17/07/2020
Ni Tanjung n'est plus...
J'insère ci-dessous la nouvelle que je viens de recevoir de la part du plus grand ami de Ni Tanjung, Georges Breguet.
"Chers amis,
Photo Georges Breguet, 2020.
Ni Tanjung et son miroir pour regarder ses visiteurs, ph. G.B, 11 septembre 2017.
Le plus grand assemblage de figures dessinées sur papier qu'ait composé Ni Tanjung, 100 x 130cm, septembre 2017, ph. G.B.,
14:18 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut indonésien, ni tanjung, georges breguet, nécrologie des inspirés, tradition balinaise | Imprimer
25/12/2019
Ni Tanjung à la galerie Patricia Dorfmann?
Annoncé pour janvier, j'ai vu passer, un peu éberlué je l'avoue, un projet d'exposition de Ni Tanjung (du 30 janvier au 22 février 2020), dans une galerie d'art plastique contemporain – qui elle aussi donc se tourne vers l'art brut: par opportunisme? – la galerie Patricia Dorfmann... Les premiers mots qui m'ont fait tiquer, c'est dans le sous-titre qui suit sur le site web de la galerie le nom de Ni Tanjung : "la reine du volcan Agung", sous-titre passablement tape-à-l'œil, et quelque peu grotesque par son côté sensationnel, n'ayant que peu de choses à voir¹ avec Mme Tanjung, pauvre des pauvres, vivant sans bouger sur son grabat, non loin du volcan en question certes, n'ayant en commun avec ce dernier qu'une certaine force éruptive canalisée dans l'expression sans frein de buissons de figures en papier crayonnées en couleur, inspirées du théâtre d'ombres balinais (et plus relativement, je trouve, des formes de danse traditionnelle). C'est typiquement le genre de titre publicitaire – probablement à base de bons sentiments (magnifier une gueuse par renversement des hiérarchies habituelles) – qui vise à se mettre le public dans la poche, quitte à paraître ronflant et difforme aux yeux des connaisseurs.
Le volcan Agung menaçant, décembre 2017, © photo Petra Simkova.
Site web de la galerie Patrica Dorfmann, page expo.
Et puis, autre motif de surprise gênée, on nous signale aussi dans l'annonce en tête de gondole du site web que l'expo est sur "proposition de Lucas Djaou", sans citer, d'emblée, personne d'autre (il faut lire le communiqué de presse en lien pour entendre parler des antécédents, et encore, de manière succincte)... Alors, là, ça sonne un peu comme un détournement pas très correct, correct. A ne lire que cette annonce, il semble que la galerie – à moins que cela n'émane du seul monsieur Djaou – a complètement oublié que c'est d'abord à M. Georges Bréguet essentiellement que l'on doit la connaissance, sur Paris (je m'en suis ouvert sur ce blog dès 2016), de l'œuvre de Ni Tanjung. C'est encore lui qui a prêté très récemment (du 6 avril au 18 mai de cette année 2019), à la Fabuloserie-Paris, rue Jacob dans le VIe ardt (sur ma suggestion, entre parenthèses), des œuvres de la même Ni Tanjung, créatrice brute qu'il protège, soutient matériellement, et fait connaître depuis des années, initialement par le biais de la collection d'Art Brut de Lausanne (voir l'exposition essentielle "L'Art Brut dans le monde", montée par Lucienne Peiry)? La Fabuloserie a été la première galerie parisienne à avoir l'audace d'exposer ces buissons de figures (dessins aux crayons ou aux pastels montés sur architecture de fibres de bambou) si étonnants.
Vue partielle de l'exposition Ni Tanjung à la Fabuloserie-Paris, salle du rez-de-chaussée (printemps 2019), photo Bruno Montpied.
A la Fabuloserie, le jour du vernissage, je me souviens avoir croisé ce M. Lucas Djaou. Qui maintenant s'est accaparé la "proposition" Ni Tanjung, sans grand mérite. Cela prend l'allure d'un détournement intéressé... Pourquoi n'avoir pas tout simplement laissé Georges Bréguet présenter sa protégée dans cette nouvelle galerie? Il reste toujours le plus habilité à expliciter son travail. Le communiqué de presse publié récemment sur le site de la galerie Dorfmann n'apporte en effet rien de mieux, paraphrasant plutôt qu'autre chose ce que nous avait déjà appris M. Bréguet.
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¹ On pourrait me rétorquer la note consacrée, sur ce blog même, au témoignage de Petra Simkova, habitante de Bali, qui avait rendu visite sur ma demande à Ni Tanjung. Dans son texte (de 2016), elle use de ce terme de "reine" parce qu'au moment de sa visite madame Tanjung confectionnait des couronnes en papier multicolore et brillant dont elle se coiffait, ou dont elle couvrait ses visiteurs (une forme d'anoblissement généralisé en somme). On pourrait se demander si Lucas Djaou, ou les responsables de la galerie Dorfmann, n'auraient pas lu ce témoignage paru sur mon blog, du reste (ils ne le citent pas en tout cas ; mais qui a l'honnêteté de citer les blogs de toute façon?). Je pourrais répondre qu'en extrayant ce terme de son contexte, en le propulsant en sous-titre de leur expo, ils lui donnent un autre sens, publicitaire, qui n'a rien à voir, et devient même idiot.
01:17 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Questionnements | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : galerie patricia dorfmann, ni tanjung, georges breguet, théâtre d'ombres balinais, art brut indonésien, petra simkova | Imprimer
30/11/2019
Info-Miettes (35)
Dominique Lajameux à la Fabuloserie-Paris
Dernière exposition à la Fabuloserie de la rue Jacob (qui se termine le 7 décembre, dépêchez-vous...), une dessinatrice de première force, très sensible, très acharnée, inconnue de moi jusqu'à présent. Elle a déjà été exposée dans le cadre de différents festivals d'art singulier, chez Hang-Art ou à la galerie Polysémie notamment. Le carton d'invitation sur le web ne nous en dit pas grand-chose, en dehors d'un beau texte poétique de l'artiste. A voir et à découvrir en tout cas.
D.Lajameux
La compagnie l'Excentrale...
Le terme de "Massif excentral" que j'avais inventé naguère pour une série de notes sur divers lieux, facéties et créateurs insolites du Massif Central a été repris, avec mon blanc-seing, par de jeunes musiciens auvergnats qui se sont réunis, en plusieurs groupes, dont un, les Tzapluzaires, fait également écho à une autre de mes anciennes recherches, et sous la bannière, si j'ai bien compris d'une seule compagnie, l'Excentrale. Plus de renseignements sur leurs concerts, les groupes, les tournées, voir ce lien...
Par ailleurs, les Tzapluzaires collaborent de temps à autre avec le violoniste Jean-François Vrod, dont j'ai eu l'occasion de citer son intérêt pour diverses formes d'art brut ou singulier populaire, dans une note de ce blog, en 2012...
Mariage musical avec une taille de bois...
