30/06/2007
Connaissez-vous Gérald Stehr ? (2: quelques indices)
Gérald Stehr est un créateur bouillonnant d'énergie, passablement débordé de visions, grand connaisseur de l'histoire de la tache appliquée aux beaux-arts (j'attends avec impatience son traité d'histoire de la tache pliée, sous-ensemble auquel il se consacre depuis de nombreuses années).
Entre autres activités, il est peintre et écrivain (il est aussi auteur de littérature jeunesse, on connaît notamment de lui Mais où est donc Ornicar? aux éditions L'Ecole des Loisirs, album qui raconte les difficultés d'un ornithorynque à se faire classifier dans une classe fréquentée par tous les animaux de Linné). L'ornithorynque, c'est un peu son histoire, lui qui eut maille à partir avec ceux qu'il appelle les "interprédateurs" (c'est un éblouissant joueur de mots, témoins les personnages de son livre paru aux Editions du Paradoxe en 2002, Voyage en Rorschachie, comme Charcauchemar, Nauséabombyx, Christévache, Lacannullard, Insidieuleuze-et-Sagouintaré).
Car ces derniers, ce que Stehr leur reproche, c'est précisément cette manie de classifier, une manie qui n'aurait pas pour but d'aider ceux ou celles qu'ils classifient, mais plutôt de les enfermer dans des catégories figées. Paradoxalement, une partie du travail pictural de Stehr se concentre sur l'élaboration et l'exploration d'un vaste catalogue de planches de taches interprétées, par simulation ou détournement de tests de Rorschach, dont l'auteur se moque. Se limitant à la couleur bleue, par une sorte de citation d'Yves Klein et de ses empreintes de corps bleues (Stehr a bien connu le père d'Yves Klein ; ces bleus lui font rêver aujourd'hui qu'on lui livre les sous-sols du métro parisien pour qu'il y installe ses Rorschach sous formes de modernes azulejos), il se livre à une anti-classification, par l'inflation des métamorphoses qui s'y donnent libre jeu...
Sans cesse, en marge de ses séries de "Voyages en Rorschachie", apparaissent des "planches déclassées" (voir l'exemple donné dans la 1ère note du 16 juin sur Gérald Stehr) aux formats distincts de ceux des planches régulières, inévitables et en cohérence avec le projet de l'auteur-ornithorynque, ni complètement mammifère, ni complètement oiseau, mi chair, mi poisson...
(A propos d'"Art singulier", je trouve très juste ce qui est dit sur le blog d'Animula vagula ces jours-ci à propos de la "Bible de l'art singulier" qui a été publiée récemment, et qui ne peut-être lue que d'un derrière distrait, comme disait -en le reprenant de qui?- mon défunt père... "Annuaire de l'académisme singulier" est très bien trouvé. Bravo Animula...)
19:30 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Gérald Stehr, Art singulier, Rorschach, Littérature jeunesse, ornithorynque | Imprimer
29/06/2007
Du Palais Idéal au Musée de la Poste
Eh bien, moi, je n'aime pas l'affiche qui prévient de l'exposition sur le facteur Cheval au Musée de la Poste. Ce cheval que Rancillac a superposé au portrait du facteur, je ne trouve pas ça du plus subtil. C'est le genre de calembour visuel plutôt téléphoné, à la limite du bêta... Et puis les couleurs criardes de ce tableau, c'est assez vilain. A titre de comparaison, le dessin de Picasso du 6 août 1937, intitulé le facteur Cheval, et que je crois peu connu, reproduit p.54 du catalogue de l'exposition "Avec le facteur Cheval", est bien plus poétique, plus audacieux aussi (on y voit un fier étalon apportant le courrier aux géants du Palais).
L'idée de l'expo est de présenter les rencontres qui se sont effectuées depuis les années 20 jusqu'à aujourd'hui autour du fameux Palais Idéal, architecture de fantaisie particulièrement originale, déjà fort ancienne, et telle qu'on en voit assez peu de cette qualité et de cette taille dans le monde entier. Avec comme idée secondaire, le projet de présenter des artistes dont l'oeuvre pourrait s'inscrire dans une filiation avec l'oeuvre du facteur. Cette dernière idée m'a laissé parfois dubitatif, les artistes choisis ne paraissant pas toujours convaincants, du point de vue de la filiation je veux dire (Paul Amar (ci-dessous à gauche), ou Marie-Rose Lortet sont d'estimables créateurs, mais qu'est-ce qui prouve que le Palais Idéal les a plus inspirés que d'autres références? Paul Amar par exemple a eu l'idée de ses sculptures en assemblage de coquillages en fréquentant les boutiques de souvenirs des Sables-d'Olonne, où la tradition populaire des objets décorés en coquillages est restée longtemps vivace, que l'on se souvienne de la Maison de la Sirène d'Hippolyte Massé par exemple).
Il y a cependant les cas de Lattier, de Di Rosa ou de Sanfourche, ainsi que de Gérard Manset avec son curieux "délire d'interprétation"autour de Cheval. Il y a aussi ACM qui semble effectivement hanté par les structures du Palais Idéal dans les maquettes de concrétions qu'il érige. Et aussi il est vrai un magnifique collage d'Erro en provenance de la collection de Claude et Clovis Prévost (c'est la première fois que j'entendais parler de cette collection...). Mais ici, il s'agit davantage d'un hommage, comme dans le cas de l'étonnante toile de Martine Doytier (de 1977) que l'on découvre avec surprise à un détour de l'exposition.
