait pas mesuré la portée de cet acte. La Suisse l'expulse du pays en estimant qu'il n'a qu'à revenir au fameux bourg de Gualtieri. Il va tenter d'y vivre malgré son désir de retourner en Suisse vers sa mère adoptive (il a 20 ans), avec un statut d'étranger parmi les autochtones, de même souche que lui pourtant. Toute sa vie, il gardera l'accent allemand, et conservera la langue du reste (ce qui l'amènera pendant la guerre à servir d'interprète à l'armée allemande ; cela ne lui portera pas bonheur puisqu'il aura une altercation avec un soldat qui le mènera à se faire interner un moment, une fois de plus). Cela ne l'aide pas à trouver du travail. La municipalité lui apporte un peu de secours, certains habitants lui font la charité, sa mère lui envoie quelques subsides. Il vit de petits boulots occasionnels, et continue à errer le long du Pô, et dans les bois. Il reste un "Autre" partout où il va, étranger en Suisse comme en Italie. Il se met à peindre avec plus d'assiduité à la fin des années 1920, à sculpter l'argile aussi. Certains artistes s'intéressent à lui et le soutiennent. Des périodes d'internement psychiatrique à Reggio-Emilia se suivent régulièrement. Entre temps, sa notoriété en tant que peintre a grandi. Il reçoit des prix, on tourne des documentaires sur lui (voir ci-dessous) il gagne de l'argent, il peut donner libre cours à sa passion des motos, il a un chauffeur et une voiture... Il expose à Rome, il devient une gloire nationale, et s'éteint en 1965.
Film de Raffaele Andreassi, 1962 (23 min.).
Sa peinture représente souvent des bêtes tous crocs dehors, la gueule ouverte exagérément soulignée, leurs yeux dilatés, comme s'il fallait faire peur aux spectateurs, souligner la peur que ces spectacles inspirent, souligner la force bestiale de prédateur de ces animaux si terriblement concentrés dans leurs actes de prédation... Ligabue s'est fait photographier et filmer en train de se mesurer à ces gueules ouvertes, en imitant leurs postures, comme s'il fallait qu'en les singeant il puisse s'incorporer la signification, le sens de leurs actes, et un peu de leur "âme". La violence et la force brute des animaux devait puissamment faire écho en lui, étant donné qu'il avait lui-même éprouvé à plusieurs reprises dans sa vie des élans d'agressivité.
Antonio Ligabue, photographe non identifié.
Dans le film d'Andreassi ci-dessus, on le voit errer, un miroir autour du cou (on pense au miroir de l'Indonésienne Ni Tanjung), sur les rives marécageuses du Pô, poussant des cris d'oiseaux sauvages, regardant son visage dans le miroir pour voir s'il se rapproche de l'aspect des gueules ouvertes des bêtes qu'il tente d'imiter, pour ensuite peut-être mieux les représenter. Il y avait du chaman en lui...
Antonio Ligabue, Le grand jaguar.
01:33 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : antonio ligabue, art naïf, art immédiat, peintres autodidactes, expressionnisme naïf, van gogh suisse ou italien?, musée im lagerhaus, gualtieri, errances, prédateurs, violence, raffaele andreassi, laccabue, peintres de l'appenzell | Imprimer
02/07/2019
Rappel: l'exposition Eric Le Blanche commence le 4 juillet...
Petit rappel pour les amateurs intéressés à en savoir plus de visu sur Eric Le Blanche, cet artiste autarcique, replié sur lui-même, schizophrène, dont je défends la mémoire et la projection picturale sur les murs extérieurs, et surtout intérieurs de sa maison, vécue comme un cocon, une seconde peau, maternelle, familiale, à Vouvant, en Vendée (maison aujourd'hui remodelée, aux décors effacés): une exposition à l'Espace Jean Galipeau ouvre ce jeudi 4 juillet (jour de vernissage, débutant à 18h30, discussion sur l'oeuvre et l'art brut à 20h30 en ma présence et celle de Jacques Burtin, ainsi que des membres de l'association Arts métiss organisateurs de la manifestation). On pourra y découvrir un certain nombre de portes peintes recto-verso, prêtées par le service du patrimoine culturel de la Vendée (qui a acheté une vingtaine de portes et volets peints), des photos des fresques à l'intérieur de la maison (dont certaines prises par votre serviteur), des nombreux dessins sur papier et carton, divers documents... L'exposition dure jusqu'au 1er septembre.
Vue partielle de l'expo en cour de montage à l'Espace Jean Galipeau, ph. Laurent Pacheteau ; on discerne de gauche à droite, une photo d'un profil peint sur la façade sur rue, puis, en dessous, le bas-relief des "fées" (photo d'Elizabeth Hours) qui était sur cette même façade, deux autres photos des dessins sur la façade sur rue, et de la façade sur jardin avec le cartouche où ELB avait écrit "Villa Palatine", pour intituler sa maison, des photos montrant les visages d'ELB et de sa mère Jeanne Lagaye, des photos de l'intérieur de la maison, une fresque au plafond et la manteau de fourrure qu'aimait porter à l'occasion ELB dans les rues de Vouvant, enfin une photo prise avant la dispersion des meubles en 2017 où l'on voit un détail d'une toile de l'oncle d'ELB, le peintre Rousseau Decelle, placée devant une pile de dessins A4 ; on a positionné également à côté de cet ensemble de photos une toile de Rousseau Decelle représentant sous les traits d'une baigneuse la mère d'ELB, Jeanne posant pour son beau-frère peintre.
Autre vue de l'expo en cours de montage: on aperçoit ainsi au premier plan deux portes avec un côté seulement de leurs peintures, et au second plan une autre porte montrant une forme fantomatique du genre monstre qui était la porte de la cuisine donnant sur le jardin ; par ailleurs les membres d'Arts métiss ont également accroché au mur plusieurs dessins, présentés tantôt sous-verre (sans luxe superflu), tantôt nus, parfois même se chevauchant, afin de tenter de restituer la présentation d'origine voulue par ELB, qui, quant à lui, ne se souciait nullement d'exposer devant un public autre que lui-même ; le mettre en scène aujourd'hui d'une manière académique avec cadres, éclairage ad hoc, comme on expose des artistes patentés, est à mon sens un début de trahison par rapport à la manière d'ELB de vivre son art, très quotidienne, fondue avec sa vie. Arts métiss a bien été obligée, dans son projet de montrer ces extraits de l'oeuvre en trois dimensions, oeuvre en perpétuelle métamorphose, très inscrite dans une temporalité, d'opérer une "trahison". Elle l'a fait, semble-t-il, en essayant de trahir le moins possible... C'est pourquoi des films, dont celui que j'ai réalisé en compagnie de Jacques Burtin, Eric Le Blanche, l'homme qui s'enferma dans sa peinture, ainsi qu'un extrait de ce dernier (la traversée de la maison en un long plan-séquence), seront projetés durant l'exposition, celui que je viens de citer devant être projeté le jeudi 24 juillet à 20h30, toujours à l'espace Jean Galipeau.
Attention, il est indiqué sur le flyer et dans les coupures de presse parues sur l'expo que l'Espace Galipeau se situe à St-Mesmin. Cela se situe plus précisément sur la commune de St-Mesmin. En réalité l'Espace, qui est une grange aménagée, jouxtant la crêperie "Chez Chmi", est dans le hameau de La Chemillardière. Voir les cartes ci-dessous. Je dis cela évidemment pour les amateurs qui ne seraient pas du coin...
La région où se situe l'exposition, en dessous de Cholet, la Vendée.
La situation du hameau de La Chemillardière avec son Espace Jean Galipeau, placé au nord-ouest du bourg de St-Mesmin.
Article dans Ouest-France, illustré par une photo de dessins d'Eric Le Blanche. Merci à Laurent Pacheteau pour la communication de cet article.
Paru dans le dernier numéro d'Artension (le n°156 de juillet-août 2019), cet encart, dû à votre serviteur, Bruno Montpied, à l'intérieur d'un article plus général sur la dimension immobilière des habitants-paysagistes naïfs ou bruts, "Fantaisies immobilières au pays des habitants-paysagistes", inséré lui-même dans un dossier sur les "Maisons de rêve".
10:47 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art visionnaire, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, Hommages | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : éric le blanche, association arts métiss, espace jean galipeau, la chemillardière, st-mesmin, vendée, vouvant, villa palatine, éric le blanche l'homme qui s'enferma dans sa peinture, bruno montpied, muralisme spontané, artension n°156, les maisons de rêve | Imprimer