Un surréaliste peu connu d'après-guerre, Pierre Jaouën
J'ai rencontré il y a plusieurs années Anne-Yvonne Jaouën, qui était une amie du critique d'art Charles Estienne. Elle avait été amenée à héberger dans sa maison de famille à Ploudalmézeau certains des artistes (notamment Krizek) qu'Estienne, critique d'art proche des surréalistes, invitait à séjourner dans la région finistérienne chez lui à Argenton. Des artistes (ceux que je préfère) tels que Toyen, Krizek, Fahr-el-Nissa Zeid, ou Marcelle Loubchansky, ou bien (je les goûte moins) René Duvillier, Jean Degottex, Serge Poliakoff, tous visiteurs que certains historiens de l'art moderne ont rangés par la suite sous l'étiquette d'"Ecole des Abers", du nom de ces bras de mer qui découpent la côte dans cette région. Anne-Yvonne, après m'avoir montré des peintures magnifiques qu'elle possédait de Toyen (des vues des bords de mer appelés estrans revisités par l'imagination picturale de l'artiste tchéque), me parla de son frère qui était peintre, mais elle ne me montra aucune reproduction de son œuvre. Un jour, simplement, en feuilletant la revue Le surréalisme même (n°2, 1957), je suis tombé sur un dessin (encre?) de ce frangin, prénommé Pierre.
Je la trouvais intéressante, mais si seule, oubliée ainsi dans un coin de la revue, n'ayant pas nécessité plus de prolongement, du coup, je ne m'appesantis pas davantage. Voici que l'occasion est donnée d'en apprendre plus sur le talent de cet artiste discret, peu mis en lumière par l'histoire de l'art moderne (cependant, on lira l'intéressante notice insérée sur Wikipédia, très complète, qui parle de lui et des peintres défendus par Charles Estienne). Il fait un peu partie de cette famille de peintres ou poètes qui vivaient dans le sillage du surréalisme après-guerre, abritant leur talent dans une ombre nécessaire, comme Jacques Le Maréchal, ou Yves Elléouët, ce dernier étant un proche de Jaouën, comme me l'a signalé Marc Duvillier, spécialiste des artistes d'Argenton apparemment...
Une page extraite du livre d'artiste Mélusine d'emmanuelle k. (pseudonyme voulu sans majuscules) et Pierre Jaouën, image copiée du film Mélusine (38 min.).
La galerie Hébert en effet, 18, rue du Pont Louis Philippe, près du métro Saint-Paul à Paris, héberge une exposition des planches d'un livre commun d'emmanuelle k. et de Pierre Jaouën (disparu en 2012), dont le texte a donné également lieu à un "oratorio pop" avec la participation des jazzmen Emmanuel Bex, Simon Goubert et François Verly (il existe un coffret avec DVD d'un film sur le livre, CD de cet oratorio et un livret). Ce livre est une réussite dans le domaine du livre d'art, ne serait-ce que par l'harmonie, la fusion de la disposition typographique avec les structures portantes, aquarellées, de Pierre Jaouën, qui rappelle, quoique dans un autre ordre d'idées au point de vue thématique, les livres de Guy Debord et d'Asger Jorn. Mais, même s'il est donné ici d'en voir un peu plus sur cet artiste qui se révèle, par prédilection semble-t-il, un paysagiste "abstrait", on aimerait que la même galerie ait l'idée de nous proposer par la suite une exposition entièrement et seulement consacrée à lui.
Expo du 27 novembre au 15 décembre 2019.
Un nouveau label dans le genre "prise de tête", les arts "situés"... A traduire du belge
"COLLOQUE : PENSER LES ARTS SITUÉS, 04, 05 & 06 décembre 2019. Cité Miroir - Espace Francisco Ferrer - ULiège - Accès libre"... voici l'annonce que j'ai reçue ces jours-ci en provenance de l'anciennement nommé MadMusée de Liège. Car ce musée, décidément pris d'une fièvre onomastique incontrôlée, a décidé aussi de se débaptiser et de s'appeler désormais Trinkhall... Pourquoi pas? D'autant qu'ils ont désormais un nouveau bâtiment avec 600 m2 de surface pour exposer au mieux les oeuvres (souvent fort intéressantes) produites par différents handicapés mentaux (et trinquer dans le hall?). Mais pourquoi ce nouveau label d'"art situé"? Totalement ésotérique, si ce n'est parfaitement creux? Voici le laïus qui est servi par le musée pour expliciter, si possible le nouveau label:
"La notion d’arts situés définit la politique muséale du Trinkhall. Elle repose sur un mode de perception et de compréhension des œuvres qui intègre la dimension fondamentale de leurs environnements : une œuvre d’art est un système de relations localisées dont l’expression esthétique est le moyen et l’effet. Toute œuvre d’art, en ce sens, est située. Mais certaines, plus que d’autres, étant donné leur apparente singularité ou leur relative marginalité, font entendre plus fortement la voix de leur situation."
4e Biennale de l'Art Brut: Théâtres, à la collection de l'Art Brut à Lausanne, avec entre autres Ni Tanjung...
Du 29 novembre 2019 au 26 avril 2020, prend place une 4e biennale thématique à Lausanne, après "Corps", "Véhicules" et "Architectures". Cette fois, c'est le "théâtre" au sens de "performances", analogies avec les marionnettes, voire déguisement... La référence en creux au théâtre d'ombres indonésien du Wayang kulit a par exemple incité les commissaires d'exposition à y exposer Ni Tanjung à laquelle le LaM avait déjà pensé dans le cadre de son exposition "Danses".
Georges Bréguet, l'anthropologue suisse qui s'est instauré protecteur de Ni Tanjung, la faisant connaître en Occident, 28 novembre 2019.
Anselme Boix-Vives en visite en Suède
Information tardive! Boix-Vives n'en finit pas de voyager à travers le monde. Une exposition lui a été consacrée du 26 mai au 15 septembre dernier avec la complicité du Centre Vendôme pour les arts plastiques au musée d'art d'Uppsala, en Suède donc... La manifestation comprenait 140 peintures et dessins ainsi que – chose inédite – quelques œuvres de ses petits-enfants Philippe et Julie Boix-Vives.
Julie Boix-Vives, la danse des échelles ; on est loin de l'œuvre du grand-père...
Et Anne-Marie Vesco, vous connaissez?
Anne-Marie Vesco, Tête de profil, A-M.Vesco, huile et pastel sur paper, 78 x 63 cm, 2003.
Cette artiste dessine fort bien les éléphants. C'est déjà un bon point pour elle. Elle expose bientôt du 3 au 15 décembre dans une galerie, Le Génie de la Bastille (126 rue de Charonne dans le XIe ardt parisien), des petits formats. Vernissage samedi 7 décembre de 16 à 20 h et finissage dimanche 15 aux mêmes horaires. La Bastille...? Il y a encore un rapport avec les éléphants en plus (voir Hugo et son Gavroche).
Anne-Marie Vesco, des mini formats...
20:34 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art singulier, Musiques d'outre-normes, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lajameux, fabuloserie-paris, l'excentrale, tzapluzaïres, massif excentral, pierre jaouën, arts situés, trinkhall, ni tanjung, collection de l'art brut, biennale théâtres, georges bréguet, boix-vives, anne-marie vesco, éléphants, toyen, krizek, fahr-el-nissa zeid, charles estienne | Imprimer
03/04/2019
Première exposition parisienne de Ni Tanjung et c'est à la Fabuloserie-Paris
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Je considère cette exposition comme un véritable événement. Les productions de Mme Tanjung (ce qui traduit exactement les mots "Ni" Tanjung), dont j'ai déjà plusieurs fois parlé sur ce blog, sont en effet en tous points emblématiques de ce que peut être l'art brut. A un moment où beaucoup s'interrogent sur la définition du terme, voici une belle occasion de se confronter à un exemple éclairant, qui ne nous vient pas d'Europe, mais bel et bien d'Asie, en l'occurrence de Bali en Indonésie.
