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31/10/2007

Lecoeur à l'ouvrage

   Nouvelle découverte toute chaude de ce jour, dernier d'octobre (et date de naissance de mon défunt père qui souffrit longtemps...du coeur précisément). A Paris, dans le 20e arrondissement. L'assurance d'être bien soigné par un prophète en son pays...

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(Photo B.Montpied)

28/10/2007

Le boucher de la rue du Chemin Vert

"Je crois que, dans une grande ville surtout, il faut que les tueries et les boucheries soient dispersées. On peut en apporter une infinité de raisons ; mais celle qui me frappe le plus est tirée de la tranquillité publique. Chaque boucher a quatre garçons ; plusieurs en ont six ; ce sont tous gens violents, indisciplinables et dont la main et les yeux sont accoutumés au sang. Je crois qu'il y auroit danger à les mettre en état de se pouvoir compter ; et que si on en ramassoit onze à douze cents en trois ou quatre endroits, il seroit très difficile de les contenir et de les empêcher de s'entrassommer. Mais le temps amène même des occasions où leur fureur naturelle pourroit se porter plus loin..."

Diderot (cité par François Cali dans Dictionnaire Pittoresque de la France, éd. Arthaud, 1955)  

 

   Le boucher de la rue du Chemin-Vert n'avait pas le visage classique des bouchers tels qu'on se les représente spontanément (tête massive, joues couperosées, lèvres charnues et sensuelles, yeux injectés de sang et vaguement porcins, gueule de tueur).eed9b08fc32988bc319654e23d6eaaa4.jpg Il avait plutôt la tête d'un intellectuel, et plus précisément la tête d'un artiste. C'est-à-dire une tête déroutante et originale. Il en est de léonines, avec des crinières perpétuellement soufflées par des tempêtes cérébrales (Eisenstein, Beethoven), des chevelures électrisées (Chagall), il en est avec des crânes hypertrophiés (Verlaine), etc. Ce sont là têtes d'artistes appartenant aux clichés de la célébrité.
   Mais il y a aussi les têtes des artistes plus ordinaires, plus besogneux. Celle du boucher de la rue du Chemin-Vert faisait partie de ces dernières.
   Elle ressemblait à une tête d'écrivain connu, celle de Jacques Laurent, tête assez malingre en vérité, tête d'employé de bureau ou d'épicier, mais d'un épicier qui aurait mené une double vie, celle d'écrivain précisément, en cachette de l'épicerie.
…Voilà, c'était ça, mon boucher menait une double vie. Son visage en portait les stigmates. Sans doute même avait-il dû souffrir davantage que Jacques Laurent. Deux rides profondes, deux ravines plutôt, séparaient son nez de ses joues. Ses yeux étaient cernés. On le sentait animé d'un désir patient et passionné. Quel en était l'objet?  
   La présentation la plus raffinée et la plus parfaitement nettoyée de la viande qu'il vendait ! Il fallait voir comme il tranchait, taillait, disséquait ses carcasses avec dextérité, précision et méticulosité. Sa rigueur faisait merveille. On le sentait amoureux surtout de précision. Peut-être avait-il raté sa vocation. Il aurait dû être horloger ou orfèvre. Le diamant qu'il taillait quotidiennement, c'était tel ou tel quartier d'entrecôte. Quelle satisfaction discrète et modeste se peignait alors sur son visage lorsqu'il posait la pièce préparée avec soin pour son client sur la feuille de papier rose qu'il posait à son tour sur la balance, jugeant l'aiguille de cette dernière comme si elle était chargée de lui communiquer la mesure de son talent ! 
   C'était une sculpture poursuivie morceau après morceau. Son travail d'équarrissage, légèrement obsessionnel, qui consistait à réduire une tranche de viande aux harmonieuses proportions de gras et de maigre qui feraient d'elle le chef d'oeuvre attendu par le client, ce travail avait à son tour modelé son visage. L'amour des synthèses et de la stylisation s'y laissait désormais deviner, creusant de fines rides tourmentées. Le boucher poursuivait les mêmes buts que l'artiste qui cherche d'année en année à parfaire la maîtrise de son art : trouver l'expression la plus profonde et en même temps la plus dépouillée, la plus épurée. Un peintre va ainsi souvent vers un langage de plus en plus sobre au fil des années. Jusqu'où peut aller un boucher ? Jusqu'où peut-il épurer son beefsteak ? Jusqu'à la dernière fibre ? Le plus pur des tendons ? Et exposer sur un socle tendu de papier rose la forme la plus aboutie de son travail acharné d'élagage,  cet ultime fil de chair écarlate prêt à vibrer sous l'archet de notre appétit carnivore comme la corde de l'arc sous l'archet de la flèche qui  va filer vers le gibier ? Peut-être qu'une fois retourné à sa solitude, après la fermeture de son magasin, loin des clients, le boucher continue son travail, pour son seul plaisir. Et qu'il sculpte dans les chairs pantelantes. Son visage d'artiste méconnu.
   (1982-1993-2007)
  

