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29/08/2009

Rives du dessin

L'univers du dessin et de la création, expo à Rives (38).jpg

     L'association Oeil'Art qu'animent les époux Faravel, Jean-Louis plus organisateur et Marie-Jeanne plus créatrice (assez proche en style de Claudine Goux je trouve), monte une nouvelle exposition en Isère, "L'univers du dessin et de la création", à Rives, tout prés de Grenoble, du 6 au 14 septembre prochain.

Bruno Montpied,Où l'on perd la tête,2005, photo Bruno Montpied.jpg
Bruno Montpied, Où l'on perd la tête, 25x30 cm, 2005

 

     Il faudra s'organiser pour ne pas manquer ces dates point trop nombreuses à dire vrai. D'autant que nous sommes plusieurs à y exposer. J'ai déposé chez Oeil'Art une douzaine d'oeuvres, je ne sais combien ont été retenues, mais si l'envie vous vient d'y aller voir, vous pourrez toujours demander à voir l'ensemble en vous adressant aux organisateurs, sinon présents physiquement au moins accessibles par mail à l'adresse suivante où l'on peut retrouver un diaporama des oeuvres en question. Pour tenter d'amorcer votre intérêt, voir les deux oeuvres ci-dessus ci-dessous.

Bruno Montpied, La maison de Baba-Yaga,2005, ph.Bruno Montpied.jpg
Bruno Montpied, La maison de Baba Yaga, 25x30 cm, 2005

    Bon, je ne plaide pas que pour mon nombril cela dit. Dans cette exposition plus axée sur le dessin, on retrouvera aussi, pour ne citer que ce que je préfère, Ruzena, Marie-Jeanne Faravel, Martha Grünenwaldt,Martha Grünenwaldt,collection Faravel, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg Joël Lorand (oui, il est partout), Alexis Lippstreu, Claudine Goux, Adam Nidzgorski,Adam Nidzgorski, 2006,site L'Art tout simplement (Faravel).jpg Jean Branciard (dont j'ai déjà parlé ici, ainsi que dans  la revue Création Franche), Yvonne Robert, Eric Gougelin, Gilles Manero, Christelle Hawkaluk (qui a un nom esquimau on dirait)... Pour la liste complète, se reporter au carton de l'exposition que j'ai mis en ligne au début de cette note.

Jean Branciard,Le renardo, photo Bruno Montpied, 2008.jpg
Jean Branciard, Le renardo, Photo Bruno Montpied, 2008
Ruzena,dessin sans titre,ph.Bruno Montpied, 2008.jpg
Ruzena, dessin sans titre, photo BM, 2008
Gilles Manero,Lycanthropie gouloukienne,2006, ph.Bruno Montpied.jpg
Gilles Manero, Lycanthropie gouloukienne, modification sur image trouvée, 2006
Yvonne-Robert,Fedo et Irma...,2008, ph.Bruno Montpied.jpg
Yvonne Robert, Fedo et Irma ont bien travaillé ils partent ce matin, 24x32 cm, 2008, coll. privée, Paris, ph. BM
    Bon... Et si on finissait cette note sur une suggestion? "L'art tout simplement", comme les Faravel ont intitulé leur site internet, ça fait un peu trop simple justement. Elle rend imparfaitement compte du fait que les Faravel rassemblent là finalement assez peu d'artistes contemporains au sens professionnel du terme, mais plutôt des autodidactes pour la plupart amateurs d'une expression directe (il y a parmi eux une bonne proportion de créateurs venus du monde du handicap mental). Ils ont demandé qu'on leur fasse des propositions d'étiquette. J'en ai une, qui fait certes très "histoire de l'art" et comme telle répudiable par les puristes de l'art singulier je m'en doute bien, mais qui a simultanément aussi pour elle de correspondre assez précisément à ce que recherchent les animateurs d'Oeil'Art: de la figuration primitiviste

 

 

26/08/2009

Passage Dieu

    Petit ajout à la balade dans le XXe arrondissement que j'ai mise en ligne il y a quelques jours. En recherchant la rue des Vignoles, je suis tombé sur un passage Dieu dont je ne me souvenais plus. Sans doute parce que la rue Dieu, dans le Xe, prés du Canal Saint-Martin, l'avait éclipsé. Placer deux fois le nom de Dieu sur des voies parisiennes faisant décidément un peu too much (d'autant que Satan de son côté n'a droit qu'à une pauvre impasse, comme par hasard, probablement par souci de le limiter, dans le XXe aussi).

C.-Coupé.jpg
"C.Coupé, tapissier"... Passage Dieu, XXe ardt, photo Bruno Montpied, 2009

    Ce passage s'est révélé riche d'une inscription en nom prédestinant, comme on peut le voir ci-dessus. Et riche aussi, un peu plus loin, de la collision cocasse entre sa plaque de rue et un avis de chantier placé en contrebas...

Passage-Dieu.jpg
Passage Dieu, port du casque obligatoire... ph. BM, 2009

23/08/2009

Gilles Manero veut-il du mal aux sciapodes?

    Gilles Manero a une curieuse vision des sciapodes. Il m'en a envoyé trois, à base d'aquarelle, de collage, de détournement.

    Voici dans l'ordre chronologique le premier:

Gilles-Manero,-Sciapodicus,.jpg

Gilles Manero, Sciapodicus, 2008   

    Puis le second:

Gilles-Manero,-sciapode-du-.jpg
Gilles Manero, [Sciapode du genre écorché], 2008

    Enfin le troisième:

Gilles-Manero,-Le-sciapode-.jpg
Gilles Manero, Le Sciapode au Poignard subtil, 2008
     Mais enfin, qu'est-ce que les sciapodes lui ont fait pour qu'il se les représente ainsi, cadavériques, écorchés ou tout bonnement squelettiques, et inquiétants qu'ils sont, adossés à leur poignard ouvert? 