L'environnement-autel de Ni Tanjung à Bali, photographié par Georges Breguet en 2004.
Ni Tanjung se fit remarquer de l'anthropologue Georges Breguet à cause d'une sorte d'autel de pierres peintes en forme de figures qu'elle avait entassées en bordure de route. C'est par cette réalisation que l'on commença de parler d'elle à la Collection d l'Art Brut de Lausanne, Breguet en ayant parlé à Lucienne Peiry, alors conservatrice de la Collection. Ni Tanjung fut présentée dans l'exposition "L'art brut dans le monde" (2014), qui, à bien des égards, fut une exposition qui marqua un virage sérieux dans l'appréhension du phénomène art brut. Ces pierres à figures annonçaient à l'évidence les buissons de visages que cette femme à l'incroyable vitalité se mit par la suite, ses jambes ne la portant plus, et alors qu'elle était immobilisée dans un local exigu, à créer de façon acharnée, aucun obstacle ne pouvant la ralentir (pas même l'évacuation qui l'obligea à être déplacée, un temps, à la grande ville de Denpasar lors de la menace d'éruption du volcan Agung).
Ni Tanjung, coll. et photo Bruno Montpied.
Ni Tanjung, coll. et photo B.M.
Elle compose en effet ce que j'appelle des "buissons", à l'aide de fibres (de bambou, semble-t-il) qui lui servent à y enfiler des visages dessinés aux crayons de couleurs ou au pastel sur des papiers divers, dont parfois du kraft. Elle n'hésite pas à percer ces papiers, faisant tenir l'ensemble dans un équilibre d'apparence instable mais qui se révèle à la longue pourtant relativement solide. Une tige principale, comme une colonne vertébrale, relie les différentes branches de ces buissons, branches qui portent les visages comme autant de fruits inattendus. De temps à autre, Ni Tanjung mêle à ces matériaux de base, d'autres matières, comme des bouts de papiers dorés, et autres couleurs brillantes, avec lesquelles elle confectionne aussi en marge des sortes de chapeaux dont elle se coiffe, elle ou ses visiteurs (voir un exemple sur une des photos insérées dans le flyer de présentation de l'expo par la Fabuloserie ci-dessus). Il lui arrive aussi d'effectuer, tout en restant assise, des fragments de danse traditionnelle balinaise dont elle garde un vif souvenir – du temps où, dans sa jeunesse, elle la pratiquait.
Capture d'un instant de danse et chant de Ni Tanjung filmé par Petra Simkova en 2016.
Lorsqu'elle gratifie ses visiteurs de ces danses, elle montre sans détour qu'elle n'a pas rompu totalement le lien avec les traditions populaires balinaises. De même avec ses assemblages de visages de papier. Ces derniers représenteraient, selon Georges Breguet, soit des visages de personnes réelles, soit plutôt des visages d'ancêtres, ou d'esprits, les plus rouges étant ceux de mauvais esprits et de démons. Lorsqu'elle brandit ces montages sur fibres, en empoignant le bas de la tige principale, elle les agite exactement comme les montreurs d'ombres balinais du théâtre dit du Wayang Kulit.
Cette photo du Wayang Museum "est fournie gracieusement par TripAdvisor".
Il y a donc une filiation avec l'art populaire balinais, tout en manifestant simultanément une rupture à la faveur de laquelle une création originale a surgi. Ni Tanjung paraît en effet délirante, s'exprimant dans un sabir difficile à déchiffrer, mais de ce labyrinthe mental surgit une expression qui par son originalité lui permet de maintenir le contact avec un public extérieur, en l'occurrence un visiteur occidental : Georges Breguet, qui recueille pieusement ses œuvres et les fait connaître en Occident, ce qui en retour à Bali fait reconnaître Ni Tanjung.
Ni Tanjung dans un nouvel abri en juin 2018, ph. Georges Breguet.
Ce sont précisément des œuvres de cette nature, rapportées de Bali à Genève, où vit Georges Breguet, qui seront exposées (et mises en vente) à partir du samedi 6 avril prochain à la Fabuloserie-Paris. Je suis heureux d'avoir permis cette rencontre entre Sophie Bourbonnais et Georges Breguet, durant ma propre exposition dans la galerie l'automne dernier (je dois ma propre rencontre avec Breguet à Lucienne Peiry, que je remercie ici).
12:04 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art visionnaire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : fabuloserie-paris, ni tanjung, georges bréguet, l'art brut dans le monde, art brut indonésien, lucienne peiry, wayang kulit | Imprimer
07/05/2016
Ni Tanjung, dans les buissons des figures perdues
Madame Tanjung –car c'est ce que veut dire "Ni" Tanjung– est une créatrice balinaise que les amateurs d'art brut ont découvert en Europe, essentiellement grâce à un article précis de l'ethnologue Georges Breguet, fin connaisseur de l'Indonésie où il se rend fréquemment, paru dans le fascicule 22 de L'Art Brut en 2007 (je lui adresse mes plus vifs remerciements pour tous les renseignements qu'il m'a communiqués sans lesquels j'aurais commis probablement bévues sur bévues dans mon interprétation de la culture balinaise). Son texte était illustré de photos montrant une sorte d'autel voué aux ancêtres et constitué en vérité d'un amas de pierres sur lesquelles Ni Tanjung avait tracé des têtes peintes à la chaux blanche (un peu de couleur s'y apercevait tout de même de temps à autre, en provenance de l'artiste indonésien Made Budhiana qui, ayant découvert la créatrice en 2000, n'eut de cesse pendant quelque temps de lui fournir divers outils et matériaux pour stimuler sa créativité ; c'est notamment lui qui lui fournit une paire de ciseaux qui lui permit de se lancer dans le découpage de figures de papier, pas forcément toutes dessinées au début).
L'environnement de pierres peintes du temps de sa splendeur, photographié le 28 septembre 2004 par Georges Bréguet
L'environnement de pierres à visages de Ni Tanjung, tels qu'ils étaient en août 2008, après abandon par l'auteur, et démantèlement par le biais d'une collectionneuse indonésienne ; photo Petra Šimkovà
Ni Tanjung, quelques pierres à visages, avec des éléments de couleur, conservées par Georges Breguet ; ph. Georges Bréguet, 2016
Personnellement je restai fasciné lorsque je découvris cet ensemble de pierres peintes, assez semblables, de loin, à des boulets de charbon surlignés de blanc. Une de mes amies, Petra Šimkovà, photographe dont j'ai déjà eu l'occasion de parler (en pointillé) ici même, habite Bali. il était tentant de la lancer vers ces pierres peintes, ce qu'elle fit en 2008.
