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09/07/2019

Info-Miettes (34)

Jean-Louis Cerisier à l'ouest

     L'ami aux cerises expose avec une certaine Emilie Collet grâce à l'association LFLF2015 au 56 Ile d'Errand 44550 Saint-Malo-de-Guersac. Du 17 Juillet au 31 Juillet. Et ce, tous les jours de 16h à 20h. Ou sur rendez-vous : 06 18 97 13 63. Qu'on se le dise. Info pour tous ceux qui iront traîner leurs guêtres par là. Le 44, c'est la Loire Atlantique, où je me suis laissé dire que Jean-Louis Cerisier, né à Châteaubriant dans le même département, habitait désormais. Retour aux sources...

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Peinture récente de Cerisier...

 

François Monchâtre et Alain Pauzié au Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier (MANAS) de Laval

     Restons dans l'Ouest. J'aurais même dû commencer par là pour un voyageur venant de l'est, et de Paris par exemple, à Laval, au musée du Vieux Château qui a ajouté à sa déjà riche collection d'art naïf tout un département consacré à l'art singulier (dont le signataire de ces lignes fait partie), va ouvrir une expo consacrée à un ancien de l'art singulier, Alain Pauzié, qui s'était fait connaître autrefois (dans les années 1990) en peignant sur des semelles de chaussure. A l'exposition "Art brut et compagnie" les animateurs de la Halle St-Pierre à Paris, qui montaient l'expo en 1995, avaient du reste trouvé très spirituel de m'exposer à côté de lui. Montpied avec les semelles... Très finement observé, vous dis-je.

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      "La rétrospective qui lui est consacrée présente 110 œuvres datées de 1969 à 2016. On pourra y retrouver peintures, dessins, art posté, semelles peintes, « Bons à rien », et cuirs scarifiés", nous dit le dossier de presse.

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       Déjà commencée depuis le mois de juin, on pourra également voir tout l'été (ou presque) une autre personnalité importante de la mouvance des grands singuliers, François Monchâtre, à qui le musée de Laval consacre une rétrospective également, en 55 oeuvres, qui va de ses premiers OPNI (Objets Peints Non Identifiés) montrés chez Iris Clert dans les années 1970, en passant par ses machines dites "automaboules" (dont la Fabuloserie a toujours montré un brillant exemple à Dicy), jusqu'à ses cohortes de "Crétins", personnages clonés redoutables.

         Comme on le voit, le MANAS de Laval, qui édite désormais des "Petits MANAS illustrés", accompagnant chaque exposition-dossier, a mis les petits plats dans les grands pour cette saison estivale. 

 

"Du Bic dans le buisson", Saint-Sever-du-Moustier

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Dessin de Gabriel Evrard

     Pour cette expo-là, cette fois, il faudra descendre plus au sud, vers Saint-Affrique, dans l'Aveyron, dans le charmant et discret village de St-Sever-du-Moustier où chaque été le Musée des Arts Buissonniers s'efforce d'organiser une manifestation artistique hors des chemins battus (d'où le "buisson" dans le titre de l'expo qui renvoie aussi au nom du musée).jean-louis cerisier,lflf2015,île d'errand,art naïf,art singulier,alain pauzié,manas de laval 

      Cette année, les responsables du lieu sont allés creuser du côté des oeuvres exécutées à coup de stylo Bic. Bonne idée. L'outil en question facile à se procurer,  traîne dans les poches, disponible à tout instant pour satisfaire le besoin irrépressible de griffonnage. Plus immédiat que lui, il n'y a rien. A part le café renversé, la tache de sang, le jus des fruits ou des sèves...

   La liste des artistes, dont on pourra apercevoir sans doute une oeuvre pour chacun d'entre eux, paraît alléchante et foisonnante que l'on s'en convainque en la détaillant ci-dessous. Parmi eux, je distinguerais particulièrement Kashinath Chawan, Karl Beaudelère, Janko Domsic, Guyodo...

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Au Carla-Bayle (Ariège), un certain Lucien Grelaud...

     Peintre et créatif varié apparemment, ce monsieur qui n'est exposé que durant cinq jours, du 10 au 15 juillet (ça commence demain donc), porte un patronyme qui pourrait faire jaser les amateurs d'aptonymes. Il serait trop facile, et surtout malveillant, en effet, de l'accuser d'être porteur des fameux grelots que l'on attribue aux bonnets des anciens fous... C'est Martine et Pierre-Louis Boudra, qui animent toujours leur petit Musée des Amoureux d'Angélique au Carla-Bayle (village d'art comme St-Paul-de-Vence, la notoriété en moinsse...) qui m'ont avisé de cette exposition (c'est eux, "l'association Gepetto"). Cela m'a l'air tout à fait alléchant.

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 Dimitri Pietquin et "Art Brut et apparentés, 30 ans de création franche"

      Dimitri Pietquin est un quadragénaire (et non pas un "quarantenaire" comme je l'ai entendu dire dans les media à plusieurs reprises ces jours-ci, nouvelle mode idiote de journalistes illettrés sans doute) épris de véhicules, ce qui est assez fréquent parmi les pratiquants d'ateliers pour handicapés mentaux – sans doute par réminiscence d'anciens jouets manipulés durant l'enfance? –, qu'il dessine grâce, nous dit le carton d'invitation à son exposition à Bègles (du 7 juin au 1er septembre 2019), à sa "technique mixte", en tout cas souvent auréolés d'une brume comme due à une vaporisation de fixatif trop zélé... Voir le trolley figurant ci-dessous...

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      A Bègles, autre exposition en parallèle (du 7 juin 2019 au 5 janvier 2020), consacrée à l'anniversaire de ce qui s'appela autrefois la galerie Imago, puis le Site de la Création franche, puis enfin le Musée de la Création Franche, une aventure qui a duré trente ans déjà... Et, coïncidence aussi, on attend également en ce début de juillet (il tarde beaucoup d'ailleurs, je trouve) le n°50 de la revue du même nom dont les trente ans ne seront fêtés que l'année prochaine (le 1er numéro a paru en octobre 1990 en effet). Un certain nombre de rencontres sont prévues dans le cadre de cette expo ("Art brut et apparentés, 30 ans de création franche"), voir ci-dessous.

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Rature ci-dessus parce qu'on m'a invité, en tant que "partenaire particulier", à remplacer Nico Van der Endt, indisponible, alors que le carton était déjà imprimé (eh oui, j'ai été dès le départ un soutien de la création franche, en 1989 ; à tel point que je pourrais moi aussi prétendre au qualificatif d'"historique", au même titre qu'un Bernard Chevassu, par exemple...).

22/02/2019

Jacques Trovic s'en est allé sur la pointe des pieds...

A Priscille Coulaud

 

     Une de mes lectrices m'a aiguillonné il y a peu de temps pour que je signale la disparition, le 27 octobre 2018, de ce grand peintre naïvo-brut qui s'appelle Jacques Trovic. Et elle a bien raison.

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Jacques Trovic, "Le Cordonnier" (inscription à l'envers, puisqu'on est à l'intérieur de l'échoppe et que le mot est gravé dans le bon sens de l'autre côté de la vitre, pour être lu par les clients à l'extérieur), 1963, ph. Bruno Montpied, 2009.

 

    Je traînais les pieds... Surtout pour cette raison que je ne tiens pas toujours à me spécialiser dans les nécrologies. Le Poignard n'est pas forcément à tout coup un bulletin d'actualités des arts spontanés, j'aimerais parfois qu'il se contente d'être comme une abeille qui butine ici ou là du côté de la poétique de tous les jours...

    J'ai déjà parlé, dans le temps, de Trovic que j'avais rencontré (ce fut la seule fois) en compagnie de Jean-Louis et Juliette Cerisier, en 2009, lorsqu'il habitait encore à Anzin, cette commune proche de Valenciennes, où il faisait, ce jour-là, un temps à ne pas mettre un canard dehors (c'est Brel qui chante, je crois, que par là-bas, de temps  à autre, même les canards se pendent...).

 

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Anzin en 2009, au 486 rue Jean-Jaurès... Ph. B. M., 2009.

 

   C'était un bon bonhomme, gourmand et bon vivant, gentil comme tout. Il brodait, tricotait des tableaux en tapisserie-patchworks (voir ci-contre une de ses aiguilles) qui racontaient la vie et les souvenirs d'autrefois du pays du Nord, des mines... jacuqes trovic,art naïf,art brut,la pommeraieEn restituant une vision familière, primesautière, cordiale, des gens qu'il côtoya durant la majorité de ses soixante-dix années de vie, en montrant bien tout l'amour qu'il leur portait, à leur us et coutumes, à leur alimentation.... Parfois son évocation des pays, comme dans la tapisserie ci-dessous consacrée à la Fabuloserie (et à la Bourgogne), servait en effet aussi de prétexte à l'évocation marginale, qu'on devinait pâmée, par Trovic des produits locaux, le fromage de Chaource (qui est en Champagne dans l'ancienne Bourgogne), le vin bien sûr, la moutarde de Dijon, le pain d'épices, les escargots, la crème de Cassis, bref, toute une série de délices qui constituent les accessibles plaisirs de la vie...

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Sur ce patchwork, tenu par Jean-Louis Cerisier, consacré à la Fabulsoerie de Dicy, je me demande si ce n'était pas un moyen pour Trovic d'évoquer les deux fondateurs de cette collection fabuleuse, à savoir Alain, à gauche avec un grand chapeau, et Caroline Bourbonnais à droite, en costume folklorique ? Ph. B.M., 2009.

 

   Il fit de nombreuses expositions, tout à tour dans des manifestations d'art naïf ou d'art singulier. Je ne crois pas qu'il fut intégré à l'art brut proprement dit, mais plutôt dans les collections annexes, dites de la Neuve Invention. L'art modeste pouvait le faire sien à l'occasion, comme lorsqu'il lui fut consacré un bel hommage, au sein de l'exposition "Sur le Fil", sur un ensemble de créateurs textiles à la Folie Wazemmes à Lille en 2009. Et comme la Fabuloserie s'est sans doute intéressée  à lui, il pouvait également entrer sous l'étiquette d'"art hors-les-normes"...

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Jacques Trovic, une majorette, tableau en mosaïque, années 1970, ph. B.M., 2009.

     Dans la dernière partie de sa vie, ne pouvant continuer à vivre seul à Anzin, après avoir perdu sa sœur qui était comme une deuxième mère pour lui, il fut recueilli par le Centre de La Pommeraie animé par Bruno Gérard en Belgique, près de la frontière. Nul doute qu'il y fut bien accueilli et protégé.

     Jacques Trovic va manquer dans le paysage, c'est bien certain.

26/04/2017

Jacques Reumeau et ses amis, une exposition à Laval, terre dont Reumeau ne paraît pouvoir s'échapper...?

      Ce fut le titre de l'expo montée récemment (du 1er au 16 avril derniers, une trop courte quinzaine de jours...) au musée de la Perrine, que je n'ai pu voir, mais dont je possède le catalogue, friand que je suis de recueillir le maximum d'informations supplémentaires sur ce personnage, ancienne figure lavalloise de l'art singulier et visionnaire qui a marqué de nombreux autres artistes de la même région. Ce sont du reste certains d'entre eux qui, au sein de l'association CNS 53 ("Création Naïve et Singulière en Mayenne"), dont j'ai déjà eu l'occasion à maintes reprises de parler ici (de même que de Reumeau), ont organisé l'exposition et édité le catalogue, au premier rang desquels Jean-Luc Mady et Marc Girard.

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Jacques Reumeau, Naissance du singe (pour Reumeau, le singe était-il donc ovipare?), 75x100cm, MANAS de Laval ; Reumeau allait observer les primates au petit zoo du Jardin de la Perrine à Laval... Sa peinture reflète, par une de ses séries, cette passion pour les singes.

 

      Il semble que ce projet  au musée de la Perrine fut surtout l'occasion de confronter la peinture de certains de ses amis ou connaissances à celle de Reumeau. C'est du moins l'impression que je retire en parcourant le catalogue. On y découvre, entre autres,  les œuvres curieuses de Barbâtre ou celles, plus naïves-véristes, de Philippe Le Gouaille, qui fut l'instituteur du jeune Reumeau, et qui, à ce titre, exerça une influence non négligeable sur sa vocation ultérieure de peintre, si l'on suit les confidences du peintre Barbâtre dans le catalogue. Ce Le Gouaille est parfaitement inconnu, et possède pourtant, semble-t-il, une œuvre forte, proche par son style de celle d'un Jean Eve par exemple.

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Jacques Reumeau, Le monde fantastique des oiseaux, 75x100cm, MANAS de Laval ; Reumeau eut envie, à un moment, de composer des paysages en quelque sorte habités par ses visions ; ce mixage entre réalité visuelle et fantasmes visionnaires était une piste originale, mais Reumeau alla-t-il assez loin dans ce domaine? Il est permis d'en douter si l'on regarde les exemples procurés dans le catalogue cité ci-dessus...

 

      Qu'il est mystérieux pour moi de constater à quel point l'aura de Jacques Reumeau n'a toujours pas dépassé le cercle de la Mayenne. Hormis quelques rares expos en dehors de cette zone (La Baule, Angers, voire une galerie parisienne sur l'île St-Louis...), l'activité de Reumeau se cantonna à Laval où il prit, on l'a dit suffisamment souvent, une dimension de figure locale. L'aspect hétéroclite de sa production est probablement cause de l'étroitesse géographique de sa réception... Et, de plus, aujourd'hui, ses œuvres ne tournent pas, puisque la majorité d'entre elles se trouvent conservées dans les réserves du Musée d'Art Naïf et d'Arts Snguliers de Laval (le MANAS), d'où elles sortent rarement pour voyager loin de la Mayenne. Ses amis n'ont-ils pas tendance, aussi, à le cantonner à sa région, comme si cette dernière était une île culturelle...?

*

     Par ailleurs, son ami, le peintre et critique Jean-Louis Cerisier nous a récemment confié un nouveau texte, publié aussi sur le site web Tiens, etc., de Jean-Claude Leroy, où il pointe, entre autres, les liens unissant Reumeau au thème de l'animalité...

 

Jacques Reumeau

Le paysage, le corps, l’animal

  

          Le peintre Jacques Reumeau sera passé comme une comète dans l’univers de la création inspirée autodidacte. Né en 1949, il n’aura vécu que 38 ans. Pourtant, il aura eu le temps de produire dans une sorte de fièvre créatrice une œuvre imposante, souvent dérangeante, puissante, parfois cruelle, parfois désespérée, malicieuse même à certains moments.

          Jacques a œuvré dans un état de possession. On comprend qu’il fut si sensible à l’environnement rural mayennais où les pratiques de sorcellerie et de magie noire avec ses guérisseurs et ses rebouteux étaient encore présentes dans les modes de pensée et de vie de l’époque. Le peintre était fasciné par les forces contraires. Il manifestait ce penchant dans ses recherches et ses choix de lecture à la bibliothèque municipale où je le côtoyais. Il arborait une apparence sombre dans son expression, son allure, sa silhouette, sa tenue vestimentaire.

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Jacques Reumeau en compagnie de Jean-Louis Cerisier, photo tirée d'un film Super 8 de 1987 (que pour la petite histoire j'ai aidé à rendre possible, à ce que je crois me souvenir, en prêtant une caméra Super 8).

 

          Cet univers obscur peuplait surtout ses œuvres, leur conférant un aspect mystérieux et inquiétant. Les paysages, traités à la sanguine noire, plus rarement délavés, sont perçus comme des lieux habités par des esprits, sinon hantés. Les esprits malins, la malice, le maléfice, le mal, ne sont jamais loin. Domine le noir, cette non-couleur dans laquelle s’affichait le peintre quand lui-même hantait les rues de Laval de sa démarche nerveuse, pressée, à l’affût d’on ne sait quelle force souterraine.

          Le peintre a bien perçu les caractéristiques du paysage mayennais avec son bocage dense, ses arbres resserrés formant des barrières végétales, ses successions d’espaces circonscrits. La perception du paysage par Reumeau est pourtant plus qu’une affaire de regard. Elle est de l’ordre de la vision.

          Œuvrant pendant 20 ans à peine, il aura mené sa carrière artistique de manière endiablée, s’y consacrant corps et âme, quand les tourments de son corps et de son âme justement lui laissaient quelque répit. Car il lui fallait composer avec cela aussi : un corps en souffrance ou en attente, rarement détendu, un esprit en désordre et un cœur qui saignait des plaies de son âme et de ses manques affectifs. Le corps et l’âme enlacés comme une double chaîne de vie et de mort.

          Reumeau était habité par une fièvre comparable à celle d’un héros dostoïevskien, tel Raskolnikov, insomniaque, agité en proie à d’insolubles conflits pour finir par se résoudre à une recherche de rédemption. Reumeau ne pouvait pas faire autrement que de pousser jusqu’au déraisonnable les limites de l’excès, excès de boisson et de tabac, excès d’insomnies, excès de violence, j’en passe… pour finir par chercher le chemin improbable d’une aurore fuyante.

          Le corps souffrant, éprouvé, l’esprit fiévreux, Reumeau s’en servait aussi de gisement, à l’image de ces Carrières de l’âme, titre du recueil de poèmes de son ami Gérard Bodinier, publié en 1976, illustré par le peintre. Le corps est omniprésent, d’abord symbolique dans les premières représentations prenant l’aspect de divinités, puis celui de petits personnages, de diablotins s’agitant sur des échelles, tels des fourmis au service de l’âtre de Lucifer. Ces personnages butinent littéralement le paysage pour en extraire la sève féconde. Enfin le corps métamorphique, kafkaïen, ayant fait exploser le schéma corporel se trouve réduit à ses viscères munis d’un œil, d’une bouche et d’un cloaque.