On n'a pas souvent eu l'occasion de voir des oeuvres de cette peintre insolite et énigmatique, à Paris tout au moins. J'avais remarqué son affiche du centième carnaval de Nice lors d'un passage dans cette ville (j'avais fait une note sur elle dans mon ancienne revuette La Chambre Rouge n°4/5, en 1985, en signalant qu'elle s'était suicidée "la veille de l'ouverture du carnaval dont elle avait fait l'affiche", soit en 1984 ; le catalogue commet sur ce point une erreur en indiquant "2004" comme date du suicide dans la notice du catalogue, rajoutant ainsi vingt années à l'infortunée ; le catalogue ajoute que cette artiste aurait trouvé le désir de créer en découvrant des oeuvres d'"Ozenda", or il me semble bien me rappeler avoir lu, durant ma visite de l'expo, la mention à côté du tableau de Doytier que cette incitation provenait plutôt du peintre polonais naïf, réellement "visionnaire" lui, Ociepka, référence beaucoup plus plausible que celle d'Ozenda ).
Le Palais Idéal a certainement eu aussi des influences sur quelques créateurs d'autres environnements spontanés, bien que cela ne soit pas toujours sûr, les créateurs en question étant par nature tellement autarciques dans leur production qu'ils n'aiment pas qu'on leur attribue des ancêtres. Je n'ai rencontré d'influencé avéré parmi ces créateurs que Charles Billy dans son environnement de maquettes en pierres dorées du Beaujolais à Civrieux-d'Azergues (j'ai mentionné ce fait dans les articles que je lui ai consacrés dans les revues Artension et Raw Vision à la fin des années 80, en me basant sur les confidences de Charles Billy lui-même). Une photo dans le catalogue montre un détail de l'environnement de Billy. Je propose ici une de mes propres photos, plus ancienne, que je fis en 1990 (Charles Billy est au premier plan à droite).
Au premier rang des illustres visiteurs (car avant les personnalités, il y avait tout de même eu les visiteurs locaux, comme par exemple le "Barde alpin", Emile Roux-Parassac) -et l'exposition, à la différence du catalogue (par les textes de Josette Rasle et Eric Le Roy), à mon avis ne le souligne pas assez- il y avait eu Jacques-Bernard Brunius qui découvrit le premier le Palais ( de façon enthousiaste), habitant non loin à Charmes, et grand amateur de "violons d'Ingres" excentriques ou non, pratiqués entre autres par des humbles. On connaît son film "Violons d'Ingres" qui date de 1939 et qui est justement consacré à ces nombreux amateurs de hobbies (je renvoie les lecteurs de cette note à VIOLONS D'INGRES, Un film de Jacques-Bernard Brunius, Création franche n°25.doc, fichier qui contient l'article que j'ai consacré au sujet en oct.2005 ; le film n'est présenté dans l'exposition que de façon ponctuelle, mais on peut se le procurer dans les bonus du DVD intitulé Mon frère Jacques de Pierre Prévert et édité par le label Doriane films). Il contient une longue séquence sur le facteur, séquence qui donna envie au cinéaste Ado Kyrou dans les années 50 de faire un autre film sur le Palais un peu plus développé, avec une musique d'André Hodeir, (puis par la suite, ce fut au tour de Clovis Prévost de réaliser un autre excellent film). Mais on sait moins que c'est grâce à de nombreux articles de Brunius, parus dès 1929, que le Palais fut porté à la connaissance des amateurs d'art, des intellectuels en général, et notamment des surréalistes (Brunius en fit des photos dont certaines sont exposées un peu trop à l'écart dans l'expo, en dépit de leur originalité, Brunius y insistant sur les aspects phalliques de nombreux détails du monument ; c'est Brunius également qui poussa sa belle-soeur, l'excellente photographe Denise Bellon, à aller photographier le Palais (Eric Le Roy le rappelle dans le catalogue en signalant aussi les articles de Brunius) ; mais ce n'est pas le reportage de cette dernière qui dut "servir de base", comme l'écrit Eric Le Roy, au film de Brunius de 1939, car ce dernier était déjà suffisamment documenté sur Cheval depuis 1929).
Les surréalistes ont très probablement entendu parler du lieu grâce à ces articles, au bouche à oreille consécutif, plutôt que par une communication directe. Brunius a lui-même signalé dans un entretien de 1967 (l'année de sa mort ; l'entretien a été publié, semble-t-il de façon fragmentaire, par Alain et Odette Virmaux dans leur "André Breton", collection Qui êtes-vous?, aux éditions de la Manufacture en 1987) qu'il n'avait rencontré Breton qu'en 1934... soit après que ce dernier avait déjà visité le Palais ; Josette Rasle dans le catalogue avance que Brunius "recommanda chaudement" le lieu à Breton avant sa visite de 1931, mais elle ne nous dit pas où elle a trouvé la preuve de ce fait...).
Ce que l'on apprend au passage avec cette expo, c'est le défilé incroyablement hétéroclite de personnalités diverses qui sont passées un jour inscrire des mots dans le registre à l'accueil du Palais (précieusement et intelligemment conservé): Josette Rasle en donne ces exemples pour l'après-guerre: Niki de Saint-Phalle, John Ashbery, Etienne-Martin, Philippe Dereux, Raymond Mason, Georges Mathieu, Henri Storck, Jodorowsky, Lawrence Durrell, Julio Cortazar, Marguerite Duras, Pablo Neruda, Anatole Jakovsky, etc... Avant guerre, il y avait eu un défilé de surréalistes, Brunius donc, Breton, André Delons, Max Ernst, Matta, Sadoul, Esteban Francés, Valentine Hugo... Sans compter tous les photographes dont l'exposition nous présente un choix un peu répétitif, Brunius, Bellon, Brassaï, Doisneau, Gilles Ehrmann, Lucien Hervé, Clovis Prévost, etc.