Mais l'installation, à ce qu'elle découvrit, était alors démantelée, ce qui nous fit croire que leur ordonnatrice était peut-être décédée. Les photos de l'époque montrent la désolation qui s'était emparée de l'endroit. En réalité, plusieurs causes se sont liguées pour donner ce triste résultat. D'une part, une artiste de la région, également conservatrice d'un musée consacrée à l'œuvre de son père, un artiste connu en Indonésie, récupéra (en 2006), en échange d'une somme d'argent, le tiers de l'installation pour le transférer vers un musée de l'art féminin à Java, c'est-à-dire assez loin de Bali (mais selon Georges Breguet l'installation des pierres n'était pas, en 2010 tout au moins, reconstituée...). D'autre part, la santé de Ni Tanjung s'est dégradée vers 2008 justement. Elle perdit l'usage de ses jambes et ne put plus sortir de sa minuscule chaumière (lieu d'une misère noire, sans eau, sans électricité ni les moindres commodités¹), son mari étant alité à côté d'elle (il disparut en 2010). L'argent versé pour l'achat des pierres servit cependant à la construction d'une autre maison, en dur, située à côté de la hutte première, où dans un premier temps le mari de Ni Tanjung s'installa (brièvement).
Sur ces photos de Georges Breguet, on perçoit la petite amélioration de situation en 2010 pour Ni Tanjung et son mari
Comme l'écrit Georges Breguet dans un autre de ses textes, paru cette fois dans le catalogue L'art brut dans le monde (2014, Collection de l'Art brut, Lausanne), qui dévoilait que l'art brut peut être envisagé comme un phénomène universel (contrairement à ce que pensait Dubuffet), Ni Tanjung, malgré sa faiblesse, alors qu'elle avait été transférée dans un autre village plus près de chez sa fille (elle eut trois enfants dont deux moururent jeunes, ce qui fut peut-être à l'origine de sa déstabilisation mentale), malgré sa situation de recluse dans un local de 4 m² sans fenêtres (au début, car une ouverture fut pratiquée par la suite, ce qui explique la lumière présente sur les photos de la créatrice), fut alors le siège d'un incroyable "renouveau".
Toutes les nuits, elle se jeta dans le dessin et le découpage qu'elle avait un peu commencés auparavant, mais auxquels elle donna un essor proprement fantastique. En 2010, elle faisait en effet des figurines en papier isolées, montées sur tige pour des manipulations, à l'instar des figures du théâtre d'ombres balinais, le wayang kulit. Celles ci-dessous, par exemple, furent données par Georges Breguet à la Collection de l'art brut.
Mais par la suite, des figures colorées aux crayons de couleur, mais aussi, apparemment, au pastel (matériel fourni, ainsi que le papier blanc, par Georges et Lise Breguet) jaillirent dans une efflorescence incontrôlable, représentant peut-être (car les explications de Ni Tanjung paraissent fort difficiles à saisir, elle s'exprime dans un jargon incompréhensible la plupart du temps, même pour les Balinais de souche) les visages des "anciens", des aïeux, voire peut-être aussi ceux de voisins ou de connaissances à elle.
Collection privée, Paris
Cette dernière reproduction (toutes les photos sont de Georges Breguet) est la face arrière de la précédente ; cela permet de se rendre compte de l'enchevêtrement, parfois fort complexe, de l'architecture de brindilles et de fibres que tisse patiemment Ni Tanjung pour assembler ses figures
Elles furent –et c'est là un des aspects de l'inventivité mise en jeu– organisées sur une armature de fines fibres et tiges végétales, liées entre elles par des ligatures ressemblant à du raphia, dans un savant équilibre déséquilibré, particulièrement fragile (par bien des côtés, ce frêle accrochage, tenant à quelques fils et fétus, me fait penser par analogie aux baraques de guingois de Richard Greaves au Canada, tenant par de simples cordes, leur auteur détestant les clous). Les photos de Georges Breguet montrent une Ni Tanjung émergeant comme revigorée, dans un printemps inespéré pour l'octogénaire qu'elle est, au milieu de ces buissons de figure, où "méchants" et "bons"² se disputent les places d'honneur dans une étrange bousculade...
Ni Tanjung à l'œuvre, photo Petra Šimkovà, février 2016
Les activités, les diatribes, le comportement de cette femme sont profondément atypiques aux yeux de la population balinaise. Atypiques, c'est-à-dire répréhensibles, tant on déteste toutes les attitudes qui s'affranchissent des règles en vigueur en cette contrée (il n'y a pas si longtemps, on autorisait officiellement l'enchaînement des aliénés, comme en Europe avant que Pinel au XIXe siècle ne leur apporte un peu de liberté ; cela arriva aussi à Ni Tanjung, qui fut entravée pendant quelques années ; une loi a été votée en 1977, mais elle ne serait pas encore complètement appliquée...). Mais, simultanément, on reste attentif et même admiratif à Bali et en Indonésie devant l'opinion internationale. Si l'on vient dire aux Indonésiens que Ni Tanjung est un véritable trésor national, les esprits marqueront une pause et on examinera le cas avec plus de circonspection. C'est ce qui arriva un peu après l'intérêt porté par la Collection lausannoise prestigieuse. Mais, avec la retombée de l'expansion de la collection vers l'international (accompagnée de la fermeture du poste de Lucienne Peiry, chargée des relations internationales), il faut maintenant que d'autres relaient ce premier élan d'admiration pour Ni Tanjung. Ce que je m'emploie à faire, dans la mesure de mes faibles moyens, ici même.
Je me suis interrogé sur le sens à accorder à ce sursaut graphique de Ni Tanjung, à ce qui peut apparaître aux yeux d'un Occidental comme une rage de créer face à la mort qui guette. Mais j'ai appris aussi qu'à Bali, où l'hindouisme est la religion dominante, le rapport à la mort est paisible puisque l'on croit là-bas à la réincarnation. Les cérémonies de crémation sont des fêtes pour lesquelles on dépense beaucoup d'argent. De temps à autre, même, dans certaine contrée de l'Indonésie (le sud du Sulawesi, dans la communauté des Toraja), des gens vont déterrer leurs aïeux pour leur faire revoir le jour, les habiller de neuf, renouer avec eux, les célébrer. Certains reportages sur ces pratiques sont incroyables pour les esprits forts que nous sommes. Cela rappelle les retournements de cadavres que l'on pratique à Madagascar tous les sept ans, dans l'idée d'aider les défunts dans leur repos éternel (c'est vrai que l'éternité à dormir dans une mauvaise position, ça peut être pénible).
Photos extraites du site Mail Online (voir lien précédent), merci à Georges Breguet de me l'avoir indiqué
Ni Tanjung s'insurge-t-elle contre le néant? Cela expliquerait facilement, trop facilement peut-être, son regain de vitalité graphique... Ou bien, cherche-t-elle plutôt à renouer des liens perdus avec ses congénères qui la tiennent à distance, et au delà, cherche-t-elle même à initier un dialogue avec ceux qu'elle ira rejoindre un jour, ces ancêtres vénérés à Bali, en qui de réincarnations en réincarnations, si ils ont mené une vie vertueuse, on promet aux Balinais qu'ils se fondront...?
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¹ En 2010, grâce à une aide financière de la Collection de l'Art brut, eau courante et électricité, et des sanitaires purent être installés dans ce logis.
² Il paraît qu'on peut reconnaître les méchants à leurs yeux ronds, les bons ayant des yeux plutôt en amande...