22/08/2009

Les librairies préférées du sciapode

    Cela fait un certain temps que j'ai envie de lister les librairies parisiennes où je tombe presque automatiquement sur des livres faits pour moi. Une bonne librairie, c'est en fait cela avant tout, celle qui a pensé à vous mettre sous le nez le livre qui vous était destiné. C'est ce que tout le monde appelle une "bonne librairie" sans souligner la plupart du temps qu'il ne s'agit que d'un choix très subjectif, à la limite de l'égocentrisme. Mais si cela peut recouper les marottes, les chemins de traverse, les inclinations personnelles d'autres internautes lecteurs de ce blog, je n'aurai pas tenté ce rassemblement subjectif en vain. Et du coup, peut-être ce "subjectif" commencera de se transformer en valeur objective...

Tschann.jpg

 

    Première à laquelle je pense, la librairie Tschann sur le boulevard du Montparnasse, dans le XIVe ardt, peu après le carrefour Vavin. Cela ne varie pas en ce qui me concerne, je trouve depuis au moins trente ans toujours mes livres là-bas. Leurs goûts évoluent avec les miens. Notamment les beaux livres sur l'art. Ils ont une politique de libraire personnelle, ils trient les ouvrages qui méritent davantage que d'autres d'être portés à la connaissance de leurs clients. Contrairement à tant de leurs confrères qui se contentent d'être des comptoirs de diffusion des cent mêmes titres imposés par les diffuseurs dans la plupart des boutiques de France et de Navarre. 

Librairie l'Ecume des pages.jpg     L'Ecume des pages arrive sûrement en deuxième dans mes préférées. C'est la librairie qui reste ouverte tard (minuit en semaine), restant accessible aussi le dimanche (Boulevard Saint-Germain, à Saint-Germain-des-Prés, à côté du Flore). Elle avait changé il y a quelque temps la disposition de ses rayons et étalages et l'on y a trouvé moins d'ouvrages hors des sentiers battus durant quelque temps. Cependant, la direction du lieu après une réadaptation semble-t-il a repris sa marche en avant du côté d'une certaine exigence. Elle reste bien instruite des livres à découvrir, pas nécessairement médiatiques. De l'extérieur, il ne faut pas craindre de franchir le seuil malgré les présentoirs à cartes postales qui font croire à une boutique pour touristes...

Librairie Libralire.jpg
Vitrine de la librairie à l'époque où les enfants de ma BCD y avaient exposé des "lettrines iconophores" concoctées avec mézigue (une lettrine est illustrée par des images d'objets dont le nom commence par cette lettre, comme c'était l'usage dans les anciens dictionnaires type Larousse), ph. Bruno Montpied, 2008

    Libralire n'évite pas toujours le piège des livres identiques à ceux qu'on trouve dans les librairies type comptoirs de diffusion, mais en raison de la sympathie que nous inspirent ses libraires - notamment l'ineffable Fabrice - je cite sans coup férir cette adresse. Nous regrettons, disons-le au passage, le départ de Nelly qui était une excellente connaisseuse de la littérature jeunesse. La librairie se trouve presque au croisement de la rue Jean-Pierre Timbaud et de la rue Saint-Maur dans le XIe ardt.

 Librairie L'humeurvagabonde.jpg    L'humeur vagabonde est une excellente librairie de quartier dans le XVIIIe ardt. En dépit de sa petite surface, on trouve souvent les livres curieux que l'on recherche triés par des professionnels au sein de l'abondante production livresque. On sent un certain penchant des libraires pour les sujets radicaux dans cette librairie. La librairie jeunesse qu'ils ont installée de l'autre côté de la rue (du Poteau) est loin d'égaler sa qualité, cela dit, lorgnant semble-t-il beaucoup trop du côté d'une certaine mièvrerie de la littérature pour enfants. Pour la trouver, descendre depuis la mairie du 18e ardt en direction de la Porte Montmartre la rue du Poteau, c'est après la partie de la rue plus spécifiquement dévolue aux commerces alimentaires.

Librairie de la Halle St-Pierre.jpg
La librairie de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard, 18e ardt

 

    La librairie de la Halle St-Pierre reste le lieu incontournable en matière de documentation sur les arts spontanés, unique en son genre à Paris, étant donné la variété et la multiplicité des ouvrages proposés. Ses animations dans le petit auditorium en sous-sol prolongent utilement cette offre d'informations. Leur activité s'inscrivant comme on sait, qui plus est, dans un programme d'expositions très souvent liées à la thématique des arts populaires, imaginistes ou insolites. Le lieu, agrémenté d'une caféteria où il fait bon rêvasser en sirotant quelque boisson, est ouvert sept jours sur sept, et c'est à Montmartre...

Librairie Un Regard Moderne.jpg
Intérieur de la librairie Un regard moderne, ph.Bruno Montpied, juillet 2007

    Un Regard moderne, située rue Gît-le-Coeur dans le 6e ardt, est une échoppe incroyablement bourrée du sol au plafond d'une littérature excentrique allant de l'art graphique underground à l'art brut et environs (rayon prés de la porte d'entrée, au ras du sol, un des rares accessibles sans avoir à demander auparavant au gérant ce que l'on est venu chercher - personnellement, je n'entre jamais dans une librairie en sachant ce que je cherche, je suis comme Picasso, je trouve...), en passant par l'érotisme, avec de nombreux titres sur le sado-masochisme, le surréalisme (littérature et arts plastiques), les situationnistes, le rock'n roll et la culture qui s'y rattache, etc... Un petit espace d'exposition le flanque sur la droite plutôt ouvert aux graphistes tendance Dernier Cri et consorts. 

Anima.jpg    Anima, ça se trouve avenue Ravignan, vous savez, l'avenue de Montmartre où s'élevait le Bateau-Lavoir de Picasso et autres. C'est une petite librairie tenue par une passionnée que garde un (une?) sympathique bull-dog. On y trouve surtout des ouvrages de poésie exigeante, de sciences humaines, des ouvrages féministes ; mais aussi de la littérature générale, et des revues littéraires rares, comme l'excellent Bathyscaphe édité au Québec par Benoît Chaput et Antoine Peuchmaurd. Je n'y trouve pas toujours mon bonheur, mais c'est plutôt pour goûter aux charmes de discussions aux fils labyrinthiques et légèrement foutraques, improbables, avec la gérante des lieux, que j'aime à y entrer de loin en loin.  