Au total, cela donne une bien excitante exposition qui convaincra les plus réticents que l'aventure de l'art brut, si le terme n'a pas été inventé par eux (il ne date que de 1945), a bien commencé d'abord avec les surréalistes. On doit en remercier Josette Rasle, cheville ouvrière de nombreuses expositions passionnantes montées au Musée de la Poste (l'expo récente sur Chaissac était aussi très bien faite). Elle permettra bien entendu à ceux qui ne connaîtraient pas encore le Palais Idéal de commencer par cette exposition avant d'aller visiter le monument original à Hauterives dans la Drôme.
Et pour vous féliciter d'avoir lu cette note légèrement fleuve jusqu'au bout, voici en prime ci-dessous un portrait du facteur que vous ne verrez pas au Musée de la Poste, mais bien plutôt au Musée d'art naïf de Noyers-sur-Serein dans l'Yonne. L'auteur est resté anonyme, c'est une huile de 54x76cm ayant appartenu à la collection Luce.
(La photo de la sculpture de Paul Amar est de Pierre-Emmanuel Rastoi ; elle s'intitule "Le roi imaginaire", fait 120x70cm, date de 2006 et fait partie de la collection de Paul Amar)
14:35 Publié dans Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : facteur cheval, environnements spontanés, jacques brunius, violons d'ingres, denise bellon, josette rasle, musée de la poste | Imprimer
27/06/2007
Soupe au lait soupesant, Funambule et petit lutteur, Jardin des Déshespérides...
23:40 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : bruno montpied, art singulier | Imprimer
25/06/2007
Art...crobates
Une collection possible, un sous-ensemble de la catégorie jouets d'art populaire, pourrait se composer uniquement de ces personnages solitaires ou en couple qui exécutent des sauts périlleux autour d'une barre fixe invisible, à jamais solidaires de cordelettes, à jamais le jouet de petits ou grands enfants qui tirent les ficelles pour leur faire exécuter ces loopings de pantins.
En voici trois spécimens, tels que rencontrés récemment dans deux collections privées. Ce genre de collections doit bien exister déjà... On aimerait qu'un commentateur laisse ici quelques lumières...
09:20 Publié dans Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Art populaire insolite, jouets d'art populaire, acrobate | Imprimer
23/06/2007
Un dialogue: René Rimbert-Marcel Gromaire
"...Dans les paysages de Rimbert il y a quelque chose du calme de la nature ; on dirait qu'il a juré de rivaliser avec le silence de la matière..." Max Jacob
René Rimbert, L'art et la vie, Musée du Vieux-Château, Laval (publié dans Ecrivains et artistes postiers du monde de Josette Rasle, éd. Cercle d'Art, 1997)
Le Musée International d'Art Naïf Anatole Jakovsky (Château Sainte-Hélène, avenue de Fabron à Nice, tél: 04 93 71 78 33), dans la continuité de ses expositions de l'été 2006 qui s'intitulait "En quête de paternité: Art Naïf-Art Moderne", et de 2003 ("Têtes à têtes", rencontre entre art brut, neuve invention et art naïf) propose cette fois un dialogue entre René Rimbert et Marcel Gromaire. (Sur l'image ci-contre, Gromaire est en haut bien sûr, Rimbert en dessous)
C'est dire que dans ce musée on s'intéresse fort aux confrontations non partisanes entre arts d'avant-garde et arts d'autodidacte et que cela ne date pas d'aujourd'hui (afin de sacrifier à je ne sais quelle mode).
Au fait, Rimbert, "autodidacte"? Il était parvenu à un tel métier qu'on a bien souvent été tenté de le ranger plutôt du côté des artistes professionnels que du côté des Naïfs (ce qui est bien entendu injuste, pourquoi un naïf, c'est valable aussi bien pour un brut, dès qu'il aurait du génie, cesserait dès lors d'être naïf, ou d'être brut?).
Cela fait déjà un certain temps que le musée Jakovsky, et sa conservatrice Anne Devroye-Stilz, interroge avec des moyens limités certes mais avec audace les frontières existant entre différentes catégories de l'histoire de l'art que certains rêveraient de voir plus fermées (limiter le flux aux frontières, c'est hélas à la mode par les temps qui courent). On se souvient de l'exposition "Les Magiciens de la mer" en 2000 qui tentait, timidement (voir la critique que j'ai publiée dessus dans Création Franche n°19), d'établir des ponts entre art populaire de marine, art naïf, art brut, et art singulier. Il y eut aussi en 1998 "Séraphine, Aloïse, Boix-Vives, aux frontières de l'Art Naïf et de l'Art Brut" (expo réalisée avec le concours de Jean-Dominique Jacquemond).