20:04 Publié dans Danse macabre, art et coutumes funéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ni tanjung, georges bréguet, art brut balinais, théâtre d'ombres balinais, waynag kulit, collection de l'art brut, lucienne peiry, coutumes funéraires insolites, petra simkova, made budhiana, l'art brut dans le monde, situation des aliénés en indonésie, toraja, réincarnations | Imprimer
05/05/2016
Une visite chez Ni Tanjung, récit de Petra Simkova, notre correspondante à Bali
Une visite chez Ni Tanjung
par Petra Šimková
Bali, île de Dieu, son art et ses cérémoniaux traditionnels. J'y vivais déjà depuis quelques années quand Bruno Montpied me parla d'une personne très originale, dont la création se distinguait nettement des traditions enracinées depuis toujours.
Ce qui subsistait, au moment du passage de Petra, des pierres peintes de Ni Tanjung, photos Petra Šimková, août 2008
Dès lors, j'allais admirer ses œuvres étranges, des pierres arrondies et peintes situées sur un chemin à l'écart, bien loin des routes touristiques. Il y avait une sorte de « montagne » de pierres, où sur chacune était représenté un visage humain ; certains, déjà à moitié effacés par la pluie et le soleil, prenaient un air étrange, peut-être comme une présence un peu sombre. Mais à l'époque, je ne savais pas qu'un jour, je pourrais rencontrer leur auteur, la créatrice Ni Tanjung.
Puis un jour, par une fin de matinée de janvier, je me suis retrouvée sur mon scooter à suivre une étroite route en zigzags. M'accompagnait madame Arimbi, l'assistante de M. Georges Breguet, qui avait organisé la visite.
Nous passons l'endroit où, quelques années plus tôt, Ni Tanjung a été découverte en train de peindre ses pierres, et nous poursuivons jusqu'à celui où elle vit maintenant. Comme elle ne peut plus prendre soin d'elle-même toute seule, elle vit avec sa fille unique.
Ni Tanjung avec une couronne de sa fabrication sur la tête, ph. Petra Šimková, février 2016
Ni Tanjung réside au rez-de chaussée d'une maisonnette extrêmement modeste. Sa chambre est minuscule, avec une seule petite fenêtre. Le lit prend toute la place, et sur ce lit, Ni Tanjung, incroyablement maigre, trône comme une reine. Elle est entourée de toute sorte d'objets, bols de riz, boîtes de conserve, pièces de vaisselle et aussi d'une « couronne » de sa fabrication. Tout autour, il y a des objets en papier coloré qui ornent le seul mur de la pièce. Très intéressants, ils me font penser à des sortes d'éventails étranges, de différentes formes, tailles et motifs. Ils créent un grand contraste avec cet environnement austère et plutôt sombre. La base de ces assemblages est toujours une structure en fibres de feuille de palmier sur laquelle sont accrochées plusieurs représentations, humaines, animales ou surnaturelles. Tous ces objets sont très colorés et forment un ensemble important, certains sont même dessinés des deux côtés.
Ni Tanjung et ses "buissons de figures", les manipulant comme un théâtre d'ombres traditionnel balinais, photos Petra Šimkovà, février 2016
Nous sommes assis dans la cour qui donne sur la petite maison, pour boire un café balinais. Ni Tanjung, qui regarde discrètement à travers l'ouverture sans porte de sa demeure, commence à s'apprêter. Elle extrait de plusieurs boîtes des bijoux de sa fabrication qu'elle se glisse ensuite autour des poignets, des doigts, du cou. Sur une étagère se trouve encore la couronne multicolore qu'elle s'est fabriquée. Dans l'une des boîtes, il y en a une seconde, qui, à ma grande surprise, est constituée de ses cheveux.
Ni Tanjung, dessins au pastel montés sur assemblage de tiges végétales, ph. Georges Breguet, 2016
Ni Tanjung avec le miroir grâce auquel, selon Georges Breguet, elle regarde systématiquement ses œuvres après les avoir créées... Ph. Petra Šimková, janvier 2016
Son autre objet de prédilection est un miroir. Le tenant dans ses mains, elle joue avec son reflet et le nôtre. Son reflet crée un dialogue. Il m'est venu à l'esprit que c'est peut-être dans ce miroir qu'elle voit tous les personnages qu'ensuite, elle crée sur le papier, tel le reflet de la vision de son monde intérieur enfoui aux tréfonds de son âme.
Après un certain temps, elle finit par se coiffer de la «couronne» et me fait signe de la tête que je peux prendre une photo. J'ai le sentiment qu'elle est heureuse de cette photo, et bien qu'elle soit déjà d'un âge avancé et qu'elle ait eu une vie difficile, le visage que je fixe sur la photo a beaucoup de charme, et porte une étincelle dans ses yeux. Fait intéressant cependant, dès que je cesse les prises de vue, elle montre une expression très différente.
Ph. Petra Šimková, janvier 2016
Ni Tanjung se repose quelques minutes, et nous finissons lentement notre café, assises dans la pièce relativement sombre. Je remarque une guirlande de petites ampoules au plafond, qui sert à éclairer la pièce quand elle crée ses œuvres, car elle travaille essentiellement la nuit. C'est peut-être pourquoi son choix de couleurs est aussi contrasté. Son travail couvre presque tous les murs de la chambre, formant une sorte de théâtre coloré très particulier dont le centre est Ni Tanjung elle-même. Après un moment de repos, elle s'est de nouveau apprêtée sur le lit, et elle commence à danser et à chanter. L'expression de sa danse est très particulière, mais elle se déplace exactement comme les jeunes danseuses balinaises. Elle me regarde dans les yeux et j'ai l'impression que je comprends tout son chant, tous ses mouvements... Je me sens comme si le temps et le lieu de nos origines avaient disparu, et qu'il ne restait plus qu'une belle et authentique expérience, ainsi que son œuvre.
Ni Tanjung exécutant, assise, une danse balinaise traditionnelle ; on aperçoit derrière elle une partie de la fresque qu'elle avait alors tracée sur le mur de sa maisonnette ; photo extraite d'un petit film de Petra Šimková, février 2016
Nous nous faisons de longs adieux, nous nous serrons les mains avec des sourires, puis tous s'éloignent dans leurs pensées, leurs réflexions, ou encore pour certains d'entre nous, dans leurs réalités et leurs fantasmes insaisissables. Et moi, je suis heureuse d'avoir pu rencontrer personnellement cette artiste originale de Bali.
(Traduit du tchèque par Régis Gayraud (et très légèrement remanié par B.Montpied)
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Merci à Georges Breguet, protecteur et défenseur de Ni Tanjung sans qui ce petit reportage in situ n'aurait pu se faire de façon aussi facilitée.
Ni Tanjung en compagnie de Georges Breguet, ph. Petra Šimková, février 2016
08:31 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : ni tanjung, petra simkova, georges bréguet, art brut à bali, pierres peintes, régis gayraud, miroir | Imprimer
19/03/2016
40 ans de la Collection d'art brut de Lausanne, 70 ans de l'apparition de l'art brut, etc.
L'œuvre illustrant l'affiche de l'exposition est de Joseph Dégaudé-Lambert, dessinateur inconnu du XVIIIe siècle
C'est pratique les commémorations, ça permet d'avoir l'idée d'une exposition. La nouvelle, à Lausanne, qui a commencé le 4 mars, fait retour sur les origines de la Collection de l'art brut, à l'occasion des 40 ans de son ouverture au Château de Beaulieu, après la donation de Dubuffet à la ville de Lausanne. Un gros – et grand – catalogue est publié à la clé. Je n'ai pas vu l'expo, je me base donc sur ce dernier, qui est déposé ici et là en librairie à Paris (moi, je l'ai trouvé à L'Ecume des Pages, merci Marieke...).