     Val'heur, je ne cite cette librairie-là, située dans le 9e ardt rue Rodier prés du lycée Jacques Decour, que parce qu'on est sûr d'y trouver les publications du Collège de Pataphysique. [Cependant depuis quelque temps, la librairie ne s'occupe plus des ouvrages pataphysiques édités après 2007... Mise à jour, février 2010]

     La librairie du musée du Louvre, c'est bien pratique, et cela rend inutiles les voyages coûteux et mangeurs de temps précieux vers les expositions régionales et européennes... Les catalogues étant si bien faits aujourd'hui, si richement illustrés, parfois davantage iconographiés que dans l'expo elle-même, qu'ils dispensent d'aller voir l'exposition à laquelle ils se rapportent. En plus, on peut les garder chez soi, eux.

     La librairie Henri Veyrier aux Puces de Saint-Ouen, c'est un bouquiniste énorme question surface, et question choix. On y trouve de tout, côté beaux livres d'art ou littérature générale, littérature jeunesse, dictionnaires, bandes dessinées... Pour les fauchés, adresse idéale.

      Vendredi, une bonne librairie dans la rue des Martyrs, prés du croisement avec le boulevard de Clichy. Chez eux, ou elles plutôt, j'ai toujours l'impression que les livres à découvrir sont avant tout dans la vitrine qui concentre ce qu'il y a de plus intéressant dans le choix du moment. Là aussi, un regard complice trie en amont les livres qui sont faits pour les lecteurs qui partagent cette communauté d'esprit. 

      Joseph Gibert, boulevard Saint-Michel, à ne pas confondre avec Gibert Jeune plus bas, place Saint-André-des-Arts, est toujours la grosse librairie de Paris où l'on peut trouver des ouvrages d'occasion signalés par des bouts d'adhésifs noirs ou rouges en fonction des réductions. Le choix est vaste, il faut chercher, ça dure longtemps, les libraires changeant souvent l'ordonnancement des rayons, les différents étages, ça bouge tout le temps (et c'est assez casse-pieds...). 

Librairie Palabres M.Zinsou,ph.Gérard Lavalette, blog paris faubourg.jpg      Palabres, petite librairie d'occasion rue de Nemours dans le 11e ardt (signalée par Joël Gayraud). Elle est tenue par M. Zinsou, communicatif, sympathique, qui a de la littérature de voyage,  des livres rares sur toutes sortes de sujets, l'Afrique notamment, mais aussi la Commune de Paris, la révolution, Paris, l'art (un peu)...

(A suivre?) 

19/08/2009

Naïve aventure

NAÏVE DEVANTURE

 

               Quand on quitte la station de métro Maraîchers par la sortie donnant sur la rue des Pyrénées, on rencontre aussitôt une ruelle transversale dénommée rue du Volga. Son nom masculinisé de façon insolite, son étroitesse, qui contraste avec l'idée d'immensité qu'on se fait d'un tel fleuve, et surtout le pont du chemin de fer de ceinture qui arrondit sa voûte au-dessus d'elle une centaine de mètres plus loin, agissent comme autant d'irrésistibles appâts qui aimantent les pas du promeneur et l'incitent à s'y engager.

Une des plaques de la rue du Volga, Paris,20e ardt, ph. Bruno Montpied.jpg

               Il longe alors sur le trottoir - ou, devrais-je dire, la rive gauche - quelques ateliers transformés en isbas, dont les jolies façades de bois le font rager d'autant plus fort contre les promoteurs coupables d'avoir bâti juste en face une de ces casemates de béton bouygo-stalinien qui défigurent, tel un lupus hideux, le visage des villes. Mais alors que le promeneur croyait son chemin tout tracé jusqu'à la voûte du chemin de fer, il est arrêté par le débouché de la rue des Grands-Champs qui, à la manière d'un indolent affluent, se jette dans le Volga par la rive droite; et là, comme l'âne de Buridan, notre homme hésite sur le parti à prendre.Rue du Volga et débouché de la rue des Grands Champs, Paris, 2Oe ardt, ph. Bruno Montpied, 2009.jpg Les grands champs évoquent en lui tout à la fois la clé des champs et les grandes largeurs, deux pôles inscrits depuis longtemps sur le cryptogramme de sa sensibilité. Mais la voûte l'attire, comme tout ce qui lui rappelle les arcades, ces reconstructions urbaines de la caverne primitive où prend son élan la poussée utopique de l'humanité. Or justement, en ce soir de mai, ce n'est pas d'un abri qu'il a besoin, ni de la nostalgie des origines, mais de la liberté des grands champs, ce qui le décide finalement à s'y vouer. Par un détail qui ne manque pas d'avoir infléchi ce choix, la rue ne présente pas de perspective au regard, mais amorce un virage à quelques encablures; et nul n'ignore que le flâneur est toujours avide de découvrir ce qu'il y a après le virage.

107 rue des Grands Champs, salon de Coiffure Chez virginie, ph. Bruno Montpied, août 2009.jpg
Salon de coiffure au 107,rue des Grands champs, "Chez Virginie", ph. Bruno Montpied, août 2009

               Et de fait, le flâneur, qui n'éprouvait qu'un vague espoir de trouvaille, n'a pas été déçu dans son attente sans objet : au rez-de-chaussée du numéro 107 de la rue des Grands-Champs, juste après le virage, s'ouvre la vitrine d'un salon de coiffure, ornée sur les murs qui en constituent la devanture de fresques murales représentant une énorme paire de ciseaux, une sirène alanguie (1) et d'autres figures naïvement peinturlurées. Au-dessus de la porte une plaque de pierre où s'inscrit l'expression latine TEMPUS FUGIT nous rappelle notre condition de mortel,Salon de Coiffure Chez Virginie, le Tempus fugit et la paire de ciseaux, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg reliant sans doute, dans l'esprit de la tenancière des lieux, une nommée Virginie, s'il en faut croire l'enseigne, le thème de la fuite du temps à celui de la chute irrésistible des cheveux, l'universelle et inexorable calvitie que seuls des soins appropriés prodigués par une main experte, et l'on espère très caressante, sont capables de retarder.