René Rimbert, Synchromie argenteuillaise en bleu majeur, 1976
C'est l'occasion pour le public de découvrir des voisinages inattendus entre des oeuvres peu montrées sur les cimaises. Cette fois, le musée de Nice creuse la relation Rimbert-Gromaire. Si l'on reconnaît d'habitude davantage le rôle de Max Jacob dans la découverte de Rimbert en 1924 par le biais de la Galerie Percier où il l'avait recommandé, on ignore en effet que c'est d'abord Gromaire qui l'avait encouragé après l'avoir remarqué au Salon des Indépendants de 1920. On a oublié également, si on l'a jamais su, que ce dernier avait peut-être été prédisposé à goûter l'oeuvre d'un Rimbert par le souvenir et l'attachement qu'il éprouvait pour sa grand-mère maternelle Reine Mary-Bisiaux (née en 1840 et décédée en 1929), peintre "primitive" et naïve sur laquelle, après sa disparition, il écrivit un petit livre de souvenirs La Vie et l'oeuvre de Reine Mary-Bisiaux (éd. Marcel Seheur, 1931)
Sur Rimbert et ses lumières à la Vermeer, ses ambiances "métaphysiques" à la Chirico, on trouve ici ou là divers ouvrages qui ont traité de son oeuvre, notamment le catalogue qui lui fut consacré par la Galerie Dina Vierny en 1983-1984, d'où j'extrais ces lignes de Pierre Guénégan, :
" Je m'approchais, et je crois maintenant en revivant ces instants que je fus frappé par une immense tranquillité, une tranquillité pleine de richesse ; la luminosité très particulière des couleurs, accentuait poétiquement les formes des façades, un homme qui partait, une silhouette frémissante. La peinture en trois dimensions, une quiétude apparente, mais en même temps ces moitiés d'êtres vivants donnaient une échelle qui tout en créant de la profondeur nous permettaient d'entrer dans la toile pour nous y promener. Par le contraste singulier des couleurs, les vieux murs parlaient, le chat assis au coin d'une rue réfléchissait. Je sortis étonné, ébloui, tant et si bien qu'une fois dans la rue je me rendis compte que je ne savais même pas le nom de l'artiste qui avait peint de telles oeuvres."
(La photo de la "Synchromie argenteuillaise..." de 1976 a été extraite du site du Musée critique de la Sorbonne. Ce site fort intéressant, se consacre apparemment à mettre en ligne des interprétations critiques de différents tableaux de l'histoire de l'art)
18:55 Publié dans Art naïf | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art naïf, rené rimbert, marcel gromaire, musée critique de la sorbonne, pierre guénégan, musée international d'art naïf anatole jakovsky, max jacob | Imprimer
22/06/2007
Raymond Humbert, un Zao-Wou-Ki en passant par la Lorraine
Depuis plusieurs années, l'oeuvre de Raymond Humbert, artiste d'origine lorraine, surtout connu pour la création et l'animation de musées et d'expositions consacrés à la défense du patrimoine artistique populaire (la Maison du Coche d'Eau à Auxerre, le musée de Laduz, des ouvrages sur l'art populaire, etc.), commence à revenir de plus en plus dans la lumière, prenant, au fur et à mesure des expositions organisées ici et là, une stature des plus imposantes (après le musée des Beaux-Arts d'Auxerre, une rétrospective de ses oeuvres
Catalogue Raymond Humbert, D'un art, l'autre, éd. Cinq Continents (auteurs:Philippe Chabert, Jean-Marie Lhôte, Gilbert Lascault), 2007
part pour l'été, jusqu'au 2 septembre, à l'Abbaye de l'Epau, près du Mans, vernissage le 29 juin, tél: 02 43 84 22 29).
Paysagiste abstrait, ainsi pourrait-on le qualifier (comme ce fut dit à propos de peintres des années 60 comme par exemple Maurice Wyckaert, bien peu connu dans notre doux pays, cf. ci-dessous à gauche), ou bien paysagiste visionnaire. Travaillant sur le motif comme on dit, mais l'investissant d'autres motifs plus intérieurs, irriguant ces observations de visions secrètes riches de subjectives ambivalences.
Scrutant aussi des motifs par eux-mêmes déjà "abstraits", comme les remous d'écume à la crête des vagues qu'il regardait en se laissant hypnotiser, oubliant l'heure et se laissant cerner par la mer du côté de Porspoder...
Laduz, 1989
On a souligné son admiration, par delà des peintres comme Derain ou Bonnard, pour les peintres japonais, Hokusai en tête (sa collaboratrice, Marie-José Drogou, peintre elle aussi et de grand talent, a aussi subi cette influence, ne voulait-elle pas réaliser les Cent vues du Grand Mouzou (récifs au large de Porspoder) comme il y a chez Hokusaï les Cent vues du Mont Fuji...). Il n'y a pas à douter du japonisme s'attardant chez Humbert. Mais je pense aussi souvent à Zao-Wou-Ki , surtout aux encres de ce dernier (voir ci-contre à gauche), en contemplant les grandes compositions de Raymond Humbert transposant des fragments de paysages en de riches symphonies de lignes et couleurs, qui évoquent également le dripping de Pollock ou le pointillisme abstractisant d'un Mario Prassinos.
Comme Wyckaert (qui fréquenta un temps l'Internationale Situationniste), Raymond Humbert fut aussi un utopiste qui rêvait d'une autre civilisation à travers le rassemblement de ses extraordinaires moissons d'objets témoignant de l'art immédiat des artisans et des humbles. Son rêve le portait à imaginer une société où chacun créerait sans allégeance à un quelconque modèle venu d'un pouvoir artistique centralisé. Il nous est particulièrement cher pour cela, et ce n'est pas le nouveau président de tous les égoïsmes coalisés, élu récemment, qui nous le fera oublier.
(J'ai emprunté les deux grandes photos de peintures de Raymond Humbert -faites par Marie-José Drogou- au catalogue de ses "40 ans de peinture" au Musée des Beaux-Arts de Pau (été 1994). R.H, peignant à Porspoder, provient d'une photo de M-J. Drogou également.)