La couverture du catalogue de l'exposition "L'Art brut de Jean Dubuffet, aux origines de la Collection", au graphisme pas très original si on se réfère aux anciennes couvertures des premiers fascicules de la Collection qui utilisèrent longtemps cette écriture peinte (qui fut de plus imitée par d'autres ça et là), et avec un type de reliure (à la japonaise, cousue ,sans dos) qui fait penser à certain récent catalogue de la collection ABCD, normal, si l'on songe que Flammarion est co-éditeur des deux...
C'est une sorte d'exposition rétrospective, où la Collection survole l'histoire de sa constitution. Le catalogue, éludant quelque peu les années de tâtonnement de Dubuffet (pourtant l'art brut a commencé de l'obséder dès la fin des années 1940, après un premier intérêt dans les années 1920 pour les dessins de nuages d'une certaine Clémentine Ripoche), et ne citant que peu les expositions du sous-sol de la galerie Drouin, puis du Foyer de l'art brut dans le pavillon prêté par les éditions Gallimard, s'étend en premier lieu sur l'évocation de la grande exposition de 1949 dans la même galerie Drouin (sans doute parce qu'elle fut la première imposante par le nombre d'œuvres ou d'ouvrages exposés), avant d'aborder les acquisitions des décennies suivantes.
Les premières œuvres qui avaient été exposées en 1947-1948 (à partir de novembre-décembre 1947) avec la collaboration de Michel Tapié, et divers autres amis et adhérents des débuts de la collection (Charles Ratton, André Breton, Robert Giraud, Aline Gagnaire, Henri-Pierre Roché, entre autres) exprimaient une grande ouverture dans la recherche des œuvres relevant d'un art de l'ombre, distinct et distant vis-à-vis du "grand art". Indécis sur la direction à prendre, on prenait ce qui venait, quitte à trier plus tard sans doute. L'art naïf, l'art des enfants, l'art de certains peuples non occidentaux, pouvaient être prospectés. Dans ces deux premières années de recherche systématique – la "Compagnie d'art brut" fut fondée le 11 octobre 1948 –, on voit passer dans les locaux provisoires prêtés (?) à Dubuffet, par exemple "les Barbus Müller" (pierres de granit et basalte, venues semble-t-il d'Auvergne, créées par un (ou des) auteur(s) anonyme(s)), les sculptures de l'artiste primitiviste Krizek, les peintures illuminées de Miguel Hernandez, les silex interprétés de Juva – alias le comte autrichien Juritzky –, les œuvres de Robert Véreux (alias Robert Forestier), de Chaissac, de l'alchimiste Maurice Baskine, les médaillons de ciment de l'aubergiste Salingardes, les masques du brocanteur bordelais Maisonneuve, des peintures "médiumniques" de Crépin, des dessins de Scottie Wilson... Certaines de ces productions vinrent des signalements donnés par les surréalistes que Dubuffet, au début de son entreprise de rassemblement d'un art inventif et sauvage incognito, tentait de rallier à sa cause, jusqu'à ce que ce compagnonnage vole en éclats, Breton trouvant en 1951 Dubuffet dictatorial, tandis que ce dernier accusait les adhérents de la première heure de n'avoir pas fait grand chose pour l'aider (voir la correspondance de Jean Dubuffet publiée dans Prospectus et tous écrits suivants chez Gallimard)...
Projet de composition de l'Almanach de l'art brut, tel qu'il figure dans une lettre de Dubuffet à André Breton publiée sur le site web consacré à André Breton
Mais que le catalogue et l'exposition ne s'attardent pas outre mesure sur ces deux années de tâtonnement, c'est sans doute parce que, comme l'annonce une note fort furtive en marge d'une contribution de Sarah Lombardi, actuelle directrice de la Collection lausannoise (p.19), un projet d'édition va enfin voir le jour concernant l'Almanach de l'Art Brut, qui permettra peut-être d'en parler plus largement. Ce serait prévu pour novembre 2016 (dans une édition critique établie par Baptiste Brun et Sarah Lombardi, et réalisée par la collection de l'Art Brut en collaboration avec 5 Continents et l'ISEA ). Ce qui sera, du point de vue des amateurs obsédés par l'art brut et son histoire, un événement puisqu'on attend son exhumation depuis 70 ans, l'édition n'ayant pu se faire en 1948. On se reportera à l'ouvrage l'Art brut de Lucienne Peiry (Flammarion, 1997, voir p.303) pour en savoir un peu plus sur cet almanach, laissé à l'état de manuscrit dans les archives de la Collection, et qui rassemblait au même sommaire, excusez du peu: André Breton, Benjamin Péret (sur Robert Tatin, et ce, dès 1948, texte inédit, jamais publié dans ses œuvres complètes), Jean Dubuffet, Gaston Chaissac, Walter Morgenthaler, Michel Tapié, E.L.T. Mesens (par qui était "arrivé" Scottie Wilson...), Lise Deharme (voir son texte sur Alphonse Benquet sur ce même blog, où je l'ai édité virtuellement en première mondiale grâce à l'obligeance de Lucienne Peiry...), Jacqueline Forel, Eugène Pittard, Charles Ladame, etc. Cet almanach, dont l'idée de la forme revenait peut-être à Breton, qui en réalisa un autre en 1950, centré sur le surréalisme (l'Almanach surréaliste du demi-siècle), est probablement imprégné de cet esprit de non dogmatisme et d'ouverture qui régnait dans ces années pionnières. Dubuffet se raidira dans les décennies suivantes, déniant aux Naïfs et aux créateurs trop liés à une culture populaire repérable, l'inventivité surgie de nulle part dont il rêvait, à la fois dans sa propre œuvre et dans celle des autres. Le fait que l'on reconnaisse aujourd'hui qu'il y a toujours de la culture, savante ou populaire, dans le soubassement des gestes créatifs, y compris parmi ceux qui sont les plus cachés et les plus refoulés, doit impliquer que l'on puisse réévaluer certains marginaux naïfs ou populaires, du type de ceux que l'on vit émerger dans les débuts de la collection de Dubuffet, comme par exemple ce Joseph Dégaudé-Lambert, dont les huit gouaches du XVIIIe siècle conservées à Lausanne (précision apportée par le catalogue de l'expo actuelle), furent reversées par Dubuffet à partir du début des années 1960 dans sa collection "annexe" (consacrée aux cas-limites de l'art brut et de l'art culturel...). Chaque fois que l'on voit en réapparaître une dans les publications de la Collection de l'art brut¹, on reste sidéré... Voilà encore un créateur énigmatique de premier ordre sur lequel on aimerait recueillir davantage d'informations.
Salingardes (à gauche) et broderie de Marguerite Sirvins (à droite), pages du catalogue L'Art Brut de Jean Dubuffet, aux origines de la collection, ph. Bruno Montpied
Le catalogue de l'exposition, en contraste avec sa couverture grise ascétique, est d'une richesse iconographique remarquable, reflétant sans doute bien celle de l'exposition elle-même. J'ai mes favoris parmi tous ces créateurs, dont certains surgissent des réserves de la collection pour la première fois (ou peu s'en faut), comme cette écorce de bouleau de Pierre Giraud qui vaut bien mieux que ses dessins je dois dire.