 Joël Gayraud

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(1). Note du Poignard Subtil:  à l'époque où fut faite la photo du salon de coiffure en question, à savoir seulement quelques semaines après que ce texte ait été rédigé, la "sirène" s'était visiblement transformée en clown... Ou faut-il croire à quelque hallucination de la part de l'auteur de ce texte? D'autre part, à nos yeux, il ne s'agit pas là d'un décor proprement "naïf" mais plutôt d'un exemple de ce que le peintre Di Rosa appelle de l'Art modeste, à mi-chemin entre la décoration des camions et les fresques de graffeurs.

 

Enseigne du Salon de Coiffure chez Virginie avec une grenouille, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
Enseigne de la boutique de Chez Virginie avec une curieuse grenouille brandissant des ciseaux... Photo B. M., 2009

 

16/08/2009

De l'art brut en Mayenne?

    Gustave Cahoreau, Patrick Chapelière, Céneré Hubert, Alain Lacoste, Joël Lorand, Robert Tatin sont les créateurs invités, certain post mortem (Tatin), par la médiathèque de Villaines-la-Juhel en Mayenne... Et, non, ils ne sont pas si vilains en passant par la Juhel... On y a eu l'excellente idée, loin des cénacles et des clubs de professionnels de la diffusion des fausses valeurs contemporaines de nous y proposer des créateurs vraiment inspirés et peu en vue durant toute la durée du mois de septembre.

Affiche autour de l'art brut à Villaines-la-Juhel, septembre 2009.jpg
Affiche de l'exposition communiquée par Michel Leroux (avec une reproduction d'une oeuvre d'Alain Lacoste)
 
 
    C'est en septembre, dès le 4, jour de vernissage, que vous pourrez en apprendre davantage sur cette ronde de Mayennais "autour de l'art brut". La sélection - qui ne compte véritablement que deux ou trois créateurs qu'on pourrait associer à l'art brut, Gustave Cahoreau,Gustave Cahoreau,dessin sans titre,crayons de couleur, coll.Jean-Louis Cerisier, ph.Bruno Montpied.jpg Céneré Hubert et Patrick Chapelière (nouveau venu recommandé par Joël Lorand au musée de la Création Franche) - la sélection ne voulant pas utiliser le terme d'art singulier, peut-être trop galvaudé ces temps-ci, s'est rabattu sur le terme "d'art brut", pourtant lui aussi accommodé à toutes les sauces, mais plus tapageur... Faute de mieux, je trouve qu'on aurait tout de même pu garder "singuliers". Le mot indiquant que nous avons affaire à des créateurs marginaux vis-àvis de l'art contemporain (des semi-professionnels exposant sporadiquement - exception faite de Joël Lorand! ), n'aimant guère se lier à des marchands uniques, et réfractaires aux esthétiques transmises dans les grandes écoles. L'influence d'un certain primitivisme autodidacte est évidemment primordiale en l'espèce. Alain Lacoste fait figure, avec les lithographies de Tatin que prête Michel Leroux (plusieurs oeuvres viennent de ses collections), de grand ancêtre des Singuliers du reste. Il était présent par exemple à l'exposition Les Indomptés de l'Art  qui s'était tenue à Besançon en 1986, dans le sillage de l'exposition parisienne les Singuliers de l'Art en 1978. Une très belle oeuvre de lui a été choisie pour l'affiche de cette exposition.
Patrick Chapelière, dessin,Coll. Michel Leroux.jpg
Patrick Chapelière, dessin sans titre, sans techniques communiqués, date? Coll. Michel Leroux
 
 
     Les organisateurs de l'exposition cependant, en montant cette exposition au projet initialement modeste (inciter les lecteurs de la médiathèque de Villaines à s'intéresser à de nouveaux domaines de l'art), sans le savoir, en remontrent à ceux qui ailleurs en Mayenne auraient dû voir depuis longtemps plus grand dans le domaine de la pépinière d'art mayennaise. Toutes nos félicitations à cette médiathèque "perdue" dans la campagne, il va sans dire... 
   Autour de Laval, patrie du douanier Rousseau, d'Henri Trouillard et de Jules Lefranc, peintre naïfs tous les trois et, pour le dernier en outre, donateur d'une collection importante d'art naïf qui fut le socle de celle qui est conservée au musée du Vieux Château (où elle végète scandaleusement), il existe en effet une incroyable nébuleuse de peintres et créateurs indépendants, figuratifs insolites ou singuliers, certains n'abandonnant pas la référence au réel rétinien, tandis que d'autres, à l'instar de ceux qui sont précisément exposés à Villaines-la-Juhel, s'en affranchissent plus ou moins radicalement. On peut citer les cas de Jacques Reumeau, de Jean-Louis Cerisier, Serge Paillard (dont j'ai déjà parlé ici),  de Sylvie Blanchard (dont on n'a plus de nouvelles), ou encore d'Antoine Rigal. Il serait particulièrement vain de vouloir en effet distinguer d'une façon bêtement hiérarchisée les créateurs dits "naïfs" des créateurs plus proches de l'art dit "brut". Tous participent d'un même désir de réenchantement du monde.
Cénéré Hubert,Sans titre, peinture sur contreplaqué, coll. privée, Paris, ph.Bruno Montpied.jpg
Céneré Hubert, peinture sans titre, coll. privée, Paris, ph.B. M. ; sur ce créateur, qui fut aussi un "inspiré des bords des routes", et dont, après sa disparition, plusieurs oeuvres ont été sauvées et mises à l'abri par Michel Leroux, on lira avec fruit l'article que Jean-Louis Cerisier lui a consacré en 1998 dans le n°57 de la revue 303 (titre de son article: "Mondes insolites et travaux artistiques: la Mayenne à l'oeuvre", voir reproduction d'une page de cet article ci-dessous)
Illustrations d'oeuvres de Céneré Hubert extraites de la revue 303, n°57.jpg
Page n°59 de la revue 303, article de Jean-Louis Cerisier contenant plusieurs images de peintures naïvo-brutes et des fragments du décor de son jardin à Saint-Ouen-des-Toits par Cénéré Hubert
 