15:50 Publié dans Art moderne méconnu | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : raymond humbert, abbaye de l'epau, laduz, paysagisme abstrait, maurice wyckaert, marie-josé drogou | Imprimer
21/06/2007
Lars Bo sur le blog Le Copain de Doisneau
Dans le paysage parfois assez fatigant de la blogosphère, il est toujours rafraîchissant (c'est le mot qui s'impose par ces temps de chaleur lourde) d'aller faire un tour sur le blog du Copain de Doisneau, ce copain étant Robert Giraud (et plus secrètement peut-être aussi Olivier Bailly, l'auteur du blog, copain des deux...à titre posthume?). On y apprend des tas de choses sur Giraud et surtout sur le milieu dans lequel il évoluait, l'époque pendant laquelle il vivait, ses amis, ses relations, les livres qu'il écrivit, les rades qu'il écumait. C'est aussi grâce à ce blog que j'ai redécouvert, et enfin remarqué en profondeur, la notion de "fantastique social", terme inventé par Mac Orlan, si j'ai bien lu, et qui sert en tout cas assez bien à qualifier l'espace imaginaire dans lequel se mouvaient des écrivains comme Giraud, ou Jean-Paul Clébert (l'auteur de Paris insolite), ou Jacques Yonnet (Enchantements sur Paris, rebaptisé dans la dernière édition Phébus La rue des Maléfices).
Dans la note la plus récente (à cette heure...), on apprend un peu mieux à connaître la figure et la peinture de Lars Bo, peintre et graveur danois, qui fréquenta et côtoya pas mal il me semble les milieux surréalistes et COBRA dans les années 50-60. Une petite peinture de la fille de Lars Bo, Ludmilla Balfour (au patronyme très stevensonien), qui s'occupe actuellement de dresser le catalogue des oeuvres gravées de son père, m'a particulièrement amusé. Je la reproduis ci-dessus en espérant que le blog de notre confrère ne nous en voudra pas... J'ai mis le lien, of course...
Cette peinture a des liens autres, notamment avec l'illustration de la littérature jeunesse.
00:05 Publié dans Fantastique social | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Lars Bo, Fantastique social, Robert Giraud, Olivier Bailly, Ludmilla Balfour | Imprimer
17/06/2007
Un musée voué aux environnements spontanés aux USA, le John Michael Kohler Arts Center
16/06/2007
Une oeuvre d'art populaire anonyme
22:40 Publié dans Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Sculpture populaire insolite, pipes, objets de curiosité | Imprimer
Connaissez-vous Gérald Stehr? (1)
18:40 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Gérald Stehr, Rorschach | Imprimer
Talent des rivières
11:30 Publié dans Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Nicolas Bouvier, Thierry Vernet, poésie naturelle, écrivains-voyageurs, Sciapodes | Imprimer
15/06/2007
Christine Sefolosha
Christine Sefolosha n'a certes pas besoin de moi pour faire connaître son travail (sur lequel j'ai écrit autrefois dans la revue Création Franche).
Je la fais figurer ici pour le plaisir et pour ouvrir mon florilège des artistes singuliers que j'estime (c'est-à-dire des créateurs marginaux, imaginistes entre art brut et art contemporain, des surréalistes sans étiquette, des outsiders ("alternatifs" serait une bonne traduction il me semble au terme "outsiders"), des créateurs qui du statut de marginal pourraient bien passer un jour au statut d'artistes reconnus).
Pour ceux qui auraient besoin de la situer davantage voici quelques éléments biographiques , tels qu'ils sont diffusés sur le site de la Halle Saint-Pierre:
"Christine Sefolosha est née en 1955 à Montreux en Suisse. Elle vit et travaille à Montreux. De sa vie passée en Afrique du Sud, elle a rapporté un univers personnel, où elle recrée son propre vaudou, faisant émerger des êtres et des animaux sauvages, tout en fabriquant ses propres techniques de peinture à base de goudron, de terre et d’huile qu’elle applique au sol avec les mains. Ces dernières années, elle travaille à l’aquarelle et fait évoluer son bestiaire rupestre vers un univers presque fantastique. Elle expose régulièrement en Europe et aux Etats-Unis."
En France, elle expose à la Galerie Idées d'Artistes
17, rue Quincampoix - 75004 PARIS
Tél: 33 (0) 1 42 77 85 10"
15:45 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
12/06/2007
SCIAPODES ?
il a lancé le pied de marmite à la tête des juges,
il a enfoncé le pied de biche entre les omoplates de la philosophie, et il a forcé,
il a cambré le pied plat en une arche triomphale pour les processions de chenilles,
il a coiffé le pied marin d'une voilette afin de lui faire capturer les regards,
il a évidé de sa moelle le pied à coulisse et en a fait l'instrument qui retient prisonniers les vents et les change en notes,
il a enfin rendu le pied pané à sa crudité première de rose et palpitant pied de cochon.
Il n'a gardé attaché à son corps que le seul pied de science qui développe ses orteils comme autant de frondaisons balançant leur ombre sur les écarts du langage. Et sous cet abri qui tourne avec le soleil, le sciapode sait demeurer inutile.
Sa tête, en contact permanent avec le sol, se laisse bercer aux ondulations millénaires de la croûte terrestre; sismographe sans cadran ni aiguille, son cerveau enregistre les plissements des montagnes, la lente dérive des plaques sur la bouillie du magma, la lourde et bonne bouillie rouge, et il rêve parfois de la longue louche en bois qui remue doucement la pâtée boursouflée des cratères. Il se remplit la vie de cette vision.