Pierre Giraud, sans titre, 1947, écorce de bouleau sculptée
Je ne résiste pas aussi au plaisir d'énumérer, parmi les créateurs exposés en 1949 chez Drouin, ceux qui me touchent plus particulièrement: Aloïse, Antinéa, Benjamin Arneval, Julie Bar, Georges Berthomier (un naïf fruste), Maurice Charriau (une copie conforme de Chaissac : il me semble me souvenir qu'il s'agissait d'un adolescent que ce dernier poussa à dessiner), Crépin, Joseph Heuer, Juliette Elisa Bataille, Juva, Hernandez, Maisonneuve, Parguey, Clotilde Patard (là aussi une naïve fruste comme on les aime), Raymond Oui, Salingardes, Marguerite Sirvins, Berthe Urasco, Wölfli, Albino Braz, Somuk (un Mélanésien), Gottfried Aeschlimann, Jaime Saguer, et toutes sortes d'anonymes... Les acquisitions qui eurent lieu les décennies suivantes ont bien entendu apporté d'autres merveilles.
Somuk, illustration pour un conte recueilli par Patrick O'Reilly, dans le catalogue Art mélanésien, Nouvelles éditions latines, Paris, 1951
Le catalogue laisse aussi la parole aux deux précédents directeurs de la Collection, Michel Thévoz et Lucienne Peiry. Thévoz notamment rétablit une information importante concernant l'hypothèse qui a couru chez maints exégètes et chroniqueurs de l'art brut selon laquelle l'Etat français aurait refusé la donation de la collection au moment où, après 1967 et l'exposition du Musée des arts décoratifs, Dubuffet commençait à songer à la possibilité de créer un "Institut de l'art brut". En réalité, le ministre de la culture de l'époque, Michel Guy, avait soutenu l'idée d'une donation au Centre Georges Pompidou, et c'est Dubuffet qui n'en avait pas voulu. Ce dernier, se tournant vers Lausanne et la Suisse, crut même à un moment que sa collection ne pourrait franchir la douane, Michel Guy menaçant de ne pas la laisser sortir de France. Michel Thévoz, dans cette même interview, reste cependant évasif sur la méthode employée par le peintre français pour permettre à sa collection de franchir finalement la frontière.
Ni Tanjung, telle qu'elle figure dans une courte vidéo de Petra Simkova réalisée en février 2016 ; elle exécute ici une danse traditionnelle dans le minuscule local où elle survit tant bien que mal, entourée de ses dessins réalisés en silhouettes accrochées à des fibres de bambou
Le catalogue comprend également un autre entretien, avec Lucienne Peiry cette fois qui revient sur l'ouverture qu'elle pratiqua dans les acquisitions de la collection en direction des autres continents à partir de 2001, ouverture qui fut stoppée net par le syndic de la ville de Lausanne en 2011, Daniel Brélaz, au motif que devant la concurrence des autres musées et collections s'ouvrant à travers le monde, il fallait désormais se concentrer sur les acquis, afin de préserver l'identité de l'art brut en somme, faire des économies, et faire machine arrière par rapport à l'extension indéfinie des acquisitions à l'international. C'était là, de la part du syndic , une déplaisante attitude à mon humble avis, entachée d'un esprit de macération dans le cercle étroit de ses habitudes. Grâce à Lucienne Peiry, la collection nous avait fait connaître, entre autres, et sans préjuger de découvertes continuées parallèlement en Europe et en Suisse (voir l'expo L'art brut à Fribourg), de grands créateurs lointains, comme la Chinoise Guo Fengyi, le Ghanéen Ataa Oko ou la Balinaise Ni Tanjung. sur laquelle je reviendrai bientôt. "La puissance et la dissidence de l'Art Brut ne sont donc pas dépendantes des frontières géographiques", affirme ainsi Lucienne Peiry dans l'entretien avec Sarah Lombardi. Le récent livre de Remy Ricordeau, Visionnaires de Taïwan, paru en 2015 à l'égide de la collection La Petite Brute aux éditions de l'Insomniaque, révélant plusieurs environnements bruts inédits dans l'ancienne île de Formose, n'est pas là, par exemple, pour contredire cette puissante affirmation...
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¹ Une autre reproduction de gouache est à découvrir dans le catalogue de la Neuve Invention que la collection fit paraître en 1988 (catalogue qui mériterait du reste d'être réédité, et augmenté).
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06/08/2015
"Outsiders" indonésiens à Bègles
Endru Sil, encre sur papier, 19,5 x 28,4 cm, 2014
Noviadi Angkasapura, encre sur papier, 15,7 x 20,9 cm, 2014
Tri Oktafiyani, encre sur papier, 32,8 x 21,5 cm, 2014
Muhammad Nasir, encre et crayon sur papier, 17,9 x 25 cm, 2014
Shony Wijaya, stylo à bille et crayons de couleur sur papier, 14,8 x 21 cm, 2014
Erna KD, encre et stylo bille sur papier, 21 x 29,7 cm, 2014
Il reste un mois pour aller voir l'expo originale montée au Musée de la Création Franche à Bègles (26 juin - 6 septembre 2015) sur des "Outsiders d'Indonésie".
Ce n'est en effet pas banal comme manifestation. Les amateurs d'art brut ou singulier indonésien n'avaient eu que peu de créateurs à se mettre sous la dent, si j'ose dire. L'un d'entre eux étant cette créatrice génialement inspirée du nom de Ni Tanjung, révélée par les expositions et les publications de la Collection de l'Art Brut à Lausanne (notamment récemment au moment de l'exposition "L'Art Brut dans le Monde"). Si ses peintures sur pierres (des représentations d'esprits je crois) ont disparu petit à petit dans le site en plein air où elles étaient installées (à Bali), elle a continué à s'exprimer sur papier de fort poétique façon.
Ce qu'il restait des pierres peintes de Ni Tanjung en août 2008 à Bali, ph. Petra Simkova
Un autre créateur indonésien fut également montré à Vitré au sein du Centre Français du Patrimoine Culturel Immatériel. Cet auteur javanais a pour nom Dani Iswardana. Sans avoir vu son exposition à Vitré, j'avais trouvé les reproductions de certaines de ses œuvres tout à fait intrigantes. Est-ce l'effet des croisements entre différentes cultures sur ces territoires variés d'Indonésie entre échos de l'art ancien des Papous, influences culturelles musulmanes et bouddhisme, toujours est-il qu'il semble bien que dans ces contrées si éloignées de l'Europe on ait affaire à un riche creuset d'expressions artistiques. Rappelons (source Wikipédia) que cette république d'Indonésie est composée de plus de 17 000 îles, que sa population est la 4e du monde (à majorité musulmane) et qu'elle se situe géographiquement au carrefour d'influences venues à la fois du Moyen-Orient, de l'Inde, des pays asiatiques et de l'Océanie. Parmi ses îles les plus connues, on peut citer Sumatra, Java (où se trouve la capitale Djakarta), les îles Célèbes, les îles Moluques, la Papouasie, une partie de Bornéo, Bali... On a dénombré 1100 ethnies différentes, plus de 700 langues...