27/10/2007

Le vingt-huitième numéro de "Création Franche"

 

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  Le n°28 de la revue Création Franche, qui paraît apparemment deux fois l'an, vient de sortir (numéro de septembre). Au sommaire, toujours une suite d'articles sur des créateurs variés, avec ce principe maintes fois réaffirmé auparavant par le rédacteur en chef Gérard Sendrey (artiste et deus ex machina du musée éponyme de la Création Franche, situé comme on sait au 33, ave du Maréchal de Lattre de Tassigny, 33130 à Bègles ; c'est aussi à cette adresse qu'on peut se procurer la revue (8€ le numéro), voir également ici le site du musée), on ne doit y parler que des vivants... Cependant, cette fois, il y a des petites entorses à la règle (mais elles sont justifiées). On parle dans ce numéro (article de mézigue, Bruno Montpied, un habitué des entorses...!) d'environnements spontanés datant "d'avant le facteur Cheval" (François Michaud, Jean Cacaud, la cave des Mousseaux à Dénezé-sous-Doué, une maison sculptée en Margeride, l'abbé Fouré -pas tout à fait d'avant le facteur Cheval celui-ci, c'était en fait un contemporain de Ferdinand- et surtout d'un certain Louis Licois et de son bas-relief très naïf à Baugé dans le Maine-et-Loire).

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Bas-relief de Louis Licois à Baugé (1843), inscription: "J'ai réussi grâce à l'Etre Suprême", (Photo B.Montpied)

   Gérard Sendrey lui-même  pratique aussi l'entorse à ses propres principes puisqu'il évoque dans ce numéro 28 la mémoire des magnifiques dessins tourmentés de Swen Westerberg, le défunt époux de Claude Brabant de la galerie l'Usine à Paris (qui défend depuis tant d'années la création imaginiste de tous bords). Il faut dire que ce principe ne s'applique pas, me semble-t-il, à des créateurs qui sont passés au milieu de nous furtivement et sans trompettes. La renommée n'a pas eu le temps d'apprendre leur existence que déjà ils s'éclipsaient. Et ils avaient très mal su faire leur propre publicité, ce qui est le péché des péchés au jour d'aujourd'hui... Autant dire que l'époque regorge encore plus que les précédentes de créateurs originaux que l'on n'a pas su remarquer. Swen est incontestablement de ceux-là. Les dessins que publie ce numéro de Création Franche, et qui ont déjà fait l'objet d'un livre édité par Claude Brabant dans le cadre de sa galerie (avec 270 dessins reproduits), datent apparemment des années 60. Moi qui ai fréquenté la galerie dans les années 80, je n'avais pas eu vent de leur existence, les dessins que j'avais alors vus ne m'ayant pas autant intrigué. L'auteur n'avait alors peut-être plus l'envie de les montrer.

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Dessin de Swen (veuillez cliquer dessus si vous voulez agrandir l'image)

    Joseph Ryczko, un vieux de la vieille dans ces domaines des arts buissonniers, nous fait découvrir des dessins très ornementaux d'une nouvelle au bataillon, Gabrielle Decarpigny, qui paraît vivre du côté des Pyrénées, dessins fort séduisants si l'on en juge par ceux qui sont reproduits ici.

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Gabrielle Decarpigny, dessins reproduits dans Création Franche

   Trois plumes venues de la Collection d'Art Brut de Lausanne, Sarah Lombardi, Lucienne Peiry et Pascale Marini occupent également le terrain de ce numéro avec des articles sur Rosa Zharkikh, sur les "travaux de dames", les textiles de l'art brut, et sur Donald Mitchell (il m'ennuie un peu celui-ci, déjà aperçu à Montreuil du côté d'ABCD il me semble...). Et que je n'oublie pas de mentionner un article également de Dino Menozzi sur l'artiste Tina San , Menozzi sur qui je reviendrai dans une note suivante de ce blog.

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Juliette Elisa Bataille, Vieille maison de Montmartre, 1949 (Photo Olivier Laffely, Coll.de l'Art Brut, Lausanne, publié dans le n°28 de Création Franche, article de Lucienne Peiry)

    Ce Création Franche est un numéro peut-être un peu plus bref que de coutume mais il contient des textes et des images qui apportent du nouveau et auront peut-être ainsi quelque chance de revenir nous hanter. 

22/10/2007

Rectification de bob

   Voici une photo historique pour happy few comme disait le copain Stendhal. Une prise sur le vif de celui que le pilote de Belvert qualifie de "bob" et qui serait plutôt ce que mon défunt père appelait familièrement (attention je ne garantis pas l'orthographe, et si un lecteur de passage pouvait me la faire connaître, accompagné si possible d'une savante dissertation lexicologique à son sujet, je lui en serais éternellement reconnaissant...), un "NID d'OEILLASSE", c'est-à-dire un galure sans forme à présent, objet-fétiche, compagnon de toutes les flâneries au long cours, voici donc la chose dont, j'ose le dire, je suis très fier, et pour que nul ne l'ignore... :

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"Bob" ou nid d'oeillasse? (d'après photo E.B.)