Plus solides que le byssus, ses cheveux l'ont arrimé pour des siècles à la roche aiguë des promontoires, aux pentes pavées de lave des pics surgis de l'abîme, à la crête vertigineuse des falaises bleues de sel. Il n'est, on le comprend, pire malédiction pour le sciapode que de devenir chauve ; il va lui falloir, désancré de son centre d'inertie, rouler sur le plan incliné de l'existence, en se déchirant les flancs aux bouquets d'épineux et aux racines, et fouler son unique membre poussé hors de toute mesure dans les degrés inégaux d'une époque terrifiante.
_________
15:20 Publié dans Sciapodes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Sciapodes, Saint-Parize-le-Châtel | Imprimer
L'Afrique et l'espérance de vie...
Angola : 41
Botswana : 34
Centrafrique : 44
Guinée Bissau : 45
Guinée Equatoriale : 44
Lesotho : 36
Liberia : 43
Mozambique : 42
Niger : 44
Nigéria : 44
Sierra Leone : 41
Swaziland : 34
Tanzanie : 45
Tchad : 44
Zambie : 37
etc., etc., etc., hélas !
14:45 Publié dans Sur la Toile | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Afrique, Espérance de vie, Identité nationale, Immigration | Imprimer
Dictionnaire du poignard subtil
00:05 Publié dans DICTIONNAIRE DE CITATIONS DU POIGNARD SUBTIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Anarchitecture, Habitants-paysagistes, Environnements spontanés, architecture sans architectes | Imprimer
11/06/2007
Une figure macabre de Charles Benefiel
Une autre oeuvre du même Benefiel (né en 1967 il a aujourd'hui quarante ans et vit en Californie), figurant sur le site Outsiderart et pour inaugurer une série (une "ca-té-go-rie" comme on dit dans la blogosphère...) sur les images de la mort... Car j'ai l'âme un peu mexicaine.
00:25 Publié dans Danse macabre, art et coutumes funéraires | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Art brut, Charles Benefiel, La Mort, Art enfantin | Imprimer
10/06/2007
Pascal-Désir Maisonneuve
Voici le masque de coquillages auquel fait allusion Régis Gayraud dans un commentaire récent, commentaire paru avant que le blog parallèle Animula Vagula ait eu la sagacité d'aller dénicher l'image sur le site du Musée des Beaux-Arts de Bordeaux (Animula donne quelques éléments d'informations supplémentaires très intéressants sur la provenance de ce masque). Simple "masque" mais pourtant stupéfiant, n'est-il pas?
Pascal-Désir Maisonneuve, qui avait une formation de mosaïste, créait ces masques d'assemblage de coquillages dans le droit fil d'une tradition arcimboldesque, ce qui contredit les présupposés de la notion d'art brut qui stipulent que les créateurs d'art brut sont sans référence à une culture artistique.
19:10 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pascal-désir maisonneuve, art brut, tradition arcimboldesque | Imprimer
Sur la route, François Michaud
17:15 Publié dans Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : françois michaud, art brut, art naïf, habitants-paysagistes, environnements spontanés, inspirés du bord des routes, creuse | Imprimer
Un créateur intriguant...
Voici une image récupérée sur le site d'Art Brut Connaissance et Diffusion qui nous le pardonnera, car nous voudrions ainsi les presser de nous en dire plus sur celui qui est à l'origine de cette oeuvre. On trouvera la reproduction, sur le site d'ABCD à la rubrique "Acquisitions récentes". Lorsque je suis passé sur le site, la notice biographique était signalée en attente. Seul le nom du créateur est donné: Charles Benefiel.
L'Association ABCD a le grand mérite à nos yeux de constamment chercher à montrer du nouveau du côté de l'art brut. Rappelons qu'ils ont un espace d'exposition à Montreuil (le site sus-mentionné donne également toute l'information utile à ce sujet) où se poursuit actuellement (jusqu'au 8 juillet) l'exposition sur le Creative Growth Center d'Oakland aux USA intitulée "Montreuil California". On peut y voir les oeuvres de Dwight Mackintosh, Donald Mitchell, Judith Scott, Daniel Miller et Aurie Ramirez (des cinq, celle qui m'attire le plus).
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09/06/2007
Dictionnaire du Poignard Subtil
"J'ai fait allusion déjà à ce que Caillois en dit dans son petit livre Méduse et compagnie, avec cette pénétration incontestable qui est quelquefois celle du non-spécialiste, sa distance peut-être lui permet de mieux saisir les reliefs de ce que le spécialiste n'a pu faire qu'épeler."
13:30 Publié dans DICTIONNAIRE DE CITATIONS DU POIGNARD SUBTIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Spécialiste, Dilettante, Lacan, Caillois | Imprimer
08/06/2007
Là où il y a Eugène, il y a du plaisir
L'Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue ? A cinquante kilomètres environ de Montauban. Il s'y montre de fort belles oeuvres depuis des années (depuis 1970 en fait). Il y a eu là-bas des événements artistiques majeurs, je cite au hasard, les tapisseries et autres travaux textiles de Karskaya, une rétrospective Michaux en 1985 l'année de sa mort, une rétrospective de la "tachiste" Marcelle Loubchansky, bien oubliée généralement des commissaires d'exposition et autres conservateurs), une exposition sur le "Fantastique intérieur" qui interrogeait les résurgences et la permanence du surréalisme d'après-guerre (là aussi, l'initiative était courageuse face à ceux qui ont sempiternellement voulu enterrer le surréalisme).
Entre autres monstrations cet été (je continue de faire l'anti-tournée des festivals de l'été), on retrouvera cette fois à Beaulieu Eugène Gabritschevsky (cliquez donc sur ce lien où vous trouverez toutes les explications pratiques).