           Une autre constante habite l’œuvre de l’artiste, celle de l’animalité. Qui a à voir d’ailleurs avec le corps. Car dans sa démarche de démembrement du corps humain, Reumeau ne cherchait-il pas à se libérer de cet encombrant humain, le réduisant à l’envi à l’état d’homoncule ou de mandragore, pour aller plus avant encore vers la primitivité, la source de lui-même afin de débusquer la bête qui s’était installée en lui, à son corps défendant dans l’inconscient d’une enfance tourmentée. Les blessures avaient fait de lui un animal traqué. La bête qui précède l’homme, la poursuivre en la représentant, n’était-ce pas mettre en lumière tous les manques affectifs de sa jeunesse.

          Ce corps réduit, cette bête traquée, ces paysages hantés vont pourtant livrer bataille… jusqu’au bout. En la personne du peintre  qui, bien que sevré de médicaments, n’abdiquera pas. Parsèment les œuvres de la dernière période de Reumeau des couteaux, des coups, des membres arrachés, du sang, le combat tribal, le retour à l’origine de la vie et du monde, celui-là même qui depuis la nuit des temps lutte pour sa survie. La vie, celle-là même née de l’informe, des formes incertaines, de l’organique. Reumeau, défiant l’abattement qui le guettait, a réussi par son art à donner une forme à son désarroi et à ses visions.

 

Jean-Louis Cerisier, 2016.

23/12/2016

Jean-Louis Cerisier et ses "contrées intermédiaires, 1972-2016", un bel ouvrage pour les fêtes

     Le peintre Jean-Louis Cerisier, dont j'ai déjà eu ici de nombreuses occasions de parler, publie en cette fin d'année une monographie sur son œuvre qu'il envisage rétrospectivement. Titre complet : Jean-Louis Cerisier, contrées intermédiaires. Dessins, peintures et compositions, 1972-2016. C'est le deuxième titre de la collection Les Cahiers de la Création Naïve et Singulière que dirige par ailleurs le même Cerisier ("charité bien ordonnée, etc."..!). On se souviendra peut-être que j'avais chroniqué, sur ce même blog, le n°1, consacré à Serge Paillard, le visionnaire des pommes de terre.

Contrées intermédiaires, 1ère et 4e de couverture (2).jpg

Le livre sur Jean-Louis Cerisier, ph. Bruno Montpied, 2016.

      Il a demandé quelques contributions à des auteurs extérieurs (Gérard Sendrey - qui signe là un de ses meilleurs textes, j'ai trouvé – votre serviteur, Bruno Montpied (texte intitulé Un Cerisier parmi mes talismans), et des notices, analysant certains tableaux, dues à Françoise Limouzy).

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Jean-Louis Cerisier, Imaginaires Le rêve, huile sur panneau de bois, 39x49 cm, 1983, coll. ville de Laval ; cette peinture n'est pas reproduite dans le livre Contrées intermédiaires.

 

     Dans mon texte, je confesse vers la fin que  l'œuvre de Jean-Louis Cerisier me ravit surtout lorsqu'elle s'applique à générer une atmosphère onirique au sein d'une représentation en apparence réaliste (exemple le tableau ci-dessus), mais que cette opération reste "intermittente"... Le mot, je le sais, a chiffonné le peintre qui a tout de même accepté de publier le texte. D'après lui, la "majorité de son œuvre est onirique"... Et, effectivement, à parcourir l'iconographie choisie pour cette monographie, il semble que l'artiste mayennais a tout fait pour me faire mentir, en sélectionnant ses pièces avec soin du côté de l'imaginaire et du mystère. Il faut dire que pour les commentateurs extérieurs, même ceux qui ont approché, comme moi, régulièrement l'œuvre (je crois bien avoir été un des tout premiers à l'avoir défendue, dès 1992, dans un entrefilet de Création Franche n°5, puis en 1994, dans mon  fanzine L'Art immédiat n°1 (dont tous les textes dataient en réalité de 1990), références bibliographiques que je dois déplorer, cela dit, de ne  pas voir indiquées dans la bibliographie finale de l'ouvrage), il a toujours été difficile de s'en faire une idée exacte, des pans entiers en restant secrets. Comment, dans ces conditions, M. Cerisier, espérer que vos exégètes pourront être parfaitement documentés afin de fonder au mieux leurs analyses?

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Bon de commande de l'ouvrage, ci-dessus en JPEG, ce qui ne le rend pas très lisible mais permet de voir à quoi ça ressemble.... On veillera donc à l'imprimer plutôt au format PDF, comme je le propose ici même en suivant ce lien.

 

      Personnellement, je me suis posé la question d'une possible intermittence à l'onirisme, suite aux deux expositions que nous fîmes ensemble, au musée de la Création franche en 2011 et au Manoir des Renaudières à Carquefou en 2015. J'y vis une tendance de l'artiste à s'essayer à des "compositions" un peu trop formalistes et gratuites, comme si l'auteur se mirait en elles dans une certaine pose artiste (voir ci-dessous La Grande Côte), voire à des scènes sans grande saveur (une série de maisons simples par exemple exposée à Carquefou). Ce livre évite ce genre d'œuvres, (hormis quelques-unes, les plus réussies dans le genre), et donne donc en apparence tort à ma remarque...

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J-L. Cerisier, La Grande Côte, expo au musée de la Création franche, ph. B.M. (non reproduit dans Contrées intermédiaires).

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J-L. Cerisier, L'escalier et la fenêtre, tempera, 28,5x20cm, 2008, coll. de l'artiste ; extrait du livre Contrées intermédiaires, exemple de tableau où le cadrage est particulièrement étudié.

 

     L'ouvrage (de 112 pages) est illustré de 85 reproductions couleur, choisies en fonction des époques, et des différentes techniques, (gouache, grattage, ardoises, collage, etc.), "compositions", ou  marottes (Cerisier aime découper certains de ces tableaux, le cadrage jouant un grand rôle dans son travail - influence que l'on pourrait  imputer, au début de l'œuvre cerisiéenne, à son admiration pour le grand peintre "naïf" (ou réaliste poétique?) Jules Lefranc, qui par ailleurs fut à l'origine du musée d'art naïf du Vieux-Château, à Laval, ville où Jean-Louis Cerisier a grandi).

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J-L. Cerisier, Le petit déjeuner, stylo sur papier, 23x30,5 cm, 1984, ph. et coll. B.M. (œuvre reproduite dans Contrées intermédiaires) ; exemple d'œuvre où une extrême importance est accordée au service à thé aux étranges rutilances...

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J-L. Cerisier, Scène d'intérieur avec arrosoir, huile sur toile, 92x73cm, 2005, coll. privée Rouen (œuvre reproduite dans Contrées intermédiaires) ; où l'on retrouve le soin particulier de l'auteur du tableau pour le rendu mystérieux et disproportionné des objets, après le service à thé du dessin ci-avant, voici en l'occurrence ces pots de fleurs où l'on perçoit encore d'étranges phosphorescences (comme le décrit Françoise Limouzy dans une de ses analyses) ; l'effet de perspective n'explique pas tout dans ce gigantisme...!

 

      En majorité, les peintures choisies reflètent avec grand sérieux l'amour du peintre pour les objets (qu'à mon avis, il restitue avec une étrangeté et une maestria plus grandes que lorsqu'il campe des êtres humains, voir ci-dessus les deux œuvres que je mets en vis-à-vis), les situations aux statuts énigmatiques, les paysages, confinant parfois à l'abstraction ou au visionnaire, comme dans le cas de Ardoise Paysage I de 2008 , qui n'est pas loin de faire penser, par sa qualité et son esprit, aux paysages "surréalisant" de Joseph Sima, ce peintre fameux du groupe Le Grand Jeu.

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J-L. Cerisier, Ardoise Paysage I, gouache sur ardoise, 30x20cm, 2008, coll. privée, Châteaubriant ; œuvre reproduite dans Contrées intermédiaires.

 

      En ce qui concerne la dimension visionnaire, je produirai également en exemple cette petite peinture intitulée Souvenir de Versailles (2004 - où passe le souvenir d'un art visionnaire  fin XIXe siècle un peu nordique ; il ne m'étonne pas qu'elle soit partie dans une collection privée en Finlande) ou encore Le cerf-volant de 1988 (dont, moi qui l'ai vu en train d'être peint à même le sol dans un camping, j'ai publié une esquisse dessinée au stylo en noir et blanc dans l'Art immédiat n°1, voir plus bas) .

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J-L. Cerisier, Souvenir de Versailles, gouache et crayons de couleur, 29,7x21 cm, 2004, coll. privée, Finlande (œuvre reproduite dans Contrées intermédiaires).

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J-L. Cerisier, Le cerf-volant, huile sur panneau de bois, 19x13 cm, 1988, coll. privée, Paris (œuvre reproduite dans Contrées intermédiaires)

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Page 15 de mon fanzine L'Art Immédiat, daté de 1994, avec mon premier texte sur Jean-Louis Cerisier, Portrait-minute daté du 17 juillet 1988, écrit pendant la réalisation du Cerf-volant.

 

       Il y a aussi chez Cerisier une dimension ingénue ou naïve, n'ayons pas peur du mot, si détesté des critiques d'art académiques vite effarouchés devant l'innocence – ou pour le dire autrement, un réalisme poétique qui ne débouche pas toujours nécessairement sur l'onirisme, comme dans le cas de ce paysage parisien, représentant le café de la Grosse Bouteille, qui existe (existait?) réellement Boulevard Richard-Lenoir dans le XIe ardt, mais hélas!, plus pour longtemps, si l'on en croit un article du Parisien de mai dernier, qui prédisait la destruction prochaine du bistrot miteux dont on atteste la présence depuis les années 1920 (la bouteille ayant changé au moins deux fois de matériau). Doisneau l'a photographiée dans les années 1960... Une fois de plus, les édiles parisiens se font remarquer par leur insensibilité crétine à la poésie du Paris populaire. On ne parle même pas d'essayer de remiser la bouteille "en plastique médiocre des années 1950" dans un quelconque musée Carnavalet., mais plutôt de l'intégrer en deux dimensions dans une fresque du square qui va remplacer le bistrot (on voit le genre d'ici...).

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J-L.Cerisier, La grosse bouteille, gouache sur carton, 32x25 cm, 1995, coll. privée, Paris (œuvre reproduite dans Contrées intermédiaires, appelée à devenir un document historique...) ; les pompiers qui paraissent l'avoir encordée et semblent prêts à la faire tomber sont prémonitoires, hélas...; l'étiquette Byrrh me paraît fantaisiste, mais c'est à vérifier, quelque Isabelle Molitor ou Régis Gayraud de passage vont bien nous le confirmer ou l'infirmer...

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Robert Doisneau, la Grosse Bouteille aux couleurs du Picon en 1961.

      Mais plutôt de continuer cette note, mieux vaut vous inciter à vous procurer l'ouvrage, édité, est-il besoin de le souligner?, avec beaucoup de courage et d'audace par l'artiste lui-même.

24/10/2016

Aventures de lignes (2): Jean-Louis Cerisier

Jean-Louis Cerisier

 

         Né en Loire-Atlantique, et ayant passé sa jeunesse à Laval, Jean-Louis Cerisier, de sa profession instituteur (il y en a deux dans l'exposition "Aventures de lignes"), a été marqué par les grandes figures de l’art naïf et de l’art dit « singulier » (ce dernier regroupant des artistes post-art brut et post-art naïf, qui réalisent parfois, comme Jean-Louis, une synthèse des deux corpus) de la préfecture de la Mayenne : le Douanier Rousseau, Jules Lefranc, Henri Trouillard, Robert Tatin et Jacques Reumeau. Il n’est pas insensible à la nébuleuse d’artistes installés dans la région. Un de ses meilleurs amis d’enfance est le peintre et dessinateur visionnaire Serge Paillard.

        Jean-Louis oscille aussi dans son art entre naïveté et singularité, et ce depuis sa jeunesse, lorsque certains de ses dessins ressemblaient à des expérimentations surréalistes, avec des machines bizarres. Il a multiplié ses techniques au fil du temps, que ce soit grattage ou collage, détournements d’images trouvées aux Puces ou dans la rue, découpages, etc. Il aime à construire une iconographie faite de paysages ou de scènes subtilement démarqués du réel quoique passés au tamis d’un regard fasciné par l’aspect parfois étrange du monde et de l’existence. Des souvenirs d’enfance viennent probablement imprégner les résultats de ses explorations iconographiques, de même que le souvenir de peintures admirées dans le vaste corpus de l’art dit naïf, qu’il soit français ou venu des pays slaves ou baltes (Pologne, Lituanie), auxquels Jean-Louis voue une grande admiration.

 

(Voir B.M., « Le pays au-delà des grilles, Jean-Louis Cerisier », dans Création Franche n°14, Bègles, avril 1997 ; ainsi que plusieurs notes dans le Poignard Subtil ; à noter aussi que des œuvres de Cerisier sont présentes dans le musée d'art naïf et d'arts singuliers du Vieux-Château à Laval)

Inventions, une rangée de fétiches aquatiques, aquarelle et stylo surlignés, 30x25 cm, 2016 (2).jpg

Jean-Louis Cerisier, Inventions, une rangée de fétiches aquatiques, aquarelle surlignée au stylo, 30x25 cm, 2016 ;  exposée à "Aventures de lignes", galerie Amarrage (88, rue des Rosiers, St-Ouen du 22 octobre au 4 décembre), collection privée, photo J-L.C.

22/06/2016

Info-Miettes (28)

     Et voici un nouveau bouquet, ou plutôt panier, d'Info-miettes, qui suggèrent quelques pistes de voyage pour cet été aux uns et aux autres, mais aussi quelques idées pour rester résolument sédentaires à l'abri des flux touristiques...

 

Darnish exposé au Petit Casino d'Ailleurs

darnish, petit casino d'ailleurs, architectures babéliennes, maquettes, collages, cinéma     Le vernissage aura lieu le 26 juin. Darnish  expose, dans cet espace, situé à Ault dans la Somme (tout près de chez Caroline Dahyot), ses constructions babéliennes constituées de fragments de photos extraites de magazines, de peinture, de collage de papiers divers  dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog (voir ci-contre ce que Darnish intitule un "volume sans titre", hauteur 80 cm). Certaines d'entre elles se présentant comme des décors pour des éléments isolés, des silhouettes d'hommes ou de femmes comme évadés d'un film hollywoodien, ou bien réaliste poétique français, pour être projetés dans un monde souvent désert, infiniment plus kafkaïen (voir ci-dessous un bâtiment où apparaît le personnage joué par Bourvil apparemment dans La traversée de Paris)...

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Exposition "tout l'été", ouverte principalement le mercredi matin, les week-end, ou sur RDV au 06 08 37 90 97

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Roberta Trapani soutient une thèse à Paris: "Patrimoines irréguliers en France et en  Italie. Origines, artification, regard contemporain "

     Roberta Trapani appartient au CrAB (Collectif de recherche en Art Brut) et s'intéresse depuis plusieurs années aux environnements spontanés, sans se limiter, comme moi, aux créateurs populaires, mais en débordant vers un questionnement des possibilités d'un habitat autre, envisagé par les habitants ayant une conception inventive de l'architecture et de l'environnement. Elle a ainsi réalisé une thèse sur le sujet (menée sous la codirection de Fabrice Flahutez (Université de Paris-Ouest Nanterre La Défense) et d'Eva di Stefano (Università degli Studi di Palermo), avec qui elle collabore aussi régulièrement dans l'édition de la revue italienne OOA, sur l'art outsider). Elle s'apprête à la soutenir bientôt (pas Eva di Stefano, mais sa thèse...).

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      Cette soutenance, ouverte au public, aura lieu le mardi 28 juin prochain à l'Institut national d'histoire de l'art à 14h30 (INHA, Paris, 2 rue Vivienne, salle Fabri-de-Pereisc, rez-de-chaussée).

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Un passionné d'allumettes, Bernard Beynat, au musée du Veinazès

     Ce petit musée privé, dont j'ai déjà parlé aussi, notamment à propos du créateur d'un environnement nommé René Delrieu, dont des œuvres ont été abritées et protégées de l'anéantissement par ce musée, se trouve dans le Cantal non loin d'Aurillac.darnish,petit casino d'ailleurs,architectures babéliennes,maquettes,collages,cinéma,bernard beynat,musée du veinazès,architecture alternative,roberta trapani,soutenances de thèse,osservatorio outsider art,environnements spontanés,inha,crab Ses animateurs essayent d'enrichir ses collections, à partir de découvertes opérées semble-t-il la plupart du temps dans la région. Leur expo d'été (en lien le dossier de presse avec tous les renseignements pratiques pour venir au musée), intitulée "L'extraordinaire épopée d'un peuple d'allumettes", présente cette fois Bernard Beynat, un passionné de maquettes et de figurines en allumettes assemblées et mises en couleur.darnish,petit casino d'ailleurs,architectures babéliennes,maquettes,collages,cinéma,bernard beynat,musée du veinazès,architecture alternative,roberta trapani,soutenances de thèse,osservatorio outsider art,environnements spontanés,inha,crab On est, semble-t-il, dans l'exploit, le tour de force, l'habileté manuelle. Le personnage est épris d'Histoire et de monuments. il n'a pas hésité à déborder dans son jardin pour réaliser un village miniaturisé auquel il n'hésite pas à mêler des bâtiments inspirés de la Rome antique ou de l'Asie.