 

21/10/2007

Dictionnaire insolite des petits akadémiciens

   Paru en 2001, un amusant petit dictionnaire réalisé par une institutrice de maternelle (Mme Nina Harrus) avec ses élèves a retenu mon attention. Voici quelques définitions telles que ces enfants (de 4/5 ans) les établissent spontanément à l'écoute des mots proposés en classe...

   ASSIS: On se met sur le banc avec ses deux fesses.

  BOEUF: C'est une viande, on la mange quand elle est morte.

  CRAPAUD: Ca saute, c'est dégoûtant, c'est pour les sorcières, il a des boutons partout sur lui, il est tout vert.

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  DECOUVRIR: On part dans un autre pays et on peut trouver un trésor de pirates.

  ENFERMER: On claque la porte, on la ferme avec une clef et on peut pleurer.

  FICHIER: "Dis-donc, est-ce que par hasard ce ne serait pas un gros mot?"

[Ca me fait penser au mot NYCTALOPE que j'avais moi-même un jour proposé -avec un peu de malice je l'avoue...- aux enfants de mon atelier-lecture en leur demandant d'imaginer la définition du mot que je savais inconnu d'eux. Immédiatement, j'avais enregistré des récriminations du style: "T'as dit un gros mot...OOOOh!", etc...]

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Doudou d'enfant, ph.Benjamin Levaillant, 2007

  GALOPIN: C'est un enfant qui galope.

  HORIZONTAL: C'est une ligne qui est couchée.

  INDEX: Il est accroché à la main, c'est un doigt après le pouce.

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  JARDINIER: Il a un râteau, parfois il a un chapeau, il arrose les plantes, il porte une salopette.

  K.O: Un soldat a fait la guerre et il est très très mort.

Etc...

(Dictionnaire insolite des petits akadémiciens, les mots quotidiens revus par nos enfants, préface Florence Delay, éd. Cosmopole, Paris, 2001.)

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(Photos des bonshommes B.Montpied)

19/10/2007

Un anonyme amateur de nuages, de merveilleux nuages...

   Les brocantes, les "foires aux jambons", les puces sont peut-être les plus féconds et simultanément les plus décevants terrains de rencontre des objets ou des oeuvres bruts, naïfs, insolites, poétiques, surréalistes...

   Je les fréquente sporadiquement. Car j'ai, paradoxalement, une sainte horreur de l'amas, une lassitude incommensurable devant l'entassement sans limites du bazar hétéroclite des objets rejetés, promis à d'autres mains, objets qu'on se lance d'une collection à l'autre, en attente du doux bercail d'un musée qui les sédentariserait enfin...

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Feu d'artifice? Un visage lunaire, une écharpe tricolore... (Photo B.Montpied)

    Il y a de cela plusieurs années, ce devait être vers la fin des années 80 de l'autre siècle (quel délice de pouvoir écrire cela, avantage de vivre à la charnière de deux siècles, cela nous octroie l'illusion de vivre plus longtemps...), à la braderie de Houilles, que l'on présentait alors comme la deuxième plus grande braderie de France, après Lille (cette dernière devenue aujourd'hui bien décevante), en traînant la savate au long d'une allée, je perçus du coin de l'oeil, dépassant d'un carton à dessin, le tout petit bout d'un dessin à la craie sur papier noir montrant un arrangement de lignes intéressant. Les vendeurs étaient des adolescents qui visiblement n'accordaient que très peu d'intérêt aux dessins. Ils m'extirpèrent du carton un ensemble de dessins format raisin (50x65 cm). C'était tout à fait original quoique légèrement abîmé par la suite de nombreux frottements. La craie n'avait sans doute jamais été fixée et les multiples manipulations avaient étalé les couleurs autrement que ce qu'avait probablement voulu l'auteur primitivement. Mais cela restait prodigieusement attractif, intrigant. Un nom se laissait deviner sur chaque dessin que j'acquérais pour une bouchée de pain, Robert Roseff, crus-je lire...

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Un feu, un oiseau, des êtres fantastiques dans les nuées... Un ciel nocturne visionnaire (Ph.B.Montpied)

   Les ados me laissèrent entendre qu'il s'agissait d'un parent à eux, mais qu'ils ne savaient pas grand-chose, voire rien du tout à son propos... Je me retrouvais  avec trois dessins étranges (un compagnon que j'avais alerté en acquit d'autres aussi). L'un qui montrait visiblement un feu d'artifice "visionnarisé", un autre qui se concentrait sur des visions interprétées d'après des formes nuageuses et végétales, gentiment hallucinatoire, et un troisième qui paraissait plus abstrait et plus directement visionnaire (malgré un rapprochement possible là aussi avec les feux d'artifice), le tout représentant à chaque fois des scènes se déroulant dans le ciel nocturne représenté par le fond du papier Canson noir que l'auteur avait laissé en réserve.