"Retrouvera", car il fut déjà exposé en 1980 à Beaulieu. L'exposition est réalisée en collaboration avec la Galerie Chave de Vence, galerie qui exposa dès 1961 cet étonnant visionnaire (et qui depuis l'a exposé régulièrement, voir aussi le magnifique livre qu'elle lui a consacré en 1998 avec des textes d'Annie Le Brun, Georges Limbour, Georges Gabritschevsky, Florence Chave, et dont nous avons extrait nos illustrations).
Gabritschevsky (né à Moscou en 1893) créa quelques milliers de gouaches entre 1935 et 1979, date de sa mort (à 86 ans donc). Il passa cinquante ans dans l'hôpital psychiatrique de Haar en Allemagne (c'est près de Munich). Il n'intéressa pas tout de suite Jean Dubuffet, comme l'a rappelé Annie Le Brun en s'appuyant sur les recherches de Luc Debraine, lui-même s'étant basé sur les archives conservées sur Gabritschevsky à la collection de l'Art Brut de Lausanne. Dubuffet, dans une lettre de janvier 1948, suite à une sollicitation du frère d'Eugène, Georges, avait d'abord rejeté les premiers échantillons qui lui avaient été montrés, "comme participant trop de l'art classique européen". C'est seulement après 1959, après qu'il a connu la galerie ouverte par Alphonse Chave à Vence, que Dubuffet se reprit de curiosité pour l'oeuvre de ce génie étonnant.
Selon Annie Le Brun, on doit cependant la découverte de l'oeuvre dans toute son amplitude davantage à Alphonse Chave. Daniel Cordier peu de temps après acquerra plusieurs oeuvres, qui finiront par aterrir au Musée National d'Art Moderne de Paris à la fin des années 80 (exposition de la fameuse donation Cordier ; une salle entière, séparée de façon quasi étanche de tout le reste, était consacrée à Gabritschevsky et ce fut une révélation).
Le cas psychologique de Gabritschevsky paraît rare. Sa situation qui aurait dû évoluer vers l'obscurcissement progressif n'alla justement pas dans ce sens au rebours de ce qu'attendaient les psychiatres. Comme si pour cet homme, le fait de s'affronter avec l'ombre qui aurait dû prendre sans cesse plus d'emprise sur son psychisme lui avait permis par le truchement de la création visionnaire de retourner la ténèbre en lumière créative. Ce créateur avait été au départ un biologiste brillant, spécialisé dans la génétique. On ne peut s'empêcher de voir dans l'éventail de ses gouaches toutes plus inventives les unes que les autres, dans cette véritable parade de l'expérimental (comme un Max Ernst brut), une tentative de simulation du délire biologique tout à coup inscrit dans la chair de l'homme, réussissant à se formuler de façon maîtrisée à travers une technique picturale autodidacte mais raffinée en même temps... Comme si le biologiste à la faveur de cet ambivalent état que l'on appelle folie avait délaissé d'un coup et brutalement l'attitude de l'analyste pour celle du créateur, n'examinant plus seulement les cellules inconnues sous son microscope mais les générant désormais, tout au contraire.
15:40 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Eugène Gabritschevsky, Art Brut, Art Visionnaire, Annie Le Brun, Galerie Chave, Abbaye de Beaulieu | Imprimer
07/06/2007
Laduz, la passerelle et la transparence
Du 16 juin au 16 septembre, une expo pour votre été dans un lieu enchanteur (ça sonne très pub de syndicat d'initiative) : les "Transparences" de Marie-Noëlle Fontan au Centre d'Art Populaire-Musée de Laduz (oui, ils ont changé de nom... Avant c'était le "Musée Rural des Arts Populaires", faut-il croire que "rural" est désormais trop suranné?).
Le vernissage est pour le 16 juin. Comme on le voit sur les vignettes que j'ai extraites du site du musée, les oeuvres sont faites à partir de matières d'origine végétale. Les mains tissent-elles machinalement osiers et roseaux laissant les représentations réalistes s'évaporer, puis dans le vide désormais installé, s'ouvrant à d'autres images, d'autres formes aléatoires? C'est une oeuvre qui me rappelle irrésistiblement une autre que j'avais découverte il y a plusieurs années, celle de Marinette Cueco, au regretté Musée des Enfants du Musée d'art Moderne de la Ville de Paris.
Le musée de Laduz s'est embarqué depuis à peu près cinq ans, toujours l'été, dans des projets visant à faire connaître l'art contemporain textile ou l'art contemporain du papier (les plis de Jean-Claude Correia en 2005, voir autre photo provenant du musée).
La politique d'exposition a donc progressivement évolué au fil des ans. Il n'y a plus d'exposition temporaire consacrée aux arts populaires, l'art contemporain entretenant des rapports de filiation avec l'art rustique est davantage privilégié. Cela me paraît une évolution logique étant donné les personnalités des artistes, qui président depuis le début aux destinées de cette sympathique collection, Raymond Humbert, très grand peintre méconnu décédé en 1990 (une grande exposition se termine au musée d'Auxerre ce mois-ci), Jacqueline Humbert, peintre "naïve" travaillant avec les techniques du pochoir et du fixé sous verre, Marie-José Drogou, peintre, photographe, professeur d'arts plastiques, Jean-Christophe Humbert, peintre plasticien et directeur de l'Ecole municipale des Beaux-Arts d'Auxerre, tous ayant été pendant de nombreuses années les auteurs de manuels d'apprentissage de différentes techniques artistiques destinées aux enfants (la plupart édités chez Dessain et Tolra ; à noter qu'on pouvait découvrir incidemment grâce à ces ouvrages les oeuvres de ces professeurs-initiateurs qui se cachaient sous les dehors de simples illustrations).