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 Pétition de soutien au maintien de l'émission de Philippe Meyer sur la chanson française sur France-Inter

     Au nombre de mes intérêts, je compte la chanson littéraire, poétique ou insolite francophone, qui, comme les cartes postales en matière de médium photographique populaire, est un vecteur de masse de la poésie pour le plus grand nombre. Il y a peu d'émissions de qualité je trouve sur la chanson dite  "à texte". Celle de Philippe Meyer, "La prochaine fois, je vous le chanterai", qui existe depuis 2002, hebdomadaire (tous les samedis à midi), en est une. Elle est actuellement menacée pour des raisons obscures (l'animateur de l'émission ne peut être, paraît-il, à la fois sur France-Culture et sur France-Inter ; il y a bien sûr une autre raison moins avouable). On m'invite à signer la pétition qui circule actuellement sur le site Mes opinions.com. Je l'ai fait ce matin, à vous de voir si vous voulez en faire autant.

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Claude Massé au Musée de la Création Franche cet été

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Joseph Sagués, donation Claude Massé (dans la collection permanente du Musée de la Création Franche), photo Bruno Montpied, 2009

Expo "Patots et autres de l'art", du 24 juin au 4 septembre, au Musée de la création franche à Bègles. "L'inauguration, le vendredi 24 juin à 18h au musée, sera précédée d'une rencontre, le "Grand partage de la Création Franche", autour du livre que lui consacre Serge Bonnery, Claude Massé l'Homme liège (éditions Trabucaire), à la Bibliothèque de Bègles le vendredi 24 juin à 16h30. Ce rendez-vous sera suivi d'une séance de signature."

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Exposition de Jean-Louis Bigou, artiste et pas seulement découvreur de talents immédiats

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Et toujours à Villeneuve-les-Genêts, l'expo de mes photos d'après des environnements spontanés...

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Café "Chez M'an Jeanne et Petit-Pierre", sans M'an Jeanne et Petit Pierre, mais avec d'autres inspirés ; vue de l'expo de photos de Bruno Montpied dans l'ancienne salle de bal de ce café de village réaffecté grâce à l'action de l'association Puys'art animée par Fabienne Clautiaux, ph. B.M., 28 mai 2016

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Alain Bouillet expose sa collection dans le Rouergue: "De l'humaine condition"...

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Très bonne collection d'art brut au sens orthodoxe du terme (des non artistes, des créateurs s'exprimant en dehors de tout souci d'être reconnus, pour eux-mêmes avant tout, en quêtant peut-être à travers une telle pratique un réconfort, un sursis existentiel, un enchantement dans leur vie...), que celle d'Alain Bouillet, qui l'a déjà montrée l'année dernière à Bages, et qui en a tiré un excellent catalogue où il raconte ses découvertes

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"Les unes et les autres" au Musée Singer-Polignac à Ste-Anne, derniers jours

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Jean-Louis Cerisier et ses mondes intermédiaires, Centre Kondas d'art naïf, Viljandi, Estonie, 28 mai - 3 août 2016

     Notre célèbre (de plus en plus, en tout cas, vers l'Est, ça a l'air bien parti..) artiste primitiviste, singulier, naïf, et historien de la singularité en Mayenne et ses bords, Jean-Louis Cerisier, est invité depuis le mois de mai dans le centre consacré à l'art naïf (fort intéressant) de Paul Kondas (dont on attend impatiemment une exposition en France). Cerisier est-il parti pour être notre nouveau Douanier Rousseau au XXIe siècle (ils sont tous deux originaires de Laval, patrie aussi de Jarry, Lefranc, Trouillard, Ambroise Paré  et Alain Gerbault, tous de grands visionnaires en somme)?

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Jean-Louis Cerisier "et ses mondes intermédiaires"... Tiens ? Cela me rappelle quelque chose, "intermédiaires" : "recoins" ? Ou "interstices"?

28/03/2016

"De bric de broc", exposition au musée d'art naïf et singulier de Laval

 

De Bric et de broc expo Laval 26 mars-26septembre 2016.JPG

Affiche de la nouvelle expo du musée d'art naïf et d'arts singuliers de Laval (on notera le pluriel désormais attaché par les responsables du musée de Laval à "art singulier"), 26 mars au 27 septembre 2016

      C'est une "exposition-dossier" à laquelle nous convient Antoinette Le Falher, directrice des musées de Laval, et ses collaborateurs, conçue pour mettre en valeur, hors de la collection permanente, des œuvres confectionnées à base de matériaux recyclés ou détournés, comme les galets peints que l'on voit sur l'affiche ci-dessus et dont je ne reconnais pas l'auteur (Alain Pauzié peut-être?).

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Pierre Albasser dessin sans titre de 2007

     On retrouvera ainsi, entre autres, sur les cimaises du musée du Vieux-Château, Pierre Albasser, dessinateur et peintre sur cartons alimentaires exclusivement, Jean-Louis Cerisier, régional de l'étape (dans la section petits papiers consacrée aux œuvres faites de collages), Youen (Yves) Durand, un formidable mosaïste autodidacte populaire dont quelques tableaux ont fait le déplacement depuis le Finistère (voir ci-contre  "Bellorophon monté sur Pégase terrassant la chimère", titre aimablement communiqué par Mme Durand de l'Association des amis de Y.D.),de bric et de broc,musée d'art naïf et d'arts singuliers de laval,pierre albasser,bruno montpied,antoinette le falher,youen durand,alain pauzié,jean-louis cerisier,art naïf,art singulier,jean-jean,popa,monchâtre,fillaudeau,boix vives,alain lacoste Alain Lacoste et ses "bri-collages" (voir ci-dessous), Bruno Montpied (deux œuvres en collage là aussi, une "orthodoxe", faite seulement de photos découpées – assez ancienne puisqu'elle date de 1983, elle est intitulée Le Fakir – et une en "technique mixte" de 1999, intitulée La voix du mauvais sang, voir ci-dessous), Léopold Jean-Jean (un Naïf cette fois, autrefois défendu par Anatole Jakovsky, connu pour ses tableaux de bateaux en relief fort rugueux et quasi bruts, voir ci-dessous un paysage maritime exposé à De bric de broc),de bric et de broc,musée d'art naïf et d'arts singuliers de laval,pierre albasser,bruno montpied,antoinette le falher,youen durand,alain pauzié,jean-louis cerisier,art naïf,art singulier,jean-jean,popa,monchâtre,fillaudeau,boix vives,alain lacoste Noël Fillaudeau, avec certains de ses objets constitués d'agglomérats de matières hétéroclites (il est par ailleurs connu pour ses "métamorphoses" (peintures sur photos de magazines ; voir ci-dessous), Anselme Boix-Vives, Sabine Darrigan, Nicolae Popa, créateur populaire avant tout sculpteur et assembleur je crois, fort connu et estimé en Roumanie où un musée lui est consacré (voir ci-dessous le masque à l'expression bien grotesque qui est présent dans l'expo de Laval),de bric et de broc,musée d'art naïf et d'arts singuliers de laval,pierre albasser,bruno montpied,antoinette le falher,youen durand,alain pauzié,jean-louis cerisier,art naïf,art singulier,jean-jean,popa,monchâtre,fillaudeau,boix vives,alain lacoste François Monchâtre, connu pour sa série des "Crétins" et ses  machines "automaboules", Alain Pauzié connu pour peindre sur des semelles, etc... L'exposition sera l'occasion de faire également des découvertes de créateurs moins connus, comme par exemple les paysages en assemblages de matériaux composites d'un certain Léon Chimisanas.

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Alain Lacoste, le pont d'Art-Colle, 2005, collection permanente du musée d'art naïf et d'arts singuliers de Laval, ph. Bruno Montpied, 2011

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Noël Fillaudeau, sans titre (série des "Métamorphoses"), peinture sur page de magazine, 10x17 cm env., vers le milieu des années 1990, coll. et ph. B.M.

    Le carton d'invitation à l'inauguration, qui aura lieu le samedi 2 avril à 15h30, annonce la prise de parole de "personnalités du monde de l'art singulier". Sont ainsi annoncés (sous réserve): Didier Benesteau (pour parler d'Alain Pauzié et Jean-Joseph Sanfourche), des membres de l'association Youen Durand, Pierre Albasser, Douce Mirabaud et moi-même.

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Bruno Montpied, La voix du mauvais sang, collage et technique mixte sur papier, env. 24x32 cm, 1999, coll. Musée d'art naïf et d'art singuliers de Laval ; cette œuvre figure dans l'exposition De bric de broc

03/01/2016

"Voyages en Patatonie", le livre sur le visionnaire de la pomme de terre, Serge Paillard, est paru

      L'association CNS53 (Création Naïve et Singulière en Mayenne), dont j'ai déjà eu l'occasion de parler à propos des expositions qu'elle a initiées en Biélorussie et en Estonie naguère, publie son premier "Cahier", intitulé Serge Paillard, Voyages en Patatonie, Les pommes de terre, Dessins à l'encre 2002-2015, véritable monographie entièrement consacrée à cette période graphique particulière propre à l'artiste lavallois Serge Paillard qui, depuis quelques années, s'est fait le chantre visionnaire de pommes de terre qu'il scrute en creusant sans cesse. leurs interprétations.

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Couverture de l'ouvrage consacré aux dessins de Serge Paillard

 

    Parmi plusieurs intervenants où l'on retrouve Michel Leroux et Patrice Repusseau, on lira une présentation de l'œuvre de Paillard par votre serviteur, intitulé "Le voyage vers les racines" ainsi qu'une autre, faisant office d'introduction, de son ami de toujours, Lavallois comme lui, Jean-Louis Cerisier, par ailleurs peintre naïvo-singulier, comme on commence à le savoir sur ce blog.serge paillard,bruno montpied,jean-louis cerisier,création naïve et singulière,csn53,mayenne à l'oeuvre,patatonie,pommes de terre,art visionnaire,lieux imaginaires,alberto manguel Michel Leroux rappelle dans son texte qu'on peut évidemment apparenter l'univers imaginaire qu'a bâti peu à peu Serge Paillard – découlant de ses visions d'après pommes de terre –, sa planète de Patatonie (qui cependant n'est pas évoquée outre mesure dans ce livre, avant tout centré sur les dessins), à d'autres univers tout aussi imaginaires inventés par des Marc  Pessin (la civilisation pessinoise) ou des Jephan de Villiers (sa forêt d'Arbonie). On pourrait également se référer à Henri Michaux et à sa grande Garabagne, et puis citer encore d'autres exemples, choisis dans la littérature, comme plusieurs de ces contrées inventées qui furent autrefois recensées dans le Dictionnaire des lieux imaginaires d'Alberto Manguel et Gianni Guadalupi (réédition Actes Sud, 1998 ; la première édition, parue en 1981 aux éditions du Fanal, s'intitulait Guide de nulle part et d'ailleurs). Serge Paillard met de l'humour, bien entendu, dans l'évocation pince-sans-rire de cette antique civilisation patatonienne, à l'exploration archéologique de laquelle partent diverses missions chargées de ramener à notre artistes des vestiges variés, qu'il a commencé de divulguer en les exposant ici ou là.

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Pomme de terre s'envisageant en quatre tempéraments, 2012

 

     Mais cette planète et cette civilisation lui ont été révélées après sa longue fréquentation des pommes de terre qu'il couchait sur des socles, tels des modèles nus. Leurs rotondités, leur surface grenue, leurs taches, tout l'inspire et génère, dans le report de ses visions à l'encre sur papier, des îles,  des paysages, des apparitions, divers personnages, des fragments de cosmos restreints, parfois des cellules... Le livre joliment imprimé (à Laval) nous présente ces dessins confortablement exposés, nous laissant tout loisir de les détailler. C'était le désir de leur auteur, les offrir ainsi facilement en pâture à notre curiosité, pour que sous notre nez ils dévoilent leurs charmes parfois hallucinatoires. Pari réussi. 600 exemplaires du livre ont été pressés pour multiplier et partager ces visions (les dessins exécutés par Serge Paillard s'élevaient au moment où fut imprimé le livre, en 2015, au nombre de 340 ; une petite centaine ont été sélectionnés pour cet ouvrage).

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Pomme de Terre en Ampoule qui éclairera puis illuminera la Nuit, 2012

     Comment se procurer le livre (29,7 x 22 cm, 96 pages, 4 illustrations couleur et 90 en noir et blanc, 25€ + 5€ de frais de port)? Tout simplement, en consultant le fichier PDF que je mets ici en lien. Il contient un bon de commande à imprimer. Depuis début février 2016, on peut également consulter et acheter l'ouvrage à la librairie de la Halle St-Pierre.

05/11/2015

Exposition Cerisier-Montpied à Carquefou, aux Renaudières

 

Carton d'invitation recto verso.jpg

        Nous voici Jean-Louis Cerisier et moi à nouveau réunis¹, cette fois aux Renaudières, cet espace culturel que la municipalité de Carquefou (ville située dans la grande périphérie de Nantes), sous la direction de Chantal Giteau, voue généreusement depuis plusieurs années, entre autres, à la découverte de divers artistes de la mouvance dite "singulière". L'exposition qui commence le 14 novembre prochain est prévue pour se clore le 13 décembre.

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Bruno Montpied, Nid de nuit, 32 x 25 cm, 2004

       Nous présentons chacun une quarantaine d'œuvres dans l'espace de trois salles dont la dernière tentera de faire cohabiter nos deux systèmes de représentation. bruno montpied,les renaudières,carquefou,chantal giteau,jean-louis cerisier,art singulier,art naïfSi Cerisier pour sa part montre des œuvres qui furent choisies par Chantal Giteau dans une de ses récentes périodes où le thème dominant est la "maison" (voir ci-contre La fugue, huile sur toile, 38 x 46 cm, 2015) je présente de mon côté des œuvres de petit format (la plus grande fait 30 x 43 cm ), réalisées pour la plupart d'entre elles selon une technique qui mixe l'encre, la mine de plomb, des solutions acryliques, des crayons de couleur et autres marqueurs. Deux œuvres ont été le fruit d'un travail à deux, tantôt avec Sasha Vlad en Californie (nous avons travaillé par échange postal de la même œuvre, un collage proposé par lui et interprété graphiquement par moi, ; voir ci-dessous), tantôt avec Petra Simkova (Chansons d'ivrognes, œuvre réalisée en simultané). Quatre autres œuvres font partie des "modifications" que j'exécute régulièrement depuis des années en repeignant ou en redessinant par-dessus des reproductions photographiques de cartes postales, magazines, gravures, etc. Plusieurs autres œuvres que j'exposerai à Carquefou ont été précédemment montrées cet été dans la Creuse à la Maison du Tailleu. Il y a bien sûr aussi plusieurs autres nouveaux venus.

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Bruno Montpied et Sasha Vlad, Le Monument et son gardien effaré, 30 x 23 cm, technique mixte sur papier, 2010

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Bruno Montpied, Le message, gravure modifiée à l'encre, au stylo et aux crayons de couleur, 29 x 20 cm, 2010

 

      Un petit catalogue d'une trentaine de pages, avec neuf reproductions pour chaque artiste, a été prévu par les Renaudières pour être diffusé le jour du vernissage (semble-t-il). Ce sera aussi l'occasion pour moi de vendre quelques exemplaires de mon récent livre "Andrée Acézat, oublier le passé", ainsi que des exemplaires de l'autre titre paru dans la collection La Petite Brute, "Visionnaires de Taïwan" de Remy Ricordeau. Bienvenue à tous ceux qui pourront se retrouver par là-bas, près de Nantes.

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Bruno Montpied, La Grande Dame et l'homme qui a perdu la tête, encre, mine de plomb, lavis et marqueurs sur carton d'emballage alimentaire, diamètre 19 cm, 2015

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¹ La première fois, Cerisier et moi fûmes réunis par Pascal Rigeade à Bègles au musée de la Création franche en février-mars 2011.

22/07/2015

Un catalogue d'expo "La Mayenne à l'oeuvre" au Centre Kondas d'Art Naïf en Estonie

     On peut désormais trouver en vente à la librairie de la Halle St-Pierre (par exemple...) le catalogue de l'expo "La Mayenne à l'œuvre: Destins croisés" organisée à Viljandi au Centre Kondas d'art naïf. J'ai déjà évoqué cette manifestation montée par l'Association CSN 53 ("Création Naïve et singulière en Mayenne"), conçue et coordonnée par Jean-Louis Cerisier, avec l'aide entre autres de Serge Paillard et Michel Leroux. mayenne à l'oeuvre,jean-louis cerisier,serge paillard,centre paul kondas,viljandi,art naïf,art singulier,musée du vieux-château à laval,douanier rousseau,jules lefranc,alain lacoste,robert tatin,henri trouillard,jacques reumeau

     L'Estonie, c'est un peu loin... Et donc ce catalogue permet d'en voir davantage. Sur les créateurs et artistes mayennais, et aussi pour partir à la découverte de ce mystérieux inconnu qu'est Paul Kondas qui, s'il a été recensé dans l'Encyclopédie mondiale de l'Art Naïf (en 1984...), reste largement inconnu par nos contrées. Ce qui est dommage étant donné les quelques quatre peintures que nous montre le catalogue... (On aimerait fortement en voir plus).