   Le hasard a fait jusqu'à présent que je n'ai jamais rencontré d'autre écho au sujet de cet auteur ou d'une autre de ses oeuvres. Créateur à ranger donc du côté des grands secrets enfouis à l'intérieur des vies quotidiennes qui ne se dévoilent que bien longtemps après leur disparition (par suite d'une vente à un brocanteur), comme on en voit dans  l'art brut. Ce dernier se déniche de ce fait particulièrement au fond des brocantes, là où finissent la plupart du temps les secrets qu'on n'a pas voulu détruire avant de mourir.

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Gerbes et fusées de couleurs pâles, une tête qui tire la langue, une cocarde tricolore dans le bas à gauche... Feu d'artifice visionnaire et brut? (Ph.B.Montpied ; cliquez pour agrandir)

18/10/2007

Les Jardins de l'art Brut de Marc Décimo, présentation du livre

J'ai reçu l'annonce ci-dessous ces jours-ci, je répercute... : 
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"R e n c o n t r e   d é b a t
avec  
Marc Décimo
auteur du livre
Les Jardins de l'art brut
(Editions Les Presses du Réel)
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samedi 10 novembre à 15 heures

Auditorium de la Halle Saint-Pierre
Entrée libre
***
     Les Jardins de l'art brut, de Marc Décimo, parution octobre 2007
     Un essai sur la naissance et le devenir de l'art brut, un parcours en images hors des musées.
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    A partir des traditions médicale, littéraire et artistique qui, chacune selon leur point de vue, se préoccupaient de l'"art des fous", émerge la notion d'art "brut", telle que la définit Jean Dubuffet. A savoir, finalement, la possibilité de faire du résolument neuf dans les pratiques artistiques. Et de croiser, chemin faisant, Raymond Queneau, André Breton et... Marcel Duchamp. 
   Si l'art "brut" trouve enfin place dans divers musées du monde et devient populaire, où aujourd'hui fuit cet art ? C'est ce à quoi se propose de répondre ce livre de façons diverses, explorant jardins et visitant le monde.
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   Maître de conférences à l'Université d'Orléans, Marc Décimo est linguiste, sémioticien et historien d'art. Il a publié une vingtaine de livres et de nombreux articles sur la sémiologie du fantastique, l'art brut, les fous littéraires, sur Marcel Duchamp et sur l'histoire et l'épistémologie de la linguistique.
*
(Auditorium Halle Saint Pierre, 2 rue Ronsard, 75018 Paris)  "
*
(Les images proviennent toutes du site de l'éditeur Les Presses du Réel)

13/10/2007

Fleurs de flammes

   Flânant avec les enfants de mon centre de loisirs, nous cherchons matière à photographie. Les enfants nous entraînent vers "la maison qui a brûlé" non loin, ça les a bien entendu frappés. Et sur une vitre, mon attention se cristallise sur de curieuses "fleurs" collées sur des vitres qui paraissent s'être brisées sous l'ardeur d'un brasier. Peut-être du plastique qui s'est recroquevillé par l'intensité de la chaleur. Clic, un paysage surgit avec ses magiques fleurs de flammes sous lesquelles semble couler un fleuve...

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Photo B.Montpied, oct.2007 (en cliquant sur la photo vous pouvez l'agrandir, merci à Frédéric L. pour l'enseignement de l'astuce)
*
Et pour le pilote de Belvert, quelques bonus (ou boni?), pour le remercier de ses mots amicaux:
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La même photo, à gauche en entier et sans retouches (une vitre qui a éclaté sous le souffle de la chaleur), à droite, retouchée et recadrée de façon à souligner la possible apparition d'une tête plutôt grimaçante... (Photo Bruno Montpied ; là aussi, on peut les agrandir)
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(Photo B.M.)

12/10/2007

La couleur des mots

    Passant devant l'hôpital Sainte-Anne à Paris, j'avise l'affiche suivante:

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   Plus que quelques jours pour aller voir au Musée Singer-Polignac cette exposition conçue par le Centre d'Etude de l'Expression (et que je n'ai personnellement pas encore vue ; à noter qu'elle fait apparemment écho à une autre expo faite sur le même thème qui voyagea de la Collection d'Art Brut de Lausanne à la Halle Saint-Pierre). Mardi est le seul jour de fermeture, et c'est ouvert de 14 à 19h. Les oeuvres présentées proviennent de la collection de Ste-Anne, et des artistes contemporains sont présentés en parallèle qui, à ce que j'ai entraperçu sur le site du Centre d'Etude et de l'Expression, ne m'emballent pas des masses...