Une œuvre de Dani Iswardana montrée à Vitré en 2010 ; Ce plasticien accompagnait ses toiles de récits (art du wayang beber) de façon analogue aux rouleaux narratifs peints des patuas indiens ou au kamishibai japonais (images supports de contes rangées dans des petites armoires ambulantes)
A Bègles, les œuvres présentées paraissent avant tout d'ordre graphique comme on peut en avoir un échantillon en tête de cette note. Elles émanent de créateurs tous autodidactes qui ont pour point commun d'être tous plus ou moins liés au plus productif d'entre eux, le nommé Noviadi Angkasapura, qui ambitionne d'atteindre bientôt le million de dessins afin de fonder un musée à lui seul consacré, musée qui serait un moyen de rendre grâces à ses ancêtres, comme il est dit dans le dossier de presse de l'exposition béglaise (malheureusement non signé : qui est l'instigateur de cette exposition, on ne le sait pas ; cela donne l'impression que l'expo tombe du ciel...). Il paraît stimuler sans cesse autour de lui les potentialités créatives des différents individus qu'ils repèrent autour de lui comme porteurs de pratiques expressives en herbe.
Noviadi Angkasapura, sans titre, 30 x 20 cm, sans date repérée, coll. privée Paris, ph. Bruno Montpied
09:25 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier, Le conte en rapport avec d'autres expressions | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : outsiders d'indonésie, art brut indonésien, noviadi angkasapura, musée de la création franche, dani iswardana, ni tanjung, petra simkova, collection de l'art brut, cfpci, récits et peinture | Imprimer
22/05/2008
XIes Rencontres autour de l'Art Singulier à Nice
J'ai reçu enfin le carton annonçant la nouvelle programmation des excellentes Rencontres autour de l'Art Singulier qui se tiennent sous l'égide de l'association Hors-Champ, animée entre autres par Pierre-Jean Wurtz, une fois par an, généralement à la fin du mois de mai, à Nice, dans l'auditorium du Musée d'Art Moderne et d'Art contemporain. La prochaine rencontre se tiendra donc le samedi 7 juin de 10h à 17h30. Cela fait plusieurs années que cette association s'ingénie à réunir autour de l'art singulier -le terme englobe à leurs yeux tout ce qui relève de l'art brut, des environnements spontanés, voire de l'art naïf, et à l'étranger de l'art outsider- cinéastes, créateurs et amateurs de ces formes d'art marginal dans un climat qui se veut cordial. Ces rencontres furent souvent l'occasion de fructueux échanges de vues entre amateurs divers, de transmissions d'information qui se passent aussi bien dans le cadre de la journée de programmation qu'en dehors, dans les restaurants ou cafés du vieux Nice.
Cette année, on pourra découvrir des films sur Ni Tanjung (cette Balinaise dont on parle dans le dernier fascicule de la Collection de l'Art Brut à Lausanne), sur Joseph Donadello (dont le petit fanzine Zon'Art de Denis Lavaud et Bernard Dattas avait déjà parlé), sur Pya Hug (intrigante créatrice suisse dans un film de Mario Del Curto). Ainsi qu'un film de Guy Brunet (un extrait où ce grand candide raconte à sa façon dans un cinéma documentaire bricolé à la maison l'histoire du festival de Cannes... En présence d'acteurs ou de metteurs en scène célèbres réalisés en silhouettes peintes, voir ma note du 1er mai 08). A voir également, chaudement recommandé par Pierre-Jean Wurtz, un film d'Enrico Ranzanici sur un collecteur de galets de rivière, Luigi Lineri, qui les choisirait pour leurs formes parlantes -ça me rappelle Mme Bassieux à Dieulefit dans la Drôme... Pour le programme complet, voir les photos que j'insère à la suite.
L'association a chaque année la lourde tâche de trouver des subventions pour la réalisation de cette journée et il faut les féliciter d'y arriver depuis onze ans. Une parenthèse ici cependant: est-ce parce qu'ils sont trop obsédés par ces sponsors à dénicher qu'ils finissent par oublier de remercier les amis et les simples particuliers, qui, comme votre serviteur, leur ont proposé des idées de films à passer? Ainsi en va-t-il cette année du film de Jean Painlevé sur le créateur populaire danois Axel Henrichsen que j'avais proposé il y a quelque temps à Pierre-Jean Wurtz (voir la note du 17 février 2008 que j'ai consacrée sur ce blog à l'édition récente en DVD de ce film rare). Comme personne ne songera à opérer cette précision (dont j'ai la faiblesse de penser qu'au lieu de servir ma gloire, elle sert surtout à informer le public sur qui fait quoi), j'ai cru bon de l'ajouter (merci Photoshop) sur le libellé du programme de cette onzième journée niçoise...
Je n'en suis d'ailleurs pas resté là, puisque je me suis également amusé à "rectifier" sur ce programme le nom d'un des participants à cette journée, que je ne saurais appeler autrement que "La concierge de l'art brut" depuis qu'il fait circuler sur le net des "mémoires" (au reste assez ridicules) où il me prête des propos mensongers (courts certes mais mensongers et rapportés) dans le plus pur style délateur ou ragots de chiottes (voir le site de la galerie La sardine collée au mur), propos que j'aurais tenus sur des amis à lui. Belle attitude de concierge (de plus chez quelqu'un qui se prétend libertaire...). En conséquence, si je me dois de citer les travaux plus intéressants auxquels ce triste sire participe, lorsqu'il est infiniment mieux inspiré, comme la parution à l'égide de la revue Gazogène qu'il édite du côté de Cahors de numéros consacrés à l'extraordinaire collection de cartes postales consacrées aux environnements spontanés et autres de Jean-Michel Chesné, ou sa participation aux côtés de Chesné à ce XIe festival où ils présenteront un certain nombre d'images fascinantes, je ne saurais le citer autrement que sous ce grotesque vocable (je n'ai rien contre les concierges, sauf quand elles s'avisent de faire les pipelettes ce qui a été souvent leur vocation comme on sait).
J'en reviens à ces Rencontres 2008... Les programmations sont conçues aux dires mêmes de leur principal animateur, Pierre-Jean Wurtz, dans la perspective du documentaire avant tout. Point de fictions dans ce festival (et pourtant, il y aurait de quoi faire, car le cinéma s'est emparé plusieurs fois des biographies de créateurs de l'art brut ou de l'art naïf, comme Aloïse, Ligabue, Pirosmanachvili, récemment Hélène Smith...). Les responsables de Hors-Champ se sont donnés comme règle de choisir des documentaires, et parmi ceux-ci, en priorité les films montrant les créateurs vivants au milieu de leurs oeuvres, les commentant le cas échéant (ce qui explique donc, qu'ils aient dés lors écarté les fictions). La durée des films aussi compte dans la composition de la programmation (et les fictions sont des longs-métrages la plupart du temps). Ceci étant établi, on ne peut que constater, au vu des programmations des onze années précédentes, l'étendue et la richesse du (hors-) champ "art brut et cinéma documentaire". Conscients du fait que l'information a été jusqu'ici par trop confidentielle sur l'ensemble des films montrés à Nice, les animateurs de cette sympathique association ont mis en chantier la publication d'un livre qui devrait réunir toute l'information souhaitable sur les créateurs présentés depuis onze ans dans le cadre de leurs festivals. On devrait y retrouver par la même occasion nombre d'acteurs de la médiation de ces créateurs. L'ouvrage serait prévu pour cet automne, à ce que je crois savoir...
23:18 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés, Photographie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : hors-champ, p-j.wurtz, axel henrichsen, j-m.chesné, mario del curto, ni tanjung, guy brunet | Imprimer