    Le grand rassemblement de ces peintres singuliers et marginaux, de cette "Ecole lavalloise de figuration poétique" comme je l'ai appelée dans une courte note que j'avais fait paraître dans un numéro ancien de la revue 303 (n°XLIX, 1996 ; l'article portait sur une exposition de Jean-Louis Cerisier à Laval), viendra bien un jour, et  il faudra bien que cela se fasse à Laval, cela serait logique...
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Sur Céneré Hubert, que je m'entête à considérer comme un très grand créateur naïvo-brut, malheureusement trop peu connu, et pour cause de disparition avant que sa notoriété ait eu le temps de s'établir, il existe aussi un article de Michel Leroux, par ailleurs sauveur de plusieurs de ses oeuvres, "Céneré Hubert forgeron de ses rêves, Saint-Ouen des Toits (Mayenne) 1910-2001", paru dans la revue Création Franche n°26, septembre 2006. Il faut souhaiter qu'il puisse un jour rendre  à nouveau public l'accès à cette oeuvre infiniment charmante. 

13/08/2009

Léon Evangélaire et le Tarzan auquel on n'a pas pensé

    J'ai visité pour des raisons professionnelles, et donc sans m'y intéresser plus que ça, l'exposition Tarzan au musée du quai Branly (où ce qui m'a le plus charmé, c'est l'allée sinueuse où l'on aurait bien glissé sur une luge à roulettes avec les moutards, avec Johnny Weismüller projeté sur nos faces hilares au passage).

Tarzan!.jpg

Expo Tarzan! du 16 juin au 27 septembre 2009

 

     Et je me suis dit, que c'était en définitive regrettable que les orgnisateurs de l'expo n'aient pas connaissance d'un très beau Tarzan en ciment polychrome qui se tient toujours sous le ciel nuageux à l'ombre des terrils, là-bas vers le Pas-de-Calais, à Pont-en-Vendin, sur le minuscule lopin de terre qui s'étend devant la petite maison d'un ancien employé au chemin de fer des Houillères, au milieu d'animaux n'ayant pas toujours quelque chose à voir avec les vrais protagonistes des aventures africaines de Tarzan. Chez le bien nommé Léon Evangélaire, que nous a fait découvrir Francis David dans son Guide de l'art insolite Nord/Pas-de-Calais en 1984.

Léon Evangélaire,Jane,Tarzan,et autres animaux en ciment, photo Bruno Montpied, 2008.jpg
Léon Evangélaire: Jane, Tarzan, Cheeta, flamant rose, poule, perroquets, caniche, écureuil et serpent... Photo Bruno Montpied, 2008

     J'ai tenté de rectifier le tir en l'imprimant sur une photocopie couleur que j'ai montrée aux petits visiteurs de l'expo que j'avais emmenés avec moi ce jour-là. Une goutte d'eau dans l'océan d'ignorance qui affecte les inspirés du bord des routes. Alors, je continue ici même, en me disant que nos gentils commissaires d'exposition vont parfois surfer sur le net de temps en temps eux aussi...

Léon Evangélaire, Tarzan seul,photoBruno Montpied, juin09.jpg
Tarzan en juin 2009, ph.B M

09/08/2009

Haïti et vaudou au Musée du Montparnasse

    "Le dernier voyage d'André Malraux en Haïti ou la découverte de l'art vaudou", tel est le titre de l'exposition qui s'est ouverte le 19 juin dernier au Musée du Montparnasse, et qui est prévue pour durer jusqu'au 19 novembre prochain.

Exposition André Malraux et l'art vaudou haïtien, Musée du Montparnasse, été et automne 2009.jpg

     Je ne suis personnellement pas très attiré par les gesticulations et les manières de génie qui se la joue profond de l'ancien ministre de la culture André Malraux, mais c'est l'occasion ici de voir quelques oeuvres d'art haïtiennes, certaines bien sûr en provenance de la communauté de Saint-Soleil (communauté dissoute en 1978) qu'alla plus particulièrement visiter Malraux en 1975.

 

        Louisiane Saint-Fleurant,Dessalines, expo André Malraux en Haïti, musée du Montparnasse, photo Bruno Montpied, 2009.jpg              Louisiane Saint-Fleurant,ph Raymond Arnaud.jpg
A gauche, Louisiane Saint-Fleurant, Dessalines, 2005, coll. Monnin, Haïti (exposé au Musée du Montparnasse) ; à droite portrait de Louisiane Saint-Fleurant par Raymond Arnaud (extrait du catalogue de l'expo au Musée d'Aquitaine en 2007, Peintures haïtiennes d'inspiration vaudou)

      A côté des artistes de Saint-Soleil (j'aime bien Louisiane Saint-Fleurant en particulier), qui sont souvent difficiles à distinguer les uns des autres, comme si un moule avait été édicté d'où toutes les oeuvres découleraient, à côté de ces créateurs - souvent vite classés du côté de l'art brut en raison de leurs formes enfantines à la Chaissac - on trouve ici une petite surprise sous la forme de deux tableaux d'un certain Edouard Duval-Carré (au nom prédestinant semble-t-il, car les deux tableaux sont de format...carré justement).