Le Dictionnaire des objets de dévotion

  

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   Paru en 2006 aux Editions de l'Amateur, cet ouvrage, écrit par Bernard Berthod et Elizabeth Hardouin-Fugier, renseignera parfaitement les amateurs d'objets populaires liés aux pratiques de dévotion. Crucifixions en bouteille, 41f52ddca6b05e6bfa72e1f00c0649c1.jpg303d010fd622201233f10717a4d5575d.jpgex-voto sculptés ou peints, reliquaires en papiers roulés ou réalisés avec d'autres techniques (parfois portatifs en forme de livres), crèches architecturées dans le goût polonais, poupées de couvent, statuettes naïves, suaires brodés et peints de Besançon, de Compiègne ou d'ailleurs,
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Suaire de Besançon, collection privée (Paris), objet non reproduit dans le dictionnaire, ph.B.Montpied

 boîtes à système avec vanités, boîtes avec saynètes religieuses en verre filé, canivets (papiers découpés au canif), billets spirituels aquarellés, bénitiers en faïence (du genre de ceux que collectionnait André Breton), bannières de procession, tableaux en coquillages (comme celui qui figure sur la couverture du livre), etc... C'est une énumération bien complète de cet invraisemblable capharnaüm d'accessoires de la religion populaire ou non, souvent broché sur d'anciennes pratiques païennes archaïques, qui est collectionné aujourd'hui en raison, entre autres motifs, de l'inventivité artistique qui s'y déploie (c'est en tout cas  ce qui me fascine personnellement dans ces objets). Une collection française liée à  ce thème se détache parmi d'autres, la collection de l'Association Trésors de Ferveur, basée à Châlons-sur-Saône (22, rue gloriette, 71100 Châlons-sur-Saône, site: www.chez.com/tresorsdeferveur), qui a fait l'objet d'une exposition à la Bibliothèque Forney à Paris en 2005 (avec un catalogue à la clé).

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Porte-serviettes, fin du XVIIIe, Tiroler Volkskunstmuseum, Innsbrück, Autriche

    En feuilletant le dictionnaire, on trouve des objets ou des références étonnants comme la mention du reliquaire conservant une larme du Christ à Chemillé dans le Maine-et-Loire (mais bien sûr il en existe d'autres, à Marseille, à Orléans, etc.) qui n'est en réalité qu'un petit morceau de quartz taillé ce qui n'empêche nullement de l'adorer... Les auteurs nous parlent aussi des pratiques lithophagiques, où les fidèles mangent de la pierre littéralement, ou de la poussière de pierre de sanctuaires parce qu'ils lui prêtent bien entendu des vertus bénéfiques. On l'accommode mêlée à du vin, ou diluée dans la bouillie que l'on administre aux enfants. "La poussière des martyrs est la plus prisée"... Les clous aussi sont très prisés des amateurs, parce qu'ils ont servi à clouer Jésus, mais aussi parce qu'ils rentraient dans la fabrication de la croix.... On trouve des clous ou des fragments de clous sacrés dans d'innombrables reliquaires.

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Boîte de colporteur avec reliquaire en papiers roulés dans le fond, XVIIIe, coll. Trésors de Ferveur, d'après cl.Marc Monnier

   Il paraît qu'à la Toussaint en Bretagne et en Normandie, nous disent toujours les auteurs, on embroche des pommes sur les pointes aiguës d'une branche d'arbre. C'est l'arbre des âmes, que l'on vend aux enchères en vue d'obtenir des grâces et des faveurs (des saints, ou des morts?) et qui reste une année dans une chapelle. On les place sur les tombes le 2 novembre. Le livre évoque aussi les jeux de parcours, les puzzles, les jeux de cartes à finalité édifiante ou didactique, servant à la propagande religieuse, comme ils peuvent servir ailleurs à la propagande politique, ou à la pédagogie laïque. Un long article se concentre sur les oeufs, leur symbolique, l'utilisation de leur forme pour les ciboires et les reliquaires. Bref, on fait incontestablement son miel en lisant cet ouvrage (d'autant que le miel -et la cire (autre long article)-02700307f06480298dff16f774efd68d.jpg vient des abeilles, et que les abeilles, je l'ai encore appris avec ce livre, sont venues des larmes du Christ, à se demander ce qui est venu de ses autres sécrétions...). 

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Gabare de la Loire pour les processions à Champtoceaux, Maine-et-Loire, cliché Bruno Rousseau, Service de l'Inventaire, Conseil Général du Maine-et-Loire

    L'ouvrage, comme tant d'autres sur les sujets voisins  de l'art naïf ou de l'art brut, se trouve à la librairie de la Halle Saint-Pierre, au pied de Montmartre à Paris (la plus grande librairie spécialisée en France sur le thème des arts populaires et spontanés, rappelons-le).

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La librairie de la Halle St-Pierre, Paris 18e, ph.B.M., oct. 2007

 

11/10/2007

Sorcière, sorcière, fais gaffe à ton derrière...: MASSIF EXCENTRAL (11)

   Sur le bord du chemin un jour de balade dans les monts du Cantal, je vois un bloc sombre qui me fait signe... Et vous? La voyez-vous, qui s'enveloppe dans son ample manteau de ténèbres?