Dans le dernier prospectus édité par le musée, ses animateurs annoncent que leurs expositions d'art contemporain sont à envisager comme des "passerelles" reliant "les imaginaires passés et présents"... Ici, au Poignard Subtil, les passerelles, on est plutôt pour...
A noter qu'à partir de 2008, le musée n'ouvrira qu'en juillet et août. Finis, les vernissages lentilles-saucisse à la Pentecôte?
15:05 Publié dans Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Art contemporain, Laduz | Imprimer
05/06/2007
Im Lagerhaus, l'autre musée d'art brut en Suisse
A feuilleter l'innombrable documentation sur l'art brut, on tombe parfois sur la mention du "Museum Im Lagerhaus" à Saint-Gall (St-Gallen en Suisse alémanique), spécialisé, ultra-spécialisé même, dans l'art brut et naïf suisse, uniquement suisse. Et pour corser le tout, ses deux animateurs principaux, Simone Schaufelberger-Breguet et Pierre Schaufelberger, lorsqu'on leur demande de préciser, ajoutent: oui, suisse et même de Suisse orientale...
Nulle trace de chauvinisme derrière une telle spécialisation, comme je l'avais redouté en allant me promener à St-Gall récemment. Simplement, un désir de mieux faire connaître une région méconnue à la fois sur le plan artistique et sur le plan géographique.
Un autre des amis du musée, Peter Killer (j'adorerais m'appeler ainsi...), dans Le Säntis, montagne magique (publié dans le catalogue "Oh la vache", Art naïf suisse né autour de la montagne magique du Säntis, expo à la Halle Saint-Pierre en 1997 qui était entièrement pilotée par les animateurs du musée Im Lagerhaus) souligne qu'en Suisse l'art populaire singulier se rencontre avant tout dans deux zones "bien délimitées", dans la zone ouest et dans la zone est. Rien au nord et au sud, donc...
Ca tombe bien, il y avait déjà un musée d'art brut à l'ouest, celui de Lausanne pour ceux qui l'auraient oublié, il en fallait donc un à l'est et c'est à Saint-Gall qu'il est né voici déjà 19 ans... Non loin du massif de l'Alpstein que domine la montagne effectivement magique du Säntis (notre photo ci-dessus). Cependant, petite, ou grosse, différence avec Lausanne, on n'y montre pas seulement de l'"art brut". Les animateurs d'Im Lagerhaus (au fait, ça veut dire quelque chose comme "l'Entrepôt") se passionnent tout autant pour l'art brut (ils ont défendu Hans Krüzi ou Aloïs Wey par exemple) que pour les peintres paysans naïfs, voire naïfs-bruts, de l'Appenzell-Toggenburg (car c'est incroyable le nombre de générations de créateurs qui se sont succédées autour de cette fameuse montagne; on ne peut guère comparer ce genre de phénomène qu'à des pays comme Haïti où des dizaines de créateurs autodidactes se sont manifestés au fil du siècle; pourtant Haïti et la Suisse, le vaudou ou la vache, la pauvreté et la richesse, qu'est-ce qui les unit? Un seul trait commun peut-être, une certaine idée de la sauvagerie, les cérémonies vaudou et le rite des Sylvester Klaüse, les Hommes sauvages d'Urnasch, au pied du Säntis encore et toujours...). Ils aiment aussi ce qu'ils appellent, à la manière anglo-saxonne, les "Outsiders" (Ignacio Carles-Tolra par exemple). Ils laissent leur compas d'appréciation (un autre outil aussi utile qu'un poignard subtil) grand ouvert.
Lors de ma visite ultra courte (deux heures de temps), avec la chance de tomber sur les deux animateurs du musée qui préparaient leur nouvelle exposition (sur des créateurs d'instruments de musique faits à partir de matériaux de récupération, Max Goldinger, Gottfried Röthlisberger et autres), je suis allé de découverte en découverte. Avez-vous entendu parler de Pya Hug?
Connaissez-vous Ulrich Bleiker? Aloïs K.Hüllrigl? Et John Elsas (formidable, John Elsas)? Et Maria Török? Tous ces créateurs, je ne sais où je dois les ranger, je n'ai vu d'eux que leurs oeuvres accrochées dans la collection permanente, ou bien seulement en illustrations dans des livres (il y a une petite librairie extrêmement bien fournie) sans rien comprendre du contexte sociologique de leur création. Mais ce que j'ai vu m'a exceptionnellement intrigué, me donnant l'envie d'en apprendre plus. La langue allemande est l'obstacle à l'amplification de la découverte, mais grâce aux deux animateurs de l'endroit, Pierre et Simone Schaufelberger, qui ont eu le courage et la générosité d'apprendre à parler un excellent français, on doit espérer que les ponts resteront jetés entre l'est et l'ouest. Je n'ai pas encore dit à quel point ces deux personnes m'ont laissé une grande impression de culture, de savoir-faire, de passion désintéressée pour ceux qu'ils rassemblent et tentent magnifiquement de faire connaître... Eh bien, c'est chose faite.
A l'avenir, j'espère pouvoir revenir plus au large sur les créateurs ci-dessus mentionnés.
Les photos de cette note sont dues à B.Montpied sauf celle de Pya Hug qui a été extraite par nos soins de la monographie Das wunderbare Universum von Pya Hug écrite par Simone Schaufelberger (sans date), disponible au musée "Im Lagerhaus" (pour les contacts, cliquer sur le lien surligné en bleu au début de la note).
14:10 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : art brut, im lagerhaus, schaufelberger | Imprimer