Edouard Duval-Carré,Hector et son mentor, la rencontre d'André Breton et d'Hector Hyppolite en Haïti, 1992, expo Malraux en Haïti, le Musée du Montparnasse, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
Edouard Duval-Carré, Hector et son mentor, la rencontre d'André Breton et d'Hector Hyppolite en Haïti (1946), 1992, coll. Afrique en Créations, Cultures France, Paris (exposé au Musée du Montparnasse)
 

       Il a représenté la rencontre d'André Breton et d'Hector Hyppolite, l'un des tout premiers peintres primitifs haïtiens (on sait que le phénomène s'est développé en Haïti au tournant des années 1940, essentiellement grâce à l'impulsion que donna à la peinture la fondation à Port-au-Prince d'un Centre d'Art fondé par le professeur américain Dewitt Peters, centre qui était à la fois une école et un lieu d'exposition), rencontre qui eut lieu lors des conférences que donna Breton en Haïti en décembre 1945, conférences qui s'accompagnèrent alors de journées révolutionnaires appelées les "Cinq Glorieuses".

Messagers de la tempête,Michael Löwy et Gérald Bloncourt, éd. Le Temps des Cerises, 2007.jpg
Dans cet ouvrage, les auteurs, dont l'un, Gérard Bloncourt, est un des acteurs de la tentative révolutionnaire haïtienne de 1946 (qui aboutit tout de même au départ, au "déchouquage", disent les Haïtiens, du dictateur Lescot), évoquent le souvenir des "Cinq Glorieuses" ; le livre est toujours disponible aux éditions Le Temps des Cerises (le petit "e" de "cerises" permet aussi de lire le mot "crises"...)

         Les deux hommes sur le tableau se tiennent de façon quelque peu hiératique, Hector Hyppolite, qui était un prêtre vaudou, un houngan, semblant être perçu par le peintre comme un intermédiaire reliant Breton par le contact de branches d'arbres avec la terre qu'il touche de son bras gauche transformé en tronc. C'est assurément là une image peu connue concernant les deux personnages. On sait que Breton acheta une douzaine d'oeuvres à Hector Hyppolite et qu'il projeta de le présenter dans l'Almanach de l'Art brut, projet de Dubuffet qui finit malheureusement par capoter.

Edouard Duval-Carré,La triste fin de Jacques-Stephen Alexis, 1992,expo Musée du Montparnasse.jpg
Edouard Duval-Carré, La triste fin de Jacques-Stephen Alexis, 1992, coll. Afrique en Créations, Cultures France, Paris (exposé au Musée du Montparnasse)

      Un second tableau représente pour sa part l'assassinat du leader révolutionnaire, ami de Gérald Bloncourt déjà cité, et écrivain important (il a écrit un roman que d'aucuns recommandent chaudement, Compère Général Soleil), Jacques-Stephen Alexis, dans les années 60 par les sbires du dictateur Duvallier. Au-dessus du corps d'Alexis , on semble reconnaître un "Baron Samedi", personnage funèbre qui dans le panthéon vaudou symbolise la Mort (souvent accompagné par "la Grande Brigitte"), avec ses attributs, le chapeau noir, les lunettes noires, le complet veston... Mais la Mort squelettique, d'aspect très mexicain, est ici aussi présente.

Bruno Montpied, Lorsque le Baron Samedi paraît, 2003.jpg
Bruno Montpied, Lorsque le Baron Samedi paraît, 24X32 cm, 2003

     A côté de cette découverte des peintures de Duval-Carré, on reste intrigué également par les peintures d'un peintre récemment apparu (déjà signalé dans l'exposition "Peintures haïtiennes d'inspiration vaudou" qui s'était tenue au Musée d'Aquitaine à Brodeaux en 2007),Peintures haïtiennes d'inspiration vaudou, éd. Le Festin, 2007.jpg Franz Zéphirin (né en 1963), à l'imagination fertile, amateur de sirènes -personnages importants dans le panthéon vaudou, à la fois féminins et masculins - et pratiquant un dessin et une peinture qui nécessitent un travail conséquent, voir en particulier la grande toile de 2008, présente dans l'exposition, Le destin cosmologique d'Haïti.

Franz Zéphirin, Le Destin Cosmologique d'Haïti, 2008, expo Musée du Montparnasse.jpg
Franz Zéphirin, coll. Monnin, Haïti, exposé au musée du Montparnasse
Franz Zéphirin,détail central du Destin Cosmologique d'Haïti.jpg
Détail central de la toile précédente, M. et Mme Sirène...
 
 
    Ajoutons pour finir que la visite de l'exposition s'effectue dans un cadre fort agréable, car le musée est niché au milieu de la verdure qui colonise une ancienne cour ceinte d'ateliers où était, je crois, installée une cantine pour les artistes de la grande époque de Montparnasse. Au fond de cette cour tout en longueur, on peut également visiter l'espace Frans Krajcberg consacré à cet artiste néo-réaliste d'origine polonaise, à la vie aventureuse extraordinaire, devenu écologiste, qui récupérait des troncs d'arbres morts dans la forêt amazonienne pour les rehausser de pigments naturels trouvés dans la nature eux aussi, les oeuvres obtenues étant de toute beauté. Voir ci-dessous.
Frans Krajcberg, Musée du Montparnasse, photo Bruno Montpied, 2009.jpg
Une oeuvre de Frans Krajcberg, Musée du Montparnasse

 

 

Nains de jardin new look

     Les nains de jardin parfois s'émancipent, tombant le masque pour ressembler aux propriétaires du jardin. Ils se font rondouillards, ventripotents et bien nourris comme des paysans qui ont su profiter de leur terre. Faudra-t-il aussi les libérer, ceux-là?

Nains de jardin new look, ph.Bruno Montpied, 2008.jpg
Personnages (en céramique?) dans un potager à Olonne-sur-Mer, ph.B. M., 2008

02/08/2009

La dynastie des Montégudet, inspirés de père en fils (2)

... Nous sommes en 1991. Les statues de Ludovic sont toujours gardées en vrac dans la même grange. Je fais quelques photos à l'époque, assez peu. Le couple ne veut pas qu'on les déplace trop car elles sont devenues fragiles (je prendrais alors cette réticence pour un respect limité à l'égard des oeuvres du père de René, ce qui était tout le contraire...!). Ce sont de fort jolies statues naïves, que je sors dans la cour pour tenter de les photographier avec une meilleure lumière.Ludovic Montégudet,Le Bouc et le Renard, sortis de la grange, disposés en 1991 dans la cour devant la maison des Montégudet, ph.Bruno Montpied.jpg Jean Estaque, à peu de temps de là, obtiendra du couple qu'il prête leurs statues pour l'exposition intitulée "Noblesse du bois" qu'il montera au Moutier d'Ahun en 1992 (deux autres expos furent également montées entre temps en Creuse avec des oeuvres de Ludovic Montégudet, dont une à Guéret). Je rédigerai à cette occasion un petit texte, en guise de minuscule catalogue, Le Luna-Park du pauvre, ou l'Etang Fleuri de Lépinas.Plaquette sur Ludovic Montégudet, Les Amis du Moutier d'Ahun, 1992.jpg

     Vers 1995, René paraît évoluer dans sa relation avec les statues de son père. Il décide de construire, à l'intérieur de sa propriété, dans une dépendance de la maison principale, une salle qui va être entièrement vouée à la présentation des statues, en respectant les sujets tels qu'ils étaient autrefois sur les rives de l'étang, mais qu'il va "scénographier" autrement... D'autant que l'espace est tout de même compté dans cette salle. Il s'agit d'une salle mémoriale, non destinée à être ouverte au public, plutôt visitable dans le cadre de relations amicales avec la famille.

L'Etang-plus-fleuri,-mai-09.jpg
L'étang de Lépinas, état en mai 2009, uniques décors à ses environs, des épouvantails destinés à repousser les chevreuils qui viennent brouter les plants de sapins que l'on veut faire pousser à cet endroit, ph.B.M.

    En la visitant récemment (mai 2009), je penserai à cet autre petit musée privé qu'était celui de Franck Barret à Saint-Philippe du Seignal près de Sainte-Foy-la-Grande dans l'Entre-Deux-Mers, où ce dernier avait organisé dans deux petites pièces un petit théâtre de statues sur des thèmes divers, le Fantôme de l'Opéra, un explorateur face à un gorille, des hommes préhistoriques, un extraterrestre (Ludovic Montégudet lui aussi avait installé un extraterrestre au bord de son étang qui n'a pas été sauvegardé), etc.

Vue du petit musée privé consacré à Ludovic Montégudet, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
Le petit musée privé consacré à l'oeuvre sculptée de Ludovic Montégudet, vu depuis l'entrée, ph.BM, 2009

    René arrange ce musée personnel avec goût, il laisse de la terre au sol, il restaure et modifie parfois certains sujets (la tour de Barbe-Bleue, à l'origine tronc d'arbre mort, et désormais maçonnée en pierres). Il a sauvé ce qui pouvait l'être. On retrouve Roland de Roncevaux à la cotte de mousse jaunie avec son oliphant, le Lièvre et la Tortue, le Lion et le Rat rongeant la corde (une des pièces maîtresses de Ludovic), le Renard et le Bouc, la Coexistence Pacifique (des animaux différents dans un arbre), le Renard et la Cigogne, etc. Il semble bien que le fils, dans cette nouvelle présentation, a accru le côté esthétique des réalisations du père, au départ conçues dans un esprit de loisir. Une évolution se traduit ainsi au sein de cette famille de créateurs amateurs, allant vers une maîtrise et un incontestable savoir-faire.

Musée privé L.Montégudet,Le Lion et le Rat,Le Renard et la Cigogne, la chèvre de Picasso, etc,ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
Le Lion et le Rat, derrière, le Renard et la Cigogne,derrière à droite, la Chèvre de Picasso, au sol, un dinosaure...Ph.BM, mai 2009
Musée Montégudet, Roland à Roncevaux, ph.Bruno Montpied.jpg
Roland à Roncevaux... Ph.BM, 2009

     René Montégudet, que son épouse Yvette épaule sans trêve, est bien conscient parallèlement qu'une mémoire de l'Etang Fleuri erre encore autour du site, en Creuse et au delà (notre passage à Jean Estaque et moi-même en 1991 en fut la preuve). On vient leur demander des nouvelles du site. Or, il n'est plus, dans son état d'origine en tout cas. Il décide alors de créer, pour combler cette demande, de créer à son tour un autre point d'exposition de sculptures en plein air. Sur une butte rocheuse située non loin de l'étang, il commence à installer des statues animalières, la première étant un chamois (la date de 1993 est apposée à ses pieds, gravée dans le ciment).

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La butte aux statues animalières, chamois, aigle, renard, loup, sanglier, crocodile, kangourou, singe... ph.BM, 2009

      D'autres vont suivre, réalisées petit à petit, jusqu'à aujourd'hui. René procède avec soin, méticuleusement, pensant soigneusement ses oeuvres avant de les façonner. Il se fait aider par des amis ou des parents pour déplacer à l'aide d'engins les statues pesantes élaborées en ciment sur armature de ferraille. de l'atelier vers la butte. Il les flanque en certaines de leurs parties de morceaux de plomb, comme dans le cas du groin de son sanglier par exemple. C'est que d'aprés lui cela résistera mieux aux intempéries, à l'air libre. Il y a chez lui un souci de faire durer ses oeuvres, souci né incontestablement en voyant les dégradations subies par les statues de son père, conçues au départ dans l'éphémère. René ne l'entend pas de cette oreille, pour ce qui le concerne, conscient qu'il y a là un art qui comme tout autre plus savant et plus reconnu mérite d'être sauvegardé et patrimonialisé.

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Statues de René Montégudet, le loup affronté à un sanglier, ph.BM, 2009
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René Montégudet et son crocodile, ph.BM, 2009
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Ces articles sont bien entendu dédiés à René et à Yvette Montégudet qui ont eu la gentillesse de nous recevoir et de répondre à toutes les questions que Roland Nicoux et moi-même, ainsi que les adhérents de l'Association des Maçons de la Creuse, leur avons posées en mai dernier. Grand merci aussi à Roland Nicoux pour son infatigable dévouement à la cause de l'art populaire en Creuse...

 

La dynastie des Montégudet, inspirés de père en fils (1)

     On a tendance à croire, possédé que l'on est par le dogme de l'art brut, que les créateurs d'environnements populaires sont le plus souvent des individualistes forcenés. Cela n'est pas toujours vrai. Et même, lorsqu'il s'agit des inspirés du bord des routes spécialement, cela se révèle souvent faux. Mais peut-être aussi ne faut-il pas toujours associer l'art brut aux environnements spontanés.

     Il y a ainsi le cas des deux Montégudet, le père et le fils, dans la Creuse, département qui s'enorgueillit de posséder par ailleurs le plus ancien environnement spontané qui soit parvenu jusqu'à nous, à savoir le village sculpté de Masgot du tailleur de pierre François Michaud (commune de Fransèches).

Carte postale,L'étang fleuri, éd. Cap-Théojac, années 1970.jpg
Une des quatre cartes postales ayant été éditées pour assurer la publicité de l'Etang Fleuri, Le Renard et le Bouc (avec un panonceau indiquant "qu'il est interdit aux moins de treize ans de regarder" le membre du bouc qu'une ouverture dessous la margelle dévoile clairement, membre qui fut "censuré" radicalement dans la suite des temps par l'épouse de son fils...), la chèvre de M. Seguin, Adam et Eve... (Années 1970, éd. Cap-Théojac)

     J'ai évoqué en titre une "dynastie", et d'accord c'est un peu exagéré, sauf à penser que nos créateurs retraités, issus pour leur majorité des classes populaires, lorsqu'ils créent, se fabriquent une nouvelle souveraineté, comme s'ils étaient devenus ce que j'ai appelé ailleurs "les rois d'eux-mêmes".

Carte postale, L'Etang fleuri, éd. Cap-Théojac, années 1970.jpg
Autre carte postale de l'Etang Fleuri, Le Renard et la Cigogne, Le Lion et le Rat, le monstre du Loch Ness, Ludovic avec la chèvre de Picasso... (Années 1970, éd. Cap-Théojac)

     Il y eut d'abord le père, Ludovic, qui entre 1967 et 1981 créa autour d'un étang une sorte de parc de loisirs bricolé avec les moyens du bord. Ludovic Montégudet devant sa buvette, document famille Montégudet, années 1970.jpg Il sema sur ses rives une multitude de petites saynètes représentant, entre autres, les Fables de La Fontaine, la Chèvre de Picasso, Barbe-Bleue, Roland à Roncevaux (ce dernier sujet peu banal chez nos autodidactes, en même temps en accord avec les souvenirs d'école!)... Ancien maire du bourg de Lépinas, retraité, c'était l'idée qu'il avait eu pour maintenir du lien social à la fois dans sa commune et pour lui-même aussi, parce que la retraite l'avait retranché de ses concitoyens. Il sculptait le bois et avait installé ses sculptures en plein air, à côté d'une buvette, ne dédaignant pas les galéjades parfois à la limite de la gaudriole. Ludovic Montégudet,les cornes, ancien Etang Fleuri de Lépinas, document famille Montégudet,années 1970.jpg

Les couples d'amoureux venaient parfois se cacher au bord de "l'étang fleuri" et l'ancien maire en était fier. Le photographe François-Xavier Bouchart vint chez lui prendre des clichés, ainsi que Pierre Bonte, le spécialiste des gens-ordinaires-qui-ont-tous-un-grain-de-génie... Cela le fit connaître des amateurs de création populaire autodidacte (deux pages lui sont consacrées dans le catalogue de l'exposition Les Singuliers de l'Art au musée d'art moderne de la Ville de Paris, 1978 ; à quand la prochaine exposition sur le même thème pour faire le point et la mise à jour?).

Ludovic Montégudet avec Le Lion et le Rat,document famille Montégudet, années 1970.jpg
Ludovic Montégudet devant la saynète Le Lion et le Rat (document famille Montégudet, années 1970)

     Ludovic se faisait parfois aider dans ses sculptures par son fils René, qui outre quelques statues (de personnages), s'occupait surtout de mettre en couleur les statues de son père, ainsi que de les réparer l'hiver (car, comme René et son épouse le soulignent, les statues étant en bois souffraient terriblement d'être à l'air libre).

Saynète sculptée par Ludovic Montégudet,le Bouc et le Renard, photo document famille Montégudet, années 1970.jpg
Détail de la saynète Le Renard et le Bouc, avec le panonceau "Interdit..."

     Fin de partie en 1981. Ludovic décède. René et Yvette, sa femme, constatant la détérioration accrue et le vandalisme qui affectent les oeuvres, décident de les retirer des rives de l'étang et de les mettre à l'abri dans une grange.

Grange où furent rangées un temps les oeuvres de l'Etang Fleuri de Ludovic Montégudet, photo Bruno Montpied, 1991.jpg
La grange où étaient stockées les statues animalières de Ludovic Montégudet, telle qu'elle était en 1991 (photo Bruno Montpied)

     C'est une dizaine d'années après que, curieux de savoir s'il restait quelque chose des statues insolites de Ludovic Montégudet à Lépinas, je viens en Creuse où, avec l'aide du sculpteur Jean Estaque, grand amateur d'art et de culture populaires par ailleurs (nous nous étions rencontrés via Michelle Estaque et le projet de livre sur Michaud), nous partons visiter les héritiers de Ludovic, à savoir donc René et son épouse...

Vortex envisagé?

Apparition dans le ciel,Saumur, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
Apparition dans le ciel au-dessus de...dans... sur la Loire, Saumur, 2009, photo Bruno Montpied