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   Peut-être que non... La voici rapprochée, avec son chef sommé d'une touffe qui singe une couronne, fétus et brins d'herbe en guise d'émeraudes... Je vois le profil d'une sorcière au menton en galoche, son visage pustuleux tout en grotesques protubérances.

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Photo B.Montpied, juillet 2007
(Un lecteur  m'a envoyé, suite à l'insertion de cette note, un détail d'une peinture de l'artiste singulier Joël Lorand qui présente effectivememt quelque analogie avec ce profil ensorcelant) :
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Joël Lorand, J'ai parait-il une clientèle ciblé [sic], oct.2002

Noms prédestinants (3): L'élève Parfait

   Tout doux l'ami qui commentez à tout va ces derniers temps sur mon blog sensible à de si beaux morceaux de littérature, nous allons vous en fournir des noms prédestinants, comme ceux que par le passé vous nous signalâtes, car vous aussi, sans pourtant avoir l'excuse d'un patronyme podologique comme mézigue, vous savez à l'occasion jouer de la savate... Mais il vous faudra être patient, car tout vient à point à qui sait attendre, comme disait l'autre.

   Pour l'heure, voici Parfait, élève de Pouyanne.

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Photo B.Montpied, octobre 2007

  Ce teinturier du boulevard Haussmann, je l'imagine assis au premier rang dans la classe du professeur Pouyanne. Ce dernier en avait assez des cancres habituels, et lorsque l'élève Parfait arriva dans sa classe, il crut avoir enfin déniché l'oiseau rare. Las! L'élève en question se révéla tout aussi médiocre que les autres. Un Parfait médiocre. Pouyanne retomba dans la mélancolie. Lui qui voulait former des exégètes et des chercheurs, il ne réussissait qu'à refiler des vocations d'épicier ou de teinturier à ses gratteurs de pupîtres. Mais Parfait n'oublia pas son maître saturnien qui lui avait dissimulé avec habileté le dépit qu'il avait ressenti à constater une médiocrité si peu en rapport avec ce que laissait envisager un tel patronyme. Il lui resta à jamais redevable. Au point d'afficher à qui voulait l'entendre, à tous les vents, le nom de son bon maître, sur son enseigne, en lettres dorées. 

08/10/2007

Le tailleur, les escargots (suite)... et les boucs?, un texte de Marc Grodwohl

  

  « La note du 26 août 2007 consacrée aux ruches décorées de Slovénie (au passage je signale les ruches anthropomorphes de Moravie) reproduisait une scène satirique associant un tailleur à un escargot.
  J'ai trouvé, pour l'instant en deux exemplaires en Alsace, une scène représentant un personnage assis à califourchon sur un bouc brandissant une paire de ciseaux . L'une est sculptée sur un montant de porte en grès milieu XIXe siècle à Obermodern ( ?) dans le Bas-Rhin, l'autre figure sur un poêle du modèle  "Kunscht" , daté de 1844, que j'avais pu sauver à Folgensbourg (Haut-Rhin) et remonter à l'Ecomusée d'Alsace où j'espère qu'on en prend soin car c'est une pièce d'exception [Voir photos ci-dessous].
   Près de 200 kilomètres séparent ces deux objets, il n'y a donc aucune possibilité de diffusion par "contamination", ce décor est arrivé à ces endroits par des chemins différents.
   Le décor de la "Kunscht" qui est reproduite ici est d'une facture exceptionnelle pour ce genre d'objets.
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1er objet: kunscht de Folgensbourg, vue d'ensemble et détails, ph. Marc Grodwohl
 
   Chaque carreau est décoré d'un sujet différent, à l'engobe et au barolet, technique peu utilisée pour le décor des poêles. Mais plus encore que la technique, c'est la stylistique et l'inspiration des  décors qui ne se rattachent pas à des ensembles connus dans la région : leur mode anecdotique (arts forains, musiciens, animaux savants) relève d'un autre répertoire. Il est vraisemblable que ces décors aient été réalisés par un artiste de passage, venu de quelque part en Europe centrale, comme d'autres qui allaient de village en village réaliser ici une peinture de plafond de maison paysanne ou un décor de café de village.
  Je donne deux exemples de céramique de poêle des Guzuls, population de l'ouest carpatique de l'Ukraine, qui sont très près de l'inspiration de la  "Kunscht"  sud-alsacienne.
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2ème objet: poêles des Guzuls, photos Marc Grodwohl
  