 

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Paul Kondas, Fleur de fougère, 80,5 x 51 cm, huile sur toile, 1980, coll. Musée de Viljandi (j'aime beaucoup le procédé de cerne blanc créant un halo luisant autour des personnages et des ronds dans l'eau, halos créés par l'éclat de la lune dans l'esprit de l'artiste, lune qui nimbe toute la scène d'une lueur de merveilleux)

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Paul Kondas, Chasseur aux lapins, 140,5 x 86 cm, huile sur toile, 1977, coll. Musée de Viljandi

 

     Dans l'esprit du concepteur de l'expo, il s'agissait donc d'esquisser une sorte d'échange entre des artistes mayennais et ce peintre naïf dont 26 œuvres furent acquises par le musée  de Viljandi qui lui voua aussi son nom apparemment. Je ne sais pas à l'heure où j'écris ces lignes s'il est arrivé à convaincre Laval d'exposer des œuvres de Paul Kondas.

 

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Henri Rousseau, La fabrique de chaises à Alfortville, prêt temporaire du Musée de l'Orangerie à Paris dans le cadre des collections permanentes du Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier de Laval en février 2015 (pour pallier les prêts que ce dernier musée avait consenti au Palais des Doges à Venise dans le cadre d'une rétrospective Rousseau)

 

    Certains pourront peut-être se demander pourquoi avoir adopté une perspective aussi régionaliste, par un curieux désir de se construire un destin ancré dans une zone départementale...  Ce serait oublier qu'il s'est passé depuis déjà un siècle un curieux ancrage artistique à Laval et sa périphérie. Tout étant parti sans doute d'Henri Rousseau dit "le Douanier", puis de  la fondation du Musée d'Art Naïf du Vieux-Château dont les collections s'enrichirent au départ d'un important socle d'œuvres provenant des collections rassemblées par Jules  Lefranc, autre peintre naïf fort important, à la lisière d'une figuration poétique savante, de laquelle  pourrait aussi participer l'œuvre d'un Elie Lascaux, originaire d'une autre partie de la France, le Limousin.

 

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Jules Lefranc, Le môle noir, gouache sur papier, vers 1930, Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier de Laval

 

     C'est peut-être cette ouverture de Lefranc vers une figuration réaliste poétique qui amena d'autres peintres du cru, comme Henri Trouillard, à voguer de dérivation en dérivation vers des horizons carrément visionnaires, des Robert Tatin  (présent par des lithographies dans l'expo Cerisier), des Alain Lacoste (lui aussi exposé à Viljandi) arrivant dans les décennies suivantes avec dans leurs bagages une liberté de ton encore plus radicalement éloignée de la représentation du réel "rétinien" (on les range dans ce qu'il est convenu d'appeler "l'art singulier", catégorie d'artistes en marge, semi-professionnels, au dessin automatique et empirique, plus ou moins inspirés par les exemples du surréalisme, de COBRA, ou de l'art brut). Jacques Reumeau pour sa part synthétisa peut-être toutes ces tendances dans le "melting-pot" d'une œuvre qui débouchait parfois dans l'hétéroclite, dérapant  même jusqu'à une forme de ratage pathétique dans quelques cas. Deux œuvres reproduites dans le catalogue, provenant des collections Cerisier et Leroux, sont au contraire bien abouties, illustrant bien ce que j'appelle le "melting-pot" stylistique que paraissait rechercher Reumeau (et qui fait sa marque de fabrique, semble-t-il).

 

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Jacques Reumeau, L'oiseau et le poisson, la rencontre, 64,5 x 49,5 cm, pastel, 1975, coll. Art Obscur Michel Leroux

 

       Après ces glorieux aînés, vinrent toutes sortes d'autres artistes mayennais ou d'adoption (comme Joël Lorand, venu s'installer un temps en Mayenne ; je le crois aujourd'hui plutôt posé à Alençon) dont nous parle à l'occasion Jean-Louis Cerisier. Dans son expo en Estonie, on remarque les œuvres  de Brigitte Maurice (figurative poétique semble-t-il), de Serge Paillard ou de Marc Girard. A suivre les indications de Cerisier dans ce catalogue, on comprend donc qu'il y a bien un creuset particulier dans cette belle région mayennaise.

 

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Brigitte Maurice, Sans titre, 31,2 x 29 cm, huile sur bois, 2014, coll. Jean-Louis Cerisier

 

       Et même si Jean-Louis Cerisier paraît avant tout s'intéresser à l'art dans une perspective de plasticien contemporain féru d'histoire de l'art, il n'oublie pas d'inviter des créateurs que l'on pourrait ranger dans l'art brut, comme Gustave Cahoreau, Patrick Chapelière (découvert et défendu au départ par Joël Lorand) ou "l'Ami des Bêtes" Cénéré Hubert pour lequel j'ai une certaine prédilection, créateurs "bruts" en cela qu'ils paraissent vivre (ou paraissaient vivre dans le cas de Hubert, décédé en 2001) au plus près leur création dans une proximité fusionnelle.

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Cénéré Hubert, devant le portail décoré de son atelier, St-Ouen-des-Toits (Mayenne), ph. Michel Leroux

 

30/05/2015

Interprétations autour de "La Déchirure", tableau de Jean-Louis Cerisier

      En dessous de ma récente note sur la Mayenne à l'œuvre, expo au musée d'art naïf Paul Kondas en Estonie, en réaction à la mise en ligne de la reproduction ci-dessous d'un tableau de Jean-Louis Cerisier, intitulée La Déchirure, nous avions pu lire un échange interprétatif entre "Isabelle Molitor" et mézigue, le sciapode. Je remets la reproduction, sa légende et l'échange tout à la suite.

 

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Jean-Louis Cerisier, La Déchirure ; un billet de 1000 zlotys déchiré, allégorie d'un refus de la vénalité proposé par l'artiste?

 

Commentaires:

       "La fille qui est censée déchirer le billet de banque - ô naïf Sciapode! - dans le tableau de J-L. Cerisier, s'y prend d'une drôle de manière. On croirait qu'on contraire, elle essaie de le recoller. Ce serait bien dans le genre de l'ami Jean-Louis...
      En fait d'allégorie de la non-vénalité, regardez comment elle tient le fameux billet. Elle le prend par en bas, franchement, vous avez déjà essayé de déchirer un bout de papier en le tenant de cette manière? Ce n'est vraiment pas la manière la plus simple, ni la plus efficace...
     Non, le Monsieur lui a tendu un billet déjà déchiré, et avec une tristesse bien compréhensible, elle se demande qu'est-ce qui, dans sa prestation, a pu lui déplaire pour qu'il la traite ainsi. Et elle essaie de recoller les morceaux, dans un geste certes un peu puéril (quand c'est déchiré, c'est déchiré), mais assez naturel."

Écrit par : Isabelle Molitor | 19/05/2015

Réponse:

     "Ô Mame Molitordue, le mieux ne serait-il pas de demander à l'artiste ce qu'il a voulu dire par là (s'il a voulu dire quelque chose)?"

Écrit par : Le sciapode | 19/05/2015

    Eh bien, un petit échange a suivi avec Jean-Louis Cerisier que je reproduis ci-dessous:

 J-L. Cerisier :

    “Pour La Déchirure comme pour nombreuses de mes peintures, la composition s'est faite de manière empirique : j'ai utilisé un vieux billet déchiré conservé dans mes archives, que j'ai collé en l'état, juste en accentuant la déchirure. Le tableau s'est construit à partir de cette induction, le personnage féminin, aux allures de pionnière (comme il en existait beaucoup à l'époque communiste) puis la table, puis les mains d'un personnage masculin, et le ciel pour finir. Ce mouvement de composition à rebours permet de laisser libre le champ de l'interprétation.

     Parfois l'interprétation qui m'est donnée d'une de mes peintures agit comme une révélation. Ainsi le tableau Le rêve avait été composé de la même manière. Un ami me dit un jour qu'il y voyait un accouchement, ce qui ne m'avait pas traversé l'esprit.

Imaginaires Le rêve, huile sur panneau de bois, 39 x 49, 1983, donation ville de Laval, 2011.jpg

Jean-Louis Cerisier, Imaginaires, le Rêve, huile sur panneau de bois, 39 x 49, 1983, donation ville de Laval (Musée d'Art Naïf et d'Art singulier), 2011

      Un autre exemple, la peinture, Le déménagement a été créé à partir d'une peinture initiale représentant des billes d'agate. J'ai opéré une sorte de mise en situation, de mise en scène progressive qui a abouti au thème du déménagement, pas du tout prévu au départ.

Le déménagement, huile sur toile, 41,5x27, 1999, collection Pascal Hecker, Paris .jpg

J-L Cerisier, Le Déménagement, huile sur toile, 41,5x27, 1999, collection privée

 Bruno Montpied :

     « Tu ne nous dis pas si, pour toi, la fille, dans le tableau La Déchirure, achève de détruire le billet ou tout au contraire tente de le recoller (comme l’interprétation de Dame Molitor le propose, en traitant finalement de vénale cette fille…)? »

 J-L. Cerisier :

    « Pour répondre à ta question : je prends une part dans l'interprétation par le titre que je donne au tableau, quand celui-ci est achevé. Pour celui-ci, la Déchirure,  il est clair que ma lecture penche nettement du côté de la séparation du billet en deux. Pour tout dire, je trouve l'interprétation de Molitor tirée par les cheveux ! »

      Comme quoi aussi, on peut déchirer les billets par le bas, Miss Molitor qui voyez de la vénalité un peu trop partout...

12/05/2015

Les Mayennais toujours à l'œuvre et à la manœuvre en Estonie

     "Chers amis et contacts,

      J'ai le plaisir de vous annoncer une nouvelle exposition de La Mayenne à l'oeuvre,  organisée au musée Paul Kondas d'art naïf et outsider de Viljandi en Estonie, du 15 mai au 15 juillet 2015. 

     La précédente exposition, Croisements et Filiations, organisée en 2013 au musée National des beaux-arts de Biélorussie à Minsk, présentait les ramifications à l'origine de l'émergence de la création naïve et singulière dans la région. 
 
     Celle-ci, qui a pour titre Destins croisés aborde l'aspect plus actuel de la mouvance singulière en Mayenne." (Jean-Louis Cerisier)
 

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Article de Pauline Launay dans Le Courrier de la Mayenne du 6-5-2015

    
    Donc, il faut comprendre qu'il s'agit du deuxième volet d'un ensemble appelé globalement "La Mayenne à l'œuvre" et  qui se transporte cette fois en Estonie dans ce petit musée de Viljandi, avec l'appui de M. Michel Raineri, ambassadeur de France en Estonie, en partenariat avec le ministère de la culture d'Estonie, le musée du Vieux-Château à Laval, etc., pour montrer des artistes et créateurs mayennais contemporains.
 

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Un dessin de Robert Tatin, La Vierge aux Oiseaux, 1982, coll. Art Obscur

 
 
   On veut y présenter quelques créateurs  et artistes emblématiques de ce creuset curieux lavallois et mayennais qui, dans la filiation avec le Douanier Rousseau, le grand ancêtre d'où tout est parti à l'évidence, ou avec Jules Lefranc,  Henri Trouillard, Robert Tatin, ou Jacques Reumeau (voir ci-contre, coll. Art Obscur), tous natifs de Laval, a su se renouveler en s'enracinant dans cette région.Reumeau 2 (2).jpg Jean-Louis Cerisier, le commissaire d'exposition, en collaboration avec Michel Leroux et son "art obscur", ainsi qu'avec plusieurs membres d'une association lavalloise, CNS 53 (Création Naïve et Singulière: Serge Paillard, Nathalie Mary, Michel Basset, Chantal Mady-Houdayer, Jean-Luc Mady, Salomé Mady), Jean-Louis Cerisier lui-même se veut à la fois artiste (que je qualifierai de "naïf moderne" tant ses expérimentations le mènent quelquefois  à dépasser allégrement les frontières de son art d'autodidacte naïf) et organisateur, médiateur de ses compagnons de créativité en Mayenne, nébuleuse que j'ai appelée autrefois dans un court article que j'avais inséré dans un ancien numéro de la revue des Pays de la Loire, 303, Arts, Recherches et Créations, "L'Ecole de Figuration poétique lavalloise".
 

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Jean-Louis Cerisier, un billet de 1000 zlotys déchiré, allégorie d'un refus de la vénalité proposé par l'artiste?


      On sait par exemple que Jules Lefranc, fut aussi à la fois peintre et collectionneur, et qu'il légua une bonne partie de sa collection au musée du Vieux-Château à Laval ce qui permit de lancer le musée en 1967. Et que ce dernier s'est ouvert très récemment à l'art singulier en lui consacrant quelques salles, en attendant mieux (une extension du musée à l'ancien palais de justice voisin par exemple). Art singulier qui est vu par les conservateurs du lieu comme une continuation de l'art naïf en moins strictement référent à la réalité visuelle, puisque l'art singulier se détache de la représentation du monde extérieur pour peindre plutôt des images aux formes et aux couleurs libres.
 

Gustave Cahoreau.jpgGustave Cahoreau tenant une de ses sculptures, un "protégé" de Michel Leroux... Archives Art Obscur

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Céneré Hubert, créateur multi-formes et notamment créateur d'environnement à St-Ouen-des-Toits (toujours en Mayenne), Archives Art Obscur

 

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Un très beau dessin (pastel?) de Patrick Chapelière ; à noter que les trois créateurs ci-dessus s'apparentent davantage à l'art brut qu'à l'art dit singulier, tant leur travail s'accomplit dans l'écart vis-à-vis des démarches traditionnelles artistiques ; coll. Art Obscur

 
     Jean-Louis Cerisier nous a adressé quelques images des œuvres qui seront exposées (du 15 mai au 15 juillet au musée Paul Kondas d'art "outsider et naïf" de Viljandi; ce Paul Kondas qui paraît être lui-même un "singulier" estonien que le musée de Viljandi verrait bien exposé en retour à Laval). Le moins que je puisse dire, c'est qu'il y a de quoi être ravi et enchanté par plusieurs artistes à découvrir si l'on doit se fier uniquement au panel proposé par Cerisier (voir les différentes illustrations émaillant cette note).
 

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Alain Lacoste, autre Singulier mayennais bien connu et prolifique ; coll. Art Obscur

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Marc Girard ; j'aime assez cette œuvre qui me fait penser à ... moi, mais aussi à Chaissac, à Lacoste...; coll. Art Obscur

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Et un Joël Lorand, un... Peut-être relativement ancien, non? ; coll. Art Obscur

 
 
    Dommage qu'il faille aller si loin pour les voir réunis (même si aura lieu en Mayenne durant seulement trois jours un autre petit rassemblement d'œuvres, comme je l'ai précédemment signalé, à St-Cénéri-le-Gérei).  

01/05/2015

La Mayenne à l'oeuvre

      Me parviennent depuis quelques jours diverses annonces émanant des différents acteurs (liés à l'association CSN 53, "Créations Naïves et Singulières en Mayenne") d'une exposition à deux visages, "La Mayenne à l'œuvre", qui va être montée d'un côté au Centre Kondas d'Art Naïf et Outsider à Viljandi en Estonie (du 15 mai au 15 juillet ; l'expo est initiée plus particulièrement par Jean-Louis Cerisier qui entretient depuis des années des liens étroits avec certains de ses pays à l'est et au nord de l'Europe), et de l'autre en Mayenne, dans un joli village répondant au doux nom de Saint-Céneri-Le-Gérei.

 

affiche saint céneri le géreï 2015.jpg

 

 

     Dans ce dernier patelin, l'expo durera trois jours, du 23 au 25 mai (c'est le week-end de la Pentecôte). Elle est constituée d'une petite partie de la collection de Michel Leroux, dite par lui "d'art obscur" (pas si obscur que cela tout de même ; à signaler que Michel Leroux a recyclé ainsi un terme qui avait été envisagé au début de l'aventure de l'art brut, vers 1945 donc, par Dubuffet lui-même qui l'avait finalement rejeté comme insuffisamment adapté à ce qu'il cherchait).

 

Patrick-Chapelière-CollLero.jpgPatrick Chapelière, coll Michel Leroux

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Noël Fillaudeau, sans titre, série des "Métamorphoses", vers 1993, coll. privée, Paris, ph. Bruno Montpied

 

csn 53,art naïf,art singulier,patrick chapelière,la mayenne à l'oeuvre,art obscur,michel leroux,jean-louis cerisier,serge paillard,noël fillaudeau,alain lacoste,joël lorandRobert Tatin œuvre actuellement exposée (jusqu'en juin prochain) au musée Robert Tatin de Cossé-Le-Vivien (Mayenne)

 

     Au programme: Gustave Cahoreau (un protégé de Michel Leroux), Patrick Chapelière (mis en avant par Joël Lorand), Alain Lacoste (un grand ancien de l'art singulier), Robert Tatin (qui en dehors de son musée sculpté de Cossé-Le-Vivien était aussi peintre), Joël Lorand (Mayennais d'adoption, et maintenant Sarthois (non... en fait habitant de l'Orne, voir commentaires ci-dessous...) à ce que j'ai cru comprendre, puisqu'il est basé à Alençon), François Monchâtre (un autre ancien de la Singularité, connu pour ses machines imaginaires et ses personnages de "crétins"), Noël Fillaudeau (l'ancien ami de Gaston Chaissac), enfin Jean-Louis Cerisier.

 

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Jean-Louis Cerisier, Collection L'Art Obscur de Michel Leroux

 

     Cette expo, en dehors de la collection de Michel Leroux, comprendra aussi des œuvres venues des ateliers de Serge Paillard et de Jean-Louis Cerisier, amis lavallois dont j'ai souvent eu l'occasion de parler sur ce blog. Des œuvres provenant de la collection Michel Basset, et de la collection Jean-François Maurice (récemment disparu), seront également adjointes à ces ensembles.

 

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Serge Paillard, Pomme de Terre en Patatonie  (la cartographie rêvée du Professeur Caldnitz), 2015?, collection de l'artiste

 

19/02/2014

Jean-Louis Cerisier s'exporte en Silésie

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Jean-Louis Cerisier, sans titre, 2008 ; un très beau Cerisier où l'on voit à l'œuvre l'influence de l'authentique art naïf

     Comme vient de me l'écrire Jean-Louis Cerisier, notre fameux peintre primitiviste lavallois souvent évoqué sur ce blog, le Musée de Silésie à Katowice (Pologne) lui fait l'honneur d'une exposition personnelle du 20 février au 4 mai 2014. Il devrait y présenter une quarantaine de créations des années 70 à aujourd'hui.

 

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Jean-Louis Cerisier, Portrait de Bruno Montpied au paradis, date? (Jean-Louis est bien bon de me croire une place plutôt réservée au paradis qu'en enfer...), ou le portrait d'un Singulier par un Naïf...?

 

     Voici un extrait du texte écrit à cette occasion sur Cerisier par Sonia Wilk, la commissaire de l'exposition: "Jean-Louis Cerisier a commencé à peindre au début des années 70. Il rencontre en 1974 le peintre Jacques Reumeau, qui exerce une énorme influence sur son imagination et sur sa façon d’envisager sa propre création. Grâce à l’amitié nourrie de fréquentes discussions  partagées avec Reumeau, il comprend que dans l’art l’imitation doit être rejetée absolument, qu’il faut en revanche exprimer avant tout sa personnalité,  ses pensées, son rapport au monde. L’art devient alors une réalité parallèle, d’une part créée par l’imagination et, d’autre part, une mise au jour de ce qui est profondément caché.  La création s’avère alors pour Cerisier une façon de conduire un discours sur lui-même et avec lui-même. A l’intérieur du principe de réalité et directement à travers les œuvres,  le peintre opère une sélection  dans le monde surréaliste de ses propres rêves, sentiments et souvenirs. Dans la peinture Les chimères de Saint Lyphard, nous voyons ainsi le souvenir d’un voyage familial en voiture.jean-louis cerisier,art naïf,figuration poétique,primitivisme lavallois,jacques reumeau musée de silésie de katowice,sonia wilk et, dans Situations : carnaval de banlieue, un ciel bleu s’étendant au-dessus d’un visage dirigé vers lui. Ce sont certainement des souvenirs tangibles, ayant des racines dans des situations de la vie de l’artiste. En surface, les deux images sont claires, résolument sentimentales, mais nous sentons instinctivement que nous ne sommes pas associés à ce « quelque chose d’agréable » vers lequel l’auteur revient volontiers. La composition, les relations mutuelles entre les sujets et les objets permettent en passant au destinataire d’essayer de comprendre ce qui s’est passé, ce que propose l’auteur. Soudain, celui-là repère un élément intriguant : une échelle tournée vers le ciel, une voiture en feu sur le bord de la route. Habilement, le peintre établit une atmosphère, diffuse des émotions."

 

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Jean-Louis Cerisier, Situations: Carnaval de banlieue, 23 x 30, 1995

 

01/12/2013

Naïfs et Singuliers de Mayenne à Minsk, nul ne serait prophète en son pays?

   Jean-Louis Cerisier, auto-bombardé ces temps-ci président d'une nouvelle association des Créateurs Naïfs et Singuliers de la Mayenne (CNS 53), me transmet l'information d'une exposition fort intéressante qui va se monter en Biélorussie à Minsk. Génial, les populations de là-bas pourront découvrir ce qu'ici en France on ne paraît pas capable de découvrir, à savoir qu'a existé, qu'existent encore, à Laval et dans sa région, une pléiade de créateurs et d'artistes talentueux et originaux, à la figuration tantôt poétique tantôt singulière (j'en ai déjà plusieurs fois parlé sur ce blog, voir plus loin). Nul ne serait décidément prophète en son pays, l'adage ne cesse de se vérifier dans notre beau pays qui paraît condamné à s'exporter pour se faire reconnaître. Comme me le disait récemment Jean-Louis, il y a de la frilosité dans ce pays. En témoignent, entre autres, toutes ces expositions d'art brut japonais, britannique, américain, italien, serbe, etc., qui se succèdent à Paris, tandis que pas une ne se consacre à nous montrer l'art brut français. Quoi? Qu'ai-je dit? On dirait presque un gros mot. Vous avez bien écrit: l'art brut français? Mais il ne faut pas y songer, nom d'une pipe. Cela ne peut être envisagé, ou bien alors il faut le faire à l'étranger, mis à distance, on acceptera peut-être de considérer la question. Je me demande aussi quelquefois si ces expos d'art brut de plus en plus exotiques ne se font pas surtout pour permettre aux commissaires et "curateurs" (ouh, le vilain mot à la mode) des collections d'art brut de se payer des voyages aux frais de la princesse... Parler de ce qui se produit en France serait-il forcément une attitude nationaliste? Ne serait-ce pas plutôt lié à notre volonté de parler de nos voisins créatifs, de ceux qui vivent sur un territoire quotidien que nous connaissons bien, dans un pays qui est le nôtre, autour de nous où nous pouvons facilement voyager, les distances étant courtes...? Ne serait-ce pas parler d'une création démocratique se manifestant dans l'immédiat et de façon directement poétique?

 

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    Voici la lettre qui annonce l'événement. Avec le bon de souscription pour commander le catalogue qui aura 56 pages et 31 illustrations (si l'on veut imprimer le bon de commande plus nettement on clique ici). L'exposition qui va être montée à Minsk prendra place au Musée National des Beaux-Arts de Biélorussie du 2 décembre 2013 (demain) au 6 janvier 2014. Elle devrait présenter en tentant d'en expliciter les rapports et les filiations les œuvres du Douanier Rousseau (le grand ancêtre d'où tout découle... Et ceux qui exposeront à ses côtés en sont grandement honorés), Henri Trouillard (un Naïf visionnaire trop méconnu dont on peut admirer au musée de Laval les chefs-d’œuvre), Jules Lefranc (fondateur en 1967 du musée d'art naïf de Laval grâce au don de ses propres œuvres et d'une partie de ses collections d'art naïf d'autres créateurs), Jacques Reumeau, Robert Tatin, Alain Lacoste, Brigitte Maurice, Serge Paillard, Jean-Louis Cerisier, Céneré Hubert (un habitant-paysagiste populaire, une fois n'est pas coutume), Patrick Chapelière (pour le coup pas originaire de Laval je crois).

 

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Jean-Louis Cerisier, sans titre, février 1976, coll privée, version avant retouche restauratrice (avec traces de maculation), Laval, ph. Bruno Montpied

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La même peinture sans titre, stylo bille et gouache, 29,7x21 cm, 1976, retouchée et rénovée, coll. privée, Laval, ph. J-L.Cerisier

      Il faut espérer, et faire une petite prière pour que le musée de Laval, entre autres, par la suite accepte d'héberger cette exposition pour laquelle il prête  des Reumeau, des Trouillard, et des Lefranc. Après tout ce musée qui s'ouvre depuis quelque temps déjà à l'art singulier, sautant depuis l'art naïf dans la chronologie des arts d'autodidactes à pieds joints par-dessus l'art brut, poursuivrait sa mise en valeur des artistes régionaux qui ont peut-être été à l'origine de sa mue actuelle. Car plusieurs d'entre eux sont déjà accrochés aux cimaises du musée (en plus des trois déjà cités et prêtés, on notera que Cerisier, Lacoste et Tatin sont présentés en parmanence au musée).

 

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Henri Trouillard, Le Yéti, 1962, Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier du Vieux-château, Laval, ph. BM


      Il serait urgent de mettre en lumière ce que j'ai appelé dans le n°49 de la revue 303, Arts, recherches et Créations, en 1996, il y a déjà quatorze ans, "l'Ecole de figuration poétique lavalloise" qui, du fait de ses artistes consacrés de l'Art Naïf, Rousseau, Trouillard et Lefranc, naquit petit à petit, se développant en direction de formes d'art figuratif poétique ou singulier avec les Tatin, Reumeau, Lacoste, puis les Cerisier, Paillard et tutti quanti, et s'ancrant dans la région mayennaise sans se couper pour autant d'autres régions (Lefranc entretenait des rapports avec la Vendée par exemple, où il prit contact avec Elie-Séraphin Mangaud et Gaston Chaissac, encore deux créateurs dont les liens avec Lefranc n'ont pas fait l'objet de beaucoup de recherches parmi ceux qui s'intéressent aux arts singuliers).

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Serge Paillard, Pomme de terre dite de la petite lampe, 2007

     Enfin, voici en prime un petit documentaire de la télévision biélorusse diffusé ces jours-ci je pense, que je ne peux vous traduire (M. Gayraud nous éclairera peut-être en commentaire) mais qui présente en arrière-plan quelques-unes des œuvres de l'expo, des Trouillard, des Paillard, des Reumeau, des Cerisier, etc., ainsi que des vues du Vieux Château à Laval. Merci à Jean-Louis Cerisier qui nous a communiqué le lien et l'info. Le tapis rouge est décidément déroulé à Minsk pour nos chers Lavallois!


 

03/08/2013

Création Franche n°38

    Juste avant le mois de juillet et le départ sur les routes des plus chanceux est paru le dernier numéro de la revue Création Franche émanant du musée du même nom.

 

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Création Franche n°38, juin 2013


    Au sommaire, on retrouvera un nouvel article de mézigue, consacré à un site d'art brut en plein air très peu décrit et présenté. Je crois bien avoir ici publié le premier texte à son sujet. Mon article s'intitule "Un carnaval permanent dans l'Aubrac, les "épouvantails" de Denise et Pierre-Maurice". J'étais allé le visiter, après avoir été alerté à son sujet par une page du catalogue du Musée des Amoureux d'Angélique à Le Carla-Bayle et la recommandation également de François Sarhan.

 

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Dense et Pierre-Maurice, la colline aux mannequins dans l'Aubrac, 2012, ph. Bruno Montpied


    Denise et Pierre-Maurice, dont je ne donne pas les patronymes puisqu'il m'a semblé qu'une certaine discrétion était demandée par les auteurs (mais tant d'autres ne se donneront pas ce mal, soyez-en assurés), Denise et Pierre-Maurice sont des habitants ruraux des contreforts de l'Aubrac. Denise a pris plaisir, à la suite de la confection d'épouvantails destinés classiquement à faire fuir les rapaces qui s'attaquaient à leur volaille, à les faire se multiplier hors de cette fonction, peut-être pour épouvanter d'autres types de prédateurs...

     Cela leur fait en tout cas de la compagnie, et constitue un panorama à coup sûr insolite sur la colline où elle les installe l'été, bien nippés et assez ressemblants à une armée de morts-vivants chorégraphiés figés. De quoi sont-ils les emblêmes ou les symboles? Des esprits anciens de la nature? Des aïeux passés comme nous passerons à notre tour? Du dérisoire statut d'êtres provisoirement installés sur cette Terre? Un peu de tout ça certainement...

 

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Denise et Pierre-Maurice, mannequins ayant l'air de dire "nous ne sommes que de passage"..., 2012, ph.BM


     Denise les aime propres, ses mannequins (ce sont davantage désormais des mannequins que des épouvantails) ; dès qu'ils s'abîment, elle les détruit par le feu, redonnant vie par la même occasion à la tradition des feux de la Saint-Jean ou de la mort du roi Carnaval que l'on brûlait je crois après Carême. Les vêtements, les nippes dont ils sont affublés, c'est sa partie à elle, Pierre-Maurice son mari se spécialisant plutôt dans la taille des masques en bois qu'elle peint ensuite de façon assez sauvage, souvent dans les mêmes couleurs, rouge, blanc et noir, les mêmes teintes qu'elle applique ausi à certains petits sujets en bois et matériaux recyclés qu'il lui arrive de céder moyennant quelque don en échange. Un tronc est aussi placé bien en vue pour ceux qui s'aventurent à prendre des photos. On ne vient pas pour prendre seulement...

 

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Masques taillés par Pierre-Maurice et peints par Denise, 2012, ph.BM

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Denise et Pierre-Maurice ont aussi des espaces de stockage qu'ils ont organisés en salles d'expositions particulièrement populeuses, dans un ancien garage et une ancienne étable ; ces ruraux développent ainsi des pratiques créatrices qui tout en s'inspirant de pratiques anciennes traditionnelles (les épouvantails) les subvertissent savamment, allant jusqu'à reconvertir tous les anciens espaces à leur disposition, remettant en cause leur fonction (la colline, l'étable, le garage, la nature)...

 

     Au même sommaire de ce numéro 38 de Création Franche, on trouvera des articles de Jean-Louis Cerisier (première participation, ce me semble) sur Jacques Trovic, de Paul Duchein sur Fernand Michel, de Denis Lavaud sur Mr.Imagination, d'Anic Zanzi qui réussit l'exploit de publier dans Création Franche le même texte sur Yves-Jules Fleuri, quoiqu'illustré différemment, que celui qu'elle vient d'insérer dans le dernier fascicule de la Collection de l'Art Brut (n°24), etc... Pour plus de détails, on se reportera au site web du Musée de la Création Franche auprès duquel on trouvera les moyens de se procurer le numéro (également en vente en ce moment à la librairie de la Halle Saint-Pierre à Paris).

26/05/2013

Infos-Miettes (21)

  Depuis novembre dernier, pas d'infos-miettes, palsambleu, il faut remédier à ça mon cousin... Ce n'est pas que les nouvelles manquent, au contraire, mais c'est que je n'ai pas toujours envie de servir la soupe... Tous les égoïstes (en voie de multiplication, non?) me comprendront.

Serge Paillard se donne un site

      Voici qu'il fait sa communication comme tout un chacun, le Sergio amateur de patatovision. On lui a bâti un site web, et c'est plutôt réussi, qu'on en juge plutôt ici. A partir d'aujourd'hui je le joins à la liste de mes liens (à droite).

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Serge Paillard, Pomme de terre en lune, comme surprise


Charles Steffen à la collection de l'Art Brut du 23 mai jusqu'au 29 septembre

     C'est beau les dessins de ce monsieur Steffen (1927-1995), américain qui dessinait sur de grandes feuilles de papier genre kraft avec des crayons de couleur et de la mine de plomb.

 

serge paillard

Charles Steffen, 1995, © Estate of Charles Steffen


   Bizarres sont ses personnages. "Quand il ne dessine pas, il boit beaucoup et fume, surtout la pipe", dit le dossier de presse de la Collection de Lausanne. Il habite chez sa mère, avec sa sœur et son frère, dans un état psychique qui ne lui permet pas de s'insérer dans le monde du travail. Il dessine beaucoup mais sa soeur qui a peur que cela finisse par alimenter un incendie lui en fait détruire une bonne partie. De 63 à 89, rien  ne subsiste. Seule la production des six dernières années est parvenue jusqu'à nous... Ça fait tout de même 2000 dessins... Leurs sujets sont des nus, des danseuses, des crucifixions (drôe de mélange), des fleurs aussi, des personnages de sa vie quotidienne, comme sa mère dans son fauteuil roulant ou alitée. Mais il lui arrive de dessiner aussi des sujets moins classiques comme des flaques d'eau sur les trottoirs. Un personnage étrange surgit également dans son oeuvre à partir d'un moment, une sorte d'être humain mixé avec une plante du type tournesol, une plante humanisée en quelque sorte, cyclopéenne. C'est en tout cas un des exemples les plus inspirants qui nous soient parvenus via l'art brut américain. Il y aura une notice sur lui dans le fascicule n°24 de la collection de l'Art Brut, rédigée par la nouvelle conservatrice de la Collection, Sarah Lombardi.

serge paillard

Charles Steffen, Mère et enfant, Nu au tournesol, 1994, mine de plomb et crayon de couleur sur papier kraft, 112.5 x 76.5 cm ; Photo Atelier de numérisation - Ville de Lausanne; Collection ce l'Art Brut, Lausanne

Albasser sans miroir

serge paillard       Etrange titre d'info-miette, isn't it? C'est que Pierre Albasser qui toujours dessine sur cartons d'emballage avec feutres usagés et récupérés expose du 4 juin au 13 juillet 2013 (vernissage le jeudi 6 juin à 18h30) à la Galerie Anti-Reflets, 2, place Aristide Briand, à Nantes (tél: 02 40 89 23 69). Il se donne ces petites contraintes fidèlement depuis le début, depuis qu'il est à la retraite, et n'en finit pas de découvrir l'univers graphique qui en découle.

 La Maison Bleue de Da Costa Ferreira, suite

    Une deuxième tranche de travaux pour restaurer l'ensemble des petits monuments couverts de mosaïque par l'ouvrier d'origine portugaise Euclides Da Costa Ferreira à Dives-sur-Mer est prévue pour cette année, m'annonce l'Association "La Maison Bleue de Da Costa" (siège social: Mairie, rue du Général De Gaulle, 14160 Dives-sur-Mer, http://lamaisonbleue.unblog.fr).

Anna Zemankova vient faire un tour chez Christian Berst serge paillard

     Du 31 mai au 20 juillet, c'est la célèbre dessinatrice de l'aube, Anna Zemankova qui aura des dessins exposés à Paris dans la galerie Christian Berst. C'est une "classique" de l'art brut, et un de mes créateurs préférés. La botanique débridée de cette dame qui se levait aux aurores avant toute sa petite famille, dépliant son attirail en catimini et traçant ses automatismes probablement imprégnés des rêves de la nuit qui achevait de se dissiper de son corps, est à mettre en rapport avec celle d'autres médiumniques que l'exposition d'art brut tchèque montée par Alena Nadvornikova nous avait fait découvrir il y a quelques années à la Halle Saint-Pierre. On a beau jeu de décrire ses plantes comme porteuses de sensualité, comme on le dit aussi pour les fleurs charnues et ruisselantes de jus mystique d'une Séraphine Louis, mais on peut tout aussi bien se contenter de souligner le raffinement graphique de ses lignes et de ses doux tons. Le raffinement seul...


Galerie Christian Berst, 3-5, passage des gravilliers 75003 paris | mardi > samedi 11h > 19 h | +33 (0)1 53 33 01 70 | contact@christianberst.com


LaM de Villeneuve-d'Ascq, "Corps subtils", expo d'art brut et d'art indien à partir de la collection de Philippe Mons

    Là, c'est prévu pour aller du 8 juin au 20 octobre. Enfin une expo d'art brut au LaM qui depuis sa réouverture avec une extension des bâtiments pour présenter leur nouvelle collection d'art brut essentiellement basée sur la donation de l'association l'Aracine a adopté un rythme assez tranquille. Il ne fallait en effet pas s'attendre au même dynamisme que celui pratiqué à la Collection de l'Art Brut à Lausanne. Le LaM, c'est sur un même front de l'art moderne, de l'art contemporain, et de l'art brut. Donc, leurs grandes expositions, leurs expositions secondaires (celles qui s'intitulent "théma", "Corps subtils" en est une) alternent en fonction des trois départements, au risque de faire oublier tel ou tel, au gré des publics préférant l'un ou l'autre de ces secteurs.

 

serge paillard


     En l'espèce, on a affaire à une proposition de confrontation entre 350 œuvres d'art indien issus de l'art tantrique et des œuvres d'art brut. Voici un extrait du laïus de présentation de l'expo: "Il s’agit de partir à la recherche de cette fusion du moi et du monde que l’on prête autant à la folie qu’à l’expérience mystique, autant à des œuvres relevant de l’art tantrique que de l’art brut. La question est posée d’une « existence esthétique » qui traverserait l’éthique et le religieux comme le champ des créations artistiques. Les œuvres réunies par Philippe Mons forment une fable à même de nous enseigner les liens entre « amour fou » et expérience de fin du monde, « expérience intérieure » et appréhension globale du monde".

Travaux d'aiguille au Musée de la Création Franche, avec Jacques Trovic entre autres

    J'aime beaucoup également les "tapisseries" de Jacques Trovic, qui sont à dire vrai plutôt des fresques brodées. J'ai déjà eu l'occasion de les évoquer lorsqu'il y a eu à Lille l'expo "Sur le Fil" (l'un des commissaires de l'exposition était Barnabé Mons qui collabore également à l'organisation de l'expo précédemment citée, "Corps subtils"). J'étais allé le visiter en compagnie de bons amis qui m'introduisirent auprès de lui dans sa modeste maison d'ouvrier, dans un alignement de corons. La pluie et la grisaille environnante reculaient ce jour-là comme elles le font sans doute perpétuellement devant la couleur et la cordialité de l'ambiance qui régnait chez Trovic.

 

serge paillard

Jacques Trovic, "tapisserie" représentant une course du Tiercé, tenue et tendue par Jean-Louis et Juliette Cerisier, ph.Bruno Montpied, 2009 (Chez Trovic, quand des créateurs divers de l'art singulier se rendent visite les uns aux autres... Notre médiation n'est-elle jamais mieux faite que par nous-mêmes?)

 

     Le voici qui expose au Musée de la Création Franche à Bègles, en compagnie de deux autres créateurs, Jacky Garnier et Adam Nidzgorski, du 17 mai au 23 juin, c'est déjà commencé donc. On se reporte au site web du musée (tiens, il y a une nouveauté depuis quelque temps, des vidéos tournées par le directeur de l'endroit Pascal Rigeade, qui inaugurent sans doute une collection de témoignages des créateurs ou de leurs proches, actuellement Louis Pelosi (pour Rosemarie Kocsÿ), Marilena Pelosi (rien à voir avec le précédent), André Labelle, André Robillard...).

Bernard Thomas-Roudeix expose à Paris

     Où ranger Thomas-Roudeix? Art singulier, art contemporain (voire même en l'occurrence "expressionnisme contemporain"? L'oeuvre est remarquable, de qualité, intrigante, peintures à l'huile ou céramiques émaillées, comme la statuette ci-dessous, "L'élégance du fumeur" qui fait un pied-de-nez à la diabolisation actuelle des intoxiqués de la nicotine. Il expose actuellement dans une galerie ouverte depuis peu (avril 2013) au pied de la Butte Montmartre. serge paillard,anna zemankova,charles steffen,art brut,art naïf,art singulier,création franche,pierre albasser,environnements naïfs,da costa ferreira,corps subtils,lam,philippe mons,barnabé mons,jacques trovic,jean-louis cerisier,juliette cerisier,bernard thomas-roudeix,éric gougelin,galerie le coeur au ventre

Thomas-Roudeix avec Jörg Hermle et Bernard Le Nen, du 11 mai au 9 juin, à la galerie Art d'aujourd'hui, 8, rue Alfred Stevens, Paris 9e ardt. Tél: 01 71 37 93 51 ou 06 52 34 98 24. Ouvert du jeudi au dimanche 15h/20h.

Eric Gougelin à la galerie Le Cœur au Ventre, Lyon

     Je connais assez mal le travail d'Eric Gougelin dont on m'a rappelé récemment qu'il avait fait un travail sur les momies (un livre aussi je crois) avec Jean-Michel Chesné. Comme moi et les momies ça fait deux, je n'avais pas dû y accorder une grande attention, fuyant un peu le mortifère (ce qui n'a rien à voir avec la poésie du macabre qui me séduit davantage)...

 

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Eric Gougelin

       Mais la Galerie Le Cœur au Ventre, basée dans le Vieux-Lyon dans le quartier Saint-Georges, 5e ardt (27 rue Tramassac exactement, tél 06 86 10 36 70, ouv. du jeudi au samedi de 14h30 à 19h et sur rendez-vous), m'a envoyé un carton annonçant sa prochaine exposition ("Explorations sans voyage") chez eux qui reproduit une très belle image (ci-dessus). Comme une coupe anatomique dans l'inconscient, avec les strates mises à nu de souvenirs, images aperçues et transposées dans le grand mixeur de la mémoire touillée, et puis aussi on songe à un paysage de montagne où la neige se serait déposée aux reliefs, laissant de l'encre ruisseler dans les torrents des gorges rongées par quelque acidité... Je comprends qu'on puisse avoir plaisir à se rouler dans une telle efflorescence. Alors, j'oublie les momies...

14/04/2013

Jean-Louis Cerisier à la chasse aux muralistes de campagne

     C'est un peu tardif si vous aviez l'opportunité d'aller aujourd'hui au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval, mais ce ne l'est pas du point de vue de la stricte information.

      "Rendez-vous singulier" ce dimanche à 16h donc, pour assister à une conférence de Jean-Louis Cerisier, peintre singulier et naïf lavallois dont j'ai déjà eu maintes fois l'occasion de parler ici.

     En parallèle de son travail de création, nous dit le laïus du musée, "il s’est intéressé dans les années 1900-2000 [sic] aux créations populaires dont est parsemé le territoire : fresques de village, œuvres dans les écoles, cafés décorés, art éphémère, se livrant à une véritable enquête en Mayenne et dans les Pays de la Loire à la recherche de ces créations insolites. Il livre aujourd’hui un aperçu du résultat de ses recherches. Une occasion unique de (re)découvrir le territoire à travers le regard de ses artistes anonymes". Il a d'ailleurs déjà donné l'occasion aux amateurs de se rendre compte de cette création, ici qualifiée un peu vite, il me semble, de "populaire" (ce qui l'assimile de fait à d'autres formes de création populaire comme l'art rustique, ou les environnements spontanés dont je parle souvent et introduit donc une certaine confusion dans l'esprit du public), dans la revue 303 (ancien rédacteur en chef Jacques Cailleteau), voir le n° 43 ( sur le peintre Beyel, un vrai naïf pour le coup, article intitulé "Origné ignoré, sur les traces du peintre Beyel", 1994), le n°57 (article "Mondes insolites et travaux artistiques: la Mayenne à l'œuvre", 1998) et le n°58 ("Mondes insolites et travaux artistiques: la Mayenne à l'oeuvre, seconde partie").

 

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Peinture murale de Beyel (1926) dans le café-tabac,alimentation d'Origné (Mayenne), ph. B. Renoux, extraite du n°43 de 303, 1993 ; ce peintre nomade et solitaire peignait, paraît-il en échange du gîte et du couvert

 

     Il compilait à cette occasion peintres naïfs locaux inconnus, auteurs de fresques dans des cafés (Beyel, André Thureau), créateur autodidacte d'un environnement brut (Céneré Hubert), peintres fresquistes régionaux au métier affirmé mais aux sujets un peu insolites (Tribus), fresquistes du dimanche aux limites de la peinture de croûte (Olivacce ; par ailleurs je sais Cerisier amateur de peintres inconnus de dépôts-vente comme un certain A.Labarde qui l'intrigue, à la limite de la peinture kitsch), créateur singulier célèbre (Robert Tatin), et peintre intellectuel mystique adepte de muralisme atypique (Xavier de Langlais). Nul doute cependant que dans ses recherches menées sans trop de discrimination (le tri viendra-t-il plus tard?), Jean-Louis prend tout ce qui vient, dans la mesure où la peinture de campagne l'interpelle, l'intrigue, et peut-être aussi lui rappelle quelqu'un qui ne serait pas si éloigné que cela de ses propres démarche et thématique personnelles... Voir par exemple la fresque ci-dessous qui ne va pas sans évoquer certaines de ses peintures.

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Jean-Louis Cerisier, façade à Nozay, Loire-Atlantique

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Jean-Louis Cerisier, Le port, 33 x 25 cm, 2010

 

      C'est cependant une excellente idée de sa part de se livrer à cet inventaire – parallèle au mien plus axé sur les créations en plein air d'autodidactes d'origine strictement populaire, non professionnels de l'art – des fresquistes et peintres régionaux dont les décorations sont perdues dans les campagnes de Mayenne et au delà (on pourrait les étendre à toute la France). On obtiendra sans doute à la fin un panorama de la création décorative provinciale qui irait du naïf absolu à l'intellectuel primitivisant, en passant par les artistes publicitaires semi amateurs et les peintres du dimanche imitant de loin les peintres d'église, en les mixant avec les artistes singuliers contre-culturels et alternatifs, quelque créateur brut étant admis au banquet pour que le panel soit complet, dans le désir de Jean-Louis Cerisier tout de même (c'est le sentiment que j'ai) de rassembler toutes ces créations sous la seule bannière de l'art. Ce qui à mon humble avis représente une position restrictive qui ne tient pas compte de l'explosion des barrières socialement admises générée par la reconnaissance des créateurs bruts, œuvrant hors système traditionnel des beaux-arts justement (j'y assimile ici les créateurs d'environnements spontanés). C'est la position seulement réformiste de Jean-Louis Cerisier vis-à-vis de l'art que je pointe là, que je distingue d'une position plus révolutionnaire sur laquelle je campe personnellement.

 

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A. Labarde, sans titre, sans date, coll. Jean-Louis Cerisier, ph. Bruno Montpied, 2009 ; on est ici à la limite de ce que les Américains appellent le Bad Art, tandis qu'en Europe, on parlerait plutôt de peintures de croûte, du type de celles qui végétent au fond des dépôts-vente (Labarde a d'ailleurs été repêché par Cerisier dans ces bric-à-brac), certaines oeuvres recélant cela dit un charme indéfinissable, aux limites du naïf, du raté, et de l'incongru...

 

11/07/2012

Des peintures du sciapode au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval

     J'entre par le biais d'une donation de 26 œuvres dans la collection permanente du Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier de Laval, prestigieuse collection d'art naïf de très grande qualité qui ouvrit ses portes au public en 1967, après avoir été créée à partir des collections du peintre lui-même naïf Jules Lefranc. C'est dire que je n'en suis pas peu fier. En même temps que moi, plusieurs œuvres de Jean-Louis Cerisier, régional de l'étape (pour employer une métaphore en rapport avec l'actualité cycliste), entrent également au musée du Vieux-Château.

 

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Bruno Montpied, Une nuit en couleur, 31x24 cm, 1998, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval

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B.M., Le Malin, 24x32 cm, 2006, MANAS de Laval


       Ce n'est pas la première fois que des œuvres relevant de ce que l'on appelle "l'art singulier" (= "neuve invention" ou "création franche") entrent dans ce musée. Une importante donation d'Alain Lacoste a été ainsi réalisée il y a peu, avec une salle qui lui avait été temporairement entièrement consacrée. On trouve également, entre autres, des oeuvres de Sanfourche, Reumeau, Hernandez (cela dit rangé usuellement plutôt dans l'art brut), Van Der Steen, Jacques Trovic, Boix-Vives, Eva Lallement (dont il y a eu une donation complémentaire récemment), Martinez Albarez Rutila et Antonia Martinez, ou encore Antoine Rigal. L'action de l'attachée de conservation, liée à la municipalité de Laval, Antoinette Le Fahler, n'est pas étrangère à cet intéressant prolongement de la collection.

 

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Alain Lacoste, A fond le champignon, 2003, MANAS de Laval

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Antonia Martinez, Bombardement de tous les trônes d'Europe, terre cuite, 1989, MANAS de Laval

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        J'insère ci-après la lettre que j'ai adressée à la ville de Laval lors de ma proposition de donation, qui précise en quoi à mes yeux elle se justifiait.

"Lettre d’intention en vue d’une donation

           Je souhaite faire donation de 26 de mes œuvres au musée d’art naïf et d’art singulier du Vieux-Château à Laval pour deux raisons principales.

          Je suis impliqué par mes dessins et autres peintures dans le corpus de l’art dit singulier (appelé aussi « création franche » au musée du même nom, situé à Bègles, Gironde) depuis de nombreuses années (depuis 1989 par exemple au Musée de la Création Franche, époque où j’avais participé à la première exposition collective de ce musée, intitulée « Les Jardiniers de la Mémoire », en compagnie de Pépé Vignes, Sanfourche, Alain Pauzié, Claudine Goux, Alain Lacoste, Chichorro, Noël Fillaudeau, Monchâtre, Claude Massé et Marcelo Modrego entre autres). D’autre part, je suis un fervent défenseur des arts spontanés et autodidactes, ce que j’exprime à côté de ma peinture dans de nombreuses publications disséminées dans des organes de presse et d’édition variés, depuis d’aussi nombreuses années.

         Dans ce cadre, j’ai été amené à citer plusieurs fois la collection du musée d’art naïf de Laval que j’estime particulièrement remarquable, de même que j’ai pu écrire des articles sur certains créateurs lavallois (Jean-Louis Cerisier, Serge Paillard). A mes yeux, l’art naïf de qualité d’une part, l’art brut d’autre part, dans leur filiation avec les arts populaires ruraux d’autrefois, sont les cousins, ou les ancêtres des artistes contemporains marginaux que l’on range dans l’art singulier. C’est pourquoi j’ai été amené à citer dans mes articles les créateurs naïfs, et par la suite singuliers, de la collection de Laval (par exemple dans « La poésie oubliée des peintres naïfs », Création Franche n°3, mai 1991, ou dans l’article « Laval » inséré dans le n°XLIX de la revue 303, 2e trim 1996, où, suite à une exposition à l’Orangerie de la Perrine de Jean-Louis Cerisier, je forge le terme « d’école lavalloise de figuration poétique » à propos des peintres Rousseau, Lefranc, Trouillard, Reumeau, Tatin, Lacoste, Blanchard, Cerisier, Paillard, etc.).

         L’évolution de la collection du Vieux-Château, ces dernières années, en direction de l’art singulier, me concerne par conséquent tout particulièrement, car elle confirme mes intuitions avancées dans le cadre de mes activités de critique et de peintre. C’est pourquoi je souhaite ardemment qu’y figurent à côté de diverses figures que j’admire mes propres œuvres.

Bruno Montpied"

27/05/2012

Info-Miettes (18)

Arts buissonniers dans les rues de Capdenac

     Le 29 mai à 20h, c'est mardi prochain, dans le cadre de "L'Autre Festival" à Capdenac (Aveyron), avec l'association "Derrière le Hublot", aura lieu une projection de films autour de l'Art Brut et des Bâtisseurs de l'Imaginaire, avec un débat, le tout proposé par le Musée des Arts Buissonniers. L'événement se déroulera à la Médiathèque de Capdenac. Seront projetés Bricoleurs de Paradis (le Gazouillis des Eléphants) et un film sur Bohdan Litnianski.

 

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Bohdan Litnianski, Viry-Noureuil (Aisne), ph. Bruno Montpied, octobre 2008

     Par ailleurs, toujours dans le cadre de ce festival, les Arts Buissonniers sont invités à présenter ensuite une exposition, du 30 mai au 3 juin, basée sur la collection permanente qu'ils présentent habituellement dans leurs locaux de Saint-Sever-du-Moustier. On pourra notamment découvrir, sous le signe de l'assemblage, des pièces de Paul Amar qui sera tout cet été présenté aussi au Musée à Saint-Sever (expo La Folie des Coquillages du 16 juin au 10 novembre), et des pièces d'André Robillard, ainsi que des Staelens. Par ailleurs, prêtées par une association lotoise (voir le commentaire ci-dessous de JMC), des œuvres de Marie Espalieu seront également montrées.

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On reconnaît ici un "fusil" d'André Robillard

    Il y aura aussi une présentation du travail réalisé par 5 écoles primaires de l'Aveyron lors d'ateliers de création mis en place à l'occasion du spectacle "Petit Pierre". Ainsi qu'un atelier de création collective, ouvert à tous (les 2 et 3 juin prochains), atelier  dont les éléments iront, semble-t-il, rejoindre par la suite la "Construction collective" qui se bâtit progressivement sur les hauteurs de Saint-Sever, bâtiment hétéroclite dont j'ai déjà parlé ici et qui se bâtit par assemblage. Ce dernier mot est du reste le terme générique de cette carte blanche aux Arts Buissonniers.

Paul Amar sera bientôt exposé aussi à Chartres, patrie de Picassiette

    Je dois cette information au musée des Arts Buissonniers qui m'a signalé qu'outre l'expo qu'ils consacreront aux maquettes de coquillages rutilants de Paul Amar, ce dernier fera également partie d'une expo à Chartres, intitulée TOO MUCH ! FANTAISIES ET COQUILLAGES, du 23 juin 2012 au 26 août 2012.

Prieuré Saint-Vincent, 12, rue Porte-Cendreuse, Chartres. Informations : 02 37 23 41 43. www.chartres.fr

 

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Une œuvre de Paul Amar à la Collection de l'Art Brut à Lausanne, ph. Bruno Montpied, 2011


Jean-Louis Cerisier à la Lucarne des EcrivainsTriomphe-et-sacrifice,-tech.jpg

    Du 2 au 16 juin prochains, notre ami primitiviste lavallois, dont une donation d'œuvres vient d'entrer au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval, J-L. Cerisier, va exposer une quarantaine de peintures et dessins récents dans la sympathique librairie la Lucarne des Ecrivains, située dans le quartier populaire de la rue de l'Ourcq dans le XIXe ardt de Paris.

     "Jean-Louis CERISIER, dans un travail subtil d’exploration, se déclare  avide de « découvertes intimes à révéler ». Cette exposition généreuse raconte des histoires. Elle fait sa place au milieu des romans et s’y trouve bien. Le créateur de fiction plastique  sublime la représentation de la vie et « va au- delà » d’elle,  dans le plaisir affiché de peindre et le « bonheur immédiat à le partager »." (Françoise Limouzy, mai 2012)

Horaires : du mardi au samedi, de 10h30 à 19h ; dimanche et lundi : de 14h à 19h. Vernissage le mardi 5 juin à partir de 17h30. http://lucarnedesecrivains.free.fr et Mail : lalucarnedesecrivains@gmail.com

Illustration: Triomphe et sacrifice, technique mixte, 24x32, 2012

Jean Estaque s'exhibe quant à lui à Montauban

    C'est une façon de parler bien sûr, Jean Estaque n' a pas encore jeté son tablier par dessus les moulins. Ses œuvres viennent investir A la Soupe aux Livres (là aussi, une librairie?) du 11 mai au 18 juillet. Cela se situe au 28, fbg Lacapelle. Il y aura des peintures, des sculptures et de la littérature. Tout pour être heureux en somme. Pour plus de renseignements, on prend sa loupe et on examine l'affichette ci-dessous.

 

INVITATION ESTAQUE Montauban 12.jpg

Solange Knopf fait plus fort et débarque à New-York

S KnopfSSL12794.JPG    Cette dessinatrice belge, dont j'aime assez le travail (parce que ça ressemble à ce que je fais!...), m'annonce l'invitation que lui a lancée récemment la galerie Cavin-Morris à New-York. Félicitations à elle. Si on veut en voir plus, on peut aussi aller sur son site personnel. C'est un travail virtuose et inspiré qui paraît tout imprégné d'un frou-frou de palmes, de bruyère, de protoplasmes, avec grand tralala d'influences du côté d'Unica Zürn, d'Ursula aussi (voir ci-dessous l'expo parisienne qui débute le 31 mai), de l'art brut bien sûr aussi avec mention spéciale pour les médiumniques.

 

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Solange Knopf

Lionel, l'enfant bleu d'Henry Bauchau au LaM

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    C'est jusqu'au 21 juillet, au LaM de Villeneuve d'Ascq, près de Lille, et aussi à l'Université Catholique de Lille. Je ne sais pas grand chose de ce Lionel, adolescent suivi thérapeuthiquement par l'écrivain et psychanalyste Henry Bauchau qui écrivit un roman à son sujet. Savine Faupin, chargée du département art brut au LaM, en dit un peu plus sur la vidéo ci-dessous. Il paraît qu'il y a de nombreux labyrinthes, monstres, pays imaginaires et autres constellations dans son œuvre graphique. Un ensemble de dessins, gravures et sculptures, réalisés entre 1980 et 1998, est entré récemment au musée, don d'Henry Bauchau.


Coco Fronsac et Jim au cabinet de curiosité

Expo chez DA-EN 2012.jpg

"C'est une expo sur les cabinets de curiosités, oeuvres d'art contemporain et quelques pièces anciennes... J'y expose un de mes "Chamans", et François 3 crânes...", m'écrit l'exposante. "François", c'est l'artiste autrement appelé Jim Skull (ce qui veut dire "crâne" en anglais), spécialisé dans les reliquaires aux crânes surmodelés, dont certaines pièces ont été récemment publiées dans un beau livre sur les cabinets de curiosité, ce qui explique sans doute cette inclusion dans cette expo consacrée aux cabinets susdits.

Cabinet DA-END, 17 rue Guénégaud, 75006 PARIS. Tel +33 (0)1 43 29 48 64
Du mardi au samedi de 12h à 19h. JUSQU'AU 25 JUILLET.

L'Art Graphique de Nouvelle-Zélande au Madmusée

    Quatre créateurs néo-zélandais sont présentés à Liège du 12 mai dernier au 8 septembre prochain au Madmusée. L'expo prend par respect pour la Nouvelle-Zélande sans doute un titre anglais "Local Knowledge", ("connaissance locale"...?). Des quatre, une retient plus particulièrement l'attention sur l'écran, Susan King. Voir l'image ci-dessous...

 

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Bernhard Schultze et Ursula à la galerie Les Yeux Fertiles

     C'est comme pour ce couple de créateurs allemands (Schulze: 1918-2005, "art informel abstrait", Ursula (Bluhm): 1921-1999, "aux confins de l'art brut" –elle fut rangée en fait au sein de la Neuve Invention à Lausanne, à un moment, un peu comme Unica Zürn dont elle est proche graphiquement et avec qui elle partage la même nationalité allemande). Leurs œuvres seront exposées du 1er au 30 juin à la galerie Les Yeux Fertiles (vernissage le 31 mai dans le cadre "d'Art Saint-Germain-des-Prés"), et l'on a plus envie de s'arrêter devant Ursula que devant Bernhard, enfin si on se base sur l'image du carton d'invitation, et sans se référer forcément à l'étiquette "aux confins de l'art brut".

 

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Evelyne Postic revient chez Alain Dettinger: "la métamorphose du mille pattes"

     Là, c'est à Lyon que cela se passe. Place Gailleton, chez l'excellent galeriste Dettinger (aïe, on va encore me reprocher de manquer de ri-gueur-intel-lec-tu-elle parce qu'on me prouvera facilement que je donne ce genre de jugement de valeur parce qu'il m'a exposé un jour, mais non, il était déjà excellent avant cela...). Evelyne Postic s'en vient avec de nouvelles grandes compositions grises et roses avec des squelettes qui hésitent furieusement entre se prendre pour des montagnes ou pour des buissons d'épines.

 

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Pétra Werlé chez Béatrice Soulié

      Enfin, pour clore provisoirement cette litanie d'expos et manifestations en tous genres (l'actualité créatrice étant décidément au beau fixe ce printemps), je signale le retour de Pétra Werlé et de ses sculptures en mie de pain à la galerie Béatrice Soulié. On peut visiter sa galerie le même jour où l'on ira voir le cabinet de curiosité DA-END pour Coco Fronsac et Jim Skull, c'est commode. Cela s'appelle "Aime-moi mon amour!". L'expo durera du 31 mai au 13 juillet.

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17/04/2012

Jacques Reumeau, par Jean-Louis Cerisier (2)

           Deuxième volet de notre dossier Jacques Reumeau, voici un second texte de Jean-Louis Cerisier, toujours fidèle à son camarade de jeunesse.


Jacques Reumeau, une seconde vie

         A ses débuts Jacques Reumeau, habité par une énergie démesurée,  était obsédé par la volonté de faire émerger sa personnalité, au regard des figures tutélaires que représentaient pour lui Barbâtre, Henri Trouillard et Robert Tatin¹. Ceux-là tentèrent plus ou moins  d’encadrer les bouillonnements de ce créateur à la fois rebelle et fortement demandeur. Le jeune Reumeau, entièrement autodidacte, avait en effet besoin de s’approprier des démarches et des techniques auprès des artistes qui comptaient pour lui parce qu’ils bousculaient les valeurs et les codes établis.

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Jacques Reumeau, Ubuoîte, 1977, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval, ph. Bruno Montpied


        Ses lectures en histoire de l’art lui ont également permis de trouver en Goya (pour la révolte) et en Odilon Redon (pour le mystère) une résonance dans sa recherche d’expression personnelle. Il a résulté  de tout ce brassage une période de création puissante, dont émergeaient des représentations tour à tour animales, rituelles, sacrificielles, fantastiques.

         Au milieu des années 70, la disparition ou l’éloignement des figures marquantes qui l’entouraient jusque-là correspondent à une période où les phases de dépression et les hospitalisations deviennent fréquentes ; l’énergie créatrice du peintre allant en s’amenuisant, il développe un mode d’expression basé sur la force et l’épure,  démarche déjà explorée auparavant, mais cette fois de façon plus  systématique. Des rencontres (les créateurs Alain Lacoste, Stani Nitkowski, Jean-Joseph Sanfourche, Jean-Eric Fouchault) le confortent dans une approche plus directe du dessin et de la peinture.

 

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Jacques Reumeau, Combat-Duel, gouache, craie blanche, pastel sur papier, 1974, Musée d'at naïf et d'art singulier de Laval

 

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Jacques Reumeau, Le Couple, huile sur toile, 1982, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval

 

       Dans une série de quatre pastels et gouaches, l’esprit de Goya se fait  sentir. Le combat-duel (1974) se révèle comme une prise à bras-le-corps du geste pictural et l’expression d’un combat pour la vie.  La peinture Le couple, référence possible à Tatin,  est débarrassée de toute fioriture pour se concentrer sur le sujet : la rencontre de deux bouches, de deux regards démesurés, de deux corps.  Dans les pastels La femme-fleur et Le sommeil à la lune (1982), Reumeau emprunte sans détour le style d’Odilon Redon pour aller à l’essentiel : le visage est réduit à un œil qui écoute. Un dos immense est la caisse de résonance du monde, le corps vibre.

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Jacques Reumeau, Sommeil à la lune, pastel sur papier, 1982, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval

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Jacques Remeau, Accouchement, pastel et fusain sur papier, 1986, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval


       Les dernières compositions du peintre au pastel et fusain sur papier, telles Accouchement et Les femmes enceintes (1986), révèlent l’état d’esprit du peintre : alors que la mort le guette, il fait surgir la vie pour triompher du destin. Le corps est réduit à l’état de boyau. Ne comptent plus alors que le regard pour faire face et la main pour combattre. Encore et toujours…

       (Le présent texte (non publié), rédigé dans le cadre de la 6e Biennale de Laval (du Naïf au Singulier : le spectacle des corps, juin-sept. 2007), m’a permis de mettre en avant le combat pour la vie engagé par le peintre dans un corps à corps avec la création durant les dix dernières années de sa vie. J-L.C.)



 ¹ Peintres de la région de Laval comme Reumeau et Cerisier.

08/04/2012

Jacques Reumeau, par Jean-Louis Cerisier (1)

Page de titre expo Laval 84 Hernandez Reumeau.jpg     Jacques Reumeau, cela fait des années que j'en entends parler par un ami peintre lavallois, Jean-Louis Cerisier, qui le connut dans les années 70 et 80 comme d'autres jeunes gens dans cette bonne ville qui fut le berceau de plusieurs peintres naïfs et singuliers, au premier rang desquels le fameux Douanier Rousseau bien sûr, mais aussi, Henri Trouillard, Jules Lefranc, puis pour les Singuliers, Robert Tatin, Alain Lacoste, Sylvie Blanchard, et Jacques Reumeau, cet artiste vagabond, semi clochard, à l'œuvre diverse, inégale, hétéroclite d'où émergent cependant de nombreuses pépites, conservées comme la majorité de l'œuvre (voir le texte de Cerisier ci-dessous) au musée du Vieux Château à Laval, musée qui vient de commencer une mue spectaculaire de l'art naïf à l'art singulier (l'art naïf qu'il possède restant présent bien entendu, puisqu'il s'agit d'une collection de réelle qualité bâtie autour de celle qu'avait commencée Jules Lefranc et qui servit de fondation et de racine à l'essor de la collection ; je rappelle que ce musée a ouvert ses portes au public en 1967). Il faut ajouter que la Sarthe voisine contient d'autres créateurs singuliers ou bruts tout à faits frappants, comme François Monchâtre, Gaston Floquet (voir l'article sur lui par Eva Prouteau dans le récent numéro de 303 sur l'art brut, outsider, modeste), Fernand Chatelain et Emile Taugourdeau. Sans compter que dans les générations actuelles sont apparus des créateurs tout à fait originaux comme Jean-Louis Cerisier justement, ou Serge Paillard, voire Patrick Chapelière et Joël Lorand (un non natif lui pour le coup), qui tous ont un lien avec la figure de Jacques Reumeau, cet artiste qui un jour abandonna l'usine pour se consacrer corps et âme à la peinture (comme le signalait la notice du catalogue de l'expo "De face et de profil" en 1984 au musée de Laval).

 

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Jacques Reumeau, Les coqs mangeurs de champignons, pastel sur papier, sans date, 95x75 cm, Musée d'art naïf et d'art singulier du Vieux-Château, Laval


       Jean-Louis, comme il l'explique lui-même ci-après dans ce texte inédit datant de 2007, se consacre régulièrement à restituer la mémoire de cet artiste atypique, véritable figure de la vie artistique lavalloise (patrie également d'Alfred Jarry).


"Pour que Reumeau ne meure

 

       Jacques Reumeau est décédé il y a 20 ans, le 29 juin 1987, à l’âge de 38 ans. Je voudrais, à l’occasion de cet anniversaire¹, revenir sur la destinée posthume de son œuvre. Le peintre a mis sa vie au service de sa création, engagement total  lié à un désir de reconnaissance, lui-même né d’un sentiment d’abandon ressenti par le peintre dans son enfance.

        Reumeau a commencé à effectuer des donations au Musée de Laval, alors dirigé par Jean-Pierre Bouvet². Le conservateur du musée et le suivant Charles Schaettel ont montré curiosité et intérêt pour l’œuvre et l’ont accueillie favorablement, ce qui a rendu possible  la décision finale de l’artiste de léguer par testament la totalité de son œuvre au musée. Les idées d’éparpillement, de disparition et d’oubli hantaient l’artiste à la fin de sa vie.

 

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       L’amitié et la confiance qu’il m’avait témoignées le poussèrent à me faire promettre de ne pas laisser son nom et son œuvre tomber dans l’oubli. Après sa mort, j’ai mis toute l’ardeur nécessaire à la publication d’un article dans la revue 303 (« Jacques Reumeau, peintre mayennais », n° XXXIX, 1993)

      La conservatrice du musée, Marie-Colette Depierre, au début des années 90, a engagé un inventaire du legs imposant consenti par Reumeau, constitué d’environ 2000 dessins, encres, pastels et peintures. Elle confia un travail de recherche  à des étudiantes en histoire de l’art de l’université de Rennes.

 

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Jacques Reumeau, La Spatule et la baignade des singes, pastel e tfusain sur papier, 1975, Musée d'art naïf et d'art singulier du Vieux-Château de Laval, ph. Bruno Montpied

 

         Estelle Soleillant rédigea ainsi un mémoire de Maîtrise en 1999-2000 (Etude, sous forme de catalogue raisonné, d’un choix d’œuvres de l’artiste mayennais Jacques Reumeau, Université de Rennes 2 / Haute Bretagne, Directeur de recherches : M Poinsot). Ce mémoire présente une synthèse de la vie, de l’œuvre et de l’environnement artistique du peintre, enrichie de propos recueillis auprès de personnes ayant côtoyé le peintre. Anne Archenoul a poursuivi le travail d’inventaire, ce qui a donné lieu à la publication d’un article dans la revue Maine Découvertes : « Au Musée d’Art Naïf de Laval : la redécouverte du fonds Reumeau », (n° 42, septembre 2004).

    Deux expositions posthumes ont été organisées par Marc Girard, artiste-peintre qui avait connu le peintre à Mayenne à la fin de sa vie, l’une en 1987 au château de Juhel à Mayenne, la seconde en 1988 à la chapelle du Géneteil à Château-Gontier. En 2000, à l’initiative d’Alain Guesné et Serge Paillard, une exposition fut organisée au prieuré d’Olivet sur la base d’un choix d’œuvres prêtées par le Musée de Laval sous la conduite d’Estelle Fresneau. Cette exposition a été remarquée pour la qualité de la sélection et de la présentation des œuvres. A l’occasion de cette exposition, Jean-Claude Leroy a publié un recueil d’entretiens qui prolonge le travail entrepris par Estelle Soleillant (revue Tiens, n° 8, mars 2000).

       La Biennale 2007 peut constituer un début de reconnaissance pour des artistes demeurés à la marge. Les vœux de Jacques Reumeau n’auraient alors pas été vains."

______

¹Texte rédigé  par Jean-Louis Cerisier dans le cadre de la 6e Biennale internationale de Laval en 2007. Non publié.

²Jean-Pierre Bouvet fut conservateur du musée de 1965 à 1976. Charles Schaettel lui succéda de 1976 à 1990. Puis ce fut le tour de Marie-Colette Depierre, d'Estelle Fresneau, et enfin actuellement d'Antoinette Le Fahler de présider aux destinées du musée.

 

23/01/2011

Carbonisés en goguette, fillette au pantin et autres créatures de Montpied à Bègles à partir du 5 février prochain

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     La date d'ouverture de ma prochaine exposition au musée de la Création franche (58 ave du Maréchal de Lattre de Tassigny, 33 Bègles) approche. C'est l'occasion de faire un petit rappel, en espérant que les intéressés pas trop éloignés de la région Aquitaine pourront venir à l'inauguration du samedi 5 février à partir de 18h. Et s'ils ne peuvent venir ce jour-là, leur préciser que l'expo durera jusqu'au 20 mars.

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 BM, Les Carbonisés en goguette, 2010 ; extrait du carton d'invitation à l'expo BM

 

 

    C'est aussi l'opportunité de mettre en ligne le texte fouillé que Myriam Peignist, rencontrée grâce à ce blog, a eu la gentillesse de consacrer à un de mes dessins présentés dans cette exposition, Les carbonisés en goguette (voir ci-dessus). Je publie ici son texte dans sa version complète (qui a en effet été raccourcie, avec son accord, faute de place dans le carton d'invitation à l'expo ; les blogs sont là pour pallier ce genre de difficultés):

             Sur un fond nébuleux de débris nucléaires, une ambiance de grisaille ; peu de place pour un coin de ciel bleu. Le végétal a disparu de cet anima mundi de rescapés saugrenus entassés. Comme une crête hérissée  sur un front avantageux qui lorgne le ballet des hybrides, un peigne blanc aux dents irrégulières s’érige pour recoiffer l’air filandreux. Lambeau rouge, seul dressé, s’effiloche dans un vent blanchi, jouant avec les rebords de la feuille en déchirure. La mascotte des goguettiers serait-elle visière noire ? En contours irréguliers et frétillants, c’est bien la couleur charbon qui donne relief à la scène.

            Dégoulinant, saturé et touffu, l’univers de Bruno Montpied se précipite et s’extravase vers le bas de la feuille en joyeuse dégringolade, se jouant du rase-mottes. L’insurrection s’y fait à l’envers, brouteuse, dévalant la feuille en cascade, s’agglutinant jusqu’à tâter cette terre devenue poussière cendreuse. Pas question de s’y enliser. 

            Le ton broussailleux est donné : tandis que l’étrange pèlerin courbé et bosselé, traînant  sa trace gluante et fumeuse de cramoisi, raconte au grand cornu son épopée, la cadence du bal est lancée. Sous lui s’amoncelle une palissade crâneuse de formes concassées, en grappe de grelots. Sur les restes de la catastrophe, la danse des « carbonisés en goguettes » est à la bousculade espiègle, mais impossible de s’y  marcher sur les pieds. Ça swingue sur les ruines d’un camp dévasté.

            Bruno Montpied invente la danse Carambole : la troupe des Gouailleurs est entraînée dans une parade de frottis frotta, à la cadence d’un pousse-toi pousse-moi. Les créatures de Montpied ont de drôles de mines, forment un cénacle déjanté qui se taquine.

            On ne peut pas dire que ce monde-ci soit « sans queue ni tête » puisque paraissent s’y enchevêtrer les « tête à queues ». Pas de mains, peu de pieds, ni entrechats, mais des nez à nez d’amputés drolatiques, des yeux globuleux, des crocs à crocs de dents noires, des langues lécheuses fourchues flairant les échancrures. 

            S’y côtoie un monticule de difformités sous le regard bienveillant d’un personnage maquillé à la clown, sourcils rouges, les yeux cernés. Avec son bras d’écailles, sa chevelure d’un brun épais, son châle à pois roses sur son corps tronqué, il-elle s’attendrit devant le bal, dentition écarquillée. Un demi moustachu balafré par le rebord du papier pointe sa bacchante effilée, curieux d’entrer dans la danse : s’y entreprennent en enfilade, une méduse froufrouteuse, des défroqués, et autres décolletés en jabot. Des hiéroglyphes d’un bleu limpide, semblent indiquer le message d’un mystérieux patrin (1). Le papier déchiré et granuleux joue entre cadre comprimé et échappée hors cadre.

            La moutarde monte au nez, les carbonisés partent en dérive et cavalcades comme s’il sortaient de le feuille en courant.

                             

Myriam Peignist



(1) Le patrin est le code secret des tsiganes (une sorte d’alphabet) qui leur permet de communiquer visuellement  (de patran : feuille d’arbre), ce sont des signes très simples qu’ils laissent après leur passage.

 *

    Au même moment, autre rappel, se tiendra au rez-de-chaussée du même musée une exposition d'une centaine d'oeuvres de Jean-Louis Cerisier. L'inauguration de son expo se déroulera en parallèle avec la mienne.

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26/12/2010

Jean-Louis Cerisier bientôt au Musée de la Création Franche

      J'annonce cette exposition longtemps à l'avance pour le cas où l'on voudrait faire le voyage en réservant un billet à tarif réduit. L'inauguration aura lieu en effet le samedi 5 février, un samedi pour les voyageurs qui viendraient de beaucoup plus loin que Bègles, merci aux organisateurs du musée qui ont eu cette délicate attention.

 

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   Jean-Louis Cerisier, Mythologie, 2009

 

      Jean-Louis Cerisier, cela faisait longtemps que je n'avais plus parlé de ses travaux. J'avais même cru à un moment qu'il allait laisser tomber la peinture. Et puis voici que pas du tout il est reparti la fleur au fusil, ou plutôt qu'il n'a jamais cessé de créer sous roche, continuant à produire des tableaux, des travaux graphiques avec une belle opiniâtreté. Peut-être n'était-ce qu'une stratégie pour pouvoir continuer sur d'autres voies plus inédites, tranquillement, en se procurant le calme nécessaire. Je l'ai un peu enfermé au début dans l'art naïf, tant je continue de croire que dans ce domaine, on peut rencontrer d'aussi poétiques trouvailles qu'ailleurs (et Jean-Louis me faisait l'effet d'une de ces trouvailles). Naïf n'est pas forcément synonyme de mièvre et de peinture cu-cul. Lui-même paraissait s'enfermer dans un système, tout en cherchant à casser les limites qu'il s'assignait inconsciemment. Plusieurs de ses peintures, à un moment, attestent de ce besoin de rupture, par des jeux de décadrement. A une époque, comme le rappelle Françoise Limouzy dans le texte qui présentera Jean-Louis sur le carton d'invitation à l'exposition, ce dernier allait même jusqu'à scier ses anciens tableaux, cherchant de nouveaux cadrages, déboîtant, recomposant ses images comme un photographe ou un joueur de casse-tête genre Rubik's cube.Jean-Louis Cerisier, Portrait masqué,collage et peinture, 2000.jpg Certains  portraits masqués représentait un homme se cachant derrière un masque tatoué de cases, de grilles, de labyrinthes vaguement inquiétants. Aujourd'hui, il semble vouloir dépasser cette période. Une de ses dernières peintures, Mythologie (voir notre première illustration), montre ainsi un trio, au sein duquel on peut imaginer un personnage bras en croix comme une projection de l'auteur, enfin sorti avec ses compagnes d'un jardin fermé de grilles, à la végétation envahissante, quelque peu étouffante, s'échappant avec satisfaction semble-t-il de la toile d'araignée de fils blanchâtres qui occupe la composition par-dessus le jardin et le voile noir qui bouche une partie du cadre.

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Jean-Louis Cerisier, Les soeurs jumelles, 2010   

      A Bègles, au Musée de la Création Franche, du 5 février au 20 mars 2011, Jean-Louis Cerisier présentera une centaine d'oeuvres dont beaucoup d'inconnues, puisque la politique du musée est d'offrir aux regards, durant ces expositions, avant tout des oeuvres nouvelles de l'artiste, susceptibles de migrer vers d'autres collections. Jean-Louis a pour ambition de montrer diverses facettes de ses expérimentations, qui contiennent parfois des compositions en collage d'éléments pré-fabriqués par d'autres (comme dans l'oeuvre ci-dessus où l'on découvre un véritable dessin d'enfant recollé dans sa peinture), des peintures sur ardoise, des surlignages, des dessins fantastiques, parfois semi abstraits, etc., etc. Rendez-vous donc à Bègles le 5 février! 

19/02/2010

Quand le foot mène à l'art

   Voici déjà quelque temps que je voulais mettre en ligne ces images, le recto et le verso d'un panneau peint et collé de quelques éléments empruntés à des photos, fabriqué à l'évidence vers 1982. C'est de l'art modeste ou je ne m'y connais pas.

Anonyme,Panneau d'hommage à une équipe de football amateur,1982Recto.jpg
Côté pile... On est fier de la promotion obtenue par son équipe...Anonyme, Panneau commémoratif Club de Football amateur, 1982,verso.jpg
Côté face... Le personnage de Platini a laissé sa place à un joueur véritable de l'équipe dont on chante les louanges, peinture et collage dans une belle économie de composition 

    Il a été trouvé dans une décharge ou un dépôt de rebuts par Jean-Louis Cerisier, peintre primitiviste lavallois bien connu dans le Landerneau de l'art naïvo-singularo-brut, du côté de la Brière. L'artiste inconnu qui l'a confectionné a pris un panneau de contreplaqué quelconque, à peu prés 1,50m sur 1,60m, de format proche du carré, et a utilisé de la peinture, et des éléments photographiques pour plus de réalisme. Il y a une volonté publicitaire naïve sur le côté où l'on voit un Platini dont on a retiré les yeux (par accident ou volontairement?), avec ces lettrages rouges voyants. Sur le verso, le ballon sert de O, jeu graphique commun qui prend ici une valeur quelque peu touchante. De même du reste que la couleur bleue de la photo décolorée du joueur qui brandit le ballon de la victoire, on n'a pas songé avec ce panneau à faire une oeuvre impérissable... Or, justement, ne pourrait-on pas la conserver? Il me semble que le Musée International des Arts Modestes pourrait s'y intéresser, ou les distingués collectionneurs de la CAPUT (voir les liens de ce blog). Le propriétaire actuel du panneau le leur céderait volontiers, il me semble (si ce n'est déjà fait pour quelque autre destination plus anéantissante)...

Panneau commémoratif équie de football amateur,1982,les noms des joueurs effacés.jpg
Dans le coin droit du panneau, les noms vraisemblablement des joueurs de "La St Cyr"... A moitié effacés par le temps

16/08/2009

De l'art brut en Mayenne?

    Gustave Cahoreau, Patrick Chapelière, Céneré Hubert, Alain Lacoste, Joël Lorand, Robert Tatin sont les créateurs invités, certain post mortem (Tatin), par la médiathèque de Villaines-la-Juhel en Mayenne... Et, non, ils ne sont pas si vilains en passant par la Juhel... On y a eu l'excellente idée, loin des cénacles et des clubs de professionnels de la diffusion des fausses valeurs contemporaines de nous y proposer des créateurs vraiment inspirés et peu en vue durant toute la durée du mois de septembre.

Affiche autour de l'art brut à Villaines-la-Juhel, septembre 2009.jpg
Affiche de l'exposition communiquée par Michel Leroux (avec une reproduction d'une oeuvre d'Alain Lacoste)
 
 
    C'est en septembre, dès le 4, jour de vernissage, que vous pourrez en apprendre davantage sur cette ronde de Mayennais "autour de l'art brut". La sélection - qui ne compte véritablement que deux ou trois créateurs qu'on pourrait associer à l'art brut, Gustave Cahoreau,Gustave Cahoreau,dessin sans titre,crayons de couleur, coll.Jean-Louis Cerisier, ph.Bruno Montpied.jpg Céneré Hubert et Patrick Chapelière (nouveau venu recommandé par Joël Lorand au musée de la Création Franche) - la sélection ne voulant pas utiliser le terme d'art singulier, peut-être trop galvaudé ces temps-ci, s'est rabattu sur le terme "d'art brut", pourtant lui aussi accommodé à toutes les sauces, mais plus tapageur... Faute de mieux, je trouve qu'on aurait tout de même pu garder "singuliers". Le mot indiquant que nous avons affaire à des créateurs marginaux vis-àvis de l'art contemporain (des semi-professionnels exposant sporadiquement - exception faite de Joël Lorand! ), n'aimant guère se lier à des marchands uniques, et réfractaires aux esthétiques transmises dans les grandes écoles. L'influence d'un certain primitivisme autodidacte est évidemment primordiale en l'espèce. Alain Lacoste fait figure, avec les lithographies de Tatin que prête Michel Leroux (plusieurs oeuvres viennent de ses collections), de grand ancêtre des Singuliers du reste. Il était présent par exemple à l'exposition Les Indomptés de l'Art  qui s'était tenue à Besançon en 1986, dans le sillage de l'exposition parisienne les Singuliers de l'Art en 1978. Une très belle oeuvre de lui a été choisie pour l'affiche de cette exposition.
Patrick Chapelière, dessin,Coll. Michel Leroux.jpg
Patrick Chapelière, dessin sans titre, sans techniques communiqués, date? Coll. Michel Leroux
 
 
     Les organisateurs de l'exposition cependant, en montant cette exposition au projet initialement modeste (inciter les lecteurs de la médiathèque de Villaines à s'intéresser à de nouveaux domaines de l'art), sans le savoir, en remontrent à ceux qui ailleurs en Mayenne auraient dû voir depuis longtemps plus grand dans le domaine de la pépinière d'art mayennaise. Toutes nos félicitations à cette médiathèque "perdue" dans la campagne, il va sans dire... 
   Autour de Laval, patrie du douanier Rousseau, d'Henri Trouillard et de Jules Lefranc, peintre naïfs tous les trois et, pour le dernier en outre, donateur d'une collection importante d'art naïf qui fut le socle de celle qui est conservée au musée du Vieux Château (où elle végète scandaleusement), il existe en effet une incroyable nébuleuse de peintres et créateurs indépendants, figuratifs insolites ou singuliers, certains n'abandonnant pas la référence au réel rétinien, tandis que d'autres, à l'instar de ceux qui sont précisément exposés à Villaines-la-Juhel, s'en affranchissent plus ou moins radicalement. On peut citer les cas de Jacques Reumeau, de Jean-Louis Cerisier, Serge Paillard (dont j'ai déjà parlé ici),  de Sylvie Blanchard (dont on n'a plus de nouvelles), ou encore d'Antoine Rigal. Il serait particulièrement vain de vouloir en effet distinguer d'une façon bêtement hiérarchisée les créateurs dits "naïfs" des créateurs plus proches de l'art dit "brut". Tous participent d'un même désir de réenchantement du monde.
Cénéré Hubert,Sans titre, peinture sur contreplaqué, coll. privée, Paris, ph.Bruno Montpied.jpg
Céneré Hubert, peinture sans titre, coll. privée, Paris, ph.B. M. ; sur ce créateur, qui fut aussi un "inspiré des bords des routes", et dont, après sa disparition, plusieurs oeuvres ont été sauvées et mises à l'abri par Michel Leroux, on lira avec fruit l'article que Jean-Louis Cerisier lui a consacré en 1998 dans le n°57 de la revue 303 (titre de son article: "Mondes insolites et travaux artistiques: la Mayenne à l'oeuvre", voir reproduction d'une page de cet article ci-dessous)
Illustrations d'oeuvres de Céneré Hubert extraites de la revue 303, n°57.jpg
Page n°59 de la revue 303, article de Jean-Louis Cerisier contenant plusieurs images de peintures naïvo-brutes et des fragments du décor de son jardin à Saint-Ouen-des-Toits par Cénéré Hubert
 
    Le grand rassemblement de ces peintres singuliers et marginaux, de cette "Ecole lavalloise de figuration poétique" comme je l'ai appelée dans une courte note que j'avais fait paraître dans un numéro ancien de la revue 303 (n°XLIX, 1996 ; l'article portait sur une exposition de Jean-Louis Cerisier à Laval), viendra bien un jour, et  il faudra bien que cela se fasse à Laval, cela serait logique...
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Sur Céneré Hubert, que je m'entête à considérer comme un très grand créateur naïvo-brut, malheureusement trop peu connu, et pour cause de disparition avant que sa notoriété ait eu le temps de s'établir, il existe aussi un article de Michel Leroux, par ailleurs sauveur de plusieurs de ses oeuvres, "Céneré Hubert forgeron de ses rêves, Saint-Ouen des Toits (Mayenne) 1910-2001", paru dans la revue Création Franche n°26, septembre 2006. Il faut souhaiter qu'il puisse un jour rendre  à nouveau public l'accès à cette oeuvre infiniment charmante.