   Aussi pourrait-on se demander si la scène du tailleur était signifiante pour le client alsacien, ou si elle appartenait à un ensemble exotique dont le sens lui échappait. Je suppose plutôt que cette scène a eu une large diffusion, à preuve je l'ai trouvée ailleurs en Alsace et certainement les lecteurs vont-ils en mentionner d'autres.
   Ce que je sais du tailleur dans ma région du sud alsacien est qu'il peut, sans que ce soit une règle générale, être identifié au juif. L'association bouc et juif, via la dévalorisation du juif par l'odeur qu'on lui prêtait pour le rabaisser au rang de bête, est une réalité. Le bouc est aussi on le sait bien, une forme du diable, et des contes européens existent, dans lesquels les sabots fourchus du tailleur sont dévoilés. Il y a enfin le bouc symbole de cette lubricité que le folklore prête aussi bien au juif qu'au diable. Par analogie cette énergie sexuelle excessive est associée à l'impuissance, via les ciseaux. Et l'impuissance (nouer les aiguillettes) est oeuvre de sorcellerie. Le tailleur de la scène est in fine ambivalent, forme humaine castrée du bouc, mais aussi celui qui vient contrer les désordres sexuels.
   Je crois que la proximité du tailleur et du bouc est attestée dans l'iconographie allemande à partir du XVIIe siècle. Venons-en au tailleur. Ce que j'en ai entendu auprès de mes "grands témoins", ce qui situe ces représentations comme vivantes dans la 1ère moitié du XXe siècle, est que les tailleurs de village n'ont pas, pour le moins qu'on puisse dire, une grande aura. C'est un métier pour des gens malingres, inaptes aux travaux agricoles ou artisanaux de force. Ils travaillent toujours à l'intérieur, dans les vêtements et dans le plus intime des autres. Par analogie, ils puent. Ils ne trouvent pas femme et sont zoophiles. Trop pauvres pour avoir une vache, ils se satisfont de leur chèvre. La boucle est bouclée. De plus ils ont toujours des histoires à raconter aux enfants, et la pédophilie avant la lettre n'est pas loin. Ce ne devait pas être drôle d'être tailleur. »
 
   Marc Grodwohl
 



 

 

05/10/2007

Noms prédestinants(2): Mr Beach

   La presse signale ces temps-ci une amibe qui s'introduirait dans le cerveau humain pour les dévorer, ce qui on s'en doute ne fait pas que du bien.

   La chose a été constatée à plusieurs reprises dans des états américains du sud (six personnes décédées). En fait la bestiole est connue depuis les années 60, repérée au départ en Australie. Elle paraît aimer les climats chauds donc. Vivant au fond des lacs,a587fdfc1ae35f7cfc60f1b31ed39c89.jpg dans les délicates couches vaseuses, elle s'empresse de s'introduire dans les narines des baigneurs qui font des galipettes dans ces vases (communicants? On frémit...).

  Bon, d'accord, mais où veut-il en venir, se demande le lecteur sagace qui a lu le titre de cette note? Eh bien, voici: avec cette information, la presse nous cite un expert en maladies liées aux loisirs nautiques qui s'appelle... Michaël BEACH. Comme quoi, la thèse sur les noms qui prédestinent, ça peut marcher aussi du côté anglo-saxon...84a4a21eddca2c229c47ce45de91c5f2.jpg

  Et que dit cet expert? Rapportons-le au passage pour continuer de frémir: "C'est une amibe qui adore la chaleur. Elle se porte d'autant mieux que la température de l'eau s'élève. Dans les décennies futures, avec la montée des températures, nous devons nous attendre à voir davantage de cas".

02/10/2007

Dictionnaire du Poignard Subtil

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OUTSIDER: 

  Je m'étonne toujours que l'on utilise ce terme dans la langue française. Bien  souvent, on le fait sans chercher à savoir s'il aurait un équivalent dans notre langue. On pense d'abord qu'il tend à définir, lorsqu'il est accolé au mot art, l'art des marginaux, de ceux qui sont rejetés, qui sont à l'extérieur (à l'extérieur, out, du côté, side). Certes, il contient   dans un premier temps cette signification (dans le monde anglo-saxon, appliqué à l'art brut, il désigne les autodidactes). Mais, simultanément, ne contient-il pas aussi en creux cette suggestion que ces "marginaux" sont tout à fait capables de faire retour dans l'art dominant (le mainstream, autre terme de plus en plus employé dans le jargon franglais envahissant des nouveaux snobs) et de s'imposer demain comme les nouvelles valeurs de l'art, ce qui est bien le calcul de plusieurs des artistes dits "singuliers" ici en France du reste, ainsi que des marchands ou des collectionneurs qui s'y intéressent. Ce sens-là, inutile de le dire, n'avait pas été prévu par ceux qui avaient lancé le terme de l'autre côté de la Manche.

   Ce double sens d'outsider fait qu'en français, le mot était jusqu'à présent passé essentiellement dans le jargon des turfistes. Le canasson qui n'est pas favori mais qui pourrait bien l'emporter malgré les prévisions... En fait, c'est le canasson alternatif! L'alternative aux paris. Le bon plan un peu risqué mais qui peut rapporter gros au jeu du tiercé, le rêve de tout bon flambeur qui se respecte...

   C'est pourquoi je veux mettre en avant qu'on pourrait traduire en français outsider par ALTERNATIF. D'autant que le terme a commencé d'être très à la mode en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis apparemment à partir des années 70 (1972 et 1978) avec les expositions organisées avec la complicité de Roger Cardinal, à une époque où de ce côté de la mer le mot "alternatif" servait à désigner toute une culture "underground" (encore un terme anglo-saxon), vocable qui englobait l'architecture "autre", les modes vestimentaires (l'Inde...), l'alimentation et l'agriculture biologiques, des modes de socialisation utopistes comme les communautés, l'art psychédélique, les environnements créatifs excentriques, etc. L'art brut était vu d'un bon oeil par tous les zélateurs de ces cultures alternatives. Par la suite, en France, le mot est un peu passé de mode. Il continue cependant de représenter une bonne alternative (précisément) à l'emploi franglais d'outsider pour qualifier pêle-mêle un rassemblement d'art brut, d'art contemporain influencé par l'art brut, des environnements sauvages, etc., dans une joyeuse confusion qui a été dénoncée à diverses reprises ici ou là (dans les publications de l'association ABCD notamment).

Pierrot Cassan, un imagier de l'immédiat: MASSIF EXCENTRAL (10)

   Il tenait un dépôt de pain sur la place Pompidou à Mauriac dans le Cantal. C'était une figure du bourg, modeste, discrète, qui ne fit que passer, et n'ayant que peu quitté sa région natale.

   Pourtant il a laissé de nombreuses traces dans la mémoire et les légendes locales. On se souvient de lui de manière tenace. Né en 1913, il est disparu en 1982. Pierre Cassan, dit plus communément Pierrot Cassan, fut charcutier avec ses parents de nombreuses années avant de tenir le dépôt de pain.

  Chétif de constitution, il se fit un point d'honneur à devenir moniteur de gymnastique, initiateur bénévole des gosses de son pays à la natation dans un bassin naturel, et sauveteur d'une quarantaine de personnes sur le point de se noyer. Cela à lui seul lui aurait assuré une place durant quelque temps dans la mémoire locale.

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Photo B.Montpied

  Il eut envie de faire plus. Il se mit sur le tard à peindre la vie de son village. Sur des pauvres cartons qu'il distribuait à l'occasion (car les témoins le répètent, il ne vendait pas). Par exemple à son ami peintre Pierre Mazar (peintre plus académique apparemment), qui les garda pour les sauvegarder. Ou à d'autres amis. Il les exposait sous la vitrine de sa boutique modeste, sans que les passants n'y prêtent beaucoup d'attention.

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Photo publiée sur l'affiche de l'exposition de la médiathèque de Mauriac

  Le temps aidant, les éloges ayant été réitérés par quelques supporters de la région (Pierre Mazar, ou l'écrivain Pierre Chaumeil, un ami de Robert Giraud ce dernier, le blog du "Copain de Doisneau" nous en a déjà parlé à l'occasion...), parfois venus de plus loin (Bernard Buffet...), plusieurs expositions lui ont été régulièrement consacrées, la dernière en date étant celle de la Médiathèque de Mauriac en février 2007. Cette même médiathèque se propose de conserver du reste l'oeuvre afin de la montrer de temps à autre.

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Photo B.M.

   La chasse et ses exploits rarement exempts d'innocentes fanfaronnades, que ce soit après des lièvres, un ours (cantalien?) ou des sangliers, étaient souvent sujets prisés par Pierre Cassan.

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Photo B.M.

   A d'autres moments, ce sont comme des grâces rendues aux compagnons animaux, l'âne, le boeuf, aux nécessaires travaux de tous les jours, à la bonne cuisine (où l'on retrouve le malheureux lièvre qui passe à la casserole "aurillacoise")...

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Photo B.M.

   De même que les saynètes galantes, parfois traitées avec un certain sens du grotesque, comme dans le cas de ces "poutous" échangés entre un certain "Jean-Claude Lassale" et une brune répondant au doux prénom de "Pétuninia"... 

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"Pour l'amour d'une poule, combat de coq à Mauriac"... Le peintre se fait à l'occasion moraliste (Photos B.M.)

   Il n'oublia pas non plus de rendre hommage à celui qu'il appelle, peut-être de manière un peu trop grandiloquente - avec quelque malice bon enfant?- le "maître", Pierre Mazar, plus simplement et avant tout "son ami".

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Photo B.M.

   Ce sont ainsi autant d'instantanés qu'il fixa avec simplicité, ou comme je préfère dire, avec immédiateté, réussissant avec une grâce sans apprêts à traduire directement  son appréhension sensible et truculente des spectacles qui l'environnaient dans son village, approche où il reste cependant difficile de faire la part entre malice et naïveté.

Remerciements à Jean Estaque qui me parla de Cassan aux environs de 1991, ce que je n'avais pas oublié, à Emmanuel Boussuge qui m'en reparla ces derniers temps, à Agnès Barbier qui m'a signalé l'expo de Mauriac, à Régis Gayraud qui nous y a conduits, et à Monique Lafarge de la Médiathèque de Mauriac qui m'a confié gentiment la trop rare documentation qui existe sur ce peintre, que je souhaite ardemment plus connu, spécialement de tous ceux qui s'intéressent aux limites de l'art brut et de l'